Écrit par l’acteur Paul Dano, qui interprétait le célèbre Riddler (Sphinx) dans l’excellent film The Batman sorti en 2022, cette Année Un (Year One) dévoile donc le passé de l’antagoniste au sein du « ReevesUniverse » (qui comprend le long-métrage de Matt Reeves, sa future suite prévue en 2026, la série dérivée The Penguin – qui sera diffusée à l’automne 2024 –, un roman jeunesse prequel et, donc, ce comic book) ! Stevan Subic s’occupe (magistralement) de la partie graphique. Découverte d’un titre singulier de la collection Black Label.
La couverture classique et une spéciale limitée à 500 exemplaires au Festival d’Angoulême de fin janvier 2024 où Subic fut invité.
[Résumé de l’éditeur]
Dans le film à succès de Matt Reeves, The Batman, le Riddler n’est pas simplement un joyeux excentrique ayant un goût prononcé pour les jeux de mots et les indices déconcertants, mais un véritable psychopathe aussi énigmatique qu’impitoyable. Comment Edward Nashton, expert-comptable fragile et invisible, a t-il pu devenir l’un des pires criminels de Gotham ? Plongez dans l’histoire sombre et glauque d’un homme en marge de la société, refusant de passer inaperçu plus longtemps.
Pas besoin de détailler davantage le début de l’histoire, le résumé de l’éditeur suffit amplement.
[En attendant certaines cases ou planches en version françaises, celles en VO sont proposées dans cette critique – les images sont volontairement lourdes, vous pouvez les ouvrir dans un nouvel onglet pour mieux les admirer !]
[Critique] Si vous avez aimé le long-métrage de Matt Reeves et apprécié sa « vision » du Riddler, aucun doute que ce préquel en comic book centré sur Edward Nashton vous satisfera. Si ce n’est pas le cas, il n’est peut-être pas utile de se ruer dessus, sauf si la curiosité du côté « roman graphique » vous attire (on en reparlera). The Riddler – Année Un narre la transformation d’un comptable timide et peu sûr de lui, à l’enfance malheureuse, en futur terroriste qui se voit tel un justicier dans une ville dans laquelle il admire secrètement le Chevalier Noir. Le parcours est peu surprenant (ce n’est pas un défaut), très introspectif et prévaut surtout par la mue visuelle qui opère au fil des six épisodes, en même temps que celle de la psyché d’Edward.
C’est là le point fort de la bande dessinée, Stevan Subic, dessinateur serbe (connu chez nous pour certains tomes des chouettes séries M.O.R.I.A.R.T.Y et Conan le Cimmérien – mais dont c’est ici le premier travail en comics), livre des planches totalement déconstruites, très loin des conventions habituelles, en mélangeant les styles (aussi bien des traits que de la colorisation – l’artiste assure à lui seul toutes les tâches d’illustration), peignant un univers sombre et plongeant dans la folie de Gotham et, surtout, d’Edward, accentué par les nombreuses échos narratifs du fragile jeune homme. On passe de quelques cases en peinture à des dessins en pleine page ou mélangés à d’autres, noyés dans de la documentation, des textes, de la colorisation numérique, une absence d’encrage, du flou volontaire et ainsi de suite.
Ainsi, le lecteur « voit » (et lit) toutes les pensées de Nashton, permettant de comprendre ce qui le pousse à devenir, petit à petit, l’effroyable Riddler. On a droit à quelques évènements classiques : tout un chapitre sur son enfance dans un orphelinat (rappelant ce qui avait été décrit dans le roman jeunesse préquel du film également), son obsession pour les énigmes (même si, ici, il n’en déposera aucune), sa volonté de « bien faire », d’être « quelqu’un », de simplement avoir un peu de reconnaissance, etc. L’injustice face à Edward (il travaille dur et demeure invisible pour les têtes pensantes), l’injustice grandissante dans Gotham (une cité qu’il aime mais dont la corruption et les manigances lui arrachent le cœur). L’ensemble est doublement noir, au sens littéral et figuré. La solitude amplifiée chez le comptable déjà fragile mentalement ne pouvait que converger vers l’esprit radical et la voie d’une « autre » justice (vue dans le film).
Le double fantomatique de l’antagoniste, la voix off constante, la presque schizophrénie de Nashton et son statut de pleutre et victime ajoutent juste ce qu’il faut d’empathie envers un ennemi moins redoutable dans ce qui nous est présenté dans le comic que dans The Batman (et c’est tout à fait normal). Pas d’incohérences entre les deux, au contraire, Paul Dano, son interprète au cinéma qui fait ses premiers pas en tant qu’auteur ici, a particulièrement fait attention à rester fidèle à l’univers de Reeves (la bande dessinée est à l’initiative de Dano sur les encouragements de Reeves). On s’étonne uniquement que le véritable premier meurtre du Riddler soit celui qui ouvre le film, visiblement Nashton ne s’est pas « exercé » auparavant, alors que dans The Batman il semble parfaitement maîtriser l’assassinat. Il faut dire que cette Année Un débute un an avant le le long-métrage, donc encore aux balbutiements de Batman dans les rues (on le voit à peine dans le comic) et suit donc le parcours d’Edward sur une douzaine de mois.
Dano mêle plutôt bien le sens du rythme (la fiction se lit très bien) et la compréhension de l’ensemble (blanchiment d’argent, magouilles politiques…) – malgré tout un épisode quasiment textuel, proche du journal intime, qui part, littéralement, dans tous les sens – une dimension chaotique à l’image de son anti-héros et du système qui gangrène la ville –, mais il manque ce petit quelque chose peu définissable qui hisserait le titre comme un coup de cœur ou un indispensable. On apprécie voir un complément (non négligeable) à The Batman, une histoire globalement auto-contenue mais on peine à se passionner pour l’ensemble, qui manque peut-être d’une dimension plus large. Ce qui, paradoxalement, est un parti pris plutôt efficace car il se concentre uniquement sur Riddler, sa fonction première évidemment. L’homme mystère n’en aura plus vraiment après lecture, ce qui peut gâcher un peu l’authenticité de la version en chair et en os de Dano.
L’intérêt se situe donc davantage sur le cheminement visuel, très hétérogène tout en restant harmonieux avec l’ensemble, original et prenant. Subic pourrait être un élève de McKean ou Sienkiewicz. Esthétiquement, The Riddler – Année Un est aussi innovant que captivant, nappé de visions cauchemardesques et d’habiles échos graphiques à la folie de son protagoniste. Toutefois, côté scénario, le passé de Nashton n’apporte pas nécessairement une plus-value très originale, si on a (déjà) vu la version de Reeves mais permet tout de même de mieux comprendre l’évolution du (futur) ennemi.
[À propos]
Publié chez Urban Comics le 2 février 2024.
Contient : The Riddler: Year One #1-6
Nombre de pages : 240
Scénario : Paul Dano
Artiste (dessin, encrage et couleur) : Stevan Subic
Ce cinquième volume (sur six) de la collection Batman Arkham se concentre sur Le Sphinx, alias The Riddler en VO, ou encore L’homme-mystère en français ou E. Nigma (de son vrai nom Edward Nigma). Comme les précédents tomes, celui-ci reprend une partie du contenu de son homologue US. Découverte et critique des neuf histoires qui composent le titre, depuis l’apparition du Sphinx en 1948 à son évolution moderne des dernières années, de Bill Finger à Scott Snyder, en passant, entre autres, par Neil Gaiman et Chuck Dixon.
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Le Sphinx • Detective Comics #140 (1948)
Scénario : Bill Finger | Dessin : Dick Sprang
Un nouvel ennemi fait son apparition dans Gotham : le Sphinx ! Féru de devinettes, il n’hésite pas à provoquer Batman et Robin pour annoncer ses crimes. Mais Edward Nigma triche pour réussir ses défis et s’assurant la victoire.
La toute première apparition du Riddler ! Forcément, il y a un petit aspect vintage qui prête à sourire en lisant les échanges entre Batman et Robin, entre les protagonistes qui expliquent bien ce qu’ils sont en train de faire pour ne pas dérouter le lecteur. Le charme nostalgique des comics de l’époque… Du reste, au-delà d’être un récit important qui a façonné un ennemi entré au panthéon de la galerie de vilains de Gotham, le chapitre réussit à tenir en haleine et proposer une certaine originalité (surtout au moment de sa publication) avec moins de violence, pas d’armes à feux mais simplement de la ruse. Indispensable pour découvrir les origines du Sphinx !
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Le concours de casse-tête criminels ! • Detective Comics #142 (1948)
Scénario : Bill Finger | Dessin : Dick Sprang
Le Sphinx promet des récompenses pour ceux qui résoudraient ses énigmes. Citoyens, malfrats et policiers se ruent donc dès qu’ils réussissent à trouver la solution des énigmes (peu compliquées) du criminel. En réalité, Nigma profite de ses mouvements de foule pour commettre des vols et faciliter sa fuite grâce aux attroupements !
Suite quasi directe de l’épisode précédent, on reste dans la même veine sur la forme et le fond (avec un travail de traduction à souligner, cf. conclusion générale). En deux épisodes, le (pas encore) célèbre ennemi est croqué et incarné. Mais à ce stade de publication, il pourrait être un énième vilain aléatoire ou interchangeable. C’est d’ailleurs presque ce qu’il se produit car le Sphinx disparaît du parcours éditorial de Batman chez DC Comics pendant presque dix-sept ans puisqu’il réapparaîtra uniquement en 1965, juste à temps pour gagner en popularité et être choisi pour faire partie de la distribution de la série TV des années 1960.
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La mort de Batman ! • The Brave and the Bold #183 (1982)
Scénario : Don Karr | Dessin : Carmine Infantino
Le Sphinx reçoit une mystérieuse aide pour s’évader du pénitencier de Gotham. En parallèle, un vieil auteur de romans est kidnappé, un jeu de cartes est laissé pour Batman qui va devoir suivre un jeu de pistes, aidé par… le Sphinx ! L’improbable alliance va devoir se serrer les coudes pour savoir qui se cache derrière cette mise en scène rappelant, forcément, celle du Riddler…
Après deux chapitres de l’Âge d’Or des comics, place à (la fin) de l’Âge de Bronze et son tournant « moderne », déjà un peu sombre et avec une approche « réaliste ». Ici, le Chevalier Noir s’allie avec le Sphinx, dans un récit hautement bavard, parfois compliqué en terme de logique mais, in fine, plutôt habile et original avec une vraie relation inédite entre le héros et son ennemi. Nigma conserve toujours son justaucorps vert moulant pourvu de points d’interrogations mais a troqué ses éléments vestimentaires violets pour du noir. Un épisode efficace, qui tranche avec les deux précédents, inaugurant un tournant dans ce recueil.
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« Quand » est une porte ? – Les origines secrètes du Sphinx • Secret Origins Special #183 (1989)
Scénario : Neil Gaiman | Dessin : Bernie Mireault
Une équipe de télévision est conviée dans un entrepôt où se situent tous les accessoires et ustensiles géants qu’a utilisé le Sphinx durant sa carrière. Le célèbre Riddler les accueille même pour répondre à leur question et narrer ses origines.
À l’époque de la publication de ce chapitre (octobre 89), la veine « Grim and gritty » est entamée dans le parcours éditorial du Chevalier Noir qui a enchainé les succès critiques et commerciaux, les désillusions mythiques et les virages radicaux : The Dark Knight Returns (1986), Année Un (1987), Killing Joke (1988), Un Deuil dans la Famille (1988-89) – Arkham Asylum (1989) arrivera quelques semaines après « Quand » est une porte ? écrit par le célèbre Neil Gaiman. Pourtant ici, pas d’approche sombre, pas de Batman violent ; il est même absent de l’épisode. Nigma revisite ses origines en les contant lui-même, mentionnant quelques anecdotes lues juste avant dans l’ouvrage. Jouant aussi bien avec les mots et les fausses énigmes que l’approche graphique, très « arty/indépendante » et extrêmement colorée, ce chapitre sonne à la fois comme une conclusion à une longue ère du Sphinx dans les comics et un nouveau départ. In fine, on ne comprend pas trop où veut en venir l’auteur… Pétard mouillé ? Plus ou moins, le chapitre a le mérite de proposer un parti pris singulier mais clivant. On note aussi l’utilisation du nom Nashton, parfois emprunté ou échangé à Nigma. En synthèse, l’épisode le plus étrange de la bande dessinée, à la fois frustrant (on y apprend rien et il ne débouche sur rien) mais hypnotisant.
Enfermé à Arkham, Nigma raconte à ses interlocuteurs (derrières un miroir sans tain) son histoire. Son passé, ses envies, son désir vital d’être respecté…
On revisite (encore) les origines du Sphinx – en VO le surtitre du chapitre se nomme Year One – mais cette fois à travers un peu plus d’une cinquantaine de pages et sous le prisme un plus « dark » pré-annoncé et collant davantage à l’époque. Ici, Nigma convoque son enfance banale, brimée par d’autres écoliers d’un côté, assoiffé de connaissances d’un autre, cherchant «simplement » à être respecté à défaut d’être (re)connu. Il martèle qu’il n’a aucun talent, si ce n’est sa fascination et facilité à résoudre des devinettes et, quand il n’y arrive pas, à tricher pour gagner. En somme, rien de très nouveau (surtout après avoir lu les histoires précédentes) mais clairement la meilleure origin story qui n’a pas vieilli. Cet épisode est publié en juillet 1995, soit quelques jours après la sortie du film Batman Forever où le Riddler était incarné par Jim Carrey, dans une veine nettement plus proche de la série TV des années 1960 (et, de facto, des premiers comics sur le célèbre vilain). D’autres comics surferont sur ce regain de popularité, comme le chapitre ci-après, mis en vente également en juillet 1995 pour accompagner le long-métrage.
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La boîte aux devinettes • Batman : Riddler #1 (1995)
Scénario : Matt Wagner | Dessin : Dave Taylor
Le Sphinx est extrêmement populaire : il anime chaque semaine une émission clandestine qu’il diffuse à la télévision. Dans celle-ci, il soumet son public à des devinettes et jeux trash afin de colporter des rumeurs sur une personnalité de Gotham. Les risques sont extrêmes : Nigma dévoile des secrets morbides, changeant radicalement la réputation de ses cibles. La prochaine ? Bruce Wayne… En parallèle, Batman et Gordon enquêtent pour trouver le lieu d’enregistrement de l’émission et arrêter une bonne fois pour toute le maître des devinettes, toujours assoiffé de reconnaissance.
Voilà un nouvel épisode long (une cinquantaine de pages à nouveau) particulièrement palpitant. Le récit tient aisément en haleine son lecteur tout en proposant des énigmes qu’on peut découvrir soi-même (à l’inverse de certaines autres précédentes, pas toujours compréhensibles). Si les dessins sont parfois sommaires (faute à une colorisation criarde), l’alternance entre les séquences sombres de Batman/Gordon et celles, très vives et colorées, de Nigma et ses sbires forme un ensemble plutôt agréable. On tient le premier titre du livre (pile à sa moitié) qui propose enfin une véritable enquête moderne sans flash-backs ou narrant les origines du Sphinx. L’ennemi ne semble pas très dangereux (de prime abord) mais c’est, une fois de plus, son ego – et son pathos – qui servent le titre. Le célèbre ennemi alterne ses deux costumes principaux : un élégant smoking vert et pourpre ou son historique justaucorps moulant pourvu de points d’interrogations.
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L’énigme première ! • Batman : Legends of the Dark Knight #109-111 (1998)
Scénario : Steve Englehart | Dessin : Dusty Abell
Batman chute après un affrontement avec le Sphinx et s’électrocute. Sous le choc, il s’en sort péniblement mais semble différent. Pendant ce temps, Nigma continue d’annoncer ses méfaits à travers des énigmes…
Composée de trois chapitres (… dangereuse, animale et brève, … sans doute la seule énigme qui nous diminue quand on s’avoue vaincu et … comme une âme en peine), L’énigme première !est le récit le moins réussi jusqu’à présent (et de l’œuvre complète). En tombant dans le vide après un combat contre le Sphinx, Batman se fait électrocuter et y perd une partie de « son âme ». On ne comprend pas très bien si c’était volontairement souhaité par Nigma ou un heureux hasard pour lui. Quoiqu’il en soit il se retrouve plus ou moins en possession de l’esprit du Chevalier Noir (!). Wayne, quant à lui, est profondément perturbé par son expérience de mort imminente et dans un état presque léthargique. Ajoutez un gamin sans intérêt dans l’histoire, des femmes avides de relations charnels avec Bruce Wayne et/ou son alter ego en cape et vous aurez les pires ingrédients pour servir un récit globalement mal dessiné (l’impression de voir du cell-shading loupé)… Confus mais pas totalement raté, le titre gagne en intérêt dans sa seconde moitié, Batman y est piégé comme dans la saga Saw (voir planche tout en bas de l’article). Un des rares passages passionnants mais qui ne sauve pas l’ensemble. Dommage de ne pas avoir pioché dans le contenu VO sacrifié en VF avec soit un autre chapitre un peu vintage, comme When Riddled by the Riddler de Doug Moench publié en 1983 (Batman #362), ou les plus récents E. Nigma, Consulting Detective et Honor Among Thieves, tous deux signés Paul Dini (Detective Comics #822 et #837, en 2006 et 2007) – déjà proposé en VF dans Paul Dini présente Batman. Certes cela aurait « doublonné » deux épisodes, mais ils auraient également pu être remplacés (ou complémentés) par deux autres, toujours issus de la version US : The House the Cards Built (Joker’s Asylum II : The Riddler #1 de 2010) et Riddler in the Dark (Legends of the Dark Knight 100-page super spectacular #2 de 2014).
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Une nouvelle aube • Batman Confidential #26-28 (2009)
Scénario : Nunzio DeFillipis et Christina Weir | Dessin : José Luis Garcia-Lopez
Un nouvel ennemi sévit dans Gotham : Tut. L’homme caché derrière se dit être la réincarnation d’un pharaon et tue certaines personnalités en clamant des… énigmes ! Impossible que le Sphinx soit derrière ce nouveau criminel puisqu’il est enfermé. Gordon et Batman décident de le libérer pour requérir son aide. Le Chevalier Noir s’allie donc avec Edward Nigma pour comprendre qui est derrière Tut et comment anticiper ses crimes.
Nettement plus réussi que le récit précédent, Une nouvelle aube (également en trois parties/chapitres), apporte une certaine originalité entre l’antagoniste pharaonique (malheureusement peu mémorable) et l’alchimie du binôme Batman/Sphinx qui fonctionne particulièrement bien – on en veut encore ! La propreté des dessins et l’efficacité du découpage des planches confèrent un rythme qui tient en haleine, bien équilibré entre action et réflexion. Probablement un des meilleurs titres du comic.
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Solitaire • Batman #23.2 (2013)
Scénario : Scott Snyder et Ray Fawkes | Dessin : Jeremy Haun
Le Sphinx s’introduit en plein jour durant des manifestations violentes au siège des Entreprises Wayne. Un lieu familier qu’il arpente sagement, entouré de certains de ses complices ou apte à affronter les gardes…
Déjà publié dans Batman Saga – Hors-Série #05 (Forever Evil)en mai 2014, ce chapitre fait écho à L’An Zéro, segment important également signé Scott Snyder qui modernisait les origines de Batman et proposait le Sphinx en l’un des trois ennemis principaux du double titre (tome 4 et tome 5 de la série Batman). Ici, c’est peut-être le récit qui a le moins d’intérêt de façon intrinsèque mais entre les planches hyper soignées et les énigmes efficaces, on apprécie cet ultime épisode en guise de conclusion.
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Conclusion générale :
Sans surprise, les fans du Sphinx doivent absolument se procurer ce volume. Un seul loupé dans la sélection (qui s’étale sur trois chapitres, aisément remplaçables par d’autres – cf. critique et paragraphe suivant). Si les segments sur l’homme-mystères sont, forcément, inégaux, on balaye efficacement son évolution « burlesque » à « dangereuse » avec des récits majoritairement inédits en France et plus ou moins originaux. Malgré quelques redites (sur ses origines entre autres), on se plaît à suivre un criminel souvent relegué au second plan. Bien sûr on aimerait en lire davantage, dans une fiction plus connectée, pour cela il y a d’autres titres à conseiller (voir plus loin).
En texte d’introduction, Urban Comics rappelle le parcours éditorial du cher Edward. Étonnamment, après ses deux apparitions en 1948 (toutes deux sous la plume de Bill Finger), le Sphinx ne réapparaît dans les comics qu’en 1965 ! Juste à temps pour regagner un peu de popularité et être choisi pour accompagner la galerie d’ennemis de Batman dans la célèbre série TV de 1966-68. Nigma bénéficie de la solide interprétation excentrique de Frank Gorshin (un temps remplacé par John Astin, moins convaincant). Urban Comics fait l’impasse sur cette période des bandes dessinées en sautant directement à 1982. Curieux choix par rapport au contenu US/VO qui incorporait quelques épisodes de 1965 (Remarkable Ruse of the Riddler ! • Batman #171), 1966 (The Riddle-less Robberiesof the Riddler • Batman #179), 1968 (The Riddler’s Prison-Puzzle Problem ! • Detective Comics #377), 1977 (The Testimony of the Riddler ! • Batman #292) et 1979 (The 1.001 Clue Caper or Why Did the Riddler Cross The Roas ? • Batman #317). Cinq chapitres « manquants » (et quelques autres) remplacés plus ou moins au pied levé par des segments plus modernes (mais pas forcément plus accessibles).
Il faut souligner la qualité de la traduction, pas toujours aisée avec les jeux de mots en anglais. Le traducteur doit parfois préciser avec un astérisque le mot à mot « littéral » pour faire comprendre l’enjeu d’une devinette. Ou annonce carrément qu’un rébus est « en anglais » afin de faciliter sa logique – parfois un peu tirée par les cheveux (coucou le Gotham Museum) mais pas des masses de choix en français. Outre des notes en bas de page, il y en a aussi une après un chapitre pour expliquer les références à son titre et sa traduction (When is a door / Quand est une porte) ; c’est peut-être le plus frustrant dans l’ouvrage, on perçoit qu’on passe peut-être à côté de références plus subtiles et intelligibles en ne le lisant pas dans sa version initiale. Du reste, l’ensemble reste globalement palpitant et divertissant, zoomant sur une figure iconique en mal de reconnaissance : un type, in fine, pathétique malgré sa grande intelligence et rapidité de réflexion. Un ennemi sous-estimé car imaginé comme peu nocif (ce qui était vrai fut un temps), attaché à une certaine forme d’élégance et d’honneur (sauf quand il triche pour arriver à ses fins). On aurait le voir manipuler le Chevalier Noir dans une longue enquête fleuve mais ce n’est pas le but de la collection, et cela existe déjà ailleurs.
En effet, pour les amoureux du Sphinx, on ne peut que conseiller l’excellent Batman – Silence et Paul Dini présente Batman. On est moins dithyrambique sur la version du spin-off d’Amère Victoire : Catwoman à Rome (où il tient le deuxième rôle) – disponible dans le recueil Des ombres dans la nuit et bientôt réédité en one-shot – et sur son passif avec le Joker dans le médiocre quatrième tome de Batman Rebirth : La Guerre des Rires et des Énigmes. On l’apprécie davantage dans L’An Zéro où il campe un des premiers ennemis de Batman dans cette revisitation des origines de Batman (il est d’ailleurs étonnant qu’Urban Comics ne propose pas en fin d’ouvrage une sélection de comics pour suivre l’homme-mystère dans d’autres comics). Enfin, après le loufoque Jim Carrey dans Batman Forever, le Sphinx a retrouvé un peu ses lettres de noblesse dans la série Gotham, brillamment incarné par Cory Michael Smith, un des rares points forts de la fiction. L’acteur Paul Dano lui prête ses traits dans le film The Batman, prévu en mars 2022, où il sera une dangereuse menace face à un Chevalier Noir débutant et impulsif (Robert Pattinson).
[À propos]
Publié chez Urban Comics le 3 décembre 2021.
Scénarios et dessins : collectif (voir critique)
Traduction : Xavier Hanart et Jérôme Wicky
Lettrage : Moscow Eye et Makma
Le cinquième tome de la série Batman sortira courant 2015, certainement au printemps. Il fait suite au tome quatre qui proposait la première partie de L’An Zéro. Pour l’instant, sa composition complète est inconnue mais elle aura au moins la deuxième et troisième partie de la saga, à savoir Cité des Ombres et Cité Sauvage.
Le chapitre #25 se répercutant dans d’autres séries, peut-être que certaines seront publiées également (voir les bonus en bas pour ce détail). Cet article propose dans un premier temps le résumé et la critique de Cité des Ombres puis dans un second temps celui de Cité Sauvage.
Batman – Tome 4 : L’an Zéro (1ère partie)
Contient : Cité Secrète (#21 à #24) + Batman #0 Batman – Tome 5 : L’An Zéro (2ème partie)
Contient : Cité des Ombres (#25-27 + #29) + Cité Sauvage (#30-33)
#25 à #27 et #29 • Suite et fin de Cité des Ombres (Dark City)
[Histoire] Le Sphinx plonge le pays dans un noir total, sans électricité et à l’approche d’une grosse tempête. Pendant ce black-out, à Gotham City, Batman réussit à échapper de la police grâce à sa Batmobile.
Après le meurtre du Dr Kelver, dont Pamela Isley (future Poison Ivy) était l’assistante, une nouvelle menace surgit : le Docteur LaMort. À l’allure squelettique et repoussante, l’homme-monstre souhaite tuer Bruce Wayne. Ce dernier rend visite à Lucius Fox…
[Critique] Après d’excellents début (comme toujours chez Snyder), tout retombe immédiatement à plat. La faute à des ennemis improbables, des monstres qui viennent casser la structure réaliste imposée jusqu’ici, et à une sous-exploitation du Sphinx, dont le but est relativement confus. Garder en vie uniquement les citoyens de Gotham intelligents ? Donc en essayant de voir qui arrivera à se sortir de son tsunami ? Bizarre…
Ces quatre chapitres sont trop longs, un peu indigeste. Il y a toujours l’excellent travail de Greg Capullo bien sûr, et surtout du coloriste Fco Plascencia. L’association des deux rend hommage à l’âge d’or du Chevalier Noir (comme dans le chapitre précédent) ainsi qu’aux ouvrages de Frank Miller, comme le prouvent certaines images d’illustration de cet article.
Le personnage de Gordon est finalement celui qui s’avère le plus intéressant, ses premières collaborations avec Batman sont ainsi dévoilées. Il y a un côté bancal dans cette structure : une rage insouciante de Bruce Wayne (est-elle vraiment crédible ?) face à un flic pas vraiment corrompu mais pas aussi intègre auquel on est habitué…
Ce milieu de récit fait comprendre que Gotham City aura droit à renaissance, celle-là même qui s’intitulera L’An Zéro. Ainsi, les premières planches de Secret City (avec le Dark Knight revenant dans sa ville à moto) deviennent plus compréhensibles mais hélas, l’ensemble n’est guère passionnant. Moins d’excitations, moins de surprises. Le parallèle avec l’enfance de Bruce Wayne reste bien écrit mais il est trop long et aurait pu être condensé de meilleure façon. Espérons que la suite, et fin, sera de meilleure augure !
#30 à #33 • Cité Sauvage (Savage City)
[Histoire] Après le fameux black-out, Edward Nygma, alias Le Sphinx, a plongé Gotham City dans un No Man’s Land. En effet, les voies d’entrée et de sortie de la ville sont toutes contrôlées : les ponts exploseront si quelqu’un s’y approchent, les tunnels souterrains sont inondés, des ballons aériens diffuseront des produits chimiques mortels si des véhicules aériens traversent la zone. En plus de cela, il a utilisé les expériences du Dr Isley (la future Poison Ivy) pour faire pousser la flore sauvage dans la ville, dont il contrôle également les réseaux électrique à distance. Bref Gotham City est son terrain de jeu mortel, au sein duquel il règne en maître, ou plutôt en dictateur.
Nygma a requalifié d’année zéro le début de sa domination ; aucune règle n’est désormais valable à part : être intelligent ou mourir. C’est ce qu’il propose, littéralement, aux habitants en leur demandant de lui poser une énigme à laquelle il ne trouvera pas de réponses. Les rares participants meurent directement faute d’avoir réussi à piéger le maître incontesté des puzzles.
C’est dans ce nouvel environnement que se réveille Bruce Wayne, recueilli par le jeune Thomas. Évidemment, le milliardaire va renouer avec ses nouvelles habitudes, retrouvant son costume et voulant réveiller les foules en apportant un nouvel espoir et une résistance. Il va défier Nygma, soutenu par Alfred ainsi que ses nouveaux complices : le lieutenant Gordon et Lucius Fox. Mais avant de combattre Le Sphinx, il va falloir le trouver, caché dans l’immense Gotham City…
[Critique]
– CONCLUSION –
Ce tome est bancal : une première partie très moyenne et une seconde qui relève le niveau. Sur l’ensemble de l’œuvre (en incluant donc les tomes 4 et 5), ces nouvelles origines sont très efficaces malgré la faiblesse en milieu de parcours. On pourrait presque la supprimer et ainsi découvrir une récit rythmé et original faisant intervenir le Joker puis le Sphinx sous fond de création d’une icône dans Gotham City.
À l’inverse de ses précédents travaux, Scott Snyder réussit sa fin (même si c’était moins difficile pour le coup) et livre un travail sincèrement passionnant. Son compère Greg Capullo est toujours en grande forme et n’hésite pas à rendre hommage à Frank Miller et le coloriste Fco au Golden Age de Batman.
– BONUS –
Pendant le black-out orchestré par le Sphinx, plusieurs héros d’autres séries DC Comics sont touchés, de près ou de loin, à la situation. Étrangement, seule la série mère, Batman donc, évoque peu cette immense coupure d’électricité qui a lieu avant l’approche d’une tempête géante.
À noter aussi : un back-up du chapitre #25 avec Harper et Cullen, qu’on voit ici enfant, pendant que Gotham est plongé dans le noir. Ces deux personnages sont déjà apparus dans les autres histoires de Batman par le même tandem d’artistes : juste après La Nuit des Hiboux et après Le Deuil de la Famille.
Découvrez ci-dessous des résumés de ce qui se passe pour chaque autre protagoniste de l’univers Batman ou DC Comics.
– Univers Batman –
• Detective Comics #25 – L’An Zéro : Le Blues des lanceurs d’alerte + back-up : Jim Gordon dans : Eaux Troubles (Batman Saga #28) James Gordon est jeté d’un pont par un de ses collègues corrompus. Flash-back : le policier, loin d’être commissaire, profitait de la coupure d’électricité à Gotham pour infiltrer un repère d’un homme qu’il suspecte d’être à la tête d’un gang : Romain Sionis, alias Black Mask.
Sympathique chapitre montrant toute la détermination de Gordon et les prémices de son associations avec Batman, ainsi que la création du Bat-Signal.
Le back-up met en scène Man-Bat.
• Batgirl #25 – L’An Zéro : Un foyer (Batman Saga #28) À l’approche de l’ouragan, la folie et la paranoïa gagnent les rues de Gotham : les citoyens pillent les magasins et l’humanité s’éteint petit à petit. Barbara Gordon doit survivre une nuit, avec son frère James Jr, le temps que son père revienne. Seulement leur maison risque d’être inondé, ils doivent donc gagner les hauteurs de la ville…
Un récit relativement prévisible et pas très passionnant, aux dessins plutôt laids qui plus est. C’est largement dispensable.
• Nightwing #25 (Tome 5 : Dernier Envol) Dick Grayson, adolescent et acrobate vedette du cirque Haly est quelque-peu hautain envers ses partenaires du même âge. Il décide d’aller au cinéma en ville et c’est pendant la projection du film que l’électricité sera coupé et qu’il devra faire face à une menace très « monstrueuse ».
Joli écho à sa série maître qui a su rester dans l’esprit de « Nightwing », notamment avec le Cirque Haly et les parents de Dick. À découvrir dans le tome 5 de la série.
• Catwoman #25 (inédit — dans le tome 5 de la série)
• Batwoman #25 (inédit — sans doute dans le tome 4 ou 5 de la série)
• Batman Annual #2 (inédit)
• Batwing #25 (inédit)
• Birds of Prey #25 (inédit)
• Red Hood and the Outlaws #25 (inédit)
– Univers DC –
• The Flash #25 – La ligne de départ (Justice League Saga #10) Barry Allen, tout juste sorti diplômé de l’école de police de Central City répond à l’appel d’urgence de Gotham. Il fait équipe avec Harvey Bullock et Spencer Thompson. Ils traquent des dealers de la nouvelle drogue Icare, prodiguant à ses victimes la sensation d’avoir de super-pouvoirs et les immole dans la foulée. Barry va rencontrer la journaliste Iris West lors de son enquête et découvrir une ville où la corruption règne en maître, ce dont le futur Flash n’a pas du tout l’habitude.
Un excellent chapitre, aussi bien pour les fans du coureur que du Dark Knight. Il s’ancre solidement dans L’An Zéro !
• Green Arrow #25 – Fils Prodigue + back-up : Nouveaux Tours (Justice League Saga #10 et Green Arrow – Tome 2 : La Guerre des Outsiders) Oliver Queen est à peine revenu chez lui, à Seattle, après les années passées sur son île; qu’il apprend que Moira, sa mère, est à Gotham. L’archer endosse pour la première fois sa capuche pour secourir sa génitrice. Il verra pour la première fois Batman, mais aussi Diggle, son futur coéquipier.
Tout comme Flash, le récit de Green Arrow s’intègre parfaitement dans l’histoire originelle tout en conservant son style unique et la continuité avec sa propre série.
La fin du back-up met en scène Roy Harper, futur Arsenal qui fera équipe avec Red Hood et qu’on a pu croiser dans Batman Saga #18 et #19 pendant Le Deuil de La Famille.
• Green Lantern Corps #25 (Green Lantern Saga #27)
• Action Comics #25 (Superman Saga #8)
[À propos]
Ces quatre chapitres seront normalement publiés dans Batman Saga #27 à #31 (août à décembre 2014).
Publications originales dans Batman #25 à #29 (novembre à mars 2014).