Archives de catégorie : Review

Paul Dini présente Batman – Tome 3 : Les rues de Gotham

Après un premier tome sympathique et, surtout, un second nettement meilleur, Paul Dini conclut son run sur Batman et Silence dans un épais ouvrage où l’intégralité des dessins est à nouveau assuré par Dustin Nguyen. Critique.

[Résumé de l’éditeur]
Avec la disparition de Batman, suite à sa confrontation fatale avec Darkseid, un nouveau Batman fait son apparition à Gotham City. Comment la police de Gotham va-t-elle appréhender ce « nouveau » Chevalier Noir ? Sera-t-il seulement à la hauteur de son modèle ? C’est ce que le commissaire Gordon s’apprête à découvrir alors que Firefly déclenche une série d’incendies dévastateurs dans toute la ville. Au même moment, le milliardaire Bruce Wayne et ses projets de rénovations font les gros titres des journaux, s’attirant inexplicablement l’hostilité de Batman, Robin et des membres de la Justice League.

Inutile de détailler le début de l’histoire, le résumé officiel de l’éditeur suffit.

[Critique]
À l’instar des deux volets précédents, il convient de revenir sur les quatre histoires (qui se suivent) qui composent ce tome. Les quatre premiers épisodes, nommés Incendies pour les trois premiers puis Les affaires sont les affaires (regroupés sous le titre Hush Money en VO – cf. bas de cette critique), suivent le remplacement de Bruce Wayne par Tommy Eliott (Silence) qui arbore désormais le visage du célèbre milliardaire ! On y croise brièvement Firefly et Black Mask mais surtout Victor Zsasz et Le Courtier, nouveau personnage qui propose des lieux abandonnés à différents vilains contre de l’argent.

En parallèle, Eliott distribue l’argent de la fortune Wayne pour bien se faire voir par les médias et la population, le rendant ainsi « intouchable ». Mais Batman et Robin (Dick et Damian) trouvent une combine grâce à leurs alliés justiciers pour le tenir à l’œil et minimiser les dégâts. Ce segment est plutôt singulier, montrant d’un côté le souhait exaucé d’Eliott mais différent de ce qu’il espérait car cadenassé par de nombreux héros qui le surveillent. Une situation donc « en suspens » qui apporte un peu d’humour et d’originalité.

Dans En cage (trois chapitres), Damian s’allie avec le jeune Colin (croisé dans le volume précédent) pour mettre à mal des combats à mort d’enfants clandestins organisés par Zsasz, dans un récit qui met cruellement en avant le célèbre meurtrier aux cicatrices et montre la dangerosité de cet antagoniste assez peu utilisé habituellement. C’est violent, sanglant et sans concession. Zsasz vole même la vedette de « méchant » à ce stade de l’histoire.

Making of est la partie la moins intéressante de l’ouvrage, sur Jenna Duffy, aka Le Charpentier (Carpenter en VO). En deux épisodes on se concentre sur cette semi-antagoniste (rapidement vu dans le tome d’avant – sous le nom plus évident de La Charpentière) qui doit collaborer avec « Le Réalisateur » pour concevoir des pièges mortels à destination des super-héros, lesquels seraient filmés en train d’y succomber et ces vidéos revendues ensuite. Jenna arrive à s’en sortir avec l’aide Batman mais c’est complètement oubliable.

Enfin, La maison de Silence vient conclure ce dernier volet et s’étale sur sept épisodes ! Les flash-backs occupent une place non négligeable et lèvent le voile sur les relations entre Thomas Wayne, Martha Kane, Leslie Thompkins et d’autres (connectés à Eliott à terme) à une époque différente (on rappelle que quelques titres sur le « passé » de Gotham sortent du lot : Curse of the White Knight, Les portes de Gotham, Gotham City : Année Un…). Eliott et d’autres criminels – dont Jane Doe, rarement utilisée, cf. Les Patients d’Arkham, qui avait droit en VO à un arc en back-up, la rendant plus intéressante – sont nettement plus présents que Batman, redevenu le « vrai » Bruce Wayne (le titre se déroule en marge de la fin du run de Morrison, quand Wayne est revenu dans le présent et révèle financer le Chevalier Noir et d’autres Batmen tout en montant Batman Inc.).

Il est un peu dommage d’avoir mis de côté brutalement le duo Dick/Damian qui fonctionnait très bien : Dick se démarquant de son aîné par une sorte de « gentillesse » plus prononcée tout en redevenant brutal et radical trop rapidement (ce qui le déstabilise en premier), Damian n’ayant jamais été aussi intéressant qu’avec son frère de cœur complice qu’est Nightwing plutôt que son paternel. Néanmoins, aucune difficulté à raccrocher les wagons.

La maison de Silence montre (une fois de plus), l’intelligence prononcée d’Eliott, ses plans méthodiques et ses manipulations pour son objectif inchangé : remplacer Wayne et le tuer définitivement. Si ce dernier segment est parfois bavard et confus (avec un autre ennemi étrange qui combat avec des insectes punaises !), il n’en demeure pas pour autant moins palpitant, au contraire. Il « boucle la boucle » de façon pertinente aussi bien le run de Dini sur le personnage que le faible nombre de récits qui lui sont consacrés (cf. index Silence/Hush).

Aux dessins, Dustin Nguyen s’en sort un peu mieux que dans le tome précédent malgré la colorisation toujours assurée par une autre personne que lui : John Kalisz (et Derek Fridolfs à l’encrage) – soit le même trio que sur l’opus précédent. Un résultat graphique globalement convaincant, sans forcément d’éclat mais sans fioriture non plus (deux ou trois pleines planches sympathiques). Les visages manquent de relief et les palettes chromatiques bien que variées sont trop lisses pour rehausser une identité visuelle forte (à l’exception des teintes sépia pour les nombreuses scènes dans le passé). Étonnamment, Nguyen et Fridolfs écrivent le scénario de Making of (sur une histoire de Dini), expliquant peut-être la baisse de régime à ce moment-là.

Les rues de Gotham est évidemment inégal mais reste dans le haut du panier des productions sur le Chevalier Noir, se démarquant aisément par des fictions prenantes et plutôt inédites dans le genre. Bien sûr, on ne peut que conseiller les tomes deux et trois de Paul Dini présente Batman pour avoir l’essentiel de son run le plus important (sur l’antagoniste Silence donc) là où le premier tome est davantage dispensable bien que non déplaisant.

En synthèse, pour une série « à peu près » complète en trois volumes, aucune raison de faire l’impasse sur Paul Dini présente Batman même si les premiers pas semblent un peu trop détachés d’un fil rouge global et que le dernier opus est corrélé à divers évènements (Final Crisis, Grant Morrison présente Batman…) sans que cela gêne à la compréhension. Il manque aussi une certaine conclusion pour des personnages secondaires (Colin/Abuse entre autres – apparemment il revient dans Little Gotham, signé Nguyen et Fridolfs uniquement).

À noter qu’aux États-Unis, la série Batman : Streets of Gotham a été publié en trois volumes. Le premier sous le titre Hush Money regroupe les épisodes #1-4 précédés de Detective Comics #852 et Batman #685 – ces deux chapitres expliquent le (nouveau) retour de Silence mais sont proposés, en France, en conclusion de l’opus Le cœur de Silence. Aparté : soit exactement ce qu’avait proposé Panini Comics en mai 2011 dans son hors-série éponyme (cf. première couverture ci-dessous). Le deuxième opus de Batman : Streets of Gotham, toujours en VO, reprend les épisodes #5-11 et se nomme Leviathan.

Les chapitres #5-6 et #8-9 sont inédits en France car non scénarisés par Dini. Les deux premiers sont signés Chris Yost (Leviathan) et mettent en scène Batman, Huntress et Man-Bat. Les deux suivants sont écrits par Mike Benson (Hardcore Nights) et propulsent Batman et Gordon dans une enquête sordide avec des passages en club SM (!). Les #7 et #10-11 sont inclus dans le troisième et dernier tome de Paul Dini présente Batman (le segment En cage). Enfin, toujours aux États-Unis, le dernier volume se nomme The House of Hush et propose les #12-14 et #16-21, tous également inclus en France (le #15 était écrit par Ivan Brando, centré sur Double-Face et faisant suite aux back-ups d’épisodes précédents). La segmentation sur Hush/Silence est donc plus prononcée côté VO, enchaînant un run de Dini (et Ngugyen) avec Heart of Hush (Le cœur de Silence) puis Hush Money et The House of Hush.

[À propos]
Publié chez Urban Comics le 2 février 2016.
Contient : Batman : Streets of Gotham #1-4, 7, 10-14, 16-21
Nombre de pages : 344

Scénario : Paul Dini, Dustin Nguyen, Derek Fridolfs
Dessin : Dustin Nguyen
Encrage : Derek Fridolfs
Couleur : John Kalisz

Traduction : Mathieu Auverdin
Lettrage : Stephan Boschat (Makma)

Acheter sur amazon.frPaul Dini présente Batman – Tome 3 : Les rues de Gotham (30 €)




Paul Dini présente Batman – Tome 2 : Le cœur de Silence

Après un premier opus sympathique mais peu mémorable, Paul Dini poursuit sa série Detective Comics mais s’accorde, cette fois, un gros fil rouge narratif avec le retour de Tommy Eliott, alias Silence (créé et apparu dans l’excellent et incontournable titre éponyme Silence/Hush). Ce second tome de Paul Dini présente Batman regroupe donc plusieurs épisodes dont certains (ceux sur Batman et Silence justement) ont été repris dans une édition souple à petit prix en 2022. À noter également l’ancienne édition de Panini Comics qui compilait à peu près les mêmes chapitres ainsi que trois inédits (non scénarisés par Dini). Découverte et critique.

[Résumé de l’éditeur]
De nouvelles enquêtes attendent Batman, qui doit faire face à des adversaires inédits et au retour d’un de ses plus redoutables ennemis, Silence. Cette fois-ci, le criminel au visage dissimulé sous des bandages, s’attaque non seulement au Chevalier Noir mais également à la personne la plus chère à son cœur… Selina Kyle, dite Catwoman !

Inutile de détailler le début de l’histoire, le résumé officiel de l’éditeur suffit.

[Critique]
Après un premier épisode anecdotique, Le gang des merveilles (DC #841), centré sur Le Chapelier Fou évidemment, la série poursuit et conclut certains segments découverts dans le volume précédent. Tout ceci se déroule dans Soirée d’ouverture, Rideau puis Insoluble (DC #843-845) avec un court bonus sur Zatanna dans Notâb uo nobnob ? (alias Bâton ou bonbon ?, issu de DC Infinite Halloween Special #1), regroupés en VO sous le titre Batman : Private Casebook. On a ainsi droit à la conclusion de l’histoire sur la nouvelle Ventriloque, quelques connexions éparses avec des évènements vus aussi plus tôt (qu’on ne divulguera pas pour ne rien gâcher) et la suite de la relation entre Zatanna et Bruce. On croise à nouveau le Pingouin, le Sphinx et Catwoman fait également son retour.

Tout ceci est fort plaisant et cohérent et on aurait préféré que l’éditeur ne publie que les épisodes du premier tome et de celui-ci qui sont liés pour former un tout davantage feuilletonesque qu’indépendants (à première vue en tout cas). Cette « suite et fin » de ce qu’on avait découvert dans La mort en cette cité est plutôt réjouissante et permet même de rehausser la critique après coup en constatant que Paul Dini avait plutôt bien anticipé ses pièces scénaristiques en formant un puzzle complet sur le long terme. Il en sera de même avec la suite de l’ouvrage – on en (re)parle plus loin.

En effet, après cette première partie, le cœur (pardon pour le jeu de mots) du livre arrive avec Le cœur de Silence (DC #846-850) puis son épilogue en deux épisodes : Déconstruction (DC #852) et Reconstruction (Batman #685) – tout ce qui sera réédité dans l’édition souple à petit prix d’Urban Comics en été 2022 (cf. seconde couverture en haut de cette critique). Et clairement… c’est un très bon moment centré sur Batman et son ennemi Tommy Eliott ! Une suite quasi directe à Silence/Hush. Autant dire que les aficionados de l’antagoniste en auront pour leur argent : on découvre davantage l’enfance et même l’adolescence de l’ami de Bruce Wayne à travers de nombreux flash-backs centrés sur les deux garçons.

Certes, cet enrichissement « a posteriori » peut sembler facile, voire « retcon » l’œuvre mère de Jeph Loeb (et Jim Lee) mais c’est cette dernière avant tout qui utilisait ce concept de (léger) changement de continuité rétroactivement en insérant dans la chronologie un personnage censé être là depuis des lustres et jamais aperçu auparavant. Aucun problème de cohérence au demeurant et cela a tiré la fiction vers le haut, alors pourquoi s’en priver ? Dans Le cœur de Silence, Batman est une fois de plus mis à rude épreuve. Eliott collabore avec divers alliés pour aboutir à son objectif habituel : détruire Bruce Wayne et Batman, voire le remplacer physiquement (d’où ses bandages cachant sa chirurgie).

Ainsi, Paul Dini convoque L’Épouvantail, cite brièvement Bane (au passage, peut-être le seul ennemi capable de rivaliser cérébralement avec Silence) et met brièvement dans l’équation Mr. Freeze. Silence conserve le premier rôle bien sûr, bougeant habilement ses pions en manipulant des civils/citoyens, en kidnappant Selina Kyle pour toucher en plein cœur (décidément) Bruce/Batman. Le titre ira même à avoir une explication au sens littéral ! Le rythme est emmené et en cinq chapitres, ce « Silence 2 » rempli ses promesses même s’il faudra fermer les yeux sur de grosses improbabilités, même propres au registre du merveilleux et du comic mais ça passe. Mieux : tout ce qu’on a lu avant par Dini, à quelques exceptions près (les histoires qui auraient pu ne pas être dans le volume précédent ou celle introduisant celui-ci) trouvent ici un écho pertinent qui s’insère intelligemment dans le récit, orienté thriller/action et un brin science-fiction. De quoi revoir à la hausse La mort en cette cité quand on lit tout à la suite !

On l’évoquait plus haut, deux épisodes ajoutent un épilogue, toujours sur Tommy/Silence mais aussi Selina/Catwoman, éphémèrement accompagnée de Dick et Tim. Car juste après (les cinq chapitres de) Le cœur de Silence, le sort de Bruce/Batman est corrélé à deux sagas majeures, expliquées dans un interlude textuel par l’éditeur. Tout d’abord, les évènements de Batman R.I.P. mettent à mal le justicier (cf. les débuts du run de Grant Morrison) : il est trahi par sa bien-aimée de l’époque, manipulé par l’organisation le Gant Noir, drogué, hypnotisé, abandonné puis amnésique. Ensuite, son salut viendra de sa « personnalité de secours », le Batman de Zur-En-Arrh (récemment réutilisée par Chip Zdarsky dans sa série Batman Dark City).

Enfin, le Chevalier Noir participe à la « Crise Finale » (alias, Final Crisis – cf. index des crises DC) au sein de laquelle Batman est capturé et torturé par les agents de Darkseid. Après quelques péripéties, le Caped Crusader est téléporté à l’aube de l’humanité sans souvenir de son identité. C’est dans ce contexte que se déroule donc la conclusion de ce second tome (et c’est pourquoi le troisième, Les rues de Gotham, mettra en avant Dick et Damian, et non Bruce et Tim). Ces deux derniers chapitres (issus de Detective Comics et de la série Batman) ajoutent un complément non négligeable pour comprendre la force mentale et les ruses d’Eliott, sans oublier la vengeance de Catwoman. En résulte à la fois une micro-suite, une histoire auto-contenue et une fin semi-ouverte, qui n’appelle pas forcément à une suite « rapidement » mais un moment ou un autre…

Les dessins sont entièrement assurés par un seul artiste : Dustin Nguyen (Robin & Batman, Little Gotham, Les Contes de Gotham…). Une aubaine pour un livre de haute qualité (le découpage de son contenu et sa presque « non indépendance » lui empêche d’être dans les coups de cœur du site) qui conserve ainsi une homogénéité graphique tout le long. L’encrage est lui aussi réservé à une personne, Derek Fridolds et la colorisation est majoritairement de John Kalisz (Guy Major pour l’ultime épisode et Dustin Nguyen lui-même pour le supplément sur Zatanna). Nguyen croque des figures souvent aux mâchoires carrées, virevolte de son trait étonnamment anguleux et ne se trouve, in fine, peut-être pas à la hauteur à cause d’une colorisation manquant un peu de relief, principalement sur les visages (on préfère quand lui-même colorise, comme dans Robin & Batman) Rien de désagréable pour autant même si l’absence d’un style vraiment singulier aurait permis à l’œuvre de se démarquer davantage visuellement.

Le récit en cinq (voire sept) épisodes Le cœur de Silence est quasiment la suite directe de Silence. Entre les deux, il y avait des chapitres inédits sur lui publiés uniquement par Panini Comics (cf. index Silence/Hush) puis les autres de Paul Dini qui ne sont pas si indépendants qu’on pourrait le croire (certains sont mêmes cruciaux pour l’histoire après coup) et clairsemés dans les tomes un et deux de Paul Dini présente Batman. S’il faut presque obligatoirement avoir lu Silence pour apprécier Le cœur de Silence, il n’est pas obligé en revanche de lire La mort en cette cité (c’est toujours mieux mais pas très grave – ce n’est pas pour rien qu’il est sorti à part de façon quasi autonome plus tard). Un plaisir de lecture pour les fins connaisseurs mais qui devrait ravir aussi les néophytes avec une proposition graphique tout à fait correcte et une enquête qui tient en haleine avec de multiples protagonistes charismatiques. Simple, efficace.

On l’évoquait en fin de critique du premier tome, quelques chapitres de Detective Comics sont absents de cette compilation. Ici, il n’y a « que » les #840, #842 et #851 de côté. Le premier est toujours signé par Dini mais introduit La résurrection de Ra’s al Ghul (pas encore chroniqué sur ce site). Le second de Peter Milligan était évoqué en bas du lien juste avant. Enfin, le #851 écrit par Dennis O’Neil (!) est davantage centré sur Nightwing (Bruce/Batman ayant disparu) ainsi que Double Face et Millicent Mayne. Il s’inscrit donc dans la continuité de ce moment, en parallèle du run chapeautée par Grant Morrison. Ce sont d’ailleurs les épisodes « suivants » de Detective Comics (après ceux présents dans ce deuxième opus de Paul Dini présente Batman) qui s’y réfèrent et ne sont pas de Dini (il poursuivra son univers dans la série Streets of Gotham – à découvrir justement dans le troisième et dernier tome de Paul Dini présente Batman). Il y aura un épisode de Neil Gaiman (DC #853) – disponible en France dans Les derniers jours du Chevalier Noir (pas encore chroniqué sur le site) – puis le run de Greg Rucka sur son Batwoman.

[À propos]
Publié chez Urban Comics le 28 août 2015.
Contient : Detective Comics #841, #843-850, #852 + Batman #685 + DC Infinite Halloween Special 
Nombre de pages : 296

Scénario : Paul Dini
Dessin : Dustin Nguyen
Encrage : Derek Fridolfs
Couleur : John Kalisz, Dustin Nguyen, Guy Major

Traduction : Thomas Davier
Lettrage : Stephan Boschat (Makma)

Acheter sur amazon.frPaul Dini présente Batman – Tome 2 : Le cœur de Silence (24 €)






Paul Dini présente Batman – Tome 1 : La mort en cette cité

Le célèbre scénariste Paul Dini (Batman, la série animée) s’empare de la série Detective Comics pour un run en trois tomes (le dernier compile en revanche la série Streets of Gotham). Le premier volume, chroniqué ici, est constitué de plusieurs épisodes assez indépendants, des mini-enquêtes plaisantes mais pas forcément mémorables. Les volets deux et trois se concentre(ro)nt sur le retour de Tommy Eliott/Hush/Silence. Découverte du premier opus, La mort en cette cité, publié en France en 2015.

[Résumé de l’éditeur]
Batman n’est pas seulement un super-héros, il est aussi le plus grand détective du monde. Si ses enquêtes l’amène souvent à se confronter à la pègre de Gotham, il devra cette fois-ci s’escrimer devant la haute société. Sur son chemin, il croisera le Sphinx, devenu enquêteur pour les plus fortunés, et développera même une romance contrariée avec la magicienne Zatanna.

Inutile de détailler le début de l’histoire, le résumé officiel de l’éditeur suffit.

[Critique]
Difficile de décrire davantage le début de l’histoire tant ce volume en regroupe plusieurs sous forme d’épisodes quasiment indépendants. Dix récits sont ainsi proposés (un en deux chapitres qui se suivent) avec une qualité, forcément, plutôt inégale. Dans l’ordre, on a Les belles gens (Detective Comics #821) où Batman et Robin (Tim Drake) poursuivent Erik Hanson, alias Façade, un nouvel ennemi créé pour l’occasion. Ce n’est guère intéressant mais les jolis dessins et le découpage original de J.H. Williams III permettent de passer un bon moment malgré tout.

E. Nigma, détective privé (DC #822) place la première pierre d’une petit fil rouge qui reviendra trois/quatre fois dans l’œuvre : le Sphinx est en pleine rédemption et s’est mis à son compte en tant que privé. Ce n’est pas expliqué par l’éditeur mais Nygma avait découvert l’identité de Batman dans Silence puis avait enchaîné plusieurs évènements importants (peu publiés chez Urban Comics) avant d’être dans le coma et perdre une partie de sa mémoire, cf. le bloc Aftermath de la biographie du Riddler sur Wiki (en anglais).

Il y a d’abord eu quelques segments issus des séries Gotham Knights, Batman et Legends of the Dark Knight (disponibles chez Panini Comics à l’époque dans leur magazine dédié au Chevalier Noir et chroniqués au tout début de la création de ce site, cf. index Hush / Silence, s’y référer pour les détails). Ensuite plusieurs combats et interactions avec Green Arrow et enfin son évasion dans Infinite Crisis (notamment dans le deuxième opus) et l’affrontement qu’il l’avait apparemment plongé dans le coma, avant de revenir ici dans ce Paul Dini présente Batman.

Bref, dans cet épisode, le Sphinx et Batman collaborent pour une enquête plaisante mais vite oubliable. Graphiquement, Don Kramer (qui signe tous le reste du comic book à part un chapitre), livre un travail tout à fait correct, pêchant sur les visages humains de temps en temps mais usant d’un trait globalement élégant et ajoutant une certaine ambiance, à la fois mainstream et sombre. La colorisation de John Kalisz contribue à cette patte visuelle réussie par ses effets d’ombre, moins sur les nuances « chair » et donc de peau.

Dans Traqué (DC #823), Poison Ivy, habilement croquée par Joe Benitez, est mise en sécurité dans la Batcave, de quoi livrer un épisode assez passionnant où L’Empoisonneuse occupe une place importante. La nuit du pingouin (DC #824) met évidemment en avant Oswald Copplebot, lui aussi essayant d’être un peu plus respectable, notamment en gagnant de l’argent légalement. De quoi retrouver éphémèrement le Sphinx dans son nouveau rôle et Zatanna, qu’on croisera plus tard plus longuement. Sympathique mais sans plus.

Sur une pente glissante (DC #826) est probablement l’épisode le plus réussi. Tim Drake est kidnappé par le Joker et tous deux sont ensuite dans une voiture pour un road-trip atypique et sanglant. Moins porté sur l’aspect enquête qui caractérise le volume, cette parenthèse rythmée et remettant bien en place l’ADN du Joker, l’un des rares ennemis emblématiques du titre qui n’est pas en quête de rédemption, est une bouffée d’air frais fortement appréciable ! Suit Double discours (DC #827) où une nouvelle ventriloque officie dans Gotham. Un chapitre plaisant qui ajoute une antagoniste charismatique et un peu mystérieuse.

Dans Le requin de la finance (DC #828), le Chevalier Noir mène l’enquête sur l’assassinat d’un de ses amis maquillé en accident. Pour l’occasion, le justicier renoue avec le Sphinx et tous deux collaborent à nouveau bon gré mal gré. Comme en famille (DC #831) montre cette fois Harley Quinn, elle aussi en pleine rédemption et en demande de liberté conditionnelle. Pour prouver sa bonne foi elle s’infiltre même dans le gang féminin de la nouvelle ventriloque (celle découverte peu avant). Un segment sympathique où Harleen est particulièrement soignée et vêtue de son costume légendaire de la série animée (et donc co-créée par Paul Dini).

Zatanna est ensuite au cœur de la fiction avec En toute confiance (en deux parties, DC #833-834). Là aussi il manque un peu de contextualisation de la part de l’éditeur qui n’explique pas les erreurs commises dans Justice League – Crise d’identité (il y a bien un renvoi vers ce chef-d’œuvre mais pas de justification). En gros, Zatanna « lavait le cerveau » de certains ennemis afin de les rendre plus gentils et avait effacé une petite partie la mémoire de Batman qui avait découvert cela. Batman et Zatanna se confrontent ici à un énigmatique vilain (en réalité quelqu’un qu’ils connaissent très bien). Une réunion assez épique et un binôme relationnel ambigu très appréciable.

Enfin, Entraide criminelle (DC #837) est centré sur le Sphinx et Harley Quinn, qui cherche sa voie chez les Amazones. Un récit un peu bordélique mais parfois drôle. Il aurait été judicieux de le placer avant l’histoire précédente afin de conclure les arcs Sphinx et Quinn du comic et d’achever « en beauté » l’ensemble avec la partie sur Zatanna et Batman. Rien de grave en soi et, comme on le soulignait plus haut, Don Kramer est plutôt efficace dans son travail graphique pour accompagner Paul Dini, plus ou moins inspiré dans son écriture : les intrigues sont sympathiques, les dialogues sonnent naturels mais il manque ce quelque chose qui rendrait l’ensemble bien plus passionnant. Chaque épisode est illustré par une couverture de Simone Bianchi en noir et blanc, de superbes illustrations (comme celle du livre) qui ajoute un certain cachet visuel non négligeable.

En synthèse, La mort en cette cité renoue avec l’approche enquête propre à la série Detective Comics. Malheureusement, proposer un récit presque autonome par chapitre peine à fédérer. Ce côté non feuilletonnesque casse à la fois une certaine immersion dans la lecture et semble diminuer les enjeux (pas de réels danger, peu d’évolutions côté Batman, etc.). Au programme, on a donc une sorte d’émancipation commune chez plusieurs vilains (Harley Quinn, le Sphinx, le Pingouin…), un nouvel allié imprévu qui revient de temps à autre (le Sphinx) et une Ventriloque modernisée mais vite évacuée. La lecture n’est pas désagréable, bien au contraire, mais vite oubliable, c’est un peu dommage.

À noter que plusieurs chapitres de Detective Comics se déroulant majoritairement entre ceux vus ici ne sont pas inclus dans l’ouvrage car non scénarisés par Paul Dini. Commençons par trois qui furent disponibles en France. Pour les trouver (en attendant le Batman Chronicles de Detective Comics de 2007 – donc dans un paquet d’années !), il faut se tourner vers l’ancienne édition de Panini Comics (dans le format Big Book) intitulée Batman – Le cœur de Silence. Oui, le même titre que le second tome de Paul Dini présente Batman chez Urban. Cet ouvrage contenait les épisodes #829-830 puis #841-850, soit trois « inédits » (non republiés par Urban) : les #829-830, formant une histoire complète (Siège), par Stuart Moore, et le #842 (La cotte des tourments), de Peter Milligan. Siège se déroulait intégralement dans un immeuble avec Wayne en civil et Tim Drake présent face à un terroriste qui faisait sauter certains étages. Beaucoup d’action et de tension, un court récit pas mal du tout. La cotte des tourments fait référence à une veste/armure éponyme offerte à Batman par Talia al Ghul. Le justicier remonte aux sources du vêtement, en proie à une certaine malédiction. Plutôt anecdotique…

Le #825 (The Return of Dr. Phosphorus) n’est jamais sorti en France et le #832 (Triage) fut publié dans le magazine Superman & Batman de Panini Comics en décembre 2008; tous deux de Royal McGraw. Le premier est centré sur le Dr. Phosphore et le second sur le fameux « trio infernal », connu surtout grâce Batman, la série animée (étonnamment, cet épisode n’est pas de Dini !). Les #835-837 sont de John Rozum (Absolute Terror) et mettent en scène L’Épouvantail (non publiés en France). Enfin, la suite directe de la série Detective Comics par Dini est La résurrection de Ra’s al Ghul (#840) juste avant Le cœur de Silence (à partir du #841).

[À propos]
Publié chez Urban Comics le 16 janvier 2015
Contient : Detective Comics #821-824, #826-828, #831, #833-834, #837
Nombre de pages : 272

Scénario : Paul Dini
Dessin : Don Kramer, J.H. Williams III, Joe Benitez
Encrage : Wayne Faucher, J.H. Williams III, Victor Llamas
Couleur : John Kalisz

Traduction : Mathieu Auverdin et Alex Nikolavitch
Lettrage : Stephan Boschat (Makma), Christophe Semal et Laurence Hingray (Studio Myrtille)

Acheter sur amazon.frPaul Dini présente Batman – Tome 1 : La mort en cette cité (24 €)