Archives de catégorie : Review

DCEASED 3

La saga DCEASED se conclut (enfin) dans un troisième opus (cinquième en comptant les œuvres dérivées (Unkillables et Hope at World’s End) – cf. index) après un premier coup d’éclat culte et une seconde salve en deçà. Que vaut donc cette Guerre des Dieux Morts (le titre originel, War of the Undead Gods) ?

[Résumé de l’éditeur]
L’Équation d’Anti-Vie s’est répandue sur Terre, condamnant les héros survivants à fuir la planète. Aujourd’hui, ils s’accrochent à la possibilité d’un antidote efficace permettant de guérir les infectés et à l’espoir de retrouver certains de leurs proches. Hélas, la bataille pour la Terre est désormais un conflit embrasant le cosmos entier, entraînant dans sa folie meurtrière même les Néo-Dieux ! La guerre se propage de planète en planète, réduisant lentement mais sûrement les espérances des justiciers.

[Début de l’histoire]
La nouvelle et jeune Trinité (Batman/Damian, Superman/Jon, Wonder Woman/Cassie) vont tenter de ramener Superman/Clark, toujours zombifié et littéralement au cœur du soleil.

Une fois le sauvetage accompli et les retrouvailles effectuées, les Hommes d’Acier confrontent Brainiac qui leur annonce un grand danger : les Dieux, dont Darkseid, sont morts mais… ils arrivent et vont détruire l’univers.

[Critique]
Le remède au virus n’a pas suffit à anéantir les menaces existantes dans DCEASED 3 car Darkseid lui-même est infecté et va détruire tous les univers et planètes encore à peu près en vie. Pour palier cela, les super-héros restants n’ont plus le choix : ils doivent s’allier à certains de leur ennemis mythiques (Sinestro, Arès…). C’est sur ce postulat assez simpliste que le prolifique Tom Taylor (la saga Injustice – impossible d’ailleurs de ne pas y songer ici, notamment à Injustice 2 avec Supergirl et divers éléments cosmiques qui rappellent sa seconde série – et d’autres titres, comme Batman – La dernière sentinelle, Nightwing Infinite, Suicide Squad Renégats…) achève plutôt bien sa saga.

En huit épisodes, Taylor propose un affrontement cosmique épique convoquant quelques têtes emblématiques de DC (Lobo, Darkseid, les Corps des Lantern, Arès et d’autres qu’on ne révèlera pas). Mais derrière cette première couche d’action se cachent deux très beaux moments et notamment l’évolution d’Alfred et Damian Wayne, les deux seuls survivants de la Bat Famille. Le premier est rongé par la culpabilité car il avait achevé Bruce, Dick et Tim par arme à feux alors que s’ils les avaient laissé au statut « zombifiés », ils auraient pu être sauvés des années plus tard. Le second avait déjà endossé la cape de Batman et assure une relève pleine d’héroïsme et d’altruisme tout en conservant l’ADN du justicier : un peu de paranoïa et donc d’anticipation contre ses propres camarades.

En cela, DCEASED 3 est un régal pour les aficionados de Damian Wayne, qui a grandi au fil des épisodes et n’est plus cet insupportable gamin tête à claques. Tom Taylor récupère un peu facilement Clark Kent et donc Superman au détriment de l’émotion des retrouvailles, expéditives. C’est (une fois de plus) la force et la faiblesse du titre : emmené à un rythme haletant, la fiction ne prend guère le temps de se poser et d’émouvoir (sauf dans sa dernière ligne droite).

Au moins on ne s’ennuie pas, tant le récit est palpitant, peut-être un peu convenu dans son exécution intrinsèquement liée à cet univers singulier, solidement dialogué avec une pointe d’humour de temps à autre (via Guy Gardner et Lobo notamment) et quelques retournements de situations sympathiques. Son double voire triple climax est lui aussi tout aussi efficace qu’un bon film d’action !

L’auteur réussit à équilibrer ses protagonistes (gentils ou vilains) et à part Superman et son fils ainsi que Damian et Alfred, tous les autres ont droit à une brève mise en avant suffisante pour faire avancer l’intrigue mais parfois rapide. Si l’on devait conseiller des tomes de DCEASED il y aurait évidemment le premier et probablement uniquement ce dernier, les autres n’étant pas forcément mauvais mais un brin plus dispensables (surtout les deux titres dérivés, cf. lien en haut de cette critique). La trilogie de base se suffit amplement. Il y aura de toute façon toujours cette frustration de ne pas suivre ou exploiter davantage d’éléments de cette saga.

En résulte donc une conclusion explosive, à nouveau dessiné par Trevor Harisine (avec parfois la complicité de Neil Edwards et Lucas Meyer – tous deux encreurs sur le titre de toute façon avec Andy Lanning) et colorisé par Rain Beredo. Visuellement c’est riche en couleurs, les artistes jouent aussi beaucoup sur la démesure graphique que propose l’espace cosmique et certaines « créatures ». Les visages manquent parfois de détails et la colorisation d’un peu de relief mais c’est dans la ligne droite des précédents opus… C’est donc un « divertissement » aussi bien graphique que scénaristique qui serait dommage de louper si l’univers DCEASED (vous) a séduit par le passé.

Un point également (rarement évoqué sur ce site d’ailleurs) sur la qualité du papier et même de la couverture. Ici, pas de papier tendance « glacé », doux et lisse mais qui laissent aisément des traces de gras sur les pages (surtout le noir) si on manipule le livre sans avoir des mains parfaitement propre en amont. Le papier est plus « rugueux » et un peu plus épais, ni transparent ni de moindre qualité mais « différent », nettement plus appréciable (en tout cas pour l’auteur de ces lignes) que l’habituel. Il sent d’ailleurs davantage le papier que les autres productions d’Urban.

La dernière page de l’ouvrage (qui ne contient étrangement aucun bonus) annonce une impression en Pologne (chez Interak). Là où Dark Knights of Steel (pour prendre un autre comic book récent du même éditeur au même nombre de pages) provient de Roumanie, chez Rotolito Romania. Le papier y est plus fin (et donc l’épaisseur du livre aussi), plus habituel à ce que propose Urban Comics. Chaque lecteur a bien sûr ses préférences mais il est appréciable de constater que l’éditeur se diversifie sur ce point ; reste à savoir pourquoi des titres sont imprimés d’une façon et d’autres d’une autre…

[À propos]
Publié chez Urban Comics le 22 septembre 2023.
Contient : DCeased – War of the Undead Gods #1 à 8
Nombre de pages : 208

Scénario : Tom Taylor
Dessin : Trevor Hairsine, Neil Edwards, Lucas Meyer
Encrage : Andy Lanning, Neil Edwards, Lucas Meyer
Couleur : Rain Beredo

Traduction : Jérôme Wicky
Lettrage : Cromatik Ltd

Acheter sur amazon.fr : DCEASED 3 (21 €)



Batman – One Bad Day : Gueule d’argile

Basil Karlo, alias Gueule d’argile est au cœur du dernier tome de la collection One Bad Day et c’est (enfin) une réussite qu’on recommande ! Explications et critique.

[Résumé de l’éditeur]
Basil Karlo a toujours rêvé d’être acteur… ou plutôt d’être le plus grand acteur de tous les temps. Mais lorsqu’il est devenu Gueule d’Argile, sa vie a pris un tournant inattendu. Aujourd’hui, après bien des années de lutte face à Batman, il a décidé de changer d’air. Arrivé dans la capitale mondiale du cinéma, loin de l’atmosphère viciée de Gotham, il s’y forge une nouvelle identité et reprend son rêve où il l’avait laissé. Mais pour arriver à être la star qu’il souhaite devenir, il va devoir façonner Los Angeles à son image…

Inutile de détailler le début de l’histoire, le résumé officiel de l’éditeur suffit.

[Critique]
On le martèle depuis le début de la collection, le concept d’une mauvaise journée qui ferait basculer une personne « lambda » dans la criminalité n’a jamais vraiment été respecté dans les opus consacrés aux antagonistes de Batman. Ce n’est pas ici pour Gueule d’argile que ça change mais, néanmoins, il s’agit tout de même d’une « mauvaise journée » que passe Basil Karlo. Le célèbre comédien impulsif (déjà connu en tant que Gueule d’argile) enchaîne les auditions sous le nom de Clay (en VO, son surnom est Clayface) loin de Gotham. Quand un de ses amis est pris suite à un casting que Clay/Basil désirait ardemment, Gueule d’argile le tue et revêt ses traits. Ensuite, il n’hésite pas à dire ce qu’il pense au metteur en scène, donner ses leçons de cinéma et imposer sa vision…

De quoi basculer dans une journée où Basil d’argile (non il n’est jamais appelé comme ça, c’est uniquement dans l’objet de cette critique) enchaîne les méfaits et le contrôle de ses manipulations et créations lui échappe petit à petit, au détour d’une amitié brisée, comme sa carrière. L’œuvre est finement écrite à quatre main par Collin Kelly et Jackson Lanzing (on leur doit plusieurs segments, déjà co-scénarisés ensemble des deux volumes de Batman & Robin Eternal et du dernier opus de Grayson). Un peu déroutant au début (beaucoup de figurants parlent à tout va de plusieurs sujets sans corrélation), le titre happe assez rapidement pour ne plus quitter son lecteur.

Il faut dire qu’il y a peu de comics pleinement consacrés à Gueule d’argile (on se rappelle de son rôle secondaire plutôt chouette dans la série Batman Detective Comics). Sans tomber dans trop de sympathie pour le criminel, les auteurs parviennent à susciter une empathie et une forme de « justesse » (surtout quand il est en monstre de boue) assez touchante. Le One Bad Day s’inscrit d’ailleurs comme un récit complet amusement méta, rendant hommage au Fantôme Gris (de la célèbre série d’animation Batman, déjà évoqué dans l’univers White Knight de Sean Murphy, plus particulièrement dans le tome consacré à Harley Quinn) et… à Killing Joke.

En effet, si initialement la gamme One Bad Day devait singer le récit culte d’Alan Moore et Brian Bolland, on a vu plusieurs fois qu’il n’en fut rien (exception pour Le Sphinx – contenant lui aussi une conclusion ouverte quant au sort des protagonistes). Dans ce livre sur Gueule d’argile, l’acteur joue le rôle du… comédien raté qu’était le Joker, allant jusqu’à reprendre son heaume rouge et son look ! Une approche assez osée et qui fonctionne étonnamment bien, probablement car elle occupe peu de places (cf. images ci-dessous qui ne se suivent pas normalement et sont séparées de quelques planches et rassemblées l’une en dessous de l’autre uniquement dans le cadre de cette critique). Le duo d’auteur se permet aussi une petite pique (facile) envers l’industrie cinématographique.

Côté dessins, Xermanico (Flashpoint Beyond notamment) est en pleine forme. Il croque avec élégance dans un style aéré et fluide, presque européen (l’artiste est espagnol et parle un peu français d’ailleurs), la mésaventure quotidienne de Basil, bien aidé par une exposition lumineuse assez prononcée, changeant un peu de la noirceur habituelle de Gotham (à laquelle on n’échappe pas en fin du livre). L’encrage (de Xermanico également) et la colorisation (signée Romulo Fajardo Jr.) ajoutent ce qu’il faut pour conférer au titre une ambiance et une unité graphique singulière. Son découpage équilibré, ses morceaux de scénario incrustés dans les planches et son approche parfois franco-européenne ajoutent une dimension sincèrement atypique et plaisante.

Ce dernier volume « boucle la boucle » efficacement (même s’il n’était pas sorti dans cet ordre aux États-Unis) et se hisse dans les meilleurs One Bad Day de la série ! Si Le Sphinx reste indétrônable, se suivent de près Mr. Freeze, Bane et ce Gueule d’Argile, tous trois de même qualité et appréciable à différents niveaux (cf. le classement de la page récapitulative). Les quatre autres comics restent déconseillés (Le Pingouin et Double-Face en tête, Catwoman et Ra’s al Ghul possèdent des qualités davantage visuelles que scénaristiques mais ne justifient pas de débourser une quinzaine d’euros pour ça) mais ils ressortiront peut-être pour un prix plus abordable en intégralité dans les prochaines années… (Rappel « d’actualité » : mon tour d’horizon de l’entièreté des One Bad Day est en ligne sur le site de Bruce Lit.)

[À propos]
Publié chez Urban Comics le 6 octobre 2023.
Contient : Batman – One Bad Day : Clayface #1
Nombre de pages : 72

Scénario : Collin Kelly, Jackson Lanzing
Dessin & encrage : Xermanico
Couleur : Romulo Fajardo Jr.

Traduction : Thomas Davier
Lettrage : Studio Myrtille (Christophe Semal)

Acheter sur amazon.frBatman – One Bad Day : Gueule d’argile (15 €)


Batman – One Bad Day : Ra’s al Ghul

Avant-dernier volume de la collection One Bad Day, ce septième opus est consacré au célèbre immortel.

[Résumé de l’éditeur]
Depuis des siècles, Ra’s al Ghul a tenté de sauver la Terre de son pire ennemi : la corruption humaine. Sans jamais y parvenir. De nombreux obstacles se sont dressés sur sa route, parmi lesquels le Chevalier Noir. Ra’s a pourtant offert à Batman de se rallier à sa cause, mais en vain. Aussi n’a-t-il d’autre choix que d’éliminer le détective de Gotham de l’équation. S’il faut en passer par là pour remodeler le monde à son image et apporter paix et prospérité à cette Terre en perdition, alors il n’hésitera pas…

Inutile de détailler le début de l’histoire, le résumé officiel de l’éditeur suffit.

[Critique]
C’est probablement l’un des plus beaux One Bad Day ! Graphiquement, cet opus sur Ra’s al Ghul a beau avoir un côté mainstream (s’éloignant des styles plus singuliers et élégants des titres sur Le Sphinx et Mr. Freeze), il demeure une pépite visuelle. Pas étonnant, le dessinateur Ivan Reis est particulièrement inspiré (on lui doit la série Aquaman période Renaissance, plusieurs tomes de Justice League de la même ère et diverses apparitions un peu partout (Geoff Johns présente Green Lantern, Infinite Crisis…) ou chez Batman (Batman Detective Infinite par exemple, Batman/Superman…) – cf. son nom dans la recherche de ce site).

Ivan Reis est bien aidé par deux artistes prolifiques chez DC Comics : l’encreur Danny Miki et le coloriste Brad Anderson. Si vous êtes un connaisseur, il n’y a plus vraiment à les présenter et vous savez probablement ce qu’ils ont signé accompagnés parfois d’autres personnes. L’alliance des trois est donc une valeur sûre ! Il suffit de regarder les différentes illustrations de cette critique pour s’en satisfaire – de sublimes compositions, parfois éclatées sur deux pages restent à découvrir dans la bande dessinée bien sûr.

Alors oui, c’est plutôt agréable à voir, mais est-ce que ça l’est à lire ? C’est une lecture intéressante pour les passionnés de Ra’s al Ghul mais malheureusement, et encore une fois, il s’agit davantage d’un chapitre annual luxueux ou un récit complet « classique » plutôt qu’un titre se référant à ce qu’est censé être cette collection et annoncé comme tel par l’éditeur : la bascule vers le Mal à l ‘état pur lors d’une mauvaise journée. On a donc une narration somme toute stimulante mais en aucun cas réellement originale.

Suivre un énième plan du célèbre immortel assez classique (tuer une trentaine de personnes riches et/ou influentes qui causent le plus de dégâts à la Terre pour les remplacer par de meilleures personnes) avec Batman et Robin (Damian – forcément) en travers son chemin, reste sympathique, notamment pour le travail d’écriture sur le personnage de Ra’s, mais insuffisant pour justifier l’achat éventuel.

Tom Taylor (auteur habitué de l’éditeur, on lui doit les sagas Injustice, DCEASED et quelques opus sur Batman (La dernière sentinelle…), Suicide Squad (Renégats – pas encore chroniqués), etc.) insuffle suffisamment d’empathie envers la Tête de Démon grâce à ses nombreuses pensées subjectives tout en proposant une légère « suite » au tandem Bruce/Damian, qui devrait donc ravir aussi les fans de ce Robin. On pourrait même voir cet opus comme une sorte de léger prolongement du célèbre run de Morrison.

Comme évoqué en début de critique, ce sont davantage les aspects graphiques qui sont la force de l’œuvre, le reste est une aventure disons « habituelle » pour un affrontement entre Batman et Ra’s (Talia est un peu trop en retrait d’ailleurs). C’est d’autant plus dommage pour un One Bad Day de ne pas s’être concentré sur la promesse éditoriale initiale car il y avait beaucoup de choses à explorer pour montrer le basculement dans la folie ou le radicalisme de Ghul ! Décevant aussi de la part de Taylor, souvent plus inspiré et atypique dans ses traitements. La réflexion sur l’évolution « écologique et humaine » est assez simpliste également.

En synthèse, ce One Bad Day est un peu comme celui de Catwoman : visuellement très réussi mais scénaristiquement assez moyen. Il n’est pas forcément conseillé vu le prix (15 € tout de même, pour une soixantaine de pages – éternel débat du rapport entre le prix et les pages) mais s’en tire avec les honneurs par rapport à d’autres (Le Pingouin et Double Face notamment, cf. le classement de la page récapitulative). C’est toujours aussi banal de dire cela mais si vous êtes évidemment fan de Ra’s al Ghul, il ne faut pas faire l’impasse dessus…

Quelques autres livres pour explorer la célèbre Tête de Démon si jamais (pas encore critiqués sur ce site à part les deux derniers) : La saga de Ra’s al Ghul – avec un segment complémentaire dans DC Anthologie –, Tales of the Demon, La résurrection de Ra’s al Ghul, Justice League – La Tour de Babel et Injustice 2 où il occupe un rôle important et déjà signé Tom Taylor, visiblement appréciant ce célèbre antagoniste. (Rappel « d’actualité » : mon tour d’horizon de l’entièreté des One Bad Day est en ligne sur le site de Bruce Lit.)

[À propos]
Publié chez Urban Comics le 22 septembre 2023.
Contient : Batman – One Bad Day : Ra’s al Ghul
Nombre de pages : 72 pages

Scénario : Tom Taylor
Dessin : Ivan Reis
Encrage : Danny Miki
Couleur : Brad Anderson

Traduction : Thomas Davier
Lettrage : Studio Myrtille (Christophe Semal)

Acheter sur amazon.frBatman – One Bad Day : Ra’s al Ghul (15 €)