► Page récapitulative du « Dark Knight Universe de Frank Miller », débuté en 1986 avec The Dark Knight Returns, chroniqué ci-dessous et qui a révolutionné aussi bien la mythologie de Batman que celle des comics.
[Histoire]
Dix ans après la dernière apparition de Batman, James Gordon, soixante-dix ans, va bientôt prendre sa retraite. Mais Gotham City est loin d’être une ville où l’on se sent en sécurité : le Gang des Mutants multiplie les meurtres gratuits.
Bruce Wayne, cinquante-cinq ans, devenu misanthrope et encore plus renfermé sur lui-même depuis la mort de Jason Todd (ce qui l’a forcé à arrêter ses activités de justicier) ne supporte plus de rester passif devant cet étalage d’agressions. L’homme a aussi envie d’assouvir ses pulsions de violence et de retrouver les sensations du passé.
Il reporte donc son masque et sa cape pour combattre le Gang des Mutants. Son retour coïncide aussi avec celui d’Harvey Dent, apparemment guéri et dont le visage a été entièrement refait. Le Joker est lui aussi ravi de revoir sa némésis et va donc vouloir s’échapper de l’asile d’Arkham.
Une jeune lycéenne, Carrie Kelley, va alors revêtir un costume de Robin pour rejoindre la nouvelle croisade du Chevalier Noir. Ce dernier fascine les médias et la télévision ne parle que ça, sous fond de tensions entre les États-Unis —pour lesquels travaille officiellement Superman (depuis qu’un décret interdit officiellement les super-héros d’œuvrer sans l’accord d’un gouvernement)— et l’U.R.S.S.… Enfin, la police traque Batman lors de cette dernière horde sauvage.
[Critique]
Publiée en 1986, cette œuvre écrite et dessinée par Frank Miller révolutionna d’un coup les comics sur Batman et toute la mythologie de celui-ci. En effet, le ton extrêmement sombre de The Dark Knight Returns (plus connu sous le simple titre Dark Knight) donne un coup de fouet à un héros quelque peu en perte de vitesse à ce moment là. L’auteur récidivera l’année suivante, avec cette fois les origines enrichies de Batman, dans Année Un. Près de trente ans après sa sortie, The Dark Knight Returns n’a pas pris une ride, aussi bien son scénario que son aspect graphique.
Résolument mature et noire, la bande dessinée de Miller incorpore des éléments politiques et un ton radical dans son histoire. De la même manière, son découpage des planches, d’environ seize cases par page, sa narration à travers le point de vue de Wayne, Gordon et, principalement, sous le prisme des médias télévisés, tranchent avec ce qui été produit à l’époque. C’est en insufflant cette base d’un homme égoïste, misanthrope et violent, à sa bande dessinée, que le Batman plus « moderne » est arrivé.
Le contexte sociétal proposé dans The Dark Knight Returns offre à Bruce Wayne, vieil aigri solitaire, éternel meurtri, une occasion de redevenir ce qui l’a toujours façonné : son alter ego chauve-souris. Fatigué de voir la passivité des politiciens et la haine gangrener partout dans sa ville, l’homme réveille l’ancien sur-homme qu’il fut jadis. C’est l’occasion d’analyser l’existentialisme de ses ennemis, à commencer par le Joker.
La dualité entre les deux n’est plus à débattre (dont le sommet de celle-ci sera atteint deux ans plus tard, en 1988, par le superbe Killing Joke, signé par Alan Moore, qui scénarisera l’année de publication de The Dark Knight Returns son immense chef-d’œuvre Watchmen, offrant à DC Comics une année de renaissance et, surtout, de reconnaissance critique et public). Le Joker, donc, se réveille littéralement dès qu’il apprend la nouvelle du retour de Batman. Sans lui, ce n’est qu’un pauvre patient insipide et inintéressant. La façon dont Miller montre cet éternel schéma est assez jubilatoire.
L’image publique du Chevalier Noir est aussi au cœur du récit, les médias s’en donnent à cœur joie, sous forme de débats (pour/contre), d’interviews de spécialistes et autres flash-infos. Ce parti pris est lui aussi assez inédit dans sa façon d’être montré. Tout comme le sont désormais les combats de Batman. Il réfléchit en tant qu’homme âgé, et donc démuni et en ayant moins d’avantages que ses adversaires, avant de se confronter à un ennemi. Tous ces éléments, ainsi que la patte visuelle de Miller tendent à proposer un ouvrage hors-norme et résolument novateur.
L’éditeur laisse carte blanche à l’artiste pour proposer sa vision. Un dessinateur suggère à Miller un Robin féminin. C’est sans doute l’un des autres atouts de la bande dessinée, du jamais-vu jusqu’ici et un personnage « nouveau » générant immédiatement de la sympathie. Les honneurs reviennent à la coloriste Lynn Varley, qui a quasiment co-crée Carrie, du propre avis de l’auteur, ainsi que tous les dialogues des jeunes, elle fut un apport de qualité indéniable sur l’œuvre. Klaus Janson, fidèle encreur des travaux de Miller (avec qui il a relancé toute la série Daredevil peu de temps avant) magnifie les crayonnés de son associé et Lynn Varley est donc chargée de les coloriser. Elle accentue la noirceaur de l’œuvre avec des tons évidemment sombres, souvent grisâtres et bleuâtres. Mais les écarts chromatiques opérés avec le costume de Robin ou de Superman permettent d’offrir quelques notes de « légèreté » et surtout, de saisir un contraste détonnant avec le reste des cases du plus bel effet.
Malheureusement, The Dark Knight Returns souffre de quelques défauts : la multiplicité de sa narration vient casser un certain rythme et il faut parfois se « forcer » à suivre les incessants débats télévisés. Ce ton original est à la fois une force de l’œuvre mais aussi un élément qui pourra rebuter un lecteur novice (ou peu enclin à utiliser son cerveau s’il s’attendait à quelque-chose de beaucoup plus simple). Le style graphique de Miller peut lui aussi déplaire : les hommes, Wayne et Gordon en premier (et même le Joker !), possèdent une musculature imposante, à la limite de la crédibilité. Ses visages et mâchoires carrées parsèment les cases également. Il serait évidemment dommage de s’y arrêter et passer à côté de cette mini-série en quatre chapitres à cause de cela.
En plus d’un nihilisme présent en continue, d’une menace nucléaire constante et d’un message politique plutôt radical (et peut-être trop primaire avec le recul), The Dark Knight Returns possède, paradoxalement, des enjeux plutôt optimistes. La relation entre Bruce et Carrie fait mouche. La jeune fille incarne l’innocence et la fraîcheur, comme tous les Robin avant elle, mais surtout, l’espoir d’une adolescence prête à s’engager, à ne pas sombrer dans les mêmes desseins que la plupart des autres jeunes protagonistes. De même, après l’ultime combat contre Superman (un affrontement d’anthologie !), le sourire de Clark Kent à la compréhension que Bruce continue son combat et l’image de ce dernier quelques mètres sous terre confirment la volonté de changer encore le monde, sous une nouvelle forme cette fois.
Frank Miller réalisera une suite en 2001-2002 : The Dark Knight Strikes Again, plus controversée et moins acclamée. Un troisième et ultime tome est prévu pour l’automne 2015 : The Dark Knight III – The Master Race (plus d’infos en fin de critique de TDKSA).
Le film Batman v Superman : Dawn of Justice s’inspirera de la version de The Dark Knight Returns pour le personnage de Batman. En effet, selon plusieurs sources ainsi que la première bande-annonce, le Dark Knight y apparaît plus âgé que Superman, dans un costume et une armure similaires. Idem pour le Joker, et des rumeurs faisant état d’un Robin au féminin courent… Réponse définitive en mars 2016 !
L’édition d’Urban Comics propose énormément de bonus : une préface de Miller, une tonne de croquis, des dessins inédits (cf. ci-dessous), la version texte du quatrième chapitre, des photos des figurines, etc. La première édition était enrichie de la version DVD et Blu-Ray de la première partie de l’adaptation éponyme en dessin animé.
Publiée en France chez Urban Comics le 16 novembre 2012.
Titre original : The Dark Knight Returns
Scénario et dessin : Frank Miller
Encrage : Klaus Johnson
Couleur : Lynn Varley
Lettrage : Studio Makma
Traduction : Nicole Duclos
Titres des chapitres :
Livre Un – Retour (The Dark Knight Returns)
Livre Deux – Triomphe (The Dark Knight Triumphant)
Livre Trois – Traque (Hunt The Dark Knight)
Livre Quatre – Défaite (The Dark Knight Falls)
Première publication originale de mars à juin 1986.
Également publié en France en 1987 en deux tomes chez Aedena (Batman I et II) puis chez Zenda en quatre volumes en 1989. Dix ans après, en 1999 donc, Delcourt publie sous le sobre titre Dark Knight l’intégrale de la série. Encore dix années plus tard, en 2009, Panini Comics republie sous le même nom ce comic, ainsi qu’une version Absolute (format géant) comprenant la suite, The Dark Knight Strikes Again (alors appelé La Rélève).
Urban Comics a sorti une édition avec le DVD/Blu-Ray, une sans et une troisième en noir et blanc, agrandie et en limitée (4.000 exemplaires) pour les 75 ans de Batman en 2014.
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