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Batman Detective Infinite – Tome 02 : Le cauchemar de Nakano

Après un premier tome prometteur mais comportant quelques défauts évidents, que vaut ce deuxième volume (sur quatre) de la série Batman Detective Infinite ?

[Résumé de l’éditeur]
Alors que l’État de terreur paralyse la cité de Gotham, de ses habitants à ses institutions, le maire Christopher Nakano doit se résoudre à faire appel à Batman pour faire toute la lumière sur la tentative de prise de la mairie par un groupe terroriste, mais également pour découvrir l’obscur vérité sur la prolifération d’un parasite dans les égouts de sa ville.

[Début de l’histoire]
Nakano est agressé par un certain Nero XIX dans sa mairie et parvient de justesse à s’échapper. Quand Batman vient à sa rescousse, les deux hommes se retrouvent coincés sous la Terre, proche des restes du parasite qui avait causé plusieurs victimes plus tôt (cf. Visions de violence).

[Critique]
Le premier volume s’étalait sur près de 300 pages, celui-ci est quasiment réduit de moitié avec seulement quatre chapitres et un annual. Les quatre chapitres sont la suite directe des deux derniers du précédent (qui auraient dû être dans ce second opus pour un meilleur équilibre) et commencent plutôt bien : le fameux parasite est une menace encore plus dangereuse avant d’être balayée/résolue de façon expéditive (néanmoins à peu près « plausible ») et d’enchaîner sur une sorte d’introduction au prochain tome (La Tour d’Arkham – dont la couverture est carrément une image présent dans ce second opus !).

En somme, Le cauchemar de Nakano apparaît comme un volume de transition un peu étrange, faute à un découpage singulier. On retient principalement l’échange vif entre Batman et Nakano, piégés sous terre avec une obligation pour le maire de collaborer avec son ennemi le Chevalier Noir. Encore une fois, il y a une dimension (dans un second temps) davantage « urbain/citoyenne » plaisante mais qu’on sent toujours effleurée (ladite création de la Tour d’Arkham). On apprécie revoir la plupart des alliés (Huntress est toujours présente mais Nightwing, Batwoman et quelques autres sont de la partie) même si le néophyte pourrait être un peu paumé.

En effet, ce deuxième volet multiplie les références à tout un tas de séries ; ce n’est pas gênant pour la compréhension mais de nouveaux éléments semblent un peu abrupt (Batman désire prendre du recul et quitter Gotham sans qu’on ne sache pas très bien pourquoi). À noter que Worth et Le Pingouin ont visiblement disparu et que l’aventure s’est recentrée uniquement sur Batman et un peu Nakano (ce n’est pas plus mal). La scénariste Mariko Tamako poursuit son travail avec ce déséquilibre narratif un peu dommage mais ajoute une certaine empathie envers Nakano qui est nettement plus mis en avant que dans le volume précédent.

Encore une fois, ce sont surtout les dessins de Dan Mora qui tire le titre vers le haut. Impossible de ne pas être séduit par ses traits fins, élégants et le dynamisme de son découpage lors des scènes d’action, toujours parfaitement mis en couleur par Jordie Bellaire (bien plus agréable que sur celle de Batman/Superman World’s Finest – davantage axée « comic book »).  Admirez toutes les illustrations de cette critique, un régal ! L’annual (Le décharné) dénote en revanche, dessiné par David Lapham mais ce segment ajoute de beaux moments (écrits par Tamako et Matthew Rosenberg) sur Thomas Wayne et sa complicité avec Bruce enfant puis envers Nightwing.

Le style de Lapham ne rend pas hommage à l’écriture avec son encrage très gras et l’ensemble assez statique (voire franchement hideux parfois, cf. image ci-dessous et les deux dernières de cette critique). Il signe également un interlude (Fondations) sur sur la construction de la Tour d’Arkham (encore…) – sorte de prologue justement au futur récit conclusif (encore un découpage étonnant de la part de l’éditeur), rédigé par Stephanie Phillips. Au total, les deux récits complémentaires occupent presque la moitié du livre, dommage donc de ne pas avoir eu intégralement Mora dans une œuvre consacrée uniquement à son art.

Davantage un tome « 1.5 » qu’un réelle « 2 », Le Cauchemar de Nakano poursuit un récit assez passionnant même s’il lui manque encore de nombreux éléments (d’écriture et d’intrigue) qui hisseraient davantage la fiction pour être un coup de cœur (on en est encore loin même si on ne veut pas être trop sévère non plus). Tout va se jouer dans la dernière ligne droite, c’est à dire les deux derniers tomes qui donneront l’avis final afin de savoir si l’achat vaut le coup ou si on est davantage face à un pétard mouillé… Comme pour le volet précédent, les superbes couvertures alternatives de Lee Bermejo sont proposées en fin d’ouvrage, un vrai régal pour les amoureux de l’artiste qui signent systématiquement les dessins de cette série Detective Comics de l’ère Infinite même si elles n’ont rien à voir avec les épisodes qu’elles illustrent !

[À propos]
Publié chez Urban Comics le 04 mars 2022.
Également publié dans Batman Infinite Bimestriel #4 et #5.
Contient : Detective Comics # #1043-1046 + Annual #1

Scénario : Mariko Tamaki, Stephanie Phillips, Matthew Rosenberg
Dessin & encrage : Dan Mora, David Lapham
Couleur : Jordie Bellaire, Trish Mulvihill, Lee Loughridge

Traduction : Thomas Davier
Lettrage : MAKMA (Michaël Boschat et Gaël Legeard)

Acheter sur amazon.frBatman Detective Infinite – Tome 02 : Le cauchemar de Nakano (24 €)


Joker Infinite – Tome 3 : Du clown au menu

Troisième et dernier tome [1] de Gordon Joker Infinite (en vente le 2 septembre prochain), Du clown au menu vient conclure une histoire originale dont le premier volet était percutant et saisissant et le second un peu moins palpitant. Critique et conclusion.

[1] Bien qu’indiqué en quatrième de couverture que la série Joker Infinite est « en cours » (et non « terminée ») ce troisième tome est bien le dernier comme l’avait stipulé Urban Comics dans une publication sur Facebook annonçant l’ouvrage en avril dernier (puis confirmé une seconde fois en réponse à mon interrogation fin juin/début juillet).

[Résumé de l’éditeur]
Après avoir été gravement blessé par la famille Sampson alors que ces derniers mettaient enfin la main sur le Joker, Jim Gordon semble laisser sa fille Barbara prendre sa place dans sa quête du Clown Prince du Crime. Mais ses mystérieux commanditaires ne le voient pas d’un bon œil et s’apprêtent à dévoiler leurs réelles intentions… ainsi que leur véritable identité. Le Joker pourra-t-il survivre à l’assaut de ce groupe de l’ombre, d’une famille de cannibales, et de Vengeance, la clone de Bane que Gordon a lâché sur lui ?

[Début de l’histoire]
Pas besoin d’en dire davantage que le résumé de l’éditeur.

[Critique]
Une bonne suite et une conclusion « à peu près » satisfaisante ! Voilà qui synthétise la première pensée une fois la lecture terminée et, surtout, qui fait plaisir en ces temps de productions de comics assez balisées. Au programme de ce troisième tome qui porte très bien son nom puisque le Joker est littéralement un clown au menu des cannibales : six chapitres qui connectent toutes les intrigues vues précédemment.

Le premier épisode est un long flash-back, dans la continuité de l’annual #1 qui fermait le tome précédent, revenant sur le quotidien de Gordon après Killing Joke. Sa cohabitation avec Barbara, le GCPD corrompu et… son fils James Jr. revenu au bercail familial, fasciné par le Joker. Tout ce chapitre est à nouveau dessiné, encré et colorisé par Francesco Francavilla et son style pulp inimitable aux tonalités chaudes, jeux de lumière efficaces et traits simples mais efficaces. Comme dans les deux volumes précédents, ce procédé graphique permet d’identifier immédiatement que cette partie du récit se déroule dans le passé.

Une parenthèse s’impose (sur ce paragraphe et le suivant) tant on se rend compte que les séries « héritières » de Killing Joke se déroulent sur deux axes. Un premier avec différentes histoires qui sont, directement ou indirectement, impactées. On pense bien sûr à tous les comics de ces trente dernières années qui évoquent au détour de quelques cases les sinistres évènements relatés dans Killing Joke mais qui ne servent, au final, « que » de rappels historiques ou bien de repères chronologiques dans la grande mythologie de Batman. En revanche, on trouve dans Trois Jokers une véritable « suite » assumée (à insérer canoniquement ou non dans la continuité selon le bon vouloir du lecteur) et désormais dans ces Joker Infinite. La courte série synthétise bien les démons de Gordon tout en lui offrant une opportunité de vengeance (ou de rédemption).

En marge de tout ceci, et c’est ce que nous appelons le second axe des séries « héritières » de Killing Joke, il y a ce qui semble peu connecté de prime abord. Sombre Reflet notamment, qui mettait en scène James Gordon Jr. (avec à nouveau Francavilla au dessin, ainsi que Jock), qu’on revoie ensuite dans Le Batman Qui Rit, qui devient de facto une étrange extension au précédent titre. Là aussi, le poids du passé (et donc des blessures de Killing Joke) trouvent un écho conclusif dans les Joker Infinite. On pourrait donc lire « à la suite » Killing Joke, Sombre Reflet, Le Batman Qui Rit, Trois Jokers puis Joker Infinite qu’on arriverait à tisser une ligne narrative où s’entremêlent avec brio Batman, le Joker et – surtout – la famille Gordon : James et ses deux enfants, Barbara et James Jr. Un canevas du neuvième art passionnant qui s’étale sur des années, conçu probablement involontairement mais proposant de belles choses !

Revenons au troisième tome de Joker Infinite. Passé l’introduction sur le passé de Gordon, on renoue avec toutes les intrigues en cours qui trouvent chacune une résolution plus ou moins satisfaisante. Du côté des figures féminines de Gotham (Barbara, Julia, Orphan – Spoiler n’apparaît pas cette fois, étrangement), elles se connectent habilement avec l’enquête de Gordon sur le Réseau via un passage de flambeau et une entraide globale. Le fameux Réseau, justement, est mieux explicité, on comprend aussi les motivations de la Cour des Hiboux, ou plutôt de Cressida. La famille Sampson revient également sur le devant de la scène, là aussi on saisit davantage les connexions avec le reste du récit (en gros, les Sampson sont des cannibales mais le Réseau a besoin d’eux pour exploiter le pétrole sur leur terrain et, surtout, continuer de servir des mets humains à l’élite secrète urbaine – ça semble bordélique dit comme ça mais fait sens dans la BD). Et le Joker dans tout ça ? Un bouc émissaire déniché par Cressida qui veut faire tomber le fameux Réseau et qui a utilisé Vengeance, la clone de Bane, pour arriver à ses fins.

Attention, quelques révélations majeures dans ce paragraphe, passez au suivant pour vous en préserver. Cressida s’est surtout alliée avec… Bane. Qui n’était donc pas mort – comme on le pressentait –, c’est l’une des premières surprises du scénario (toujours signé James Tynion IV) qui arrive à la moitié de la lecture. C’était prévisible mais ça permet de débouchait sur une relation père/fille entre Bane et Vengeance prometteuse. Seconde surprise du scénario : l’ergot de la Cour des Hiboux est en fait James Gordon Jr. À moitié zombifié, il pourra donc revenir ultérieurement dans un rôle d’antagoniste ou allié… Et comment ça se termine tout cela ? Et bien, un statu quo plus ou moins inchangé : le Joker est toujours vivant et libre (quelle surprise…), Bane et Vengeance se sont éclipsés (hâte de les revoir), le Réseau est plus ou moins démantelé (on ignore si des clones d’autres ennemis sont prévus).

Surtout, James Gordon est apaisé avec lui-même. Et c’est ce récit, son récit, qui reste en mémoire. L’évolution d’un homme blessé, meurtri, usé… Certes, l’écriture manque parfois de finesse et ce qui gravite autour de Gordon n’est parfois pas très élaboré ou mal équilibré mais qu’importe. La force de ce tome et de la série en général et d’avoir mis au second plan le Joker, ne pas en avoir fait un personnage présent dans chaque chapitre ou chaque page. Forcément, on pourrait estimer le titre voire les couvertures un poil mensongers mais c’est carrément mieux ainsi. L’histoire reste plutôt originale, assez solide, singulière, brutale et sanglante. Tout n’est – n’était – pas parfait, loin de là, mais la proposition transpire l’honnêteté et l’envie de sortir d’un moule narratif trop calibré. Même si ça ne révolutionne pas forcément la mythologie du Chevalier Noir, ça fait avancer Gordon, ça rabat quelques cartes (il va travailler dans le privé avec Bullock, Vengeance est un personnage prometteur, les restes du Réseau peuvent déboucher sur des choses intéressantes…) et ça reste une lecture plaisante. Le dernier chapitre est un long échange entre Batman et Gordon d’où résulte une sincérité touchante chez le policier, expliquant être en paix avec ses choix de vie (et donc de ne pas tuer le Joker).

Le tome se termine sur un épisode entièrement en noir et blanc (Signals en VO, étonnamment nommé Conclusion ici), entièrement écrit, dessiné, encré et « colorisé » par Lee Weeks, provenant de la troisième série Batman Black & White. Rappelons que celle-ci se définit par plusieurs épisodes indépendants de quelques planches (huit seulement en moyenne), consacrés au Chevalier Noir et signés par de prestigieux artistes, le tout, bien évidemment, en noir et blanc. Une initiative débutée en 1996 et poursuivi en 2013/2014 puis repris en 2020/2021. Ces salves d’anthologie sont disponibles en français également (en deux tomes pour l’instant, en attendant le troisième et dernier pour 2022 ou 2023). Bref, ce Batman Black & White #5 (juin 2021) est anecdotique et même s’il suit brièvement Gordon, il n’a pas trop lieu d’être ici. Prenons-le comme un bonus détaché du reste.

On aurait aimé que Julia, Orphan et Spoiler ne soient pas réduites à de la figuration et Barbara un brin plus en avant mais tant pis. Si les réponses aux mystères sont satisfaisantes, on peut aussi déplorer leur manque d’exploitation : le clonage du Réseau, l’emprise de ce dernier au niveau mondial, le cannibalisme apparemment apprécié de beaucoup (!) et ainsi de suite. Ça ne gâche pas l’œuvre en soi, ça laisse quelques portes ouvertes surtout, faut d’avoir enrichit tout ça en si peu de temps, ce n’est donc pas très grave mais ça aurait élevé la fiction pour qu’elle soit davantage marquante voire « culte » (à défaut, son premier tome reste dans les coups de cœur du site).

En synthèse, on conseille cette courte série Joker Infinite, mais… il faut donc débourser au total 48€ pour lire une grosse quinzaine d’épisodes, ça pique un peu quand on se dit qu’il y aura peut-être dans quelques années une intégrale en un seul tome pour une trentaine d’euros… Il est étonnant de ne pas avoir proposer la série en deux tomes dans un premier temps. À voir donc selon le budget de chacun : emprunt en médiathèque, achat complet ou patience avant une éventuelle réédition intégrale…

[À propos]
Publié chez Urban Comics le 2 septembre 2022.
Contient : The Joker #10-15 + Batman Black & White #5

Scénario : James Tynion IV, Matthew Rosenberg
Dessin : Giuseppe Camuncoli, Francesco Francavilla
Encrage : Francesco Francavilla, Cam Smith, Lorenzo Ruggiero, Adriano Di Benedetto
Couleur : Arif Prianto, Romulo Fajardo Jr., Francesco Francavilla

Traduction : Jérôme Wicky
Lettrage : Makma (Sarah Grassart et Gaël Legeard)

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Joker Infinite – Tome 3 : Du clown au menu (17€)
Joker Infinite – Tome 2 : Le faiseur de monstres (15€)
Joker Infinite – Tome 1 : La chasse au clown (16€)

 

Joker Infinite – Tome 2 : Le faiseur de monstres

Après un excellent premier tome, Jim Gordon Infinite, ou plutôt Joker Infinite, continue son chemin narratif palpitant et original.

[Résumé de l’éditeur]
Lors du jour de l’attaque sur l’asile d’Arkham, Billy Sampson a perdu la vie. Et sa famille est bien décidée à se venger de celui qu’ils suspectent d’avoir initié le massacre : le Joker. Jim Gordon est également à ses trousses et le suivra jusqu’à Paris, malgré les embûches semées sur son chemin et la désapprobation de sa propre fille. Mais si le Clown Prince du Crime était cette fois innocent du crime qu’on lui impute… Gordon pourrait-il risquer sa vie pour lui ?

[Début de l’histoire]
En se faisant arrêté par Interpol, Jim Gordon découvre l’existence du « Réseau », un organisme qui permet aux vilains de se reposer dans de endroits paradisiaque mais aussi, et surtout, de concevoir des tissus humains dupliqués afin de simuler des morts ou de créer des clones.

De leur côté, Barbara, Cassandra et Stephanie affrontent un ergot de la Cour des Hiboux tout en essayant d’aider Julia Pennyworth, la fille d’Alfred, qui s’est rendu à Santa Prisca, lieu de pèlerinage des aficionados de l’assassin de son père (cf. Batman Rebirth – Tome 12).

Quant à Vengeance, la femme arborant le masque de Bane, elle propose à Gordon de tuer le Joker, introuvable pour l’instant…

[Critique]
Attention, tome relativement court puisqu’il n’est composé que de l’épisode Annual #1 de la série The Joker (son titre en VO) et trois de ses chapitres : les #7 à #9, le #10 n’est pas inclut contrairement à ce qui est annoncé sur le site de l’éditeur – il sera dans le troisième et dernier tome. Sur ce sujet, bien qu’il soit indiqué en quatrième de couverture que la série Joker Infinite est « en cours » (et non « terminée ») avec un troisième tome à paraître (le 2 septembre prochain), celui-ci sera bien le dernier comme l’avait stipulé Urban Comics dans une publication sur Facebook annonçant l’ouvrage (puis confirmé une seconde fois en réponse à mon interrogation). La série The Joker compte pour l’instant (juin 2022) quinze chapitres et un annual, tous écrits par James Tynion IV, qui quitte la série après ce quinzième épisode justement. On ignore si un autre auteur reprendra la suite à partir de l’épisode #16. Bref, on comptabilise donc une grosse centaine de pages pour l’intégralité de ce second volet. Que vaut-il ?

On retrouve les bons ingrédients du précédent mais aussi une certaine « déception », par sa durée très courte notamment, impossible de ne pas être frustré tant on veut lire la suite et qu’on a l’impression de n’avoir ici qu’un échantillon de l’ensemble. Il faut dire qu’on apprend beaucoup d’éléments en peu de temps. Tout d’abord, la fameuse existence du « Réseau », qui vient expliciter pas mal de choses (la possibilité d’offrir à des antagonistes des « aires de repos paradisiaques » (!) par exemple), ensuite le parcours « croisé » de Jim et de Vengeance puis, enfin, une nouvelle interaction avec le célèbre Clown. Tout cela en trois épisodes, avec la parenthèse Gothamienne féminine (un peu sous-exploitée jusqu’à présent, en espérant que ça s’améliore ensuite et que Julia soit davantage mise en avant aussi) ainsi qu’un ultime chapitre sous forme de flash-back (l’annual) qui montre Gordon faire le ménage chez les ripoux du GCPD tout en laissant sa fille jouer à Batgirl (puisqu’il le sait depuis longtemps) et encaissant les remarques de ses collègues à propos du sex-appeal de Barbara (!).

Ce qui marque dans Le faiseur des monstres est bien sûr l’évolution de Gordon, toujours aussi tiraillé par sa morale mais obstiné par sa traque. Le passage sur ses blessures passées à cause du Joker est un excellent rappel pour comprendre la douleur de l’homme. On y revoit son humiliation dans Killing Joke bien sûr mais aussi la mort de sa compagne Sarah Essen (No Man’s Land – Tome 6) – qu’on avait un peu oublié… – et celle de son fils (James Jr.) dans une case où on le voit se suicider en sautant d’un phare, sous les yeux de Batgirl [étonnamment le comic book ne précise pas d’où provient ce passage, ni la version d’Urban ni la VO – alors qu’ils citent bien les autres œuvres, un comble ! – cet évènement était pourtant relaté dans Batman Bimestriel #13 (novembre 2021), dans Batgirl #49 très précisément, merci à l’internaute Bc pour la précision en commentaire]. Joker Infinite arrive même à créer une connexion plus ou moins improbable avec Le Deuil de la Famille (non pas pour la mort de Todd, qui reste une « évidence » mais… pour la vente de missiles pour terroristes décrites à l’époque dans la fiction !).

Le titre de ce deuxième tome est assez révélateur puisqu’on découvre une véritable « fabrique de monstres », conçue par un scientifique (« le faiseur » donc) à base de… clonage. C’est ainsi qu’est née Vengeance. Et que d’autres projets ont vu le jour. C’est à la fois un peu faiblard comme scénario – toujours assuré par James Tynion IV – et paradoxalement un peu audacieux (les limites sont infinies, imaginonsdes clones du Joker !). Une solution de facilité qui, pour l’instant, a juste créé un « Bane féminin »… On aurait aimé une nouvelle antagoniste propre à elle plutôt qu’un calque d’une figure emblématique connue (quoique… quand on voit la non originalité de Punchline… – toujours absente du récit, les back-ups qui lui sont consacrées ne sont pas incluent dans l’édition française). Rappelons aussi qu’on ne sait pas vraiment si Bane est mort, ça semble beaucoup trop gros pour être vrai (son « cadavre » avait juste été aperçu au détour d’une case sans réelle explication). La famille texane cannibale ne figure pas non plus dans ce volume qui condense donc pas mal d’éléments et avance plus ou moins correctement malgré son faible contenu.

Heureusement, l’ouvrage peut compter sur les brillants dessins de Guillem March (pour les deux premiers chapitres) puis ceux de Stefano Raffaele (le troisième), tous deux au style homogène, précis, dynamique et bénéficiant d’une chouette colorisation effectuant un joli travail des lumières (à nouveau par Arif Prianto puis Romula Fajardo Jr.). On retient quelques séquences fulgurantes, parfois chargées en hémoglobine ! Francesco Francavilla revient pour les dessins et la couleur de l’épisode annual qui se déroule dans le passé. S’il réussit aisément Gordon et les agents du GCPD, il se loupe sur les figures d’ennemis, à commencer par le Joker (assez peu présent dans ce tome d’ailleurs). Néanmoins, cela reste l’occasion de réitérer la formule gagnante du précédent volet avec le style davantage pulp et nappé d’orange pour le passé (Francavilla) et une approche plus « réaliste » et classique pour le présent (March – dont on conseille les deux premiers tomes de Catwoman, récemment chroniqués).

En synthèse, Joker Infinite – Tome 2 poursuit l’originalité entamée dans le volume précédent mais avec une certaine amertume : le récit est trop court et un de ses éléments narratifs assez décevant. Gageons que le troisième et dernier tome parvienne à conclure habilement tout cela !

[À propos]
Publié chez Urban Comics le 1er juillet 2022.
Contient : The Joker #7-9 + The Joker Annual #1

Scénario : James Tynion IV, Matthew Rosenberg
Dessin & encrage : Guillem March, Stefano Raffaele, Francesco Francavilla
Couleur : Arif Prianto, Romulo Fajardo Jr., Francesco Francavilla

Traduction : Jérôme Wicky
Lettrage : Makma (Coralline Charrier, Lorine Roy et Gaël Legeard)

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