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Paul Dini présente Batman – Tome 1 : La mort en cette cité

Le célèbre scénariste Paul Dini (Batman, la série animée) s’empare de la série Detective Comics pour un run en trois tomes (le dernier compile en revanche la série Streets of Gotham). Le premier volume, chroniqué ici, est constitué de plusieurs épisodes assez indépendants, des mini-enquêtes plaisantes mais pas forcément mémorables. Les volets deux et trois se concentre(ro)nt sur le retour de Tommy Eliott/Hush/Silence. Découverte du premier opus, La mort en cette cité, publié en France en 2015.

[Résumé de l’éditeur]
Batman n’est pas seulement un super-héros, il est aussi le plus grand détective du monde. Si ses enquêtes l’amène souvent à se confronter à la pègre de Gotham, il devra cette fois-ci s’escrimer devant la haute société. Sur son chemin, il croisera le Sphinx, devenu enquêteur pour les plus fortunés, et développera même une romance contrariée avec la magicienne Zatanna.

Inutile de détailler le début de l’histoire, le résumé officiel de l’éditeur suffit.

[Critique]
Difficile de décrire davantage le début de l’histoire tant ce volume en regroupe plusieurs sous forme d’épisodes quasiment indépendants. Dix récits sont ainsi proposés (un en deux chapitres qui se suivent) avec une qualité, forcément, plutôt inégale. Dans l’ordre, on a Les belles gens (Detective Comics #821) où Batman et Robin (Tim Drake) poursuivent Erik Hanson, alias Façade, un nouvel ennemi créé pour l’occasion. Ce n’est guère intéressant mais les jolis dessins et le découpage original de J.H. Williams III permettent de passer un bon moment malgré tout.

E. Nigma, détective privé (DC #822) place la première pierre d’une petit fil rouge qui reviendra trois/quatre fois dans l’œuvre : le Sphinx est en pleine rédemption et s’est mis à son compte en tant que privé. Ce n’est pas expliqué par l’éditeur mais Nygma avait découvert l’identité de Batman dans Silence puis avait enchaîné plusieurs évènements importants (peu publiés chez Urban Comics) avant d’être dans le coma et perdre une partie de sa mémoire, cf. le bloc Aftermath de la biographie du Riddler sur Wiki (en anglais).

Il y a d’abord eu quelques segments issus des séries Gotham Knights, Batman et Legends of the Dark Knight (disponibles chez Panini Comics à l’époque dans leur magazine dédié au Chevalier Noir et chroniqués au tout début de la création de ce site, cf. index Hush / Silence, s’y référer pour les détails). Ensuite plusieurs combats et interactions avec Green Arrow et enfin son évasion dans Infinite Crisis (notamment dans le deuxième opus) et l’affrontement qu’il l’avait apparemment plongé dans le coma, avant de revenir ici dans ce Paul Dini présente Batman.

Bref, dans cet épisode, le Sphinx et Batman collaborent pour une enquête plaisante mais vite oubliable. Graphiquement, Don Kramer (qui signe tous le reste du comic book à part un chapitre), livre un travail tout à fait correct, pêchant sur les visages humains de temps en temps mais usant d’un trait globalement élégant et ajoutant une certaine ambiance, à la fois mainstream et sombre. La colorisation de John Kalisz contribue à cette patte visuelle réussie par ses effets d’ombre, moins sur les nuances « chair » et donc de peau.

Dans Traqué (DC #823), Poison Ivy, habilement croquée par Joe Benitez, est mise en sécurité dans la Batcave, de quoi livrer un épisode assez passionnant où L’Empoisonneuse occupe une place importante. La nuit du pingouin (DC #824) met évidemment en avant Oswald Copplebot, lui aussi essayant d’être un peu plus respectable, notamment en gagnant de l’argent légalement. De quoi retrouver éphémèrement le Sphinx dans son nouveau rôle et Zatanna, qu’on croisera plus tard plus longuement. Sympathique mais sans plus.

Sur une pente glissante (DC #826) est probablement l’épisode le plus réussi. Tim Drake est kidnappé par le Joker et tous deux sont ensuite dans une voiture pour un road-trip atypique et sanglant. Moins porté sur l’aspect enquête qui caractérise le volume, cette parenthèse rythmée et remettant bien en place l’ADN du Joker, l’un des rares ennemis emblématiques du titre qui n’est pas en quête de rédemption, est une bouffée d’air frais fortement appréciable ! Suit Double discours (DC #827) où une nouvelle ventriloque officie dans Gotham. Un chapitre plaisant qui ajoute une antagoniste charismatique et un peu mystérieuse.

Dans Le requin de la finance (DC #828), le Chevalier Noir mène l’enquête sur l’assassinat d’un de ses amis maquillé en accident. Pour l’occasion, le justicier renoue avec le Sphinx et tous deux collaborent à nouveau bon gré mal gré. Comme en famille (DC #831) montre cette fois Harley Quinn, elle aussi en pleine rédemption et en demande de liberté conditionnelle. Pour prouver sa bonne foi elle s’infiltre même dans le gang féminin de la nouvelle ventriloque (celle découverte peu avant). Un segment sympathique où Harleen est particulièrement soignée et vêtue de son costume légendaire de la série animée (et donc co-créée par Paul Dini).

Zatanna est ensuite au cœur de la fiction avec En toute confiance (en deux parties, DC #833-834). Là aussi il manque un peu de contextualisation de la part de l’éditeur qui n’explique pas les erreurs commises dans Justice League – Crise d’identité (il y a bien un renvoi vers ce chef-d’œuvre mais pas de justification). En gros, Zatanna « lavait le cerveau » de certains ennemis afin de les rendre plus gentils et avait effacé une petite partie la mémoire de Batman qui avait découvert cela. Batman et Zatanna se confrontent ici à un énigmatique vilain (en réalité quelqu’un qu’ils connaissent très bien). Une réunion assez épique et un binôme relationnel ambigu très appréciable.

Enfin, Entraide criminelle (DC #837) est centré sur le Sphinx et Harley Quinn, qui cherche sa voie chez les Amazones. Un récit un peu bordélique mais parfois drôle. Il aurait été judicieux de le placer avant l’histoire précédente afin de conclure les arcs Sphinx et Quinn du comic et d’achever « en beauté » l’ensemble avec la partie sur Zatanna et Batman. Rien de grave en soi et, comme on le soulignait plus haut, Don Kramer est plutôt efficace dans son travail graphique pour accompagner Paul Dini, plus ou moins inspiré dans son écriture : les intrigues sont sympathiques, les dialogues sonnent naturels mais il manque ce quelque chose qui rendrait l’ensemble bien plus passionnant. Chaque épisode est illustré par une couverture de Simone Bianchi en noir et blanc, de superbes illustrations (comme celle du livre) qui ajoute un certain cachet visuel non négligeable.

En synthèse, La mort en cette cité renoue avec l’approche enquête propre à la série Detective Comics. Malheureusement, proposer un récit presque autonome par chapitre peine à fédérer. Ce côté non feuilletonnesque casse à la fois une certaine immersion dans la lecture et semble diminuer les enjeux (pas de réels danger, peu d’évolutions côté Batman, etc.). Au programme, on a donc une sorte d’émancipation commune chez plusieurs vilains (Harley Quinn, le Sphinx, le Pingouin…), un nouvel allié imprévu qui revient de temps à autre (le Sphinx) et une Ventriloque modernisée mais vite évacuée. La lecture n’est pas désagréable, bien au contraire, mais vite oubliable, c’est un peu dommage.

À noter que plusieurs chapitres de Detective Comics se déroulant majoritairement entre ceux vus ici ne sont pas inclus dans l’ouvrage car non scénarisés par Paul Dini. Commençons par trois qui furent disponibles en France. Pour les trouver (en attendant le Batman Chronicles de Detective Comics de 2007 – donc dans un paquet d’années !), il faut se tourner vers l’ancienne édition de Panini Comics (dans le format Big Book) intitulée Batman – Le cœur de Silence. Oui, le même titre que le second tome de Paul Dini présente Batman chez Urban. Cet ouvrage contenait les épisodes #829-830 puis #841-850, soit trois « inédits » (non republiés par Urban) : les #829-830, formant une histoire complète (Siège), par Stuart Moore, et le #842 (La cotte des tourments), de Peter Milligan. Siège se déroulait intégralement dans un immeuble avec Wayne en civil et Tim Drake présent face à un terroriste qui faisait sauter certains étages. Beaucoup d’action et de tension, un court récit pas mal du tout. La cotte des tourments fait référence à une veste/armure éponyme offerte à Batman par Talia al Ghul. Le justicier remonte aux sources du vêtement, en proie à une certaine malédiction. Plutôt anecdotique…

Le #825 (The Return of Dr. Phosphorus) n’est jamais sorti en France et le #832 (Triage) fut publié dans le magazine Superman & Batman de Panini Comics en décembre 2008; tous deux de Royal McGraw. Le premier est centré sur le Dr. Phosphore et le second sur le fameux « trio infernal », connu surtout grâce Batman, la série animée (étonnamment, cet épisode n’est pas de Dini !). Les #835-837 sont de John Rozum (Absolute Terror) et mettent en scène L’Épouvantail (non publiés en France). Enfin, la suite directe de la série Detective Comics par Dini est La résurrection de Ra’s al Ghul (#840) juste avant Le cœur de Silence (à partir du #841).

[À propos]
Publié chez Urban Comics le 16 janvier 2015
Contient : Detective Comics #821-824, #826-828, #831, #833-834, #837
Nombre de pages : 272

Scénario : Paul Dini
Dessin : Don Kramer, J.H. Williams III, Joe Benitez
Encrage : Wayne Faucher, J.H. Williams III, Victor Llamas
Couleur : John Kalisz

Traduction : Mathieu Auverdin et Alex Nikolavitch
Lettrage : Stephan Boschat (Makma), Christophe Semal et Laurence Hingray (Studio Myrtille)

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No Man’s Land – Tome 04

No Man’s Land est une longue saga constituée de plusieurs tomes : le volume unique Cataclysme, qui en était l’introduction, puis le récit « principal » de No Man’s Land en six tomes et, enfin, New Gotham en trois volumes. Voir la page récapitulative si besoin.
Afin d’établir des résumés et critiques plus visibles qu’un gros bloc reprenant l’ensemble de l’ouvrage, celles-ci sont divisées par les différentes (petites) histoires qui composent le tome. Le résumé est en italique sous le titre et la critique est précédée d’une petite flèche.

batman-no-mans-land-tome-4

Le Message
scénario : Alisa Kwitney | dessin : Michael Zulli
Batman : No Man’s Land Secret Files #1

Peu avant l’évacuation des citoyens de Gotham, l’un d’eux, Jason Braun, entend une voix lui demandant de délivrer un message à Oracle. Suit une dérive nocturne où l’homme va croiser Le Pingouin, Poison Ivy… et quelques autres têtes connues de la ville.

Harley Quinn Penguin Pingouin

► Voici une étrange introduction, présentant un nouveau personnage, qui n’aura d’intérêt que s’il revient ultérieurement. D’un point de vue purement rationnel, il s’agit « juste » d’un homme sombrant dans la folie de la ville, la dernière nuit où il était possible de la quitter. Avare en métaphore et proche du mysticisme, le style graphique aide à apprécier cette petite histoire qui replonge dans le passé (les débuts du no man’s land) mais s’attarde sur une personne lambda sans développement narratif réellement intéressant.

Harley Quinn
scénario : Paul Dini | dessin : Yvel Guichet
Batman : Harley Quinn #1

Poison Ivy, chargée de la récolte de fruits par Batman, découvre une étrange figure familière en costume d’Arlequin dans des décombres à Gotham. Elle décide de la soigner et écoute son histoire d’ancienne psychiatre à l’Asile d’Arkham (là où Ivy l’a connu) et son idylle avec le Joker.

Harley Quinn No Mans Land

► Cette longue histoire (48 pages) est presque la première véritable apparition de Harley Quinn dans un comic-book. Nous sommes en octobre 1999, sept ans après sa création par Paul Dini pour la série d’animation Batman, la muse du Joker a droit à sa transition vers le papier en intégrant officiellement l’arc narratif en cours de Batman, en passant par ses origines (contées ici). C’est « presque » sa première apparition puisqu’elle était déjà dans le chapitre The Batman Adventures #12 en septembre 1993 (soit pile un an après sa découverte dans le dessin animé). Mais ce chapitre est un mélange d’adaptation et de prolongement de la série de Paul Dini (et Bruce Timm), plutôt anecdotique et enfantin (disponible en français dans Batman – Les Nouvelles Aventures – Tome 2). Et puis sûr, en février 1994 est sorti l’excellent Mad Love, à la fois adaptation de l’épisode éponyme qui refermait la série, et transposition papier officielle dans un one-shot dans un récit à la double lecture. C’est donc plutôt la troisième fois que Quinn apparaît dans une bande dessinée mais véritablement la première fois qu’elle intègre le Bat-Universe des comics, sa mythologie et ses connexions avec les autres protagonistes, prenant ainsi part à la complexe mythologie du Chevalier Noir. On notera aussi au passage la couverture alternative de ce chapitre par Alex Ross, livrant toujours de sublimes compositions (cf. Kingdome Come), qui a été choisi pour illustrer ce quatrième tome de No Man’s Land.

Modifiant très légèrement des petits passages d’origin-story de Mad Love (la rencontre entre Harley et le Joker), cette histoire développe efficacement le personnage d’Harleen Quinzel. Le récit navigue d’ailleurs en perpétuelle confusion sur l’état mentale de la dulcinée du Joker et de ce dernier. Jonglant entre la folie pure et le rationalisme à propos de leur idylle, bien difficile de juger si l’un ou l’autre est réellement fou et pas conscient de ses actes. Ces éléments sont clairement les points forts de ce chapitre, s’intercalant peu après Les Fruits de la Terre (fin du volume précédent) et dans l’immense échiquier qu’est la saga No Man’s Land. On retrouve évidemment le Joker et on en sait davantage sur ce qu’il faisait récemment.

Hélas, la pauvreté graphique, oscillant étrangement entre le très cartoony (pour se rapprocher de la série d’animation ?) et un style plus classique mais mal encré et colorisé, n’aident pas à faire de ce Harley Quinn, un « must-have » et un objet culte (l’exploit de Mad Love n’est donc pas réitéré). Dommage mais pas complètement gâché pour autant car le scénariste Paul Dini, créateur du personnage, livre tout de même une histoire solide et passionnante.

*À titre anecdotique, on peut lire Nom de Zeus…

Le Roi
scénario : Ian Edginton | dessin : Jason Minor
Batman : Shadow of the Bat #89

Batman cherche  » Le Roi « , un mystérieux bienfaiteur qui a aidé les plus démunis et abandonnés. Killer Croc semble être en lien avec cette disparition.

Batman Killer Croc

► Si, une fois de plus, on s’attarde sur un personnage anecdotique, il est intéressant de constater le « bien » qui est fait dans Gotham City et, surtout, c’est la première fois depuis longtemps que Batman est au centre d’un récit. Ce qui fait… du bien aussi ! Toutefois les graphismes hideux n’aident pas à rendre cette histoire mémorable, loin de là…

Sur les quais
scénario : Janet Harvey | dessin : Sergio Cariello
Batman #569

Batman confie une mission à la nouvelle Batgirl, ravie de pouvoir montrer ses talents à celui qu’elle admire.

Batgirl No Mans Land

► Le développement du personnage de la fille de Caïn — toujours sans prénom durant cette histoire — se poursuit « lentement mais sûrement ». Apparue à la fin du deuxième tome, elle a pris la relève de l’ancienne Batgirl (Huntress qui avait revêtu la cape sans le réel aval de Batman), et permet d’obtenir une certaine dynamique intéressante. Notamment dans la relation maître-élève qui avait disparu depuis un bon moment dans les aventures du Chevalier Noir. Du reste, on poursuit, ou plutôt on stagne (mais ce n’est pas bien grave), l’évolution du no man’s land de Gotham avec toujours ses différents gangs et lieux stratégiques.

Le Retour
scénario : Larry Hama | dessin : Mike Deodato Jr.
Detective Comics #736

Bane est de retour à Gotham. Par un ingénieux système, la brute intelligente réussit à passer les ponts pourtant détruits et gardés. Bane considère que c’est SA ville et qu’il est temps de revenir y mettre de l’ordre et évidemment d’affronter Batman.

Bane No Mans Land

►Avec un excellent rythme (aucun temps mort, beaucoup d’action bien croquée), ce retour fracassant de Bane (apparu dans Knightfall, la précédente saga qui se déroulait peu avant celle-ci) est réjouissant même s’il fait surtout office d’introduction. On a hâte de voir cet antagoniste puissant œuvrer dans la ville car, s’il y a bien un ennemi du Chevalier Noir qui n’est pas dans le manichéisme primaire, c’est bien Bane.

Sous les pavés, la guerre !
scénario : Chuck Dixon / Staz Johnson | dessin : Gordon Purcell
Robin #68 à 70

Batman confie la lourde tâche à Robin (Timothy Drake) de trouver une cache dans les égouts qui contient nourritures et médicaments. Le jeune apprenti ne veut décevoir son mentor et se risque dans le dédale poisseux où plusieurs figures ennemies se côtoient… À commencer par Mangles et Mégaborg, qui manquent de peu de se noyer. De l’autre côté de Gotham, en rentrant chez elle après un footing, Stéphanie Brown est confrontée à sa mère, qui vient de découvrir le costume de Spoiler en rangeant les affaires de sa fille.

Robin No Mans Land

► Comme dans la seconde partie du tome précédent, trois chapitres constituent cette mini-histoire : les Rats, les Louveteaux, les Survivants. On y retrouve justement des têtes connues et aperçues en début du troisième volume : le duo Tommy Mangles et Mégaborg (ils sont un peu ridicules et deviennent rapidement des figurants), Otis Flannegan, le « chasseur de rats » (sauf qu’il ne les chasse pas, il les dompte), lui aussi brièvement croisé dans le tome précédent et enfin (surtout), Mister Freeze qui signe là son grand retour. Malheureusement l’ensemble ne sera pas spécialement épique mais fonctionne rudement bien grâce au travail d’écriture sur Robin, obstiné à ne pas décevoir Batman.

Une autre partie intéressante du récit se situe du point de vue Stéphanie Brown. Selon une conversation, on comprend que la jeune fille était enceinte et a avorté. En couple avec Robin (même si ce n’est pas explicitement indiqué), on prend plaisir à suivre l’avancement de cette autre justicière, même sans son costume. Un aparté plus poussé aurait été le bienvenu, de peur qu’elle soit délaissé et revienne plus tard sans forcément avoir eu un traitement aussi soigné (ou plutôt publié) que ses alliés.

Fantômes
scénario : Dennis O’Neil | dessin : Roger Robinson
Azrael #58

Azrael continue d’aider les plus démunis et les ramène au Docteur Thompkins. Mais le justicier ne cesse d’être hanté et poursuivi par ses démons intérieurs : son père, l’Ordre de St. Dumas…

Azrael no mans land

► Il est toujours difficile de lire les aventures de Jean-Paul Valley. Si le jeune homme est charismatique et que son cheminement interne est toujours plutôt bien développé (il est à la limite de la schizophrénie), la dériver avec les chevaliers mystiques, le côté sectaire et d’autres éléments ont toujours du mal à passer dans l’univers de Batman. Il aurait sans doute fallu lire tout l’arc consacré à Azrael pour pleinement être

Le Code
scénario : Bronwyn Carlton | dessin : Mike Deodato Jr. / Tom Morgan
Batman #570 | Detective Comics #737

Le Joker et Harley Quinn prennent possession d’un immeuble. Harley s’installe dans un appartement où elle découvre un code de séduction qu’elle décide de suivre à la lettre pour que son poussin montre son amour pour elle. De son côté, le Clown du Crime décide d’organiser une élection dans son territoire pour permettre « démocratiquement » de savoir qui va le diriger entre lui et Petit, un policier qui a préféré s’exiler de Gordon, préférant des méthodes plus brutales. L’objectif du Joker est multiple : retrouver sa dulcinée, montrer que Batman impose sa façon de faire alors que lui propose d’être élu, etc.

Joker Harley No Mans Land

► Le retour du duo fou, peu de temps après les premiers pas d’Harley. L’ensemble est clairement bien écrit et réjouissant, on retrouve les caractéristiques propres du couple, empruntant à la fois à la série d’animation et aux codes des comics papier (le Joker est plus violent, Harley semble plus maline). L’élection est clairement un prétexte bidon et une intrigue très secondaire. Elle permet tout de même de retrouver Huntress, qui agit en solo suite à son renvoi par Batman. Graphiquement ça tient la route et continue de montrer par petites touches des histoires différentes qui font avancer lentement mais sûrement l’intrigue, même si la globalité de la saga « stagne » toujours (elle dévoile juste les petites avancées de chaque protagonistes ou antagonistes).

Jeu de Pouvoir
scénario : Larry Hama | dessin : Rick Burchett
Batman : Legends of the Dark Knight #121

Batman enquête dans un quartier où Mister Freeze semble régner…

Batman Torture Tue

► Le style de Rick Burchett rappelle indéniablement celui de Darwyn Cooke. Cela permet d’y voir une histoire aux allures « enfantines » mais aux propos plus « adultes », ce qui détonne toujours et est particulièrement efficace. Mais ici, le côté sombre et mature du récit n’est évoqué que partiellement : la mort de Nora — femme de Victor Fries — et le sauvetage des œuvres d’art par ce dernier afin de les préserver du désastre causé par le no man’s land. L’idée n’est malheureusement qu’effleurer et il faudra absolument la développer. Ne reste qu’un très long affrontement, presque onirique entre l’homme de glace et l’homme chauve-souris. Une petite mention est faite à Robin (voir plus haut) mais on ne sait pas comment Mister Freeze s’est échappé pour redevenir libre. Un court chapitre plutôt réussi mais qui aurait méritait de s’étendre sur un autre.

Le Gouffre aux Chimères
scénario : Larry Hama | dessin : Paul Gulacy
Batman : Legends of the Dark Knight #122 | Batman : Shadow of the Bat #90

Le Chevalier Noir s’allie à Lynx, une antagoniste borgne redoutable. Ensemble ils vont combattre une triade asiatique qui exploite les plus démunis. Ces derniers sont des esclaves chargés de pédaler en continue pour fournir de l’électricité à des chefs mafieux.

Batman Lynx No Mans Land

► Quand baissent les chimères… et un bel exemple pour la jeunesse sont les deux titres de cette histoire un peu anecdotique puisqu’elle fait intervenir un personnage peu connu et pas forcément charismatique. On retient surtout un flash-back en France et la dernière planche annonçant un plan d’action de Bane. L’ensemble est assez moyen d’un point de vue graphique et Batman semble être un roc imbattable. Des échanges avec Lynx sont par contre intéressants, comme celui-ci : « Je combats le crime et je suis un détective. Je ne me considère pas comme un héros. Ce n’est pas un métier… c’est une appellation… que décerne la postérité. »

Conclusion : Si chaque tome de No Man’s Land poursuit un certain schéma pré-établi avec brio (de multiples petites histoires faisant intervenir des héros, des antagonistes, des ennemis, des inconnus… partiellement ou sur deux à trois chapitres), la formule semble s’essouffler un petit peu. En effet, l’ensemble a toujours été hétérogène quant à la qualité graphique (c’est à nouveau le cas ici mais une tendance tout de même en dessous de ce qu’on a connu) mais toujours homogène côté scénario. L’écart se creuse dans ce quatrième tome puisqu’on a du très bon (toutes les histoires avec le Joker, Harley Quinn, Bane et éventuellement Mister Freeze) et du moins bon voire franchement pas mauvais (les errances d’Azrael, Killer Croc et Le Pingouin).

En constat général, les deux tiers de l’œuvre sont quand même excellents (scénaristiquement parlant) mais l’autre tiers se révèle plus que moyen. L’équilibre qualitatif devient un peu plus fragile. Néanmoins, la saga continue de passionner, à défaut de vraiment s’émanciper vers un échappatoire logique et une certaine légèreté faite d’espoir et de clarté. Recommandé tout de même donc.

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Dark Night – Une histoire vraie

Récit un peu particulier puisqu’il ne conte pas les aventures de Batman mais d’un de ses auteurs, Paul Dini, qui propose, comme son titre l’indique « une histoire vraie ».

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[Histoire]
Paul Dini, scénariste de Batman s’est fait agressé. Avant de revenir sur ce fait, il explique face caméra à ses élèves (ou aux lecteurs directement) les éléments de sa propre vie qui l’ont conduit à devenir artiste. Il débute en évoquant son enfance, durant laquelle il était solitaire et « invisible » pour beaucoup, préférant se réfugier dans son imagination et la culture. Dini propose un bond de vingt-cinq années plus tard, lorsqu’il travaille pour Warner Bros Animation, précisément quand il œuvre avec brio sur la série d’animation Batman. La belle vie selon lui, à l’exception d’une vie sentimentale mise de côté, ou bien d’une tentative de liaison perdu d’avance, et d’une constante visite chez des psychothérapeutes — une introspection qu’il juge avec un regard plus mature aujourd’hui, évidemment. Jouets, loisirs, trophées… Paul Dini est heureux et fier de sa vie de « geek » avant l’heure. Puis un soir, deux hommes le tabassent avec une violence inouïe, l’artiste doit alors remonter la pente.

Dark Night Dini Une Histoire Vraie

[Critique]
Bande dessinée atypique, autobiographique et croquée avec plusieurs styles, « Dark Night – Une histoire vraie » captive de bout en bout. Clairement scindé en deux actes : un premier revenant sur l’enfance de Paul Dini puis son travail de scénariste chez Warner et ses problèmes relationnelles avec les femmes (cf. le résumé) puis un second évoquant l’après-agression, lorsque l’auteur s’apitoie sur son sort et ne s’en relève pas.

« Tu es l’incarnation irréelle et hors de portée du fantasme de puissance d’un gosse. »

Les scènes du début vont intéresser les fans de Dini (Mad Love, Paul Dini présente Batman…), ceux qui veulent connaître son parcours. L’ensemble est assez « basique » : on découvre un type certes acharné de travail et épanoui dans son domaine, mais finalement assez pathétique envers les femmes (voire méprisables), autant que ses conquêtes (le personnage de Vivian est une illustration concrète de Poison Ivy d’ailleurs). Aussi étonnant qu’il puisse paraître, écrire quelques personnages « très clichés » semble être une facilité narrative mais puisque l’ensemble se veut « une histoire vraie », il faut accepter que ceux-ci réagissent exactement comme on peut l’anticiper et de façon tout à fait normal, basique ou convenu.

Dark Night Dini

La partie revenant sur la guérison de Dini, ses doutes et ses craintes, permet de mieux saisir à quel point l’univers de Batman est non seulement important pour lui, mais aussi qui l’amène constamment à réfléchir et à échanger. Ses interactions se font avec les héros et vilains de Gotham : tour à tour Batman, parfois Batgirl, puis la galerie d’ennemis : Double-Face, le Joker, l’Épouvantail, Poison Ivy… un régal non seulement pour un lecteur assidu des aventures du Chevalier Noir, mais également pour un simple connaisseur qui découvre là les multiples facettes de chaque protagoniste, correspondant à un puissant rapport au réel. Ainsi, l’attitude de Dini envers la gente féminine interroge aussi bien Poison Ivy que Double-Face, la volonté de sombrer dans la folie voire l’extrémisme côtoie le Joker, le refuge vers l’alcool a évidemment lieu dans un bar du Pingouin et, bien sûr, les terreurs et la paranoïa servent à merveille des remarques de l’Épouvantail.

Si l’on pouvait naïvement penser que la « force » mentale d’un Batman s’ajouterait à celle de Dini, on constate que c’est tout l’inverse qui se produit. Le Caped Crusader bouscule l’auteur régulièrement, les deux se disputent en se partageant la responsabilité de l’agression. De ce traumatisme (qui remonte à bientôt vingt-cinq ans), l’artiste en propose à la fois un travail d’introspection sur lui-même mais aussi une histoire qu’il juge intéressant de partager (non sans s’être interroger sur cette démarche au préalable).

Dark Night Dini Batman Dark Night Dini Joker

Pour illustrer ce récit original, Eduardo Risso (Citée Brisée) livre de sublimes planches, changeant de style en fonction de ce qui est conté, proposant divers looks aux ennemis de Batman et ainsi de suite (un passage de drague est ainsi digne d’un cartoon). D’une certaine manière, on se rapproche de « C’est un oiseau… » une autre œuvre autobiographique du même genre mais mettant Superman au lieu de Batman dans la propre vie d’un auteur de comics.

Quelques éléments sont à déplorer toutefois, notamment dans l’utilisation du levier nécessaire à Dini pour se relever de son agression. Si son côté non pragmatique (face à ses potentiels agresseurs qu’il repère de loin) peut laisser certains dubitatif, c’est un dialogue avec un être humain qui lui fait prendre conscience « qu’il y a (toujours) pire » dans la vie, et en l’occurrence chez l’autre dont cet interlocuteur. Un aspect un peu « ridicule » (même s’il est vrai) qui survient soudainement dans un processus de dépression et qui agit comme un petit miracle. Il y a aussi une certaine naïveté chez l’auteur qui constate que « oui la vraie vie est injuste et que l’injustice existe », un état de fait assez généralisé pourtant.

Dark Night Dini Scarecrow

Cette conclusion n’entache pas l’ensemble de ce Dark Knight, résolument original et passionnant, malgré sa couverture un poil mensongère. Ce n’est pas la première fois que l’éditeur applique cette recette : un dessin qui ne correspond pas forcément au récit de base mais qui permet d’avoir une couverture « classe et impressionnante ». Pour défendre Urban Comics, il s’agit ici de la même version que l’édition américaine, mais parfois l’éditeur choisit de très belles illustrations certes, mais qui ne reflètent pas forcément le contenu (Cataclysme ou DKIII par exemple). Ce n’est pas très grave en soi mais le non fan, le non connaisseur se doit obligatoirement de lire le résumé au dos et de feuilleter l’ouvrage (ça semble être une évidence, mais on achète parfois sur un coup de coeur d’une couverture, ou bien sur Internet sans se renseigner au préalable). Quoiqu’il en soit, Dark Night – Une histoire vraie est touchant et sort un peu des classiques aventures du Chevalier Noir, en offrant un propos grave, humain et élégamment dessiné sous plusieurs styles. C’est d’ailleurs peut-être cet ensemble de formes différentes (et réussies) qui font la richesse d’un fond sympathique mais pas forcément fédérateur pour tous.

(Une autre critique à lire, celle de Neault sur UMAC qui n’a pas du tout été emballé par la seconde partie et explique quels éléments sont problématiques selon lui.)

Dark Night Dini True Story

[À propos]
Publiée en France chez Urban Comics [collection Vertigo] le 03 février 2017.
Titre original : Dark Night – A True Batman Story
Scénario : Paul Dini
Dessin et couleur : Eduardo Risso
Lettrage : Moscow Eye
Traduction : Xavier Hanart

Première publication originale en juin 2016.

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