The Suicide Squad (2021)

[Histoire]
Amanda Waller dirige une nouvelle opération pour sa Suicide Squad. Son équipe est composées de « vilains », prisonniers violents et marginaux, qui gagnent une réduction de peine en échange de leur participations (et idéalement réussites) à des missions suicides.

Direction l’île de Corto Maltese, en Amérique du Sud où la fameuse Task Force X (autre nom donné à la Suicide Squad) doit détruire un laboratoire secret dans une tour, Jotunheim, ainsi que son mystérieux projet Starfish, géré par le Penseur.

Deux groupes de la Suicide Squad s’y rendent. Le premier par les airs au sud, emmené par Rick Flag qui guide Harley Quinn, Captain Boomerang, Savant (sa première fois), T.D.K., Javelin, Mongal, Weasel (une belette géante qui a tué des enfants) et Blackguard. Le second par la mer au nord-ouest, sous les ordres de Bloodsport, qui conduit Peacemaker, Nanaue (King Shark), Ratcatcher II (Cleo Cazo, fille de Ratcatcher) et Polka-Dot Man.

A peine arrivés, un affrontement s’engage entre les membres de la Task Force X, les soldats du gouvernement et les rebelles voulant le renverser. Rien ne se passe comme prévu…


[Critique]
The Suicide Squad est une réussite incontestable sur de nombreux points ! Aussi inespéré qu’irrévérencieux, c’est clairement LE long-métrage qui aurait du être le premier Suicide Squad du nom. Difficile de faire l’impasse sur le film précédent de David Ayer et de ne pas jouer le jeu de la comparaison. Rappelons que Suicide Squad, sorti il y a pile cinq ans en 2016, nous présentait une équipe de méchants « pas très méchants » et d’un déroulé très convenu dans sa narration, affaiblie par un casting inégal, des effets spéciaux et ennemis peu convaincants ainsi qu’un Joker en roue libre très clivant. Sur ce site, on n’avait pas détesté, trouvant le divertissement assez potable malgré tout. Néanmoins il est évident que Suicide Squad avait souffert de coupes et différait cruellement du montage initial de David Ayer, qui réclame (à l’instar de Zack Snyder sur Justice League) une seconde chance ; à raison. Refermons cette parenthèse et revenons à The Suicide Squad, annoncée comme une suite indépendante du premier film, succès commercial incontestable mais four critique unanime. Dans cette nouvelle fiction, réalisée par James Gunn (Les Gardiens de la Galaxie – on reviendra plus tard sur le reste de sa filmographie), on se situe bien après le précédent long-métrage. En quelques minutes le concept de la Task Force X est réexpliqué et les nouveaux protagonistes présentés sommairement. Sauf que cette fois, certains meurent « vraiment » (voire rapidement) et d’autres sont écrits avec un développement soigné et même une certaine émotion. Ce qui change bien sûr la donne.

James Gunn a eu carte blanche pour monter son histoire, que ce soit au niveau du fond (n’importe qui pouvait mourir, le studio de production Warner Bros n’imposait à personne de survivre) que la forme (têtes décapitées, violence à outrance, scènes gore, langage grossier… le film est classé Rated R aux États-Unis, c’est à dire interdit aux mineurs de moins de 17 ans s’ils ne sont pas accompagnés d’un adulte – curieusement en France, The Suicide Squad est tout public !). « Aucun personnage n’était protégé par DC. Ils m’ont donné carte blanche pour faire ce que je voulais. C’est l’une des choses sur lesquelles on s’est mis d’accord avant que je ne signe« , martelait le metteur en scène plusieurs mois avant la sortie de son œuvre. « Je leur ai demandé ce que je devais garder [du premier film], ils m’ont dit : rien. Ils ont dit qu’ils adoreraient que Margot [Robbie, l’interprète d’Harley Quinn] puisse être dans le film mais ce n’était pas obligatoire. Je pouvais avoir de nouveaux personnages, ou tous les reprendre.« 

Cette liberté totale est pour le moins surprenante (on y reviendra) mais salvatrice. Du précédent Suicide Squad, nous retrouvons seulement Harley Quinn (Margot Robbie), Captain Boomerang (Jai Courtney), Rick Flag (Joel Kinnaman) et bien sûr Amanda Waller (Viola Davis). Si Deadshot (Will Smith) fut un temps envisagé pour revenir, il est remplacé par Bloodsport, alias Robert DuBois (Idris Elba). Ce dernier est quasiment le même personnage : tireur d’élite hors-pair, noir, père d’une jeune fille avec qui il est en conflit, leader charismatique, etc. De la même manière, King Shark (doublé en version originale par Sylvester Stallone) rappelle (un peu) Killer Croc (la créature mi-homme mi-crocodile fait place à un requin humanoïde dévoreur d’hommes). Tout le reste du casting (fictif et réel) est donc renouvelé, tant mieux ! The Suicide Squad peut parfaitement se voir sans connaître le premier Suicide Squad, c’est une évidence, néanmoins il se déroule après et bien sûr dans le même univers (ainsi que celui partagé avec les autres métrages du DCEU).

Alors, que vaut donc ce dixième film de l’univers étendu DC Comics au cinéma ? Et bien, comme dit plus haut, c’est indéniablement un très bon film dans son genre. Outre l’accompagnement soigné des protagonistes (ceux qui survivent notamment), le film n’est pas avare en humour noir et surprend régulièrement dans ses deux premiers tiers. Le dernier arc est plus convenu (là aussi on y reviendra) et malheureusement dévoilé par le matériel promotionnel. Côté mise en scène, sans révolutionner le genre, James Gunn se plaît à enchaîner quelques plans « graphiques » (comprendre un peu comic-book), jouant avec les couleurs et ses décors pour un peu d’originalité dans ses séquences d’action brutales ou quelques scènes avec poses iconiques/ironiques. On pense aux plans où des titres (chapitrage ?) sont formés avec des éléments du décors ou, surtout, au combat dans un couloir d’Harley avec des fleurs de toutes les couleurs (aperçu dans la bande-annonce – comme celle de l’apparition des membres de la Suicide Squad sous la pluie). Gunn (qui convoque ses comédiens habituels qu’il dirige de longue date) se lâche complètement dans ses effusions de sang ; une violence incroyable toujours désamorcée par le décalage drôle et sanglant de l’ensemble. Même si c’est gratuit, ça colle à la fois à l’univers de Suicide Squad et au réalisateur. Avant d’être « connu par le grand public » pour ses deux films chez Marvel Les Gardiens de la Galaxie (qui résonnent ici pour le côté « film d’équipe » avec plusieurs protagonistes bien équilibrés à l’écran), James Gunn a fait ses armes sur du cinéma gore et atypique, trash et parodique. Tromeo and Juliet (sorti en 1996, qu’il a co-signé et où il était assistant réalisateur) mais surtout Horribilis (2006), film d’horreur, puis Super (2010), où un homme lambda veut devenir un super-héros. Tous deux étaient un festival de violence graphique également.

On retrouve donc dans The Suicide Squad cette approche singulière, à la fois froide et surréaliste, allant dans la surenchère et l’humour. Ce qui manquait bien sûr au premier Suicide Squad (et aussi, d’une certaine manière, aux deux Gardiens de la Galaxie même si leur univers s’y prête moins). Côté casting, Joel Kinnaman s’en sort nettement mieux que son interprétation fade du premier opus, il est ici mieux travaillé et plus attachant, Viola Davis montre une nouvelle fois qu’elle est LA véritable méchante du film, cruelle au plus haut point et Margot Robbie excelle une troisième fois (n’oublions pas son film presque solo Birds of Prey) dans le rôle d’Harley Quinn (inutile de préciser que ceux qui n’accrochaient pas à sa prestation ne seront toujours pas conquis ici). L’ancienne compagne du Joker évolue un peu en marge de l’équipe pour le meilleur, bénéficiant elle aussi d’une écriture appréciable, de moments surprenants et d’une évolution plaisante. Jai Courtney (Captain Boomerang) conserve malheureusement son côté lourdingue mais ça passe mieux aussi cette fois.

Parmi les (nombreux) nouveaux, saluons l’incarnation très solide d’Idris Elba en Deadshot Bloodsport, repère à peu près « normal » de la bande (mais pas le plus humaniste pour autant). A ses côtés, nous sommes touchés par la jeunesse et le charme de Cleo Cazo, fille de Ratcatcher qui manipule donc les rats et on est hilares devant Peacemaker, indéboulonnable John Cena qui aura droit à sa propre série sur HBO Max l’an prochain (huit épisodes diffusés dès janvier 2022 dont la plupart réalisés par Gunn himself). Ce nouveau personnage est un régal, cherchant la paix à tout prix « même s’il faut tuer des enfants pour ça« . Tout le reste du casting s’en sort plutôt bien, ceux évoqués ici sont bien sûr ceux mis en avant tout au long de l’aventure, cela ne veut pas dire que tous les autres meurent (au contraire), néanmoins en analysant le matériel promotionnel, on peut aisément comprendre qui va survivre ou non. Attention aux révélations dans le paragraphe suivant, sinon passez à celui d’après.

Entre les déclarations de l’équipe technique, les bandes-annonces et les affiches, il est assez donc assez aisé de savoir qui l’on va suivre dans The Suicide Squad. L’ouverture prend le spectateur par surprise en décimant une bonne partie de la team et les survivants ne le sont pas forcément très longtemps. Clairement, le spectateur ne doit pas s’attacher à tout le monde, comme l’évoquent fièrement quelques slogans sur les posters. Audacieux donc (même si on s’y attendait), le film poursuit son côté WTF (comprendre mi-nanardesque) en proposant Bizarro comme grand ennemi du climax. Oui, la fameuse « étoile de mer géante » existe bien dans l’univers DC Comics. C’est une méchante qu’affronte la Justice League entre autres. Dommage d’avoir révélée son existence par le biais de photos commerciales.

Les joyeux et bordéliques compagnons de route suivent leur quête principale (encore une fois, on retrouve un côté jeu vidéo – qui faisait un certain charme au premier) à un rythme effréné, pas le temps de s’ennuyer ! Durant 2h10, on suit avec un malin plaisir la Suicide Squad et ses membres atypiques pour voir ce qu’ils vont devenir. Si le second tiers est un brin moins rythmé que les deux autres, le rythme de l’ensemble reste efficace ; il ne s’écoule qu’une poignée de jours à peine durant la fiction, permettant à la narration d’aller à l’essentiel sans perdre de temps. L’ensemble des effets spéciaux est à peu près crédible (côté explosions et corps broyés ou déchiquetés), il faut fermer un peu plus les yeux sur les animaux et créatures (King Shark, Sebastien le rat et ses congénères et l’autre ennemie évoquée plus haut dans la partie spoilers). L’alchimie entre les personnages fonctionnent ici nettement plus que dans le précédent film, notamment entre Rick Flag, Bloodsport et Peacemaker pour le trio masculin le plus mis en avant, la caution humoristique grâce à King Shark et la touche féminine avec deux beaux rôles qui, elles aussi, se mélangent habilement et avec complicité aux autres : Harley et Ratcatcher.

Le spectacle est dans l’ensemble assuré avec suffisamment d’originalité (pour les amateurs des comics éponymes ou les nouveaux venus) pour passer un bon moment mais aller plus loin que le « divertissement sympa sans plus », grâce aux nombreux éléments positifs soulevés. Ainsi, The Suicide Squad se dresse aisément dans le haut du panier du DCEU, éloigné des productions très convenues (passables et axés super-héroïques (Shazam !, Aquaman, Wonder Woman 1984 ou même le premier Suicide Squad), se démarquant aussi de la fameuse « vision » de Zack Snyder, son ton austère et très sérieux (Man of Steel, Batman v Superman et son Justice League). L’œuvre s’émancipe d’ailleurs de l’univers partagé, on a parfois du mal à imaginer que dans ce même monde co-existent Superman et Aquaman par exemple. C’est n’est pas très grave, le long-métrage réussit la prouesse à la fois de rester indépendant et connecté (très brièvement) au reste de la franchise, c’est (largement) suffisant. Il n’en demeure pas moins sans quelques défauts : des facilités scénaristiques (la peur des rats chez Bloodsport – autant reprendre Deadshot d’ailleurs, dommage d’avoir réitéré le même personnage quasiment interchangeable –, le disque dur trouvé aisément et comportant comme par hasard toutes les données recherchées…), des gags un peu lourdingues (à base de « bites » ou autre joyeusetés), une compilation musicale façon juke-box, comme pour Les Gardiens de la Galaxie, sauf qu’ici on ne retient pas grand chose, et comme le précédent film d’une certaine manière. Malgré tout et comme répété, ce dixième film du DCEU s’en sort avec les honneurs sans trop de difficulté.

En synthèse, naviguant entre humour, originalité, scènes trashs et mise en scène singulière, The Suicide Squad est une proposition audacieuse, généreuse et décomplexée qui fait du bien ! On espère retrouver ces mercenaires détraqués d’une manière ou d’une autre tant ils sont cools et attachants.