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Infinite Crisis – Tome 04 : Les survivants

Cette fois ça y est, après les trois volumes quasiment « d’introduction » – aux qualités inégales mais globalement satisfaisantes – la « vraie » crise infinie débute enfin !

[Résumé de l’éditeur]
La Tour de Garde de la Ligue de Justice a été détruite dans une explosion ! Le Rocher d’Éternité a chuté sur Gotham City ! La guerre spatiale entre Rann et Thanagar a été interrompue par une anomalie cosmique ! L’attaque des OMAC n’a été repoussée que pour un temps ! Et la Société Secrète des Super-Vilains prépare une évasion de grande ampleur ! Tous ces événements tragiques conduisent trois anciens surhommes à faire leur retour afin de rectifier la situation, que les héros l’acceptent ou non !


[Critique]

Sans surprise, ce quatrième et avant-dernier tome d’Infinite Crisis se compose de plusieurs titres afin de conserver une grande cohérence du plan d’ensemble de la fiction. Les quatre premiers épisodes de la série éponyme Crise Infinie (Infinite Crisis en VO) occupent un peu moins de la moitié du livre. Ils sont entrecoupés par Power Trip, un arc en quatre épisodes (JSA Classified #1-4) centrés sur Power Girl, « l’autre » cousine de Superman (on y reviendra), l’épilogue Jour de Vengeance (poursuivant donc la mini-série du troisième tome) et un chapitre spécial qui donne son titre au volume : Les survivants (Infinite Crisis Secret Files #1).

Le gros fil rouge est bien sûr Crise Infinie, qui permet d’assembler (enfin !) les pièces du puzzle ; mais cette histoire, chapeautée par Geoff Johns, a besoin de se connecter aux autres épisodes pour avoir une compréhension absolue. Idéalement, il faut même connaître l’ancienne (et la première) crise majeure de DC Comics : Crisis on Infinite Earths.

En effet, quatre personnages issus de ce récit emblématique réapparaissent ici : Superman et Lois Lane de Terre-2 (planète « fondatrice » de la JSA), Alex Luthor de Terre-3 (seul héros sur un astre où le Syndicat du Crime régissait) et Superboy de Terre-Prime (le seul et unique super-héros de cette Terre) – tous ont droit à une fiche/dossier récapitulatif en fin d’ouvrage. (Ajoutons aussi le retour du Psycho-Pirate.) Ce petit groupe de survivants a continué d’évoluer dans une dimension « à part » où le temps ne s’écoulait pas et où ils pouvaient observer les évènements de l’unique Terre restante.

Ainsi, des évènements emblématiques de DC ont été suivis lointainement : la mort de Superman, la chute de Batman (Knightfall), Hal Jordan devenu Parallax (Heure Zéro – Crise temporelle), la crise interne de la Justice League et la lobotomie opérée par des justiciers (Crise d’identité), l’élection de Lex Luthor comme Président des États-Unis, le meurtre de kryptoniens, etc. et  bien sûr la déconstruction – physique et psychologique – au fil du temps de la Justice League (dans les tomes d’Infinite Crisis justement). Le petit groupe dresse un constat : les super-héros de la Terre qu’ils scrutent indéfiniment sans agir sont de plus en plus violents. Il va falloir les sauver, d’eux-mêmes et des ennemis de l’ombre qui agissent depuis quelques temps. Il va falloir sauver cette Terre, ou en retrouver d’autres ?!

Emmené par le Superman âgé et le Luthor « gentil », le quatuor parsème la bande dessinée avant d’obtenir carrément un très long épisode dédié révélant ce qu’il s’est déroulé pour eux depuis Crisis on Infinite Earths et quelques mystères jalonnant l’entièreté de l’histoire depuis le début. En parallèle, on suit bien sûr les difficultés pour la Trinité habituelle à affronter les multiples menaces. Wonder Woman est déchue depuis qu’elle a tué Max Lord, Batman la renie et tente de réparer ses propres erreurs (son satellite d’espionnage l’Œil qui a été détourné) et Superman ne veut toujours pas interférer pour guider les terriens qui en auraient bien besoin.

Autour d’eux, les catastrophes s’amplifient. La tour de garde a explosée (avec le Limier Martian à l’intérieur), les centaines « d’androïdes » O.M.A.C. prennent d’assaut les villes et Themyscira, le conflit cosmique autour de Rann-Thanagar fait rage, le Rocher de l’Éternité est tombé sur Gotham, les « sept péchés capitaux » se baladent dans la nature et prennent possession de personnes pour les manipuler. Une tâche pour laquelle le Pacte des Ombres revient, offrant une conclusion épique au combat face au Spectre (on s’agace en revanche de la lecture confuse lorsque Zatanna jette un sort puisque les lettres sont écrit à l’envers (de droite à gauche pour former un mot, comme magie qui devient « eigam » par exemple) mais l’ordre des mots reste lui de gauche à droite (cf. image ci-dessous)… C’est pareil en version originelle mais c’est toujours aussi pénible.

Si ce quatrième tome est passionnant de bout en bout, il est entaché d’un rythme décousu en proposant le retour de Power Girl durant quatre chapitres assez tôt. Ce placement est légitime pour être cohérent avec l’arrivée de Karen Starr, la cousine de Superman sur Terre-Deux (là où Supergirl/Kara Zor-El est celle de l’homme d’acier de Terre-Un). Karen provient d’une Terre qui n’existe plus et personne ne se souvient d’elle. Un épineux souci qui permet de comprendre la difficulté de la jeune femme a trouvé sa place.

Le problème de Power Girl provient de la caractérisation de cette héroïne quasiment dénudée tout le long et avec une énorme poitrine apparente. Un choix assumée aussi bien dans l’écriture (cf. image ci-dessous et tout en bas de cette critique) que dans les dessins signées Amanda Conner. C’est un peu dommage de s’attarder sur ce sujet à plusieurs reprises (sexy mais jamais trop vulgaire non plus, heureusement !).

On préfère plutôt se concentrer sur la complexité à Power Girl de recouvrer la mémoire et retrouver « son » Superman. Là-dessus, la jeune femme est particulièrement attachante, perdue dans son esprit et sa vie, comme le lecteur (peut-être) face à la somme d’informations à ingurgiter.

La recherche de sa place dans le monde fonctionne bien mais Power Trip aurait gagné à être amputé d’un ou deux chapitres pour être plus proche du ton du reste de l’œuvre. De même, quelques segments plus génériques (de cet opus) semblent survolés : la guerre avec les amazones et deux ou trois autres évènements dont l’ampleur est plutôt à saisir dans (encore) d’autres récits (Aquaman, Wonder Woman, Teen Titans, DC Special : The Return of Donna Troy…). Tant pis.

Si l’ensemble se lit bien, il faut parfois s’accrocher, notamment quand on replonge littéralement dans Crisis on Infinite Earths et sa vulgarisation puis dans de nouvelles « explications » complexes (par Alex Luthor) sur la création de cet univers et ce qui peut en découler… Le néophyte risque d’être décontenancé mais il l’aurait été bien davantage si Urban Comics n’avait pas publié toutes les parties pertinentes dans les tomes précédents ni effectué un travail éditorial de qualité, dans ses avant-propos récapitulatif ou les synthèses des biographiques des personnages. Pour l’anecdote, l’inspecteur du GCPD Crispus Allen tient un rôle très mineur dans Les survivants, corrélé au quatrième et dernier tome de Gotham Central.

Difficile d’en dévoiler davantage sans gâcher le plaisir de la découverte et de la lecture (l’identité des têtes pensantes de l’ombre qui tirent les ficelles depuis le début sont révélés). Le titre est relativement sombre, presque « sans espoir », parfois même anxiogène (sauf durant le décalage Power Trip/Girl donc), dense et verbeux mais sans jamais perdre en intérêt – au contraire ! Une fois terminé, on veut immédiatement connaître la suite. On se dirige inéluctablement vers quelque chose d’incroyable, improbable, machiavélique même (qui sont les véritables antagonistes ? quelle est la nature de la mystérieuse tour en construction ?).

Graphiquement, la série principale (Crise infinie donc) est servie par Phil Jimenez pour les dessins, épaulé par Ivan Reis le temps d’un chapitre mais surtout par George Pérez et parfois Jerry Ordway. À priori Pérez intervient pour les flash-backs ou transitions connectées à Crisis on Infinite Earths, qu’il dessinait déjà à l’époque vingt ans plus tôt ! Ça foisonne de détails et d’envergure, c’est superbe. De quoi conserver une élégante cohérence visuelle intrinsèque à Crise infinie mais aussi à la précédente crise. Jimenez livre un travail fabuleux avec de belles compositions, un équilibre autour des nombreuses figures DC, dotés de traits fin et précis, tous reconnaissables, des scènes d’action fluides et non figées, des expressions aux visages lisibles, etc. un sans faute donc !

Comme évoqué plus haut, Power Trip est assurée par Amanda Conner et son style cartoonesque (l’artiste reprendra le personnage dans la série éponyme en deux tomes et une autre aventure avec Harley Quinn, toutes deux disponibles en français). De quoi dénoter sévèrement avec le reste du livre (malgré la présence de Geoff Johns au scénario)… L’épilogue Jour de vengeance retrouve la même équipe artistique que dans le troisième volume, à savoir Bill Willingham à l’écrit et Justiniano aux pinceaux ; une patte qui s’insère efficacement avec celle de Crise infinie. Enfin, l’épisode Les survivants bénéficie du talent de Marv Wolfman pour l’histoire et les dialogues (comme à l’époque de… Crisis on Infinite Earths !) et Dan Jurgens (Heure Zéro – Crise temporelle) pour les dessins. Là aussi on y retrouve de jolies choses qui restent fidèles à l’ensemble du livre (à l’exception donc de la parenthèse esthétique (et scénaristique) de Power Trip).

Au total, trois scénaristes se succèdent (Geoff Johns reste l’architecte principal), sept dessinateurs et près d’une quinzaine d’encreurs additionnels ! Sans oublier trois coloristes. Un sacré casting qui n’empêche pas d’être remarquablement fluide (en lecture) et agréable (en dessin). On apprécie particulièrement le travail d’écriture de Johns, sur la psyché des quatre héros « coincés » depuis des lustres dans une autre dimension (il y a aussi un aspect « méta » sur la légitimité des anciens super-héros assez habile), sur l’intrigue globale qui avance habilement et sur les échanges particulièrement vifs, crus et « réalistes » entre Batman, Superman et Wonder Woman. De grands moments parsèment le récit, on « sent » qu’on est sur un chapitre historique et important de DC Comics ! C’est très riche, c’est intelligent, c’est palpitant.

En somme, ce quatrième volet d’Infinite Crisis rentre enfin dans le vif du sujet ! La patience du lecteur qui avait suivi les trois opus précédents est récompensée. De même, ces bases ne suffisent peut-être pas, la connaissance de Crisis on Infinite Earths est un plus non négligeable pour partir avec un solide bagage culturel (ne serait-ce que pour savoir « qui est qui » tant les protagonistes se succèdent – ainsi que la mise à mort de seconds couteaux peu connus) et apprécier pleinement Les survivants, en attendant le dernier tome, très sobrement intitulée… Crise infinie !

[À propos]
Publié chez Urban Comics le 26 août 2022.
Contient : Infinite Crisis #1-4 + Infinite Crisis Secret Files #1, JSA Classified #1-4, Day of Vengeance Special #1)

Scénario : Geoff Johns, Bill Willingham, Marv Wolfman
Dessin : Phil Jimenez, Georges Pérez, Amanda Conner, Justiniano, Dan Jurgens, Jerry Ordway, Ivan Reis
Encrage : Collectif
Couleur : Collectif

Traduction : Edmond Tourriol (Studio Makma)
Lettrage : Stephan Boschat (Studio Makma)

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Infinite Crisis – Tome 03 : Jour de vengeance

Après un excellent premier tome et un second un peu en-deça, le troisième nous emmène à la fois dans l’ère des magiciens de DC Comics puis dans la suite des évènements du Projet O.M.A.C. et de Crise d’identité ! Critique.

[Résumé de l’éditeur]
Autrefois, le docteur Bruce Gordon était le possesseur du diamant d’Eclipso qui lui permettait de contrôler cet esprit maléfique ancestral. Aujourd’hui ce dernier est libre… libre d’investir n’importe quel esprit sur Terre, même celui du plus puissant des héros : Superman ! Un problème supplémentaire qui s’ajoute à la crise de confiance qui secoue les héros de la Ligue de Justice, sur le point de dissoudre l’équipe !

[Critique]
Comme dans les tomes précédents, on se retrouve ici avec trois récits. Les deux premiers sont connectés, Éclipsé (écrit par Judd Winick) puis Jour de Vengeance, qui met en avant une équipe de sorciers par l’auteur Bill Willingham, célèbre pour son travail sur Fables puis le dernier, Crise de conscience (par Geoff Johns et Allan Heinberg), prolonge (enfin) ce qu’on avait vu côté Ligue aussi bien à la fin du Projet O.M.A.C. mais aussi le titre culte Crise d’identité.

Éclipsé suit trois épisodes provenant de séries sur Superman (Action Comics #826, Adventures of Superman #639 et Superman #216). On y découvre le « parcours » d’Eclipso, un esprit démoniaque autrefois matérialisé dans un diamant, qui peut prendre possession de n’importe qui, y compris Superman ! Cette introduction du troisième tome permet de faire la jonction avec un univers pas encore vu dans Infinite Crisis : celui de la magie. En effet, Eclipso s’infiltre dans Jean Loring (responsable du meurtre de Sue dans Crise d’identité) et acquis ainsi une sorte de forme ultime. Eclipso rend fou le Spectre (dépourvu d’un hôte), esprit de la vengeance de la colère divine, qui veut annihiler toute trace de magie dans l’Univers. Un duo redoutable et surpuissant.

Face à cette double menace, Shazam (appelé Captain Marvel à l’époque) doit s’aider d’une équipe atypique composée notamment de plusieurs magiciens et appelé le Pacte des Ombres : L’Enchanteresse, le Nightmaster, le Loqueteux, Black Alice et le Diable Bleu. En plus de ces mystiques, le détective Chimp est de la partie. Les épisodes de Jour de Vengeance (Day of Vengeance en VO) alternent les points de vue de chaque membre.

Cette longue première partie (trois chapitres puis six) est plutôt réussie, faisant la part belle à des combats dantesques (parfois confus) et un danger supplémentaire après ceux rencontrés dans les volets précédents. Une fois de plus, l’accent est mis sur des personnages très très secondaires mais l’alchimie fonctionne et ils sont tous attachants d’une manière ou d’une autre. Ian Churchill signe les superbes dessins d’Éclipsé, plein de détails, vivants et aérés, un vrai régal couplé à une colorisation « riche » en palette et nuances par Norm Rapmund. L’artiste Justiniano (Josue Rivera de son vrai nom) s’occupe de Jour de Vengance (remplacé par Ron Wagner le temps d’un épisode), avec un style relativement propre et élégant, gâché par une colorisation des visages parfois trop « fades » mais l’ensemble reste plutôt séduisant.

Crise de conscience rassemble ensuite les chapitres #115 à #119 de la série JLA. C’est carrément la suite (plus ou moins) directe de Crise d’identité ! Si quelques conséquences des secrets dévoilés durant ce titre parsemaient déjà Le projet O.M.A.C., elles trouvent leurs réels impacts ici. Pour rappel, une poignée de super-héros avaient décidé de laver le cerveau à des ennemis suite aux actes barbares de Dr. Light (il avait violé Sue). La magicienne Zatanna avait commencé par faire oublier quelques éléments dans le cerveau des ennemis avant de passer à une lobotomie (donc modifier carrément la personnalité d’une personne). Problème : Batman les avait surpris et lui-même fut victime d’une manipulation de la part de Zatanna afin d’oublier cet évènement ! Le Chevalier Noir s’était éloigné de la ligue quand il avait compris cela…

Aujourd’hui, la question se pose à nouveau puisque des ennemis de la ligue (le Sorcier, Star Sapphire, l’homme floronique, Felix Faust, le maître de la matière et Chronos) se rappellent des identités civiles des justiciers, mettant à mal la difficile cohabitation entre vie privée, protection des siens et devoir moral et héroïque. Que faire ? Reproduire les « erreurs » du passé ? Trouver une alternative ? C’est l’épineuse question qui continue de diviser la Ligue de Justice, réduite à peau de chagrin.

Cette déconstruction est particulièrement palpitante et bien écrite car on arrive à comprendre chacun des points de vue. Entre ceux qui ont désormais fonder un foyer et sont parents et veulent, naturellement, faire courir le moins de danger possible à leur entourage, ceux qui souhaitent ne pas s’en mêler mais se retrouvent au cœur de ce dilemme, ceux qui agissent comme boussole morale ou campent sur leurs positions (Batman bien sûr !), le choix est cornélien et passionnant à suivre. Autour de toutes les figures de DC mises en avant dans Crise de conscience (on retrouve à nouveau Hawkman, Flash/Wally West, Green Arrow, etc.), le Limier Martien puis Superman sont un peu « au-dessus » des autres, conférant une stature quasiment divine (normal). Ils apportent sagesse sans non plus savoir quoi faire réellement. Le Chevalier Noir occupe une place relativement importante dans cet arc, rejoint par Catwoman à la fin.

Seule ombre au tableau : la présence d’un nouvel ennemi qui… manipule mentalement certains protagonistes (cf. dernière image de cette critique – sous Hawkman qui dit « Votons. » – pour le découvrir si jamais), de quoi ajouter encore ce sentiment de déjà-vu (après Max Lord et Dr. Psycho – cf. tomes un et deux respectivement). Du reste, les scénaristes Geoff Johns et Allan Heinberg s’en sortent plus bien. Johns était déjà intervenu dans le premier volet (comme Winick d’ailleurs) et sera aux commandes de la série à laquelle la saga donne son titre (à découvrir dans les tomes quatre et cinq). Chris Batista offre des planches inégales, faute à des visages parfois peu expressifs ou mal croqués (peu aidée par les traits de l’encrage de Mark Farmer) et des fonds de cases un peu vides. Toutefois, le titre bénéficié d’un éventail de colorisation très « comic book » effectué par David Baron conjuguant donc de jolis palettes avec la dureté du propos. Un mélange qui fait mouche.

Si Crise de conscience ne s’intercalait pas dans le long puzzle qu’est Infinite Crisis, le titre aurait carrément pu être publié à part tant il fait suite à Crise d’identité. Ainsi, le lecteur n’ayant pas le temps, l’envie ou l’argent d’investir dans les cinq volumes de la saga (144 € tout de même) mais ayant aimé Crise d’identité peut probablement se prendre ce troisième tome, Jour de vengeance, pour y découvrir les conséquences. Mais attention : la conclusion (à laquelle on ajoute volontiers celle, tragique, de Jour de Vengeance) risque fortement de donner envie de découvrir la suite !

Ce troisième tome d’Infinite Crisis est donc conseillé (qu’on lise l’entièreté de la saga ou non), bénéficie d’une solide identité graphique (parfois en baisse mais globalement de qualité) et de plusieurs segments bien écrits, passionnants. Comme le souligne Urban Comics dans son avant-propos, « les dernières miniséries et arches narratives sont [désormais publiées et mènent] au bouquet final, La crise infinie, qui occupera les tomes 4 et 5 ». On a hâte !

 

[À propos]
Publié chez Urban Comics le 29 mai 2015.
Contient : Action Comics #826, Adventures of Superman #639, Superman #216, Day of Vengeance #1-6, JLA #115-119

Scénario : Geoff Johns, Allan Heinberg, Bill Willingham, Judd Winick
Dessin : Ian Churchill, Justiniano, Ron Wagner, Chris Batista
Encrage : Norm Rapmund, Walden Wong, Livesay, Dexter Vines, Mark Farmer
Couleur : Beth Sothelo, Chris Chuckry, David Baron

Traduction : Edmond Tourriol (Studio Makma)
Lettrage : Stephan Boschat (Studio Makma)

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Infinite Crisis – Tome 02 : Unis pour le pire

Après un excellent premier volume, la saga Infinite Crisis se poursuit dans un second tome radicalement différent, n’offrant pas une « suite directe » au précédent et se concentrant (dans un premier temps) vers un nouvel horizon galactique. Pour autant, Unis pour le pire reste assez passionnant malgré ses errements narratifs (dans ses débuts) et graphiques (dans sa dernière ligne droite). Explications et critique.

[Résumé de l’éditeur]
La Société Secrète a rassemblé tous les super-vilains de l’univers sous le commandement de Lex Luthor et un conciliabule de génies criminels. Tous ? Non ! Car six malfaiteurs planifient dans l’ombre la rébellion, tandis qu’à l’autre bout de la galaxie, les planètes ennemies Rann et Thanagar se livrent une bataille sans fin.

[Introduction d’Urban Comics]
À l’instar du premier tome, copier/coller le texte avant-propos de l’éditeur est plus pertinent pour situer aussi bien l’histoire que résumer son début.

Des bas-fonds aux confins de la galaxie

Enquêtant sur des malversations dans sa société, Tek Kord, dit Blue Beetle, découvre un complot visant l’ensemble de la population métahumaine de la planète. Max Lord, ancien mécène de la Ligue de Justice et désormais Roi Noir de l’agence de contre-espionnage Checkmate, a pris le contrôle de l’Œil, un satellite fabriqué par Batman pour surveiller ses coéquipiers.

Cette intelligence artificielle contamine des agents dormants aux quatre coins du globe et les transforme en OMAC, d’insaisissables machines à tuer. Blue Beetle perd la vie lors de sa découverte, mais a le temps d’alerter ses anciens coéquipiers. S’enchaîne une escalade de représailles et de trahisons entre les forces de Max Lord et celles de Batman. Au centre de l’intrigue se trouve Sasha Bordeaux : ancienne amante du Cavalier Noir de Checkmate, elle joue un double jeu des plus dangereux avec Max Lord. Ce dernier, en contrepartie, met sous sa coupe Superman qui, hypnotisé, s’en prend violemment à Batman. Pour le libérer de ce contrôle mental, Wonder Woman brise la nuque de Max Lord. Malheureusement, son geste est retransmis devant les caméras du monde entier. Au final, les forces combinées de la Ligue de Justice, des titans, des Outsiders et de la Doom Patrol repoussent les OMAC, mais la Crise Infinie qui secoue l’univers ne fait que débuter.

En effet, depuis sa destitution du poste de président des États-Unis, Lex Luthor a mis en place une Société Secrète des Super-Vilains : une organisation clandestine visant à offrir une protection accrue à l’engeance criminelle. Au sein de son « conseil d’administration » on retrouve le régent du Kahndak, Black Adam, la reine du crime, Talia al Ghul, le mercenaire Deathstroke, le télépathe Docteur Psycho et leur coordinateur, le Calculateur. Méfiante depuis les révélations selon lesquelles la Ligue de Justice a, des années durant, lavé le cerveau de ses opposants, la communauté malfaisante se rallie à cette direction. Mais le recrutement ne se fait pas sans heurts…

Pendant ce temps, dans l’espace, la guerre fait rage entre deux plantes longtemps rivales : Rann, monde basé sur la science et le savoir, et protégé par l’archéologue et aventurier terrien, Adam Strange, et Thanagar, patrie martiale de la police des faucons, dont sont issus Hawkman et Hawkwoman. Pour protéger Rann, Sardath, le scientifique en chef, et beau-père d’Adam Strange, l’a téléportée en lieu sûr. Mais, en tentant de la renvoyer à sa place initiale, elle est réapparue dans l’orbite de Thanagar, causant un cataclysme sans nom. Ce secteur est, comme le reste de l’espace, protégé par les Green Lantern et la milice privée, L.E.G.I.O.N., et toutes ces factions se retrouvent prises dans un conflit sanglant où les alliances désespérées se multiplient.

[…]

[Critique]
Comme pour le volume précédent, cette nouvelle pierre d’Infinite Crisis se compose en plusieurs segments distincts. La mini-série en six chapitres La guerre Rann-Thanagar (Rann-Thanagar War) puis En bleu et noir, deux épisodes d’Action Comics (#830-831) – centrés sur Superman donc – qui introduisent la seconde série importante du volume, Unis pour le pire (Villains United), également en six épisodes. Le premier récit est écrit par Dave Gibbons (dessinateur de Watchmen) et les autres par Gail Simone (la série Batgirl de l’ère New 52).

Si le lecteur pouvait (légitimement) s’attendre à voir la « suite directe » des dernières planches du premier tome, il n’en est rien ! En effet, l’opus met directement en avant une guerre cosmique, très très brièvèment annoncée dans le volet précédent, où s’affrontent différents protagonistes plus ou moins connus : Hawkman, Hawkgirl, Hawkwoman, Adam Strange, Captain Comet, deux Green Lantern (Kyle Rayner et Kilowog), les Omega Men… Un récit haletant, intense mais complexe. On s’y perd rapidement entre les lieux et enjeux de cet affrontement titanesque, d’autant qu’on plonge dedans sans introduction ni explications, la contextualisation est expéditive (à peine quelques bulles de dialogues). Ce n’est pas très grave car on se laisse aisément emporter par les superbes dessins d’Ivan Reis (rejoints par Joe Prado et Joe Bennett) et l’ennemi imposant Onimar.

Tout va très vite (trop vite ?) dans La guerre Rann-Thanagar mais c’est justement cette situation d’urgence, ces batailles qui dépassent aussi bien les humains que le lectorat, qui fonctionnent plutôt bien, magnifiées sous la plume de Dave Gibbons. Stratégie guerrière, divinité, « politique »… le titre est dense mais intéressant à bien des égards dans cette vision du conflit. Il est difficile de savoir « qui est qui », qui provient de telle planète et s’ils agissent « bien ou mal » (il n’y a pas vraiment de « gentils ou méchants » entre les deux camps, à l’exception d’Onimar). La distance entre ces personnages de papier et le lecteur créé une barrière qui ne casse pas l’immersion mais plutôt l’empathie (on se fiche un peu de qui va survivre et pourquoi tout le monde se combat).

En somme, on ne comprend pas tout ce qui se trame dans ce space opera galactique mais au fil des chapitres l’émergence d’une crise d’envergure commence à s’assembler (ce n’est pas pour pour rien qu’on parle d’une crise infinie – difficile de toute façon de lire/découvrir ce récit en étant totalement vierge d’informations quant à « l’avenir » (et conséquences) de cette grande saga). Il semblerait que la série Justice Society of America (JSA) #20 à #25 publiée en 1999 (donc six ans plus tôt) permettait de se familiariser avec Onimar et le couple Hawkman/Hawkgirl. Surtout : la série Adam Strange en huit chapitres sortie en 2004 et 2005 servait véritablement de prologue à cette guerre Rann-Thanagar ; dommage de ne pas l’avoir ajoutée alors qu’elle est citée dans l’introduction d’Urban Comics… En plus d’Adam Strange: Planet Heist ajoutons Green Lantern: Rebirth considérée aussi comme à lire en amont.

En bleu et noir (dessiné par un John Byrne en très petite forme, scénarisée par Gail Simone) met l’accent sur le Docteur Psycho et sa mégalomanie. Comme Max Lord dans l’opus précédent, Psycho peut manipuler les esprits – ce qui donne un côté déjà-vu… Il s’essaie sur des citoyens de Metropolis au point de faire intervenir Superman et… Black Adam ! En effet, la Société Secrète des Super-Vilains dirigée par Lex Luthor compte Black Adam, Docteur Psycho, Talia al Ghul, Deathstroke et le Calculateur dans ses rangs. Les excès de zèle de Psycho ne faisant pas partie des plans de Luthor, c’est le régent du Kahndak qui est chargé de le ramener. Ce double épisode de transition est oubliable (comme l’étrange course entre Bizarro et Nega-Flash qui se déroule en arrière-plan !) mais sert surtout d’introduction à l’arc suivant.

Car Luthor mène un plan d’envergure en parallèle dans Unis pour le pire : le rassemblement de plusieurs centaine d’ennemis communs des super-héros ! Cependant, une poignée refuse de rejoindre cette ligue de vilains : Catman, Deadshot, Cheshire, Scandale, Parademon et Ragdoll. Ces « Secret Six » sont donc devenus la cible de leur anciens alliés et se retrouvent rassemblées par Mockingbird, une mystérieuse personne qui les manipule (ou plutôt les fait chanter).

La modernisation (réinterprétation) de Catman est une franche réussite, apportant une profondeur inédite pour un personnage attachant – qui devient quasiment Batman par moment (cf. dernière image de cette critique). L’on est un peu plus perplexe de l’utilisation de Captain Nazi (!) dans une séquence de torture et de ce personnage si… particulier (et donc complice et assumé des autres vilains DC).

Cette seconde partie du volume renoue avec les ingrédients phares du premier volet : une intrigue qui tient en haleine, une approche à hauteur d’homme (toutes proportions gardées – on parle de méta-humains qui ont des pouvoirs et sont violents), une conspiration menaçante, etc. La narration bénéficie d’un excellent rythme, enchaînant scènes d’action et d’autres plus posées (voire carrément figées vu les graphismes – on en reparle plus loin). Quelques rebondissements (non prévisibles) et des échanges musclées efficaces achèvent de composer le tout. Gail Simone s’en donne à cœur joie pour exhumer des anti-héros de seconde zone (elle récidivera dans la foulée avec une série dérivée et suite, Secret Six, inédite en France).

Graphiquement en revanche, cette deuxième moitié du tome n’est pas à la hauteur (surtout en comparant avec sa première). Faute à des personnages beaucoup trop « clichés » (les hommes sont super musclés, les filles super sexy), des traits trop gras et une colorisation relativement pauvre et sans effets de lumière. Dale Eaglesham en est le principal responsable (remplacé par Val Semeiks le temps d’un chapitre). Les dessins manquent de finesse, d’élégance, d’une véritable « appropriation visuelle ». C’est dommage car le point de vue « d’antagonistes parmi les antagonistes » est plutôt stimulant. En revanche, il ne faut pas s’attendre à retrouver la Justice League et la « suite » de la fin du premier opus ici aussi… Seul Superman est montré brièvement dans sa courte histoire qui n’apporte pas grand chose à l’ensemble.

En synthèse, Unis pour le pire se lit bien – l’ensemble reste globalement captivant – et poursuit ce qu’on a découvert dans le premier volume d’Infinite Crisis tout en montrant « autre chose » (une guerre cosmique et une préparation chez l’ennemi – en gros) qui seront, in fine, connectés à la saga. Si les pièces du puzzle ne s’assemblent pas ici, on reste sur un divertissement tout à fait correct et moins cérébral que le premier (plus confus dans son épopée guerrière spatiale mais ce n’est pas très grave).

[À propos]
Publié chez Urban Comics le 27 février 2015.
Contient : Rann-Thanagar War #1-6, Action Comics #830-831, Villains United #1-6

Scénario : Dave Gibbons, Gail Simone
Dessin : Ivan Reis, John Byrne, Dale Eaglesham, Joe Prado, Joe Bennett, Val Semeiks
Encrage : Marc Campos, Joe Prado, Oclair Albert, Jack Jadson, Nelson, Larry Stucker, Wade Von Grawbadger, Prentis Rollins
Couleur : John Kalisz, Tanya Horie, Richard Horie, Guy Major, Sno-cone

Traduction : Edmond Tourriol (Studio Makma)
Lettrage : Stephan Boschat (Studio Makma)

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