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Batman – Tome 09 : La Relève (2ème partie)

Dernier volume de la série Batman, inaugurée en 2011 à l’occasion du Relaunch DC Comics. Portée par le scénariste Scott Snyder et le dessinateur Greg Capullo (ainsi que la complicité du coloriste Fco Plascencia), comment se conclut-elle ?
Pour rappel dans le tome précédent : Bruce Wayne était amnésique, totalement éloigné de sa croisade habituelle, et c’est un commissaire Gordon rasé de près et musclé qui prenait ladite « relève », en revêtant une armure high-tech bien loin du mythe de la chauve-souris. Une approche à la fois originale et délicate. Séduisante au premier abord, le personnage choisi pour être ce nouveau justicier (Gordon) rend vite dubitatif. Ajouté à un nouvel ennemi (Mister Bloom) à mi-chemin entre une créature fantastique et un extra-terrestre, nous avions là les quelques défauts de la première partie. Suite et fin dans cette seconde.

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(La couverture finale à gauche, une autre à droite
aperçue auparavant sur Internet mais qui n’a finalement pas été retenue.
)

[Histoire — La Relève (Batman #46-50 + épilogue)]
Gordon/Batman parvient à stopper Mister Bloom lors de son irruption au sein de l’élite de Gotham (survenue à la toute fin du tome précédent), mais cet étrange ennemi, dont les buts sont toujours inconnus, parvient tout de même à s’échapper.

Bruce Wayne souhaite épouser Julie Madison. Celle-ci est angoissée à l’idée que son père, Mallory Madison, puisse obtenir une liberté conditionnelle. Ce dernier avait en plus vendu à Joe Chill l’arme qui a tué Thomas et Martha Wayne. Bruce s’en moque.

Le jeune Duke part explorer « La Banquise », le Quartier Général du Pingouin. Duke est devenu « un Robin » (voir La Guerre des Robin et Nous sommes Robin) et ses parents sont encore victimes de la toxine du Joker (cf. Mascarade). Il y fait une découverte étonnante.

Geri Powers présente à Gordon de nombreux prototypes de robots Batman. Une armée potentielle qui peut s’avérer très efficace pour coincer Bloom. Gordon préfère l’affronter seul dans un premier temps, une décision qu’approuve le commissaire Sawyer, son remplaçant. L’occasion pour « Batman » d’utiliser le Bat-Chopper, sa moto géante.

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Les résumés des deux histoires suivantes contiennent des révélations quant à la conclusion de La Relève.

[Histoire — Gotham (Batman #51)]
Batman (Bruce Wayne) reprend ses habitudes et Alfred a recouvré l’usage de son bras. Gotham est plongé dans un black-out, le Chevalier Noir enquête.

[Histoire — La liste (Batman #52)]
Batman affronte Trompe-l’œil, un homme ayant la capacité de traverser les murs. Celui-ci a dérobé un cahier appartenant à Bruce Wayne qu’il avait mis sous coffre dans une petite banque. Se cache à l’intérieur la liste des 52 choses à suivre pour « passer le cap », c’est à dire se relever de la perte de ses parents.

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[Critique]
Une conclusion plutôt prévisible dans les grandes lignes : Bruce Wayne redevient évidemment Batman, Mister Bloom a levé sa propre armée et dispersé ses fameuses graines —procurant à qui la glisse sous sa peau des super-pouvoirs, provoquant un déchaînement proche du « n’importe quoi » avec plusieurs créatures (gâchant complètement la veine « réaliste » instaurée jusqu’ici) détruisant une énième fois Gotham City…— et va affronter celle des Bat-Robots, tout « redevient normal » à la fin. Seule l’identité d’un complice de Bloom est assez surprenante.

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Côté graphique, on note quelques passages visuels bien trouvés : le premier combat entre Gordon et Bloom, et Bruce Wayne face au métro et « sa peur ». Le reste est toujours dans la lignée de ce qu’offre, avec brio, le trio aux pinceaux : Greg Capullo aux crayons, Danny Miki à l’encrage et Fco Plascencia à la couleur. Côté scénario, on trouve de très beaux dialogues entre le Joker, redevenu un citoyen perturbé, et Wayne, puis entre Alfred et son maître, prêt à endosser à nouveau la cape. Le talent de Snyder se situe davantage dans ce genre de situations.

Dans le premier cas (le chapitre 7, correspondant à Batman #48), on se questionne sans cesse pour savoir si le Joker connaît l’identité secrète de Bruce Wayne. L’ancien clown est même plutôt touchant par sa mélancolie. Dans le second cas (le chapitre 8, c’est à dire Batman #49, dessiné par Yanick Paquette par contre — qui laisse place à quelques doubles planches fantasques), c’est l’intense échange entre Alfred, refusant que Bruce Wayne sacrifie son bonheur actuel et sa nouvelle vie, avec ce dernier qui le somme de le conduire à la Batcave, qui fait mouche.

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Le milliardaire avait d’ailleurs « anticipé » le futur de Batman en concevant dans le plus grand secret une machine pour se cloner et ainsi conserver une lignée de Batman jusqu’à la fin des temps. Ce système, plus ou moins compréhensible et officiant de facilité scénaristique, avait déjà été évoqué dans un back-up de Detective Comics #27 (27 était le nombre d’années d’efficacité de Batman), qui avait été publié dans le tome 6 de la série (le moins bon, composé de plusieurs histoires fourre-tout) mais aussi, et surtout, dans le hors-série Futures End. Dans le chapitre consacré à la série Batman de ce magazine, le Chevalier Noir cherche un moyen de conserver son héritage. Urban aurait d’ailleurs dû le (re)publier pour ceux qui ne le connaissent pas ou l’avaient oublié, car cela montre que Snyder avait un minimum prévu une porte de sortie depuis longtemps, c’est tout à son honneur.

Bruce Wayne à Alfred Pennyworth, le maître demande au domestique de l’aider à redevenir le justicier de Gotham :
— Vous êtes celui qui l’a rafistolé chaque fois qu’il a trébuché. À qui voulez-vous qu’il confie la sauvegarde de Batman ? Mieux encore : il a donné votre nom au programme qui devait engendrer chaque nouvelle génération de Batman. Je crois que ce mausolée abrite deux fantômes : celui de l’homme que j’ai été, et celui de l’homme que vous avez été, et en qui il plaçait sa confiance exclusive.
— Non ! Il est quasiment certain que vous y laisserez la vie. Ne m’imposez pas le rôle de votre assassin. Pensez à votre vie. Pensez à mademoiselle Madison.
— J’y pense Alfred. Je ne pense qu’à ça. Et si ça ne marche pas, il faudra lui dire combien je l’aime, et combien de regrette, mais je dois tout faire pour venir en aide aux gens de cette ville. Ça, elle le comprendra.
— J’ai passé ma vie d’homme à veiller sur la faible étincelle de lumière, la jeune minuscule trace du jeune Bruce Wayne qui subsistait à l’intérieur de celui qu’il était devenu. J’ai passé cette vie à attendre votre retour. Celui du vrai Bruce, un Bruce qui n’aurait jamais connu l’allée du crime. Et voilà que vous me confiez le rôle de Chill. Celui qui a pressé la gâchette. Et en prime, je serais censé tuer l’enfant, aussi ?
— C’est ça.

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Le parallèle avec Joe Chill va grossièrement plus loin, quelques planches après ce dialogue, à travers Julie. Ce qui aurait pu être évité, aussi bien par le cliché que le rocambolesque de cette situation inédite. Snyder anticipe à nouveau les critiques, cette fois par l’intermédiaire de Bloom : « C’est grâce à toi [Gordon] que le Bat-Logo a perdu tout son sens. Voilà un exploit notable… vider de son pouvoir le plus grand symbole de Gotham ! » On peut même y voir une auto-critique du scénariste.

Dès le début de sa série Scott Snyder a rendu accessible le mythique Dark Knight. Ses récits ont toujours les mêmes qualités et défauts : début intriguant, nouveaux concepts, action au rendez-vous, remise en question, « combats psychologiques » plus marqués que jamais, mais… fins en queue de poisson, non-utilisation plus poussée d’éléments créés par lui-même —quid de la Cour des Hiboux ? de BlueBird ? du Joker sans visage/masque, puis en civil et de son robot qu’on aperçoit le temps d’une case ?— ou pouvant être repris sans trop de difficulté (des ennemis emblématiques ne sont jamais vraiment intervenus dans les histoires de Snyder, comme Poison Ivy ou Double-Face, ou encore Bane, L’épouvantail…), etc. On peut même ajouter le surprenant (et raté) choix de Gordon en son remplaçant et des origines revisitées mais qui auraient pu être plus originales.

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Snyder a souvent « imposé » ses runs à ses confrères, obligés d’intégrer des pans d’histoires dans leurs séries, au détriment de celles-ci (Nightwing en est le parfait exemple). Là où le scénariste n’a, en revanche, jamais accepté son héritage, il ne mentionne que trop rarement Damian Wayne, ou assumer les histoires parallèles, comme celles de La guerre des Ligues/Le Règne du Mal. Ce n’est pas forcément problématique car cela permet de se focaliser uniquement sur l’homme chauve-souris, mais Snyder s’est perdu dans ses propres créations à plusieurs reprises.

L’auteur a finalement relancé des aventures qui s’axent autour de la même politique : la (brillante) création de la Cour des Hiboux (plus ou moins reprise par la suite de façon sporadique avant d’être quasiment abandonnée), un questionnement constant sur la place de Gotham City, de la justice et de la confiance (la postérité de Le Deuil dans la Famille est, contre toute attente, plus plaisante que de prime abord), des duels face au Joker et à l’Homme-Mystère (les autres ennemis, plus confidentiels, ne resteront pas dans l’histoire) puis un retour à la case départ.

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Alors, est-ce que ce dernier tome est convaincant ? Oui mais il est à l’image de tous les précédents de Snyder : impression mitigée, du bon et du  moins bon. Le lecteur n’est pas indifférent, évidemment, et d’une manière générale on a lu les neuf tomes de la série complète avec plaisir (pas tout le temps certes). Hélas, si ce très long run a la chance d’être extrêmement bien dessinée dans sa majorité (lorsque Capullo opère), il y a peu de chances qu’il reste dans la « mythologie » de Batman.

On se souvient, des années après, de récits emblématiques comme Knightfall (pourtant de qualité moindre !) ou du travail de Morrison (dont la série Batman & Robin assure une excellente continuité). Ce ne sera sans doute pas le cas ici : rien est vraiment chamboulé dans la mythologie de Batman. Snyder a osé de nouvelles choses dès le début et jusqu’à la fin, comme le démontrent les deux derniers volumes, et c’est exactement ce dont a besoin une série de comics. Alors, oui, tout n’est pas forcément bon dedans, on sort parfois des sentiers battus d’une étonnante façon, mais ces essais ont le mérite d’exister —c’est à saluer— même si, une fois encore, rien ne restera vraiment dans l’histoire des comics Batman, à part peut-être la Cour des Hiboux qui devrait continuer d’œuvrer dans l’ombre (voir ci-après).

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Finalement, Snyder est meilleur sur ses autres séries de l’univers de Batman, comme Batman Eternal, ou carrément sur ses autres travaux (Swamp Things, Trees, Wytches…). Il a su offrir de très beaux moments au Chevalier Noir, lui redonner quelques belles lettres de noblesse, mais aurait dû s’arrêter plus tôt, comme il était prévu à la base (les deux derniers tomes sont le résultat d’un allongement de son contrat avec DC Comics).

Son dernier chapitre (le 51 car le 52 est scénarisé par James Tynion IV) sonne comme sa lettre d’adieu, le narrateur se fond avec l’auteur, une double planche renvoie à la première de la Cour des Hiboux (les ennemis de Batman dans l’asile d’Arkham). Hiboux qui réapparaissent annonçant encore une fois un « renouveau ». De la même façon : quelques cases éparses reviennent sur des éléments majeurs ou mineurs (le Joker notamment, même si c’est loin d’être suffisant comme conclusion avec lui). Il est d’ailleurs dommage que ce 51ème chapitre ne conclut pas l’ouvrage, tant le 52ème est en marge de ce que l’on vient de lire (même s’il est assez agréable et, surtout, superbement dessiné par Riley Rossmo). La fin de La Relève était trop abrupte et soudaine. L’épilogue et le chapitre 51 compensaient un peu cela, de manière bancale mais tout de même « correcte ».

La suite des aventures de Batman continue après le nouveau relaunch (Rebirth). Le travail de Snyder ne semble pas éclipsé et la continuité conservée.

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[À propos]
Publié en France chez Urban Comics le 10 novembre 2016.
Scénario : Scott Snyder et James Tynion IV (La Liste)
Dessin : Greg Capullo, Yannick Paquette (ch. 8) et Riley Rossmo (La Liste)
Encrage : Danny Miki et Bryan Level (La Liste)
Couleur : Fco Plascencia, Nathan Fairbairn (ch. 8) et Ivan Plascencia, Jordan Boyd (La Liste)
Lettrage : Stephan Boschat — Studio Makma
Traduction : Jérôme Wicky

Contient : Batman #48-52

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Batman – Tome 08 : La Relève – 1ère partie

Batman – Tome 08 : La Relève (1ère partie)

Avant-dernier tome de la série scénarisée par Scott Snyder, l’artiste va encore plus loin que d’habitude pour casser les codes de la mythologie du Chevalier Noir. Audacieux ou ridicule ? Dans les deux cas, c’est osé et ne laisse pas indifférent. Plongée dans la suite de Mascarade, qui dévoile un nouveau Batman, au sens littéral comme au figuré.

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[Histoire]
Cinq ans avant l’attaque du Joker sur Gotham City, un cadavre était retrouvé par Batman dans les marécages en amont de la ville. Ce dernier aurait un lien avec… Le Pingouin.

De nos jours, alors que Batman est considéré comme mort, c’est l’ancien commissaire Gordon qui est désigné par la puissante compagnie Powers International pour remplacer le Chevalier Noir ! Mais celui-ci travaillera avec la police et n’agira pas en totale indépendance. L’évolution du symbole du justicier s’illustre également à travers un costume radicalement modifié puisque « Batman » est aux commandes, la majeure partie du temps, d’une armure géante/combinaison robotique. Celle-ci ne sera pas de trop pour venir à bout d’ennemis composés d’énergie et aux super-pouvoirs divers.

De son côté, Bruce Wayne est sorti vivant de son combat contre le Joker mais est devenu amnésique. Il est en couple et s’occupe de jeunes enfants dans un refuge de Lucius Fox. Alfred lui a rappelé une partie de son passé mais lui a caché son ancienne identité secrète, afin que son maître continue de vivre heureux et apaisé.

Dans les ruelles de Gotham, un nouveau mal rôde : Mister Bloom, créature longiforme qui a l’air indestructible…

Batman Bunny

[Critique]
Voici une histoire atypique dans l’univers de Batman. Si le chapitre qui ouvre le comic-book (le #44, Un cas comme un autre, sorte de flash-back placé en début d’intrigue pour cette version reliée en librairie) est de facture classique, écrit par Scott Snyder et Brian Azzarello (Dark Knight III, La Cité Brisée), élégamment dessiné par Jock (Sombre Reflet) qui signe aussi la couverture choisie pour cette édition française, les suivants (du #41 au #43 puis le #45) du tandem Snyder-Capullo offrent un renouveau faussement polémique. Tout d’abord, Bruce Wayne écarté de son rôle de justicier a déjà été vu, aussi bien dans le run de Morrison (lorsque Batman était « mort » et remplacé par Dick Grayson) mais également dans la saga Knightfall, où Jean-Paul Valley lui succédait le temps que le milliardaire se remette de sa blessure. Ce fameux « Azraël » évoluait d’ailleurs vers un costume de plus en plus robotique, comme ici et à l’instar de l’armure qu’endosse Batman dans The Dark Knight Returns de Frank Miller (et dans une moindre mesure dans Kingdom Come). Bref, rien de réellement novateur sur ce plan là ; seule l’amnésie de Wayne est « originale ». Plus anecdotique : ce principe de relève (comme le titre du livre) se rapproche de la vision de Christopher Nolan dans son film The Dark Knight Rises, qui concluait sa trilogie.

Par ailleurs, l’idée que Batman soit financé (et « contrôlé ») par une organisation rappelle à nouveau Morrison avec Batman Incorporated (la notion de contrôle en moins, évidemment). Finalement, outre le look d’une armure tourné vers les « mechas » (issus des animes et mangas, donc de la culture japonaise) et plutôt calqué sur un lapin qu’une chauve-souris, c’est surtout que Gordon soit affilié à cette position qui est surprenant. C’est éventuellement réprobateur : le policier, quarante-six ans dans la série, suit un entraînement intensif, se rase le crâne, enchaîne les vannes et les punchlines… En somme, ce Gordon 2.0 devient « cool » et totalement différent du personnage classique. C’est ce parti pris, trahison suprême ou intéressante initiative, qui mérite un débat. Dans l’évolution du travail de Scott Snyder, ça ne choque pas tant que cela mais pour un respect de cohérence, il aurait été plus judicieux de choisir un autre protagoniste pour incarner cette mouture. Pourquoi pas Harper Row, alias Bluebird ? Une jeune fille démunie et un brin punk : une image totalement contrastée avec celle de Bruce Wayne. Introduite dès le début de la série et occupant une place de plus en plus importante (notamment dans Batman Eternal), cela aurait été un choix certainement plus judicieux (mais toujours délicat par rapport au reste).

Bruce Wayne Gordon New Batman

Scott Snyder, très lucide, a anticipé les critiques négatives (une fois de plus) en établissant plusieurs mises en abîme dans sa bande dessinée pour montrer à son lectorat qu’il a bien conscience du traitement totalement hors-norme qu’il fait subir à Batman. Ainsi, l’on découvre en dessin deux enfants qui tiennent chacun une figurine du Chevalier Noir : l’un a celle du Batman « classique », l’autre celle du nouveau (c’est à dire de l’armure/du robot).

« Tu peux raconter ce que tu veux, mais Batman, c’est celui-ci. C’est lui, le vrai.
Ton machin là ? Même s’il a toute une collec’ de jouets assortis, c’est pas Batman.
Et puis, sérieux, il a même pas de Batmobile ! »

Même chose plus loin, avec Gordon qui explique que sa combinaison hight-tech, ressemblant plus à un lapin qu’à une chauve-souris, n’est pas non plus ce qu’est censée représenter le Chevalier Noir. Sans parler de la Batmobile devenue un énorme camion blindé…

« Parce que pour moi, non, hein, c’est pas Batman, ça. […]
On dirait… Un Bat-Lapin. Un Robot-Bat-Lapin ? »
[Gordon lorsqu’il découvre sa future armure.]

Batman La Releve Figurines

À côté de cette version plus ou moins novatrice de Batman, le lecteur découvre un ennemi végétal, créature hybride particulièrement menaçante, encore un peu mystérieuse. Poison Ivy aurait-elle été plus appropriée ? Très certainement. Elle aurait gagée aussi à parfaire un angle « réaliste » plausible qui était sensiblement instauré depuis le premier tome. Le Caped Crusader affronte en plus d’autre étrangetés, monstres organiques et/ou composés d’énergie (!). Ces combats ne transportent pas vraiment le lecteur (d’autant plus qu’on ne comprend pas spécialement leurs enjeux), ils servent surtout à se familiariser avec Gordon/Batman.

Les quatre chapitres de Snyder/Capullo sont encore trop « maigres » pour plonger avec fascination dans ce nouvel arc. Comme pour La Cour/Nuit des Hiboux et L’An Zéro, Snyder préfère étaler (à raison) son histoire sur l’équivalent de deux volumes. Ce n’est pas plus mal car ses « one-shot » (Le Deuil de la Famille et Mascarade) se lisent trop rapidement, confèrent un sentiment de bâclage voire de chapitres expéditifs. Il faudra donc attendre la suite (et fin) de cette relève pour construire un avis définitif, aussi bien sur ce segment que sur son travail global sur la série.

Comme toujours, côté graphique, le triptyque de choc excelle : Greg Capullo et son trait fin, détaillé et fluide, encré par Danny Miki puis colorisé avec brio par Fco Plascencia. Ce dernier procure, depuis L’An Zéro, un rendu visuel parfois « psychédélique », avec de nombreuses couleurs vives : en résultent d’agréables planches. Pour la partie scénaristique, cela devient une habitude : Snyder enchaîne bonnes et mauvaises idées et citent beaucoup ses anciennes et annexes productions (agréable pour le fin connaisseur, déstabilisant pour le néophyte). Par exemple le jeune Duke aperçu enfant dans L’An Zéro est ici adolescent et les connexions avec Batman Eternal et Mascarade sont nombreuses. Mais on navigue entre flashbacks et flashforwards avec une étonnante fluidité (les prémices du nouveau Batman, l’acceptation puis le changement de Gordon, ses affrontements, etc.).

Batman Gordon Suit Costume

Batman Annual #4, Maison de Fous, clôt l’ouvrage. Écrit par James Tynion IV (fidèle compagnon de plume de Snyder, comme le #3 publié dans Mascarade), on y suit Bruce Wayne (qui ignore toujours son ancienne double-identité), sa compagne Julie, mademoiselle Powers (à la tête de la compagnie éponyme qui a recruté Gordon en nouveau Batman) et Alfred dans le manoir familial (qui était devenu provisoirement le lieu d’hébergements des fous de l’asile d’Arkham, suite à son effondrement dans Batman Eternal). Le petit groupe sera confronté à l’Homme-Mystère, Mister Freeze et Gueule d’Argile. Un bon complément, dessiné par Roge Antonio, qui poursuit le statu quo inédit du lieu. La Relève est donc à découvrir, principalement pour son originalité (qui divisera, comme toujours), mais il est nécessaire de prévoir l’achat de la suite, faute de ne pas être totalement satisfait cette fois-ci.

Batman Releve

[À propos]
Publié en France chez Urban Comics le 27 mai 2016.
Scénario : Scott Snyder, Brian Azzarello (Un cas comme un autre) et James Tynion IV (Maison de fous)
Dessin : Greg Capullo, Jock (Un cas comme un autre) et Roge Antonio (Maison de fous)
Encrage : Danny Miki
Couleur : Fco Plascencia, Lee Loughridge (Un cas comme un autre) et Dave McCaig (Maison de fous)
Lettrage : Stephan Boschat — Studio Makma
Traduction : Jérôme Wicky

Contient : Batman #41-45 and Free Comic Book Day 2015: DC Comics Divergence #1 + Batman Annual #4

Batman Jock

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Mister Bloom

The Dark Knight Strikes Again

Page récapitulative du « Dark Knight Universe de Frank Miller », débuté en 1986 avec The Dark Knight Returns, qui a révolutionné aussi bien la mythologie de Batman que celle des comics. The Dark Knight Strikes Again, chroniqué ci-dessous, en est la suite directe.

The Dark Knight Strikes Again[Histoire]
Trois ans après la mort supposée de Bruce Wayne/Batman (son identité fut révélée à tout le monde), Carrie Kelly seize ans, ancienne partenaire, qui reprenait le nom de Robin, travaille pour lui en secret. Devenue Catgirl, la jeune fille rassemble, avec l’aide de son armée de BatMen, d’anciens membres de la Ligue de Justice, comme Atom, Flash ou Plastic Man, disparus ou étrangement séquestrés par le gouvernement.

En effet, le règne politique, proche d’une dictature, est aux mains d’un faux président (une image numérique d’un homme montrée aux citoyens) démasqué par Jimmy Olsen . La véritable personne derrière ce faux président est Lex Luthor, épaulé de Brainiac. Ils gardaient donc prisonniers certains anciens super-héros pour mieux les contrôler.

C’est pour renverser cet état totalitaire que Batman cherche à retrouver ses alliés, mais aussi pour trouver la force d’affronter Superman, qui est toujours au service des États-Unis, donc indirectement de Luthor. Le Dark Knight, encore plus nihiliste et brutal, ne peut s’empêcher de constater le déclin des habitants de sa ville, à travers la télévision notamment : un monde superficiel, une perte d’intelligence et de culture, un attrait pour le sexe et les people, etc.

DK 2 Batman Catgirl[Critique]
Difficile d’égaler une œuvre comme The Dark Knight Returns en terme de scénario. Cette suite est indigne du travail que Frank Miller opéra sur le premier opus (et par extension sur Année Un). Il prévient dans la préface que suite aux attentats terroristes du 11 septembre 2001, son histoire prend un tournant davantage pessimiste en milieu d’ouvrage (il était en pleine création au moment de l’effondrement du World Trade Center). Cette allusion est effectivement bien visible, à travers la ville en ruine de Metropolis notamment, même si la raison de la catastrophe reste assez confuse, et avec la tournure radicale du discours politique qui se tend à la fin du livre. Même si Batman prévient que « ils ne sont pas là pour semer le chaos et l’anarchie mais mettre fin au règne des criminels ». Cette explication, maladroite, est censée justifier un duel très manichéen et sommaire entre le gouvernement (le grand méchant) et les justiciers (qui ont raison et sont gentils). Outre cet aspect extrêmement réducteur (surtout comparé au précédent volume), le personnage du Chevalier Noir a lui aussi été remanié. Si son aspect radical dans The Dark Knight Returns séduisait, il devient ici un « gros bourrin assoiffé de violence »…

DK 2 CatgirlBatman n’est, de toute façon, qu’un personnage assez en retrait dans cette histoire (ce qui n’est pas forcément un reproche, en revanche des connaissances sur l’univers DC Comics sont requises). Il n’apparaît qu’à la fin du premier chapitre (sur trois, et de loin le meilleur), et les suivants se concentrent principalement sur Carrie, Superman, les anciens membres de la Ligue de Justice et sur les (trop nombreux) témoignages de citoyens. Cet enchevêtrement régulier d’avis vient, encore une fois, casser un certain rythme. L’extrémité des propos, dans le sens où la plupart du monde devient idiot, ne parvient pas vraiment à accorder une voie crédible à l’œuvre. Même si l’afflux des journalistes, de la télévision et d’Internet dépeignent une population s’accaparant à la paresse, au pouvoir de l’image et, en gros, à la débilité profonde (encore une fois, un message que confirme Miller dans sa préface, et qu’il soutenait avoir déjà fait dans The Dark Knight Returns, certes mais en plus subtil !) ne sont pas forcément une mauvaise idée (la société actuelle ne peut que le confirmer), ça passe difficilement comme propos car on a l’impression que le lecteur est, lui-aussi, pris pour un idiot.

Autre élément critique de ce Strikes Agains, et pas des moindres : la partie graphique, qui est totalement bâclée (comme en témoignent les illustrations de cet article). Miller reprend son crayon mais il aurait dû s’abstenir. La pauvreté des décors, se réduisant souvent à un simple fond coloré, conférant des espaces vides un peu partout et les traits carrés (style propre à l’artiste qui fait normalement « son charme ») mais qui sont ici plus grossiers encore qu’à l’accoutumée et donnent l’impression de voir des brouillons encrés et… c’est tout (Miller est seul, sans Klaus Johnson à l’encrage cette fois). Même les visages des civils passants à la télévision sont proches du guignolesque. Certaines cases sont carrément dignes d’avoir été dessinées par des enfants en école primaire. S’il n’y avait pas eu TDKR auparavant, on aurait pu trouver dans ceci une sorte de touche abstraite, un côté expérimental, indépendant, loin des conventions graphiques d’usage, pourquoi pas, et encore ça ne justifierait pas tout, mais ici rien n’est peaufiné, tout est trop vulgaire.

DK2 Superman Wonder Woman(Six pages successives qui piquent les yeux… Cliquez pour agrandir.)

La plupart des planches sont très chaudement colorées, rien à voir avec Returns. Lynn Varley (qui officie à nouveau avec Miller), propose des ambiances que l’ont peut qualifier de « pop et flashy », voire d’un délire complètement psychédélique (là aussi ce n’est pas un forcément un reproche en soi). C’est d’ailleurs sous cet angle qu’il faut peut-être envisager ce comic. À ne pas prendre au sérieux, à lire comme une grosse blague. Malheureusement, le discours de Miller, explicite dans sa préface, implicite dans son œuvre, prouve que le récit est on ne peut plus « important et sérieux ». Pourtant, en caressant l’idée que l’auteur se moque totalement de sa création, la remplit des clichés (qu’il voulait sûrement dénoncer), se la joue provoc’ (sic) et fait un doigt d’honneur à la bien-pensance, on pourrait tenter de l’excuser. Dénoncer la bêtise humaine en la dessinant et en l’extrapolant, pourquoi pas… Mais quand bien même, ça ne passe car c’est tout simplement mal réalisé ; indigeste.

Il est compliqué de trouver des arguments pour défendre cet opus, tant la laideur des dessins va et vient, et que son scénario est à des années lumières du tome précédent. Par ailleurs, le psyché de certains personnages est une insulte à leur création : Superman, faible au possible, Wonder Woman, niaise et ridicule, faire-valoir sexuelle de l’Homme d’Acier (sexisme ?), et même Dick Grayson, pour des raisons à découvrir en fin d’ouvrage. D’autres ne sont guère compréhensibles : La Question, Plastic Man, Le Limier Martien… On est obligé de se forcer à lire un ramassis de clichés (qui pourtant partait d’une idée de départ plutôt bonne) pour connaître l’issue du dernier chapitre. Sans surprise, le ton général est assez douteux ; les thèmes sous-jacents politisés sont sommaires, la caricature grossière anti-Amérique ne fait pas mouche.

DK 2 Batman SupermanCette suite a le mérite d’exister et d’être publiée (sous une couverture extrêmement vendeuse mais un poil « mensongère» ), car, selon certains avis récoltés sur la Toile, elle plaît par son audace. On peut donc la qualifier d’objet insolite à découvrir… en n’oubliant pas qu’il s’agit surtout d’un développement extrême des personnages de l’univers DC, croqués sous une forme primaire et colorés de façon punk. De cette façon, The Dark Knight Strikes Again sera peut-être plus agréable à lire pour certains.

Un troisième et ultime tome est prévu pour l’automne 2015 :  The Dark Knight III – The Master Race (premier tome sur quatre à priori, car il y a huit chapitres prévus, en France le 4 mars 2016). Ce dernier sera co-scénarisé avec Brian Azzarello et Klaus Janson encrera à nouveau cette histoire, cette fois dessinée par Andy Kubert. L’édition d’Urban Comics propose beaucoup de croquis préparatoires, quelques visuels et photos de figurines, ainsi que la préface de l’auteur. La première édition contient un DVD et un Blu-Ray de The Dark Knight Returns2ème partie (la suite de l’adaptation en film de TDKR, et non pas celle de TDKSA). La seconde, dispensée de ses galettes bonus, sera en vente le 4 mars 2016, en même temps que le premier tome de TDKIII.

Pour trouver un futur hypothétique dans lequel officient à nouveau Superman, Batman et les autres membres de la Ligue de Justice il vaut mieux (re)lire le magnifique Kingdom Come, de Mark Waid et Alex Ross.

MàJ : un point de vue différent est à lire dans cet article, qui donnera peut-être envie d’une nouvelle lecture, voire d’une redécouverte complète.

DK 2 Catgirl Carrie[À propos]
Publiée en France chez Urban Comics le 1er mars 2013.
Titre original : The Dark Knight Strikes Again
Scénario et dessin : Frank Miller
Couleur : Lynn Varley
Lettrage : Studio Makma
Traduction : Nicole Duclos

Première publication originale en 2002.
Également sorti en France en 2002 en trois volumes chez Comics USA sous le titre DK2, deux ans plus tard en un seul, toujours chez le même éditeur.
En 2009, Panini Comics publie une version Absolute (format géant) de The Dark Knight Returns accompagnée de cette suite, intitulée alors Dark Knight : La Relève.

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