Archives de catégorie : Batman

Batman Nocturne – Tome 2 : Premier acte

Après une introduction poussive mais graphiquement séduisante, le Chevalier Noir est de retour dans son opéra baroque singulier.

[Résumé de l’éditeur]
Les démons ont phagocyté Gotham et patientent dans l’ombre pour prendre le contrôle total de la ville. Batman, plus affaibli que jamais suite à sa dernière confrontation, ne parvient pas à démêler ce terrifiant mystère : qui sont ces monstres rôdant dans le noir, et qui semblent bien décidés à bouleverser jusqu’aux fondements de la cité maudite ? La réponse se trouve pourtant sous son nez alors que la famille Orgham jette son dévolu sur l’asile d’Arkham, bien décidé à reprendre le contrôle de leur héritage ancestral sur la ville, par la force la plus brutale si nécessaire.

[Début de l’histoire]
Batman/Bruce
se remet de ses blessures chez Gordon.

En parallèle, la famille royale Orgham devient populaire dans Gotham. Arzen (le fils prodigue) se rapproche même de Wayne

Double-Face est de retour dans la ville, poussé dans sa face maléfique par le mystérieux Gael. Ce dernier, pouvant se transformer en loup, veut aussi enrôler Mr. Freeze (grâce à son gaz magique l’Azmer).

[Critique]
Cette fois, l’auteur Ram V va davantage droit au but, sa narration est plus limpide, les enjeux davantage compréhensibles même s’il convoque beaucoup trop de personnages secondaires, utilisés de façon déséquilibrés (les Orgham n’apparaissent qu’au début par exemple) et en ajoutent encore des nouveaux (dans sa conclusion). Ça commence à faire beaucoup… En revanche, Double-Face est particulièrement bien mis en avant, grâce à un segment dédié issu des backs-up et une place de choix dans l’intrigue. Les fans d’Harvey Dent y trouveront assurément leur compte !

Quant au reste, il y a donc Freeze qui intervient sporadiquement, une mention à un autre célèbre ennemi qui se connecte à la lignée des Orgham (ce qui n’est guère surprenant) mais qui n’est pas encore développé. Le récit suit surtout Batman/Bruce et son cheminement atypique, à moitié brisé, à moitié confiant, dans un ensemble plaisant corrélé aux avancées des Orgham et Double-Face dans Gotham City. Paradoxalement, il y a une vague impression de stagner car il y a eu peu de changements radicaux par rapport au premier opus.

Néanmoins, ce Premier acte se lit sans déplaisir, bien rythmé, mieux agencé et part moins dans tous les sens que le précédent volume, malgré sa dimension multiple : le registre fantastique est toujours présent, les protagonistes sont nombreux, les enjeux toujours un peu obscurs et en même temps un peu clichés (reprendre le contrôle de la ville, vraiment ?)… Voir Batman secouru par Freeze et Dent est en revanche, assez réjouissant ! Graphiquement, Ivan Reis occupe quasiment la moitié du titre, le dessinateur livre une prestation honorable sans pour autant faire d’éclat (il manque des séquences épiques ou solaires qu’il aurait magnifiées, cf. ses travaux sur Justice League ou, plus récemment, sur One Bad Day – Ra’s al Ghul).

Plusieurs dessinateurs officient ensuite, certains sur la série principale (Rafael Albuquerque à nouveau – lui qui avait signé l’entièreté du premier tome –, Dexter Soy, Stefano Raffaele et Miguel Mandonca) et d’autres en back-up (une fois de plus Dani pour l’interlude sur Gordon mais, surtout Hayden Sherman, pour celui sur Dent, complètement psychédélique et passionnant (mais clivant) de bout en bout, tranchant complètement avec le reste de la fiction, que ce soit au niveau du scénario ou des illustrations). On apprécie, encore, les couvertures des chapitres d’Evan Cagle et la riche galerie en fin d’ouvrage.

Ce second volet de Batman Nocture poursuit donc l’incursion mi-gothique, mi-introspective, entamée par Ram V, de façon honorable. On a encore du mal à situer où l’auteur veut en venir et si son run est prometteur suite à un mauvais équilibre de tout ce qu’il met en place (et, on l’avoue humblement, la dynastie Orgham et ses alliés ne font ni chauds ni froids – le gros problème de cette série). Ceux qui ont apprécié le premier tome n’auront aucun mal à se laisser séduire par celui-ci, ceux qui avaient peu accroché en revanche (le cas de l’auteur de ces lignes) y trouveront davantage leur compte.

Néanmoins, il est toujours difficile de conseiller la série, les promesses initiales ne sont pas particulièrement stimulantes, les graphismes moins homogènes et l’écriture parfois en-deça. Attendons (encore) le troisième tome afin de savoir s’il faut franchir le pas de l’achat…

[À propos]
Publié chez Urban Comics le 20 octobre 2023.
Contient : Detective Comics #1066-1070 + back-up 
Nombre de pages : 176

Scénario : Ram V, Simon Spurrier
Dessin & encrage : Ivan Reis, Rafael Albuquerque, Dexter Soy, Hayden Sherman, Dani, Stefano Raffaele, Miguel Mendonça, Danny Miki
Couleur : Dave Stewart, Adriano Lucas, Nick Filardi, Lee Loughridge

Traduction : Thomas Davier
Lettrage : MAKMA (Gaël Legeard, Sarah Grassart, Lorine Roy et Stephan Boschat)

Acheter sur amazon.frBatman Nocturne – Tome 2 : Premier acte (19 €)





Batman Nocturne – Tome 1 : Ouverture

Nouvelle série sur le Chevalier Noir, Batman Nocturne reprend les chapitres de Detective Comics publiés aux États-Unis depuis septembre 2022. Elle arrive donc après les différents runs des ères éditoriales précédentes : celui des New 52 (Renaissance en VF) – partiellement disponible en librairie – puis Rebirth et Infinite, sobrement intitulées Batman Detective Comics (7 tomes), Batman : Detective (5 tomes) et Batman Detective Infinite (4 tomes). Découverte d’un nouveau segment chapeauté par Ram V.

[Résumé de l’éditeur]
Il y a quelque chose de pourri au royaume de Gotham. Peu importe les épreuves que Bruce surmonte, et les pistes qu’il poursuit, le plus grand détective du monde n’arrive pas à trouver la source de la peur rampante qu’il ressent – comme si ses démons intérieurs s’emballaient et lui annonçaient sa mort imminente. Pendant ce temps, de vrais démons rôdent dans l’ombre et enveloppent la Cité de leurs ténèbres alors qu’une mélodie séculaire hante la nuit de Gotham. Le rideau se lève, la complainte sinistre s’élève… et Batman pourrait cette fois rester à terre.

[Début de l’histoire]
Le Chevalier Noir
arpente Gotham et se heurte face à un criminel qui se transforme en créature démoniaque. Au loin, Talia al Ghul semble être liée à la métamorphose du monstre humain.

Shavhod et son fils Arzen préparent leur arrivée dans la ville, comptant bien revendiquer une partie de Gotham (anciennement Gathome – sic), qui leur appartiendrait (notamment le territoire où fut fondé l’Asile d’Arkham!).

Harvey Dent semble revenir sur le droit chemin mais c’est sans compter sur un certain M. Gael qui pourrait le faire redevenir Double-Face d’un moment à l’autre.

Bruce Wayne est régulièrement affaibli par un mécanisme sonore et psychique, voire… mystique.

[Critique]
De mystérieuses créatures, des pouvoirs liés à la musique (!), des revendications de territoires par d’anciennes figures historiques de Gotham… bref le programme de Batman Nocturne est un joli bazar un peu trop bavard et confus, à l’image du Chevalier Noir dans cette œuvre à la fois accessible (c’est le point de départ d’une nouvelle série/ère) et paradoxalement compliquée (difficile de tout comprendre et d’adhérer entièrement à la vision de Ram V). Heureusement, la majorité de la partie graphique – signée Rafael Albuquerque – est sublime, conférant une ambiance à la fois sombre, gothique et cohérente avec le propos. On détaille tout cela.

Ouverture s’étale sur quatre chapitres (Detective Comics #1062-1065), un interlude centré sur James Gordon – devenu détective privé à son compte avec Bullock et recueillant un jeune homme un peu sauvage mais attachant et puissant (back-ups des #1062-1064) – et un épilogue (Detective Comics Annual 2022). Ne pas se fier aux apparences, il y a peut-être peu d’épisodes mais la partie textuelle est assez conséquente, noyée dans de nombreuses interactions entre de nouveaux et anciens personnages (dont Double-Face, redevenu « gentil »), ainsi qu’une narration obscure ou des pensées vaguement poétiques (mention spéciale à l’intermède particulièrement plombée par un rythme décousue et une écriture trop verbeuse et pénible – de Simon Spurrier, on y reviendra).

Ram V (Justice League Dark Infinite, Swamp Thing Infinite, Toutes les morts de Laila Starr…) peine à rendre son récit « lisible », comprendre que c’est inutilement alambiqué, ça manque de limpidité, de fluidité. On a du mal à se passionner pour ses créations (la fameuse dynastie Orgham, débarquée de nulle part – ce côté « famille secrète puissante » rappelle, forcément, un peu la Cour des Hiboux) et voir où l’auteur veut en venir ; il pose des jalons pour une suite qui s’annonce déjà fatigante avec de multiples intrigues – rappelant la pénibilité des structures de Grant Morrison, pas étonnant que Barbatos soit mentionné d’ailleurs, un des exemples ci-après en illustration –, proposant littéralement une pièce de théâtre gothique où il avance ses pions/personnages à sa guise.

L’auteur se positionne d’entrée de jeu (et c’est très bien) : son œuvre s’inscrit dans le registre fantastique/surnaturel – assez rare chez Batman –, va revisiter (une énième fois) les fondations/origines de Gotham et introduit de nouveaux protagonistes (pour l’instant peu empathiques). Il faut donc complètement adhérer à cette dimension pour profiter de Nocturne. Évidemment, si le lecteur est davantage familier et féru d’un Batman urbain, plus terre-à-terre, portée sur l’action et la réflexion, il ne devrait pas accrocher. Pour ceux qui aiment ce genre de prises de risques et cette démarcation somme toute originale, il faut essayer.

Si le scénario ne tient pas spécialement en haleine – malgré le travail soigné autour de la psyché de Bruce/Batman, particulièrement affaibli et touchant, oui, encore et toujours mais cette fois ça passe mieux, l’introspection est particulièrement réussie –, il a le mérite de donner envie de connaître la suite une fois arrivée à sa conclusion. Heureusement, le voyage graphique qui accompagne l’histoire vaut assurément le coup et se marie à merveille avec les enjeux singuliers. Ainsi, Rafael Albuquerque (American Vampire…) livre de superbes planches.

Tour à tour, il puise dans les emprunts de mysticisme, de créatures, d’étonnante mélancolie et/ou y mélange élégamment des choses plus conventionnelles (affrontements, infiltrations, échanges, expositions…). Sa mise en scène, son découpage et ses traits précis, couplés à un encrage (qu’il assure lui-même) et à une colorisation de Dave Stewart forment une cohérence visuelle époustouflante. Un véritable régal pour les yeux, surtout sur les doubles planches ! Les cauchemars du Chevalier Noir n’auront jamais été si distingués.

L’interlude est dessinée par Dani, radicalement éloignée du reste car dans une veine polar plus proche de la BD franco-belge (rappelant lointainement Gotham Central) mais souffre – on l’a dit plus haut – d’une omniprésence de bulles de pensées et d’interminables phrases, plombant le rythme et l’intérêt (cf. avant-dernière image de cette critique). C’est plus ou moins la suite de Joker Infinite avec le retour de Gordon. C’est Simon Spurrier qui signe cela et non Ram V, qui revient en revanche pour l’épilogue avec trois dessinateurs, Albuquerque à nouveau mais aussi Christopher Mitten et Hardyen Sherman pour un résultat globalement convaincant et homogène d’un point de vue graphique. En revanche, côté histoire, on se situe en 1776 dans la colonie de Gotham… Il y a déjà un Batman en action et une Poison Ivy (équivalente de chasse aux sorcière de l’époque – cf. dernière image de cette critique). Pénible.

Parenthèse sur les sublimes couvertures entre les épisodes et celle du comic book, elles sont signées Evan Cagle (et d’autres, alternatives et par différents artistes sont compilées en fin d’ouvrage comme toujours chez l’éditeur). Cet(te) Ouverture de Batman Nocturne porte bien son nom : longue introduction plus ou moins réussie (ou ratée c’est selon), digne d’un opéra baroque, d’un conte noir à l’ambiance tantôt envoutante, tantôt repoussante. Si l’on est peut-être trop sévère avec le scénario (rythme, exposition, narration, dialogues, enjeux, complexité…), on accorde volontiers le bénéfice du doute en espérant une suite mieux dirigée et calibrée (spoiler : c’est le cas, ouf !). Dans tous les cas, cette nouvelle série se démarque aisément des précédentes (en partie grâce à son atmosphère unique), et dans une industrie souvent consensuelle, c’est déjà ça de pris.

[À propos]
Publié chez Urban Comics le 7 juillet 2023.
Contient : Detective Comics #1062-1065 + back-ups (#1062-1064) + Detective Comics Annual 2022

Scénario : Ram V, Simon Spurrier
Dessin & encrage : Rafael Albuquerque, Dani, Christopher Mitten, Hayden Sherman
Couleur : Dave Stewart, Lee Loughridge

Traduction : Thomas Davier
Lettrage : MAKMA (Gaël Legeard, Sarah Grassart, Lorine Roy et Stephan Boschat)

Acheter sur amazon.frBatman Nocturne – Tome 1 : Ouverture (19 €)



 

Batman Dark City – Tome 3 : Gotham War

Après un premier volume porté sur l’action et bénéficiant d’une partie graphique séduisante puis un second tome poussif et complètement dispensable, la série Batman Dark City revient dans un troisième opus qui poursuit la série principale, contient l’event de son titre (avec des chapitres de la série Catwoman) mais aussi un complément de Knight Terrors (cf. critique des compléments) ! Un sacré bazar qu’on décortique.

[Résumé de l’éditeur]
Depuis qu’il est devenu Batman, Bruce Wayne n’est plus seulement un homme, mais un symbole à l’origine des pires tourments des criminels de Gotham. Désormais piégé dans le Royaume des Cauchemars par Insomnia, Bruce est traqué par l’horreur qu’il a lui-même créée ! Pourra-t-il s’échapper avant que ses peurs les plus viscérales ne l’entraînent plus profondément dans les ténèbres ?

Le résumé de l’éditeur est stricto senso le début du comic mais la longue histoire qui le compose est totalement différente et est abordée dans la critique.

[Critique]
Le résumé en quatrième de couverture (celui-ci dessus) ne couvre que les deux premiers épisodes du tome, c’est-à-dire ceux connectés à l’évènement Knight Terrors. Ces deux chapitres sont sympathiques (courte critique sur la page de toutes les Terreurs Nocturnes) mais sont totalement à part du reste de la fiction, qui se concentre donc sur la fameuse Gotham War (oui comme Joker War il n’y a pas si longtemps).

En quoi consiste cette nouvelle « guerre » dans la pire ville des États-Unis ? Et bien… Catwoman décide de prendre sous son aile tous les anciens sous-fifres des différents vilains emblématiques de Gotham pour les former à devenir des voleurs hors-pairs. Jusqu’ici pourquoi pas. Objectif : dérober uniquement les fortunés de la ville et, mécaniquement, faire baisser les autres crimes (plus violents et « dangereux ») car les hommes de main habituels ne seront plus disponibles pour d’autres ennemis.

Selina Kyle a la décence d’expliquer son plan à Batman et ses alliés, espérant que les justiciers de Gotham ferment les yeux sur ses actions, constatant la diminution générale de criminalité que cela engendre. Pour Batman, évidemment, hors de question de hiérarchiser les crimes (sans compter que voler les personnes riches – comme le furent ses parents – est évidemment inenvisageable). Chez ses acolytes en revanche, la question est étonnamment tranchée assez rapidement sans nuances : et si Catwoman avait raison ?

Aussi surréaliste que cela puisse paraître, une seule personne (!) se range d’emblée du côté du Chevalier Noir et, étonnamment, il s’agit de Damian/Robin ! Vu le caractère et le passif du fiston, c’est, au choix, soit une belle évolution mature et un soutien envers son père, soit un contresens total avec l’ADN du jeune homme. Si Red Hood (qui sera au centre de Gotham War ensuite) rejoint, sans surprise, Catwoman, tous les autres alliés semblent plutôt enclin à accepter la proposition de la femme féline également ! Les deux seuls qui auront droit à quelques lignes de dialogues sont Nightwing et Red Robin (donc Dick et Tim), pourtant les deux qui devraient être farouchement opposés à cette façon de faire ! Les autres (Spoiler, Orphan/Batgirl, Duke…) reste(ro)nt cantonnés à de la figuration.

Cette idée de départ n’est pas mauvaise en soi, cela soulève même une réflexion d’ordre morale pertinente mais, comme souvent dans les comics Batman, un concept inédit se transforme en aventure maladroitement développée et, in fine, peu intéressante, marquante ou (rêvons un peu) révolutionnaire. Gotham War n’y échappe pas : cet étrange mouvement criminel n’est pas vraiment remis en cause, le véritable problème pour tout le monde est… Batman ! Depuis ses précédents exploits avec sa personnalité de Zur-en-Arrh, l’entourage du détective le juge devenu trop dangereux, trop instable. C’est ce segment qui sera particulièrement mis en avant dans ce troisième volet écrit majoritairement par Chip Zdarsky (décidément pas très bon sur son run de Batman).

En neuf chapitres, on assiste donc à trois grands axes narratifs. Comment Batman arrive à manipuler mentalement Red Hood pour le rendre inoffensif en… lui octroyant un sentiment permanent de peur (!), comment l’idée de Catwoman se voit court-circuitée par Vandal Savage (et un groupe d’ennemis normalement forts mais vite expédiés sur la fin) et comment Bruce Wayne évolue et tire des conclusions de cette mésaventure.

Le constat est sans appel : l’ensemble se lit à peu près bien (le rythme est correct même si ça met du temps à démarrer), on a du mal à comprendre les choix de tous les personnages (sauf Batman, Catwoman et éventuellement Red Hood) et on apprécie surtout la fin (non pas parce qu’elle termine une histoire très moyenne (encore que…) mais parce qu’elle ouvre sur une belle promesse – qu’on dévoile juste ici, passez au paragraphe si jamais : Bruce comprend que ce n’est pas à lui de guider ses alliés mais à Dick et Barbara, plus solaires et fédérateurs, et leur laisse le champ libre).

Gotham War est donc, malheureusement, une nouvelle fois, un opus passable, pas forcément convenu (au contraire) mais mal écrit et peu plaisant. La fiction ne s’attarde jamais réellement sur la perte de la main de Bruce qui est pourtant quelque chose d’impactant (surtout dans cette série de la continuité). Elle balaie rapidement l’enjeu initial pour dériver sur Savage et sa quête d’immortalité, pas inintéressante de prime abord mais, encore une fois, trop rapidement exécutée. Curieusement, Catwoman n’est pas tant présente que cela alors que Red Hood a droit a une véritable histoire presque auto-contenue. De quoi être, une fois de plus, surpris par les choix proposés par Zdarsky.

Ni vraiment audacieux, ni vraiment palpitant, Gotham War se lit sans déplaisir mais sans réel plaisir non plus, ajoutant un énième titre « vaguement sympa sans plus » à la longue liste des comics Batman. Les orientations morales des protagonistes peuvent déstabiliser. On pourrait accepter que Dick et Tim aillent dans le sens de Selina mais il faudrait l’expliciter, l’écrire, consacrer tout un chapitre à un échange ciselant qui tendrait à comprendre leurs perceptions, leurs choix. Il n’en est rien ici, laissons donc toute latitude au lecteur pour subir passivement ces étrangetés (il ne s’agit pas non plus d’une déconstruction, cela aurait d’ailleurs été plus habile, mais banalement d’une paresse d’écriture). Reste un Batman impérial qui sauve (un peu) l’ensemble.

Côté dessin, heureusement, il y a de chouettes moments malgré le trop grand nombre d’artistes présents dans cet opus. Belén Ortega, Jorge Corona, David Lafuente, Nikola Cizmesija, Mike Hawthorne, Nico Leon, Adriano Di Benedetto et Jorge Jimenez (sur les chapitres Batman bien entendu) – et Guillem March pour les Knight Terrors. Un pot pourri parfois agréable (quelques planches éclatées, quelques costumes élégants…), parfois franchement moyens, dans tous les cas une non homogénéisation visuelle (qui ne gêne pas à la compréhension mais reste un peu dommageable). Gotham War est donc, à l’instar du second volume, plutôt déconseillé (surtout vu le prix !) et il est grand temps que Zdarsky passe la main.

[À propos]
Publié chez Urban Comics le 23 février 2024.
Contient (dans l’ordre) : Knight Terrors: Batman #1-2 + Batman #136 + Batman/Catwoman: The Gotham War: Red Hood #1 + Batman/Catwoman: The Gotham War – Battle Lines #1 + Batman #137 + Catwoman #57 +  Batman #138 + Catwoman #58 + Batman/Catwoman: The Gotham War: Red Hood #2 + Batman/Catwoman: The Gotham War – Scorched Earth #1
Nombre de pages : 360

Scénario : Chip Zdarsky, Joshua Williamson, Matthew Rosenberg, Tini Howard
Dessin & Encrage : Belén Ortega, Jorge Corona, Guillem March, David Lafuente, Nikola Cizmesija, Mike Hawthorne, Jorge Jimenez, Nico Leon, Adriano Di Benedetto
Couleur : Tomeu Morey, Ivan Pascencia, Rex Lokus, Romulo Fajardo Jr., Veronica Gandini, Arif Prianto

Traduction : Jérôme Wicky
Lettrage : MAKMA (Gaël Legeard)

Acheter sur amazon.fr : Batman Dark City – Tome 3 : Gotham War (30 €)