Suite du run de Tom King dans ce septième tome un peu particulier qui contient majoritairement des chapitres centrés sur la Bat-Family (plutôt en retrait depuis le début de la série) créés spécialement pour le fameux mariage à venir de Batman et Catwoman. Que valent ces « Preludes to the Wedding » (leur titre originel), intrinsèquement et regroupés dans leur ensemble ?
[Histoire]
Le Joker est vexé : il a appris le mariage de Batman et Catwoman mais n’est pas convié. Il attend chez un illustre inconnu que l’invitation arrive par courrier.
L’occasion de suivre différents alliés et ennemis du Chevalier Noir dans cette période pré-mariage. L’ombre du Clown du Crime n’est jamais loin…
[Critique]
Les chapitres apparaissent dans l’ordre suivant après leur introduction commune (celle-ci intitulée Prélude en VF et provenant de DC Nation #0) : Robin vs. Ra’s al Ghul, Nightwing vs. Hush, Batgirl vs. l’Homme-Mystère, Red Hood vs. Anarky, Harley Quinn vs. Joker puis les Batman #48 et #49.
Le chapitre d’introduction permet de renouer ENFIN avec le Joker. En effet, sur les six tomes précédents, le Clown du Crime n’était apparu que durant le quatrième (le plus mauvais) et il était… antipathique au possible, bien loin de sa folie habituelle (il ne riait pas et était de mauvaise humeur tout le temps). On retrouve donc un Joker plus proche de l’imagerie collective et cela est clairement agréable — les deux chapitres finaux sont d’ailleurs le point d’orgue de l’hystérie meurtrière du Joker ; on y revient plus tard.
Le récit sur Damian est sympathique au début (sa relation avec Selina) avant de tomber dans quelques absurdités : un ennemi ridicule d’une part, l’envie de jouer à un jeu vidéo d’arcade en pleine nuit d’autre part. La réelle identité de son adversaire est prévisible au possible et à part un bref retour du Damian du futur sous forme d’hallucination (celui apparu dans Batman #666, dans Grant Morrison présente Batman), il n’y a pas grand chose d’autre à sauver. On retient surtout la complicité entre Selina et Damian et le fil rouge à propos du Joker évoqué en épilogue.
Nightwing qui prépare avec Superman l’enterrement de vie de garçon de Batman ? Sur le papier, c’est un grand oui. Mais c’est malheureusement trop court : le premier Robin se trouve piégé dans une autre dimension face à Silence (Hush). Forcément, l’évocation du meilleur ami est au premier plan et là aussi on se retrouve avec un chapitre « sympathique sans plus », à l’exception — à nouveau — de la fin qui connecte chaque récit avec la folie meurtrière du Joker.
Quand Batgirl suit les énigmes du Riddler pour sauver des innocents, on a du mal à suivre… Les énigmes sont confuses, elles n’ont aucun rapport avec ce qu’on connaît (et/ou la traduction était sans doute difficile) et l’ensemble sonne « faux ». S’il y avait une certaine logique dans les chapitres précédents entre le rapport de l’ennemi ou de l’allié à Batman ou son mariage, ici ça ne prend pas du tout. Une parenthèse hyper anecdotique…
Le chapitre sur Red Hood se déroule juste avant puis en même temps que ceux de Robin et de Nightwing — principalement durant l’enterrement de vie de jeune fille de Selina cette fois. Batman charge Todd de surveiller discrètement et protéger si besoin Selina. C’est le même soir (et au même endroit tant qu’à faire) qu’Anarky a décidé d’organiser une rencontre « chaotique ». Une fois de plus, l’ensemble reste quelconque et sans réel intérêt.
Une interrogation du lecteur est mise en avant (elle l’était déjà dans le récit sur Nightwing) : le mariage de Batman et Catwoman est « public » mais quid de Bruce Wayne et Selina Kyle ? Impossible pour eux de se marier dans le civil. C’est un point important qui mériterait une réflexion nettement plus poussée au lieu d’être survolée…
Un dernier segment, consacré à Harley Quinn qui kidnappe le Joker, ferme cette longue parenthèse consacrée aux alliés (et anti-héros). Sans aucune doute l’histoire la plus intéressante car elle évoque la frustration du Joker mais aussi son couple avec Quinn. Les connexions annoncées en amont (le « parcours » du Clown du Crime à la recherche d’une invitation pour le mariage) permettent d’apprécier davantage ce chapitre, où l’émancipation d’Harley est plutôt bien mise en avant. À ce stade, on favorise grandement le premier court chapitre introductif et celui-ci, à eux deux ils suffisent amplement. Par ordre de préférence, on ajouterait ceux de Nightwing, Red Hood, Damian puis Batgirl mais clairement ils sont tous passables.
Enfin, les deux ultimes chapitres de la bande dessinée reprennent la suite de la série Batman Rebirth : le premier est glaçant et le second conclut magistralement l’ensemble. Le Joker y apparaît meurtrier (et cette fois on voit tout, pas comme dans le tome 4), complètement fou et imprévisible. Son monologue face à un Batman mutique est l’aboutissement dramatique et épique de tout le livre, qui tranche d’ailleurs avec la légèreté de certaines aventures lues peu avant… Même chose pour le dialogue entre le Clown et Selina, fort en métaphores avec le couple que forment Batman et le Joker.
Clairement, ces deux derniers chapitres sont excellents, largement au-dessus du lot de tout le comic-book et peut-être même l’apothéose de la série. Sans aucun doute ce qu’on a lu de mieux dans Batman Rebirth ! Malheureusement, cela est plombé par tout ce qu’on lit avant. Comme déjà évoqué dans les critiques précédentes, il y aurait clairement quelque-chose à jouer pour une réédition, en ne conservant que les meilleurs chapitres de l’histoire. Même si cela revêt d’une subjectivité certaine, on peut avoir confiance en Urban Comics pour proposer les indispensables histoires de tout son arc narratif. Car à ce stade, en bientôt 50 chapitres, on a perdu Gotham Girl (introduite dans le premier volume) et on s’est éternisé dans des sentiers narratifs peu palpitants (les tomes 4, 5 et 6 à quelques exceptions près et presque l’intégrale de ce 7ème sauf son introduction et sa fin).
In fine, comme beaucoup de « longs run » (Morrison, Snyder, Dixon…), la qualité est hétérogène oscillant du médiocre au parfait, en passant par le passable ou le fameux « sympathique sans plus ». Sur la route de l’autel n’est pas forcément le bon exemple car co-écrit avec Tim Seeley mais on constate trop de difficulté la l’évolution du travail de Tom King — qui laisse une certaine place au dialogue et à la « seconde lecture » qui rehausse l’intérêt selon certains. Malgré tout, on conseille tout de même cette septième salve pour sa conclusion. Du reste, à part l’introduction et le chapitre sur Harley Quinn (et encore), rien ne restera marqué dans la mythologie profonde du Caped Crusader. Les affrontements entre les alliés de Batman et ses célèbres ennemis sont assez expéditifs, comme très souvent dans ce genre de compilation. Niveau dessin, c’est un festival où personne ne sort réellement du lot (cf. session à propos) à part Mikel Janin, habitué de la série. En synthèse, c’est mieux que les trois tomes précédents mais uniquement pour un tiers du comic-book (qui fourmille de nombreux bonus : couvertures alternatives, croquis préparatoires, planches encrées, crayonnés…).
[À propos]
Publié en France chez Urban Comics le 1 mars 2019.
Contient : Batman Rebirth #48-49, Prelude to the Wedding: Robin Vs. Ra’s al Ghul #1, Prelude to the Wedding: Nightwing Vs. Hush #1, Prelude to the Wedding: Batgirl Vs. The Riddler #1, Prelude to the Wedding: Red Hood Vs. Anarky #1, Prelude to the Wedding: Harley Quinn Vs. The Joker #1 + pages from DC Nation #0
Précédemment publié partiellement dans le magazine Batman Rebirth #24 (mai 2019).
Scénario : Tom King, Tim Seeley
Dessins : Mikel Janin, Clay Mann, Brad Walker, Travis Moore, Minkyu Jung, Javier Fernandez, Hugo Petrus, Sami Basri, Otto Schmidt
Encrage additionnel : Andrew Henessy, Mick Gray, José Marzan Jr.
Couleur : Jordie Bellaire, Tamra Bonvillain, John Kalisz, Jessica Kholine, June Chung, Otto Schmidt
Traduction : Jérôme Wicky
Lettrage : Stephan Boschat (Studio MAKMA)
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