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Catwoman – Tome 2 : La maison de poupées

Après un premier tome très convaincant – dans l’écriture du personnage titre et par ses séduisants graphismes – que vaut ce deuxième volume conçue partiellement par la même équipe artistique ?

[Résumé de l’éditeur en quatrième de couverture]
Avec la mort de son amie et acolyte, Lola, Selina Kyle va avoir besoin de toute l’aide possible pour affronter un nouvel et étrange criminel, grand amateur des prostituées de Gotham. Accompagnée de son nouveau partenaire de crime… et de charme, elle devra faire face à de multiples imprévus avant de pouvoir démêler la raison de ces mystérieuses disparitions.

[Début de l’histoire]
Catwoman se refait une santé financière en s’associant avec son amie Gwendoline, moins impulsive et plus prudente que Selina. À elles deux, elles organisent différents vols, dont celles de voitures de luxe.

L’inspecteur Carlos Alvarez est toujours à la poursuite de la femme féline malgré les avertissement de son supérieur corrompu : le lieutenant Winston.

Tandis qu’un mystérieux personnage kidnappe des prostituées, Catwoman fait équipe avec Volt, un jeune homme sympathique et charismatique, qui peut générer de l’électricité. Lors d’un prestigieux vol, le binôme s’aperçoit qu’une partie du butin manque… pour cause, il est chez le Pingouin !

Dans l’ombre, la Cour des Hiboux prépare une intervention nocturne, justement pour cibler Oswald Copplebot.

[Critique]
Dans la droite lignée du volume précédent mais avec quelques défauts, La maison de poupées suit toujours Selina mais avec plusieurs nouveaux protagonistes qui gravitent autour d’elle. L’ensemble est toujours assez palpitant, riche en surprises et tient à peu près la route. On pourrait lui reprocher une incrustation un peu « forcée » avec la Cour des Hiboux et un combat contre un ergot dans son chapitre #9 (qui se déroulait durant La Nuit des Hiboux justement – un évènement où la plupart des séries autour de Batman se connectaient à la série mère de Scott Snyder). Une allusion au Taxidermiste est également au programme (issu de la série Detective Comics) puisque la grande antagoniste de l’histoire, L’Empailleuse y est liée. Mais ces connexions restent anecdotiques et n’entachent pas la compréhension de l’ensemble.

Néanmoins on ressent que le plus important « est ailleurs », davantage côté police (corrompu ou non), Volt et Gwendoline (moins en retrait que dans le tome d’avant). Surtout : l’ouvrage se ferme sur un chapitre « #0 », qui revient sur les origines de Selina (bien inspirées par la femme féline vu dans Batman – Le Défi) avec un nouveau mystère qui donne envie d’en savoir davantage.

Judd Winick signe le scénario des six premiers chapitres (#7 à #12) avant de laisser la main à Ann Nocenti (pour le #0), cette dernière s’occupera presque intégralement de l’écriture des trois tomes suivants de Catwoman. Les dessins de La maison de poupées sont partagés entre Adriana Melo, étonnamment pas citée sur la couverture (recto et verso) alors qu’elle est à l’œuvre sur cinq épisodes (#7-8, #11-12 et #0) tandis que Guillem March (Joker Infinite) ne revient que pour deux chapitres (#9-10) et lui a bien son nom à côté de Winick. Étrange…

Cela explique l’autre point plus faible du comic book, le style de Melo est nettement moins affiné, épuré et élégant que celui de March. Ses traits sont un peu plus gras, ses visages parfois caricaturaux (le #0 est clairement le pire de la sélection), on perd aussi un brin la dimension « noire » qu’imposait Guillem March. Malgré tout, l’homogénéité graphique est plus ou moins respectée – comme le prouve les différents exemples d’illustrations pour cette critique –, le travail de colorisation permettant aussi de lisser chromatiquement l’univers de ces deux opus de Catwoman. Pour cela, on retrouve Tomeu Morey (vu récemment sur les Joker War et Batman Infinite – où March signe également certains épisodes) et Brian Reber (ainsi que Jason Wright – non crédité aussi – pour l’horrible #0 dont les défauts visuels proviennent majoritairement des couleurs, image ci-dessous).

Si l’ennemie du volume occupe une place non négligeable et est plus soignée que les deux du tome précédent, il y a fort à parier que son apparition restera éphémère, au détriment d’un fil rouge narratif sur ce sujet qui gagnerait en intensité (au lieu d’enchaîner plusieurs affrontements sans réels impacts avec des « inconnus »). L’intérêt se situe, on le disait plus haut, davantage dans les relations entre alliés et anti-héros (Catwoman en est une également quelque part). La maison de poupée appelle beaucoup trop à découvrir sa suite (c’est une qualité) pour ne pas rester sur sa faim. Beaucoup de pistes sont lancées, sur plusieurs sujets intrigants (qu’on ne dévoilera pas pour ne pas gâcher l’immersion), on espère juste que la passation de scénaristes (Winick quitte définitivement la série à l’issu de ce volet, Nocenti prend le relai comme on l’a vu) ne laissera pas des éléments sans réponses.

La maison de poupées est donc à la fois un tome de transition, une histoire « auto-contenue » (pour sa nouvelle antagoniste, aux objectifs un peu vains et cliché, in fine), un récit plus ou moins connecté à un autre segment (La Nuit des Hiboux – Batman apparaît à peine ici d’ailleurs, juste le temps de deux ou trois cases) et fourmille de bonnes idées plus terre-à-terre et énigmatiques. Sa partie graphique est moins réussie que dans La règle du jeu qui avait placé la barre très haut, ce qui dessert mécaniquement sa suite. Néanmoins, pas de raisons de faire l’impasse sur ce second segment si vous aimez Catwoman ou que vous aviez appréciez sa précédente aventure.

[À propos]
Publié chez Urban Comics le 22 mars 2013
Contient : Catwoman #7-12 + #0

Scénario : Judd Winick, Ann Nocenti (#0)
Dessin : Adriana Melo, Guillem March
Encrage : Mariah Benes, Julio Ferreira
Couleur : Tomeu Morey, Brian Reber

Traduction : Thomas Davier
Lettrage : Christophe Semal et Laurence Hingray

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Catwoman – Tome 1 : La règle du jeu

Début des critiques de la série Catwoman de l’ère New52 (Renaissance), dont les premiers chapitres ont « littéralement défrayé la chronique dans leur pays d’origine, informe l’éditeur en quatrième de couverture, en offrant au lecteur une version très explicite de la relation liant Selina au protecteur de Gotham ». En France, quasiment l’entièreté des 52 épisodes a été publié dans deux séries différentes : Catwoman (en 5 tomes) puis Catwoman Eternal (2 volumes). De quoi segmenter la fiction en trois petits « runs » (même si les deux premiers forment un « tout » très inégal) : un premier écrit par Judd Winick (tomes 1 et 2, qu’on conseille), un second par Ann Noccenti (tomes 3 à 5, catastrophique) et un troisième et dernier par Geneviève Valentine (Catwoman Eternal, proposition inédite et intéressante). Retour donc sur le premier tome de Catwoman, La règle du jeu, publié il y a quasiment dix ans : en juin 2012 !

[Résumé de l’éditeur]
Plus que le profit qu’elle en retire, rien n’excite plus Selina Kyle que la cambriole, ou l’art de dérober au nez des plus puissants leurs objets de valeur. Mais si elle n’hésite pas à utiliser ses charmes pour arriver à ses fins, tous n’y succombent pas, et Catwoman mettra, malgré elle, ses proches sous la coupe de nouveaux truands revanchards. Et cette fois, même sa relation intime avec le protecteur de Gotham ne pourra pas la tirer d’affaire.

[Début de l’histoire]
À force d’enchaîner les vols, Catwoman cumule un peu trop d’ennemis. Quand certains remontent sa trace et font exploser son appartement, Selina Kyle doit trouver un hébergement d’urgence et… de l’argent.

Si la jeune femme jongle entre ses sorties nocturnes et ses ébats charnels avec Batman, elle arrive tout de même à trouver quelques gros coups pour se refaire une santé financière.

Mais lorsqu’un drame surgit et que Catwoman vole davantage que prévu, elle se retrouve mêlée à plusieurs conflits, en plus d’être un peu perdu elle-même…

[Critique]
Voilà un titre qui, sans surprise, devrait ravir les fans de Catwoman (les autres pourront aisément passer leur chemin même si Batman y apparaît un petit peu). S’il n’y a pas – pour l’instant en tout cas – de gros fil rouge narratif avec des ennemis connus et/ou charismatiques (Allonge et L’Os dans l’immédiat – cf. deux dernières images de cette critique), on se plaît à suivre les états d’âmes de Selina, naviguant dangereusement entre plusieurs sphères et désarçonnée face à la violence de certaines personnes qu’elle a volées. Le « quotidien » de la féline est d’ailleurs ce qui est habilement mis en scène, page après page.

Un quotidien qui n’est pas de tout repos et enchaîne autant de phases d’action que de brèves contemplations Pas question ici de croquer des « tranches de vie » mélancoliques ou banales mais de suivre Selina dans tous ses états d’âmes. Quand elle se bat, quand elle gagne, quand elle perd, quand elle jubile, quand elle déprime, quand elle a envie de faire l’amour, et ainsi de suite. Et les conséquences de ses actes sont parfois dramatiques, ajoutant une couche de « mal-être » à la belle.

On l’évoquait dans l’introduction, le titre aurait « littéralement défrayé la chronique [aux États-Unis] » ! Pourquoi et qu’en est-il vraiment ? Et bien, Catwoman (la série autant que son héroïne) se montre parfois peu vêtue, très à l’aise avec sa sexualité ou, quand elle revêt son costume, diaboliquement sexy (sa combinaison moulante est du plus bel effet chromatique – on y reviendra). Il n’y a visiblement pas besoin de montrer « grand chose » pour heurter/choquer/surprendre/séduire le lectorat (on est loin de la polémique ridicule de Batman – Damned tout de même) car la protagoniste ne sera jamais dénudée entièrement, portera toujours de la lingerie, on ne verra jamais les tétons de sa poitrine, son sexe ou ses fesses.

Apparemment, la scène d’amour un peu « bestiale et sauvage » entre Batman et Catwoman (à la fin du premier chapitre) est celle qui a fait réagir. Pourtant, elle n’est jamais vulgaire, elle montre une relation intime entre deux adultes comme cela pourrait arriver à n’importe quel couple (sauf qu’eux portent des costumes, quoique… cela peut aussi arriver à n’importe quel couple !). Pas de quoi crier au loup donc même si on reconnaît et comprend le petit côté « subversif » que cela peut susciter : au lecteur de trancher s’il estime que cet aspect « sexy/sexué » de Selina fait partie de l’ADN du personnage ou si l’équipe artistique – composée de trois hommes – se vautre dans un sexisme un peu facile : des femmes en lingerie/tenues sexy, des poses subjectives, du sexe plus ou moins « gratuit » (mais qui sert, à notre sens, l’histoire), etc.

En complément, la fiction est assez brutale et très sanglante. Il y a l’habituelle violence inhérente au genre mais cette fois, elle est chargée en hémoglobine tout en étant assez graphique. Des personnages secondaires trépassent… Les effusions de sang ajoutent une touche « réaliste » dans une énième production mainstream qui souvent n’en ont pas, alors autant l’apprécier. Bref, du sexe et du sang, une formule épuisée mais gagnante ? Sur ce site, on trouve que oui ! Car avant tout, ce premier volume suit une héroïne en proie à quelques démons, particulièrement attachante – le point fort de l’œuvre. Selina est dépeinte comme une personne espiègle et fragile, séductrice oui mais sans tomber dans la facilité narrative ou visuelle.

La règle du jeu est en plus particulièrement accessible puisqu’il profitait du relaunch de l’époque (New 52) pour être une porte d’entrée pour un grand nombre de lecteurs, amateurs ou non de Catwoman. S’il ne révolutionne pas grand chose dans son histoire, le livre met en avant un personnage qui bénéficie d’un capital sympathie d’emblée et de ces quelques séquences « inédites » dans le média (sexe et sang donc, tout en restant relativement soft). Le comic n’oublie pas non plus d’avoir un peu d’humour (malgré l’ensemble assez sombre, in fine), assuré par Selina évidemment, dont le charisme sans faille permet une bonne lecture (si les nouveaux ennemis avaient été plus soignés, on aurait pu avoir un coup de cœur sur ce site). Sa relation avec Batman est à l’image de celle éculée : tantôt passionnelle, tantôt amoureuse, tantôt conflictuelle, toujours mystérieuse et élégante ! C’est aussi un des atouts du titre.

Du reste, les dessins de Guillem March (à l’œuvre dans Joker Infinite et diverses séries : Batman Detective Comics, Batman Rebirth…) couplés à la sublime colorisation de Tomeu Morey (vu récemment sur les Joker War et Batman Infinite – où March signe également certains épisodes) volent la vedette au scénario de Judd Winick (plus à l’aise dans les dialogues). Les traits sont fins, élégants, parfois réalistes, idéaux quand ils croquent le charme « physique » de Selina. Les reliefs sur la combinaison de cuir (ou latex) sont une merveille (inspirée par la version burtonienne de Michelle Pfeiffer dans Batman – Le Défi ?), sans lui conférer gratuitement des formes généreuses qui n’auraient eu aucun intérêt.

La jeune femme y apparaît plus vivante que jamais, expressive, sensuelle, charnelle… Les nombreuses scènes d’action sont lisibles, la lecture est fluide, passionnante aussi bien graphiquement que narrativement. Bref, on conseille cette première (et « nouvelle ») salve d’aventures de Catwoman qui, on le rappelle, va s’étaler sur cinq tomes au total (sept en comptant sa suite plus ou moins directe Catwoman Eternal). Une fiction où l’on découvre la vie mouvementée d’une « simple voleuse » à Gotham City avec un peu de mafia russe, de police corrompue et un ange gardien chauve-souris !

[À propos]
Publié chez Urban Comics le 8 juin 2012
Contient : Catwoman #1-6

Scénario : Judd Winick
Dessin : Guillem March
Couleur : Tomeu Morey

Lettrage : Thomas Davier
Traduction : Christophe Semal et Laurence Hingray

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Joker Infinite – Tome 1 : La chasse au clown

Juste après Joker War et en marge de Batman Infinite, Joker Infinite s’intéresse à la traque du célèbre Clown Prince du Crime par James Gordon, commanditée par une mystérieuse personne. Une chasse étonnante qui prolonge également le célèbre… Killing Joke ! Coup de cœur et critique.

[Résumé de l’éditeur]
Si les trajectoires de Batman et du Joker sont intimement liées, il en va de même pour toutes les victimes collatérales du clown criminel. Parmi celles-ci, Jim Gordon figure parmi les plus sévèrement traumatisés. Depuis les événements qui paralysèrent sa fille Barbara, l’ex-commissaire reste hanté par la barbarie du Joker. Aussi, lorsque la représentante d’une mystérieuse organisation lui propose d’assassiner le Joker, Gordon y voit l’occasion de faire ce que Batman ne se résoudra jamais à faire et de débarrasser une bonne fois pour tout le monde de cet avatar du Mal absolu.

[Histoire]
Pas besoin de détailler davantage en lisant le résumé et les trois premiers paragraphes de la critique ci-après.

[Critique]
James Gordon Infinite, tel aurait pu être le titre de cette nouvelle série. Ne pas se fier à son titre ni à sa couverture (un choix audacieux néanmoins), tant ce premier tome met en avant et suit uniquement Gordon. Mais c’est une qualité ! En effet, une bande dessinée avec le Joker en personnage principal est toujours un projet risqué, mieux vaut le laisser vadrouiller en second plan et le faire apparaître aux bons moments, plutôt que le placer en continue sur le devant de la scène. C’est donc ce qui se passe dans La chasse au clown, qui poursuit complètement la fin de Joker War, puisque le criminel prenait la fuite, éborgné, sans qu’on sache ce qu’il advienne de lui.

Si la gamme Infinite n’est pas forcément un relaunch (suite au titre DC Infinite Frontier – non chroniqué), elle n’opère aucun changement majeur pour Batman Infinite (déjà suite directe de Joker War) ni pour ce Joker Infinite (sobrement intitulé en VO The Joker d’ailleurs). Pas besoin donc de pré-requis pour entamer la lecture (connaître Joker War est un plus, éventuellement le premier tome de Batman Infinite, mais rien d’obligatoire) ; il faut en revanche avoir Killing Joke en tête !

Quand on propose à Gordon de tuer une bonne fois pour toute le Joker, l’ancien policier hésite. Sa décision n’est pas arrêtée au cours de la traque qu’il accepte. Si l’on pouvait imaginer une sorte de course poursuite « classique », il n’en est rien ici puisque James Tynion IV fait voyager ses protagonistes un peu partout (dont en France !). Il continue de créer de nouveaux personnages et d’utiliser quelques valeurs sûres (ici Barbara – dont le père lui dévoile qu’il est au courant de sa double identité, de quoi relancer l’intrigue avec un angle novateur).

Le scénariste joue sur l’attentat provoqué par l’Épouvantail et imputé au Joker (cf. Batman Infinite – Tome 1) pour ajouter de nouveaux ennemis au Clown Prince du Crime. Ainsi, trois factions se détachent du lot. La première par le prisme de Cressida, la belle femme qui embauche Gordon – on découvre assez tôt qui est derrière elle et cela renoue avec une mythologie de l’univers de l’homme chauve-souris moyennement exploitée jusqu’ici – on a donc hâte de voir son évolution, passez au paragraphe suivant si vous ne voulez pas savoir. Fin du chapitre deux, nous découvrons que la Cour des Hiboux cherche à se débarrasser du Joker !

Second groupe à la poursuite du Joker : les aficionados de Santa Prisca voulant manger le décès (apparent) de Bane. Ce dernier semble être mort lors du « Jour A » (l’attaque d’Arkham de Crane) et une autre femme mystérieuse endosse son costume et inhale son venin pour décupler ses forces. Si de prime abord, cette « Lady Bane » (comme l’appelle le Joker) est un peu ridicule, elle n’en demeure pas moins puissante et intéressante (cf. son échange avec Gordon). Enfin, troisième équipe d’individus traquant le célèbre Clown : les Sampson, une famille du Texas dont l’un des membres est également décédé lors du « Jour A ». Famille plutôt dérangée et brutale, on n’est pas loin d’un hommage (ou une copie) à peine déguisée à celle de Massacre à la tronçonneuse (Texas Chainsaw Massacre) – ce qui sera quasiment confirmé par la suite.

Cette multiplication de personnages – parfois clivants – ne fait jamais de l’ombre à Gordon qui évolue « presque » comme dans Batman – Année Un, comprendre avec son journal intime, ses pensées narrées case après case (les fameuses tours Mazzucchelli sont même évoquées, piochant ainsi dans le nom du dessinateur de Year One). Le titre évoque régulièrement les traumatismes survenus dans Killing Joke, quitte à reprendre quelques cases et planches de cette période. Joker Infinite peut même être considéré comme une suite de ce monument (au même titre que le décrié Trois Jokers).

Le pari est risqué et pourtant, le scénariste livre un excellent travail, original, plein de rebondissements, parfois tendre (la relation James/Barbara – parfaite), parfois sanglant (on retrouve un Joker très dangereux) et palpitant ! Il faut dire qu’en plus du handicap de Barbara, le Joker est responsable de la mort de l’autre enfant de Gordon : James Junior [étonnamment, ni l’introduction d’Urban Comics, ni un renvoi en bas de page ne mentionne cet évènement pourtant relaté dans Batman Bimestriel #13 (novembre 2021) dans lequel James se suicide en sautant d’un phare devant sa sœur Barbara – dans Batgirl #49 très précisément].

L’auteur peut compter sur Guillem March, en très bonne forme et familier de l’univers DC (Catwoman période Renaissance/New 52, quelques épisodes de Batman Rebirth, Batman Eternal ou encore Poison Ivy). March jongle habilement entre le fantasque et l’excentricité des meilleurs comics propre au Chevalier Noir (le look du Joker, des scènes d’action, les visions de cauchemar…) – bien aidé par la colorisation d’Arif Prianto – tout en gardant une patte « réaliste », notamment pour l’enquête de Gordon. Le dessinateur cède sa place le temps d’un chapitre flash-back à Francesco Francavilla (écrit par Tynon et Matthew Rosenberg) et son style pulp nappé de pourpre partout. De quoi renouer avec Sombre Reflet (où apparaissait également Gordon Jr.) et conserver une bonne homogénéité graphique entre le présent et le passé (où le style visuelle de Francavilla, aperçu brièvement aussi sur le second tome d’All Star Batman, tranche radicalement avec celui de March).

Entre les rebondissements peu prévisibles, l’intrigue générale palpitante, la grande galerie de personnages, le rythme haletant, l’originalité de l’ensemble et les coups de crayon sublimes, Joker Infinite remporte l’adhésion sur à peu près tous les points d’un excellent début de comic book. Attention à conserver une qualité si élevée par la suite, garder l’équilibre entre les œuvres cultes du passé (Killing Joke, Année Un…) et celles du présent (Joker War, Batman Infinite…) tout en jonglant entre les genres (dramatiques voire tragiques, action, aventure, humour noir…) avec brio ! Sur ce site, c’est un coup de cœur pour ce premier tome, La chasse au clown.

À noter que Punchline n’apparaît pas (ce sera dans le prochain tome) même si elle est brièvement mentionnée (et orne quasiment toutes les couvertures variantes en galerie à la fin). Son histoire était présente dans les back-ups en VO mais étonnamment pas ici, probablement pour être compilé dans un récit complet à l’occasion… À l’instar des tomes de la gamme Infinite, un guide de lecture centré sur le personnage phare de l’œuvre (ici le Joker même si Gordon mérite tout autant sa place) ferme l’ouvrage.

[À propos]
Publié par Urban Comics le 25 février 2022. Contient : The Joker #1-6

Scénario : James Tynion IV, Matthew Rosenberg
Dessin & encrage : Guillem March, Francesco Francavilla
Couleur : Arif Prianto, Francesco Francavilla

Traduction : Jérôme Wicky
Lettrage : MAKMA (Sabine Maddin et Stephan Boschat)

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