► Article récapitulatif sur l’univers de la série et ses conséquences.
Apparu dans Batman Metal, le personnage charismatique du Batman Qui Rit poursuit sa croisade contre Batman/Bruce Wayne dans un volume indépendant qui se déroule après la fin de la série mère (le volume trois de Metal donc). Toujours écrit par Scott Snyder, que vaut cette incursion ?
(À gauche, la couverture classique, dessinée par Ben Oliver,
à droite la version croquée par Jock pour l’édition limitée en vente au Comic Con 2019 de Paris.)
[Histoire]
Le Batman Qui Rit a survécu à son combat contre Batman et le Joker. Il débarque à Gotham City avec un nouveau Bruce Wayne maléfique : le Grim Knight. Dans le monde initial de ce Chevalier Noir, ce Bruce/Batman utilise des armes à feu et tue de sang-froid tous les criminels (il avait abattu Joe Chill avec sa propre arme juste après le meurtre de ses parents).
Le Batman Qui Rit et Grim Knight ont un double plan. D’un côté faire de Bruce Wayne un nouveau Batman Qui Rit en le fusionnant avec une toxine du Joker qui se libère une fois qu’il meurt. D’un autre évidemment détruire la ville…
Plusieurs cadavres sont retrouvés par Batman : tous ont son ADN et sont donc des Bruce Wayne provenant d’autres mondes. Qui sont-ils exactement et pourquoi sont-ils arrivés ici ?
[Critique]
Un des rares éléments les plus réussis de Batman Metal était le fameux Batman Qui Rit (et ses fameux Chevaliers Noirs). On se plaît donc à le revoir ici au premier plan, face à « notre » Batman. Les huit chapitres qui forment ce volume unique (qui appelle à une suite mais peut effectivement être lu de façon indépendante) sont une plongée violente et passionnante dans une course contre-la-montre, certes tirée par les cheveux (comme souvent chez le même auteur, Scott Snyder), mais dotée de bons ingrédients.
On retrouve en premier lieu un triptyque efficace contre le Mal : Batman, Alfred et Gordon. Ce côté « à l’ancienne » est accentué par la présence quasi mystique du Joker et du Grim Knight. Cela forme une approche très terre-à-terre et brutal, très efficace puis paradoxalement rejointe par l’aspect horrifique, fantastique et presque science-fiction du Batman Qui Rit. Un mélange des genres plutôt bien géré.
Malgré certaines qualités narratives (l’originalité du début — sincèrement réussi —, l’empathie envers les personnages…), d’autres séquences d’écrituer viennent plomber un peu le récit. Le dernier tiers du livre est interminable et confus. Snyder retombe dans ses explications alambiquées et vers un statu quo somme toute classique (comme trop souvent avec lui, hélas). Le scénariste continue aussi d’explorer son propre BatVerse avec cette « incompréhensible » Cour des Hiboux (vite mise hors-jeu pourtant, donc presque figurante) et Gotham elle-même dans un rôle majeur.
On trouve (avec malice) dans cette histoire une suite plus ou moins officielle à l’excellent Sombre Reflet, première histoire du Chevalier Noir écrite par Snyder et dessinée également par Jock. En effet, James Gordon Jr. tient un rôle important ici, permettant de voir ce qu’il était devenu. Bouclant ainsi la boucle, comme le laisse entendre l’auteur en avant-propos. Il explique aussi que Le Batman Qui Rit se déroule en parrallèle de son autre série qu’il scénarise : New Justice. Nul besoin de la connaître pour comprendre les éventuelles connexions (à chaud on en voit même aucune si on est vierge d’informations sur New Justice).
Le dessinateur Jock livre des dessins de bonnes factures avec son style inimitable : ses traits anguleux, droits et sa violence graphique. Malheureusement, il n’est pas au sommet de son art (cf. certaines illustrations de cet article, avec une petite galerie à la fin — même si les plus « belles» ont été sélectionnées —, et à l’exception de l’image ci-après et d’une autre, facilement identifiables, signées Eduardo Risso). La faute aussi à des décors parfois pauvres ou des fonds vides et à peine colorisés. Il manque quelques dessins en pleine planche ou double-pages où Jock aurait laissé son talent casser les rétines des lecteurs. Attention, ce n’est pas raté, loin de là (à nouveau se référer aux images de ce papier), mais quand on connaît le travail de l’artiste, on est un petit peu déçu de ne pas le voir déployer plus grandement son art.
Néanmoins l’ambiance sombre de l’ensemble est un des points forts du comic-book. Par contre le lettrage et la colorisation de celle-ci sont un point faible, car cela donne parfois du texte rouge sur fond noir ou gris plutôt illisible. À l’image de l’antagoniste croqué de façon brouillonne en fin de volume (un effet volontaire mais qui tombe à plat). Eduardo Risso (Cité Brisée, Dark Night…) assure le chapitre consacré au Grim Knight, dans deux styles nettement différents et bienvenus.
Le Batman Qui Rit mérite le détour pour ceux qui veulent connaître ce personnage en évitant la lecture indigeste (et coûteuse d’une certaine façon) des trois volets de Batman Metal — on peut tout de même en lire le second tome puis celui-ci. Étonnamment accessible, sa première partie est franchement plaisante, rappelant et offrant une suite à Sombre Reflet, comme un polar efficace. Sa seconde partie, hélas, est interminable, inutilement compliquée et parfois bâclée. L’ensemble reste prenant tout de même avec beaucoup d’action, un rythme en demi-teinte et une certaine approche de l’horreur, tranchant radicalement avec les aventures « classiques » du Chevalier Noir.
Le Batman Qui Rit reviendra en 2020 nous informe la dernière page, il s’agit du « tome 2 » : Les Infectés, prévu en avril prochain (même si aucun numéro n’est écrit sur le livre, de même que sur celui-ci).
[À propos]
Publié en France chez Urban Comics le 15 novembre 2019.
Scénario : Scott Snyder (avec James Tynion IV pour The Grim Knight)
Dessin : Jock (Eduardo Rysso pour The Grim Knight)
Couleurs : David Baron et Dave Stewart
Traduction : Edmond Tourriol
Lettrage : MAKMA (Stephan Boschat, Sabine Maddin)
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