MàJ février 2021 : le film sortira directement en DVD et Blu-Ray le 7 avril prochain. Article récapitulatif des différentes éditions et des deux disques de la bande originale signée Hans Zimmer.
Suite de Wonder Woman (2017), Wonder Woman 1984 était initialement prévu pour sortir en novembre 2019 ! Repoussé pour diverses raisons puis principalement à cause de la pandémie de Covid-19, le long-métrage de Patty Jenkins s’offre une sortie exclusive aux États-Unis le 25 décembre 2020 à la fois au cinéma et sur la plateforme de streaming HBO Max (une première dans l’histoire du 7ème art). Dans les autres pays, la date varie : au plus tôt le 16 décembre 2020, au plus tard (officiellement) le 13 janvier 2021. Certains ne l’ont toujours pas programmés, comme la France (à l’exception des DOM-TOM qui peuvent le visionner depuis le 25 décembre 2020 également). Le film sortira chez nous directement en DVD et Blu-Ray le 7 avril prochain (article récapitulatif des différentes éditions).
Mis à part ce contexte particulier, que vaut ce WW84 ? Pas grand-chose, hélas ! Explications dans cette critique en avant-première.
[Histoire — Synopsis officiel légèrement remanié]
Depuis la fin de la Première Guerre mondiale, Diana Prince s’est intégrée à la civilisation et continue sa vie parmi les humains, même si elle revêtit de temps en temps son costume de Wonder Woman pour aider les autres, en prenant bien soin de cacher toute traces de son passage.
En 1984, Diana travaille pour la Smithsonian Institution à Washington. Elle y fait la rencontre du Dr Barbara Ann Minerva, une nouvelle collègue qui, en raison d’un profond manque de confiance en elle, prend rapidement Diana comme exemple. Barbara est chargée d’identifier plusieurs antiquités récupérées lors d’un casse. Parmi ses antiquités se trouve une pierre dont la légende raconte qu’elle exauce les vœux de celui qui la tient entre ses mains. Ce mystérieux artefact est convoité depuis longtemps par de Maxwell Lord, un entrepreneur charismatique au bord de la faillite et prêt à tout pour retrouver la gloire.
Chaque protagoniste demande alors à la pierre un vœu particulier voire impossible mais qui va pourtant se réaliser ; au point de changer petit à petit le monde en chaos omniprésent…
[Critique]
Malgré quelques belles séquences, Wonder Woman 1984 peine clairement à convaincre… D’un classicisme effarant pour un film de super-héros au manque cruel d’émotions et de moments épiques, WW84 est sans aucune doute une suite ratée. C’est d’autant plus rageant que le premier long-métrage avait globalement réussi son challenge (on fermait volontiers les yeux sur ses petits loupés). On ne voit certes pas les 2h30 défiler car le rythme est bon, rien à redire là-dessus, mais on a l’impression que la fiction n’a toujours pas réellement démarré quand surgit la fin… Faute à l’absence de scènes d’action dantesques (même lors du traditionnel climax) et, surtout, à un scénario assez pauvre. Ce dernier est écrit par Patty Jenkins elle-même (qui met à nouveau en scène la justicière à l’écran), Geoff Johns et David Callaham. Si Geoff Johns est une valeur sûre dans les comics, sa plume est moins brillante dans les adaptations qu’il a co-signée, comme Aquaman (qui était un divertissement très honorable même si son écriture, justement, lui faisait défaut).
Outre le prisme critique de film intrinsèque, il est naturel d’angler l’analyse sous deux (voire trois) autres biais. Celui de la « suite » tout d’abord. On nous a montré la classique « origin-story » dans le premier Wonder Woman, il convient donc de passer la vitesse supérieure dans ce second volet. Malheureusement, le parcours de Diana suit un chemin balisé extrêmement prévisible dès les premières minutes du film écoulées… Grâce à un artefact magique permettant de réaliser n’importe quel souhait, on anticipe vite ce qu’il va se dérouler : Diana souhaite retrouver Steve Trevor, Barbara Minerva devenir « comme Diana Prince » (et donc se métamorphoser petit à petit en puissante guerrière et, in fine, en Cheetah), Max Lord être riche et puissant en s’appropriant lui-même la possibilité de réaliser les vœux de l’artefact, etc. Cette « formule magique » (littéralement) permet une facilité d’écriture (paresse intellectuelle ?) qui ne brille jamais par son audace et son originalité (toutes deux absentes évidemment et malheureusement). Quand on apprend dans la seconde moitié de l’œuvre que la réalisation d’un souhait fait perdre quelque chose en retour mais qu’on peut à tout moment « renoncer à son vœu » (étrange de ne pas l’avoir mentionné plus tôt d’ailleurs), il ne fait plus aucun doute quant au développement narratif de WW84… Zéro surprise à l’horizon.
Il y a tout de même quelques bons moments à découvrir. L’introduction en flash-back sur Themyscira (qui ne se connectera pas vraiment au reste de l’histoire — on pourrait presque croire une luxueuse scène coupée du premier opus, aussi bien par sa photographie différente du reste du film et sur laquelle on ne reviendra jamais), la naissance du jet invisible et une course-poursuite dans le désert (plus ou moins convaincante) mais, hélas, c’est à peu près tout. Les rares autres scènes d’action ne resteront pas dans les mémoires : un début de combat à la Maison Blanche, l’affrontement entre Cheetah et Wonder Woman (en semi bouillie numérique propre aux productions du DCEU) et, à la rigueur, l’arrestation de braqueurs dans un centre commercial typique des années 1980 (impossible de ne pas penser à celui de la série Stranger Things, en particulier sa troisième saison). De l’année 1984 du titre et de l’époque où se déroule le récit justement, il n’y a pas grand chose à retenir, passé ce centre commercial : un peu de mode vestimentaire, la présidence de Reagan et le conflit US vs. URSS en toile de fond. Ce n’est pas plus mal tant cette mode de « revival nostalgique des 80’s » était trop présente sur petits et grands écrans ces dernières années et commençait à sérieusement à s’essouffler ; mais c’est étonnant de n’avoir « que ça » vu le nom du film et ses affiches marketings. Peu importe. Clairement, WW84 pouvait être WW74, WW94 ou n’importe quelle autre date que ça n’aurait rien changé. Sa fameuse armure dorée, fièrement arborée sur bon nombres de visuels pour les campagnes de communication, est elle-aussi un gimmick presque insignifiant (les scènes dans lesquelles Diana la porte étaient, de toute façon, déjà majoritairement dévoilées dans les vidéos promotionnelles).
Une déception, même pour les moins exigeants
En tant que suite, on le répète, le film manque d’ambition et de réelles nouveautés palpitantes (aussi bien pour le spectateur « lambda » que le fan de comics). On peut clairement parler de déception, même pour les moins exigeants d’entre nous… Si on critique WW84 sous l’angle du neuvième long-métrage du DCEU, on peut difficilement le défendre aussi. Bien qu’il soit démarqué et quasiment indépendant du reste des autres productions, le film de Patty Jenkins ne prend aucun risque : mise à part les connexions évidentes avec le premier Wonder Woman (presque uniquement grâce à Steve Trevor), on se situe dans une période où les autres super-héros n’existent pas, inutile donc d’en faire mention (et tant mieux, pas besoin de lien forcé !). On s’en rappelle : dans les premières apparitions de Wonder Woman dans Batman v Superman, on nous expliquait que la justicière s’était faite discrète tout au long du siècle. C’est ce qu’on constate ici : Diana intervient pour aider les humains mais s’arrange pour ne pas être vue ou filmée dans la majorité des cas. Cela permet de conserver une certaine cohérence avec l’univers DC au cinéma instauré par Zack Snyder (toujours crédité producteur ici). Malgré tout, il serait pertinent de montrer l’héroïne au présent dans le troisième opus déjà en chantier tant on a fait le tour de ses aventures dans le passé…
A propos du DCEU, impossible de ne pas penser à Aquaman parfois : les effets spéciaux de WW84 oscillent entre le sublime et le kitch. Si on pouvait fermer les yeux sur ces cas de figure dans le premier visionnage du long-métrage sur Arthur Curry (le kitch a toujours été associé à Aquaman, la faune et la flore du film étaient plutôt soignés, l’univers aquatique très singulier, c’était sa première adaptation d’envergure, etc.), ce n’est pas le cas pour Wonder Woman 1984. Pire encore : même les scénarios « simplistes » (ce n’est pas un défaut) et prévisible (idem) d’un Shazam !, Aquaman ou carrément d’un Suicide Squad arrivaient à apporter un certain intérêt — la découverte de nouvelles figures iconiques en premier lieu même si cela ne suffisait pas pour certains — qu’on ne (re)trouve pas ici. L’échec est complet.
La (fausse) complexité d’un Batman v Superman, l’ambition visionnaire d’un Man of Steel ou encore le montage et la proposition inédite d’un Birds of Prey (meilleur, de loin, que ce WW84) permettaient à ces films du DCEU de se démarquer et d’être clivants. Si les autres (les trois précités auxquels on ajoute volontiers le premier Wonder Woman et l’incident industriel Justice League en attendant sa nouvelle version) abordaient une forme parfois lisse et, on le redit « simpliste », on prenait quand même un certain plaisir (parfois minime) à voir à l’écran ces nouvelles têtes. (Certains diront que le DCEU a banalement adopté « la formule (semi-gagnante) du MCU »…) Dans WW84, le spectateur est privé de frissons dramatiques et de plans iconiques (on en retiendra un ou deux tout au plus et les quelques scènes déjà citées mais c’est trop peu, surtout pour une production d’envergure de ce genre). Empilant quelques clichés, esquivant des sujets importants… tout est bien trop lisse et fade dans le blockbuster.
Anti-spectaculaire au possible
Du reste, le casting est assez solide. Gal Gadot est toujours aussi convaincante en guerrière amazone (même si on la voit trop peu revêtue sa tenue mais toujours avec une certaine grâce et élégance) tout en ayant suffisamment de charisme pour jouer son alias civile Diana Prince, un peu effacée dans ce nouveau volet. En effet, Pedro Pascal lui pique clairement la vedette. En incarnant le torturé Max Lord, l’acteur séduit et fait mouche. C’est de lui dont on se souviendra dans ce WW84 ! Certains évoquaient un parallèle avec Donald Trump, on peut le voir ainsi en effet mais ça reste anecdotique : la folie des grandeurs, l’égo démesuré et la soif de pouvoir (et d’argent) sont le sel de nombreux antagonistes. Les inspirations proviennent ici de Lex Luthor époque Superman de Richard Donner (donc Gene Hackman) et Gordon Gekko (Michael Douglas) dans Wall Street. L’inoubliable interprète d’Oberyn Martell de Game of Thrones et le fameux Mandalorian de la série du même nom est très magnétique (difficile d’ailleurs pour un fan de Star Wars de ne pas « entendre » Din Jarin parfois !). L’autre ennemie est elle-aussi concluante : Kristen Wiig interpète Barbara Minerva/Cheetah avec brio même si l’écriture de son personnage (et donc son évolution) est assez sommaire… Enfin, Chris Pine revient en Steve Trevor pour un résultat assez banal mais plutôt touchant dans sa relation avec Diana et sa découverte du « nouveau monde » soixante-dix ans après sa disparition (thématique « inversée » par rapport au premier Wonder Woman où Diana était dans cette position).
On retrouve la sorte de mièvrerie qui caractérisait le premier opus, principalement dans la dernière partie, anti-spectaculaire au possible pour un climax — offrant une certaine candeur (plus ou moins agréable et bienvenue) par rapport aux multiples crises de l’année 2020 écoulée (1) et balayant un cynisme peut-être trop omniprésent ; mais cela n’est pas suffisant bien sûr… C’est l’un des autres défauts de Wonder Woman 1984 : un souffle épique quasiment absent. Là aussi c’est décevant quand techniquement tout est à peu prêt plutôt bien travaillé (un peu de recherche de mise en scène et de chorégraphique entre autres) et, surtout, sublimé par la musique d’Hans Zimmer (qui succède à Rupert Gregson-Williams). Après Man of Steel et Batman v Superman, l’artiste accompli dans le domaine (Le Roi Lion, Gladiator, Inception, la saga Pirates des Caraïbes, Interstellar…) et particulièrement à l’aise pour les fictions de super-héros (en plus des deux citées, ajoutons la trilogie The Dark Knight et X-Men Dark Phœnix — une de ses plus belles compositions qui vaut le détour aussi bien l’OST que ses « Xperiments » en dépit du film très moyen) signe une chouette partition. On retrouve le thème emblématique de Wonder Woman (ce petit riff de guitare électrique) à plusieurs reprises mais aussi Beautiful Lie qui ouvrait BvS et qui ferme ici WW84 avec une habile réorchestration (qui semble étonnamment absent de la liste des titres disponibles en écoute sur Spotify ou en précommande de la BO qui sera en vente en format CD le 8 janvier 2021). The Surface of the Sun, composé par John Murphy et tiré du film de science-fiction Sunshine (et repris un peu partout depuis) est également de la partie pour un moment qui colle parfaitement au nom du morceau.
En tant que long-métrage « unique », Wonder Woman 1984 est un énième et banal film de super-héros quelconque qui arrive à peine à jouer la carte du divertissement honorable. En tant que « suite » il manque cruellement d’ambition, d’audace et d’originalité (les éléments qu’on peut toujours « pardonner » quand il s’agit d’un premier volet mais pas vraiment quand on est dans un deuxième). Enfin, en tant que segment du DCEU il n’apporte pas grand chose (mais ça ce n’est pas grave).
Vu sous un angle un peu plus sociologique (l’éventuel troisième biais critique évoqué plus haut), WW84 n’est pas plus féministe que le premier Wonder Woman (ou Captain Marvel chez la concurrence). On ne lui demande pas de l’être obligatoirement (même si, vu la super-héroïne en premier plan ça semble être une évidence) mais ça aurait pu être une qualité supplémentaire bienvenue. Réalisée par une femme et mettant en avant une héroïne, la fiction permet au moins cela (ça reste rare même si cela change lentement mais sûrement depuis quelques années, aussi bien en restant dans le genre — citons Black Widow en complément des deux autres — qu’en s’en démarquant dans un autre registre (Hunger Games, Tomb Raider, la postlogie Star Wars…) sans forcément tomber dans l’inversion des sexes sur des franchises cultes (SOS Fantômes, Ocean’s Eight…). Mais cela ne fait pas un bon film pour autant, évidemment…
Si polémique il y a à chercher, ce serait plutôt sur le « consentement » (à défaut du harcèlement de rue, maladroitement abordé dans WW84). Passez au paragraphe suivant pour éviter les révélations. Steve Trevor revient à la vie en prenant « possession » du corps d’un autre homme (un inconnu) : c’est le physique de ce dernier qui est d’abord montré avant de devenir celui de Steve (que seul Diana voit ou bien tout le monde, ce n’est pas très clair). Cette « appropriation » d’une personne soulève un point intéressant quant à la « privation » de son propre corps (et âme/personnalité) : en effet, un homme est privé de sa vie (momentanément certes) sans que ça ne gêne quiconque (ni alarme son entourage). A aucun moment dans le long-métrage n’est abordé le côté éthique de cette façon de faire : elle n’est ni énoncée, ni remise en question ! Et quand Diana et Steve font l’amour, c’est en réalité « le corps de cette autre personne » qui est possédée par Steve et commet l’acte. Sans son consentement donc… Difficile d’être à l’aise sur ce sujet (pour une fois que les rôles masculins/féminins sont inversés dans ce genre de cas) et surprenant pour une production du genre dans notre ère où chaque œuvre est décortiquée (à tort ou à raison) par des valeurs morales (qui relèvent parfois de la subjectivité et non de la légalité ou la morale « intemporelle »). Si peu de médias français s’en sont fait écho jusqu’à présent, ce n’est pas le cas aux États-Unis. Le temps nous dira si cet élément revêt d’une tempête dans un verre d’eau ou deviendra une polémique de grande ampleur, mais il est vrai que c’est un peu gênant lors du visionnage…
Que reste(ra)-t-il donc de WW84 ? Une petite aventure sympathique de la guerrière amazone qu’on aimerait voir à l’œuvre dans un champ de bataille plus épique (comme la célèbre scène du No Man’s Land du premier volet), moins prévisible, davantage audacieux et, surtout, original.
En attendant le troisième volet d’une trilogie (à nouveau réalisé par Patty Jenkins) et un spin-off centrée sur les Amazones de Themyscira (se déroulant après le premier opus et connecté à ce qu’il se passe(ra) entre le second et le troisième — peut-être un retour de Diana sur l’île ?), on retiendra de WW84 — outre sa sortie compliquée dans un contexte particulier — quelques jolies scènes, surtout si on les voit en IMAX (l’ouverture sur l’île avec Diana enfant, la course-poursuite dans le désert plus ou moins réussie, deux ou trois plans iconiques incluant Wonder Woman en armure d’un Chevalier du Zodiaque, le jet invisible ou encore Diana qui arrive à voler…), la sublime bande originale du film, la prestation de Pedro Pascal ainsi que le personnage plutôt attachant de Barbara (qui devrait revenir dans le prochain volet). Bilan un peu maigre, surtout pour une production de ce genre et pour une super-héroïne qui avait bien réussi son arrivée sur grand écran…
(1) – C’est en tout cas une vision que défend Arno dans sa critique du film sur comicsblog.fr, un (autre) point de vue intéressant.