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Catwoman Eternal – Tome 01 : Reine du crime

Après la série Catwoman (dont les deux premiers volumes étaient réussis mais les trois derniers complètements ratés), la série est « relaunchée » sous le titre Catwoman Eternal (uniquement en France). Cela permet de proposer un nouveau cycle d’aventures sur Selina Kyle conçue par une nouvelle équipe artistique et d’attirer un potentiel nouveau lectorat grâce au fameux « Tome 1 », tout en surfant sur une autre série (de l’époque) : Batman Eternal.

Reine du crime, le premier tome de Catwoman Eternal se déroule d’ailleurs après le deuxième opus de Batman Eternal (cf. chapitre 23 notamment) dans lequel Selina rend visite à son père en prison. Ce dernier, dont le nom de famille est Calabrese, fait comprendre à sa fille qu’elle-seule peut reprendre la tête de la pègre à Gotham. L’idée germe alors petit à petit dans la tête de la célèbre cambrioleuse avec un « aperçu cinq ans plus tard » proposé en fin du cinquième tome de la série précédente, dans le segment Futures End, en guise d’amuse-bouche. Découverte de cette nouvelle série en deux tomes, entièrement écrite par Genevieve Valentine (dessiné par Garry Brown pour le présent volume, David Messina pour le second).

[Résumé de l’éditeur]
Suite aux événements récents survenus dans Batman Eternal, Selina Kyle a fini par accepter ses responsabilités familiales pour enfin embrasser la carrière de reine de la pègre de Gotham. Mais la ville est-elle prête pour son règne ? Et si l’ex-héroïne masquée agit désormais à visage découvert, qui parcourt depuis les toits désertés de la cité ?

[Début de l’histoire]
Selina Kyle, Calabrese de son vrai nom, tente de se refaire un nom et de diriger son propre clan tout en interagissant avec les autres. Entre respect mutuel et trahison, la nouvelle reine de la pègre avance prudemment. Quel plan se cache derrière ses habiles coups ?

La pègre de Gotham a du mal à accepter cette situation…

Dans la ville, une personne a pris l’apparence de Catwoman, de quoi perturber Selina, même si Batman la suit de loin…

Mais quand Selina Kyle-Calabrese fait face à Black Mask et au GCPD, le danger est de plus en plus grand.

[Critique]
Difficile de résumer le début du récit (et même son entièreté), tant il est dense et exigeant (étonnamment, avoir lu la première série Catwoman aide un peu même si on est ici dans un tournant radical, original et une orientation plus séduisante et fondamentalement différente). Les échanges fusent, on a du mal suivre, une grande galerie de nouveaux personnages surgit sans qu’elle soit réellement présentée, Selina occupe déjà un poste assez haut dans la pègre sans qu’on ne sache pourquoi ni comment (et l’éditeur ne contextualise pas du tout cette situation en avant-propos, ni l’auteure – un comble), bref il faut donc s’accrocher ! Est-ce que ça vaut le coup ? Pas sûr… Cela dépendra du second volume (MàJ : meilleur que celui-ci donc finalement conseillé) mais il y a néanmoins plusieurs qualités (ne serait-ce que passer après les trois tomes de la série précédente ne peut « que » rehausser celle-ci).

On plonge d’emblée dans une ambiance complètement « polar » (narrative et visuelle – on y reviendra), qui entraîne le lecteur dans une Gotham noire, rappelant un peu Gotham Central. Cette incursion manque malheureusement cruellement d’exposition : comment Selina a-t-elle atterri là ? Quel est son rôle concret ? Qui sont ses alliés jamais vus auparavant : la cousine Antonia Calabrese, son frère Nick et le conseiller Chris Ward (sans oublier Aiden Mason) ? Quel est le lien entre les autres familles dont celle de M. Hasegawa et sa fille Eiko ? Les interrogations sont nombreuses et il faut embarquer dans le titre comme s’il était en cours depuis quelques épisodes et qu’on débarque à l’improviste. C’est donc difficile d’accès. Cette exigence pourrait tout à fait être un atout mais ici elle complexifie un scénario déjà très bavard. Les informations sont trop nombreuses et maladroitement déroulées pour ne pas s’y perdre, corrélée à tous ces nouveaux noms inédits…

L’auteure Genevieve Valentine écrit ici son premier comic (elle est aussi sur le deuxième et dernier tome de Catwoman Eternal et signera un peu plus tard quatre chapitres du très moyen Batman & Robin Eternal). Cette jeune écrivaine (née en 1981, elle avait donc trente-deux ans lors des débuts d’écriture de la série Catwoman Eternal) s’était davantage illustrée dans les romans de science-fiction et fantasy. Cela explique peut-être cet aspect verbeux et lassant qui parsème la bande dessinée. Au-delà du millefeuille de protagonistes, les dialogues sont entrecoupés aussi bien par diverses bulles narratives dont les pensées de Selina (rien d’anormal jusqu’à présent) mais aussi de nombreuses citations issues de poèmes, œuvres ou lettres historiques (se voulant métaphoriques de ce que vit Selina) qui se marient bien mal avec le reste du texte (comme souvent avec ce procédé littéraire), déjà très fourni – on se surprend à « se forcer » à lire ou se relire…

Malgré tout, le lecteur peut aisément être emporté – passé, et surtout accepté, cet étrange état des lieux – pour savoir comment va s’en sortir Selina. Si Reine du crime est maigre en scènes d’action (ce n’est pas un défaut), il instaure un climat de tension assez facilement : qui va trahir qui ? Qui va mourir ? Surtout : la figure de Black Mask n’aura jamais été aussi effrayante. En parallèle, la fiction s’aventure dans une double romance : Selina oscillant toujours entre Batman (forcément) et… une nouvelle antagoniste. C’est bien narré, ça passe crème, ça change (enfin !), bref c’est clairement une réussite. Ces différents éléments tirent donc le titre vers le haut.

On retrouve en complément quelques cabrioles « classiques » de Catwoman – même si ce n’est pas elle sous le masque, cf. paragraphe suivant –, un peu de présence de l’homme chauve-souris mais aussi du Pingouin et, comme évoqué, le terrible Roman Sionis (Black Mask). De quoi rester en terrain connu pour les fans même si tout ça est parfois au second voire au troisième plan. Sans oublier Alvarez et Keyes, deux inspecteurs présents depuis le début de la série précédente, permettant de les relier un brin. N’y a-t-il pas d’ailleurs des pistes quant au « fameux » mystère de l’épisode #0 publié deux ans plus tôt (et qui concluait le tome deux) ? Dans celui-ci, on voyait Selina rechercher son frère (possiblement présent dans cette aventure). L’identité de la voleuse était aussi supprimée des bases de données… un lien avec son patronyme ? Pourquoi pas… Et Selina était poussée en haut d’un toit, la laissant pour morte, comme si son nom avait une importance voire une influence dans Gotham. Ça se tient ! Mais était-ce réellement anticipé à l’époque ? Difficile à croire (d’autant plus que la famille Calabrese a été créée pour cette version, autant rester sur celle de Falcone comme déjà vu par le passé en comics ou en adaptations).

En parallèle, Catwoman Eternal met en avant Eiko Hasegawa ; on sait très vite qu’elle enfile le costume de Catwoman et tout l’épisode annual (qui arrive après le deuxième chapitre) est centré sur elle, idéal pour comprendre son point de vue et l’importance de son rôle dans ce grand puzzle complexe. Cet épisode est dessinée par Patrick Olliffe (qui avait majoritairement croqué Catwoman : Tome 5 – Course de haut vol) et John McCrea – encré par Tom Nguyen, colorisé par Lee Loughridge.

Sans être mauvais (visuellement parlant), il jure drastiquement avec les six autres épisodes, habilement mis en image par les traits épurés et imprécis de Garry Brown et dont les planches bénéficient des jeux de lumière de Lee Loughridge (à nouveau). Si les palettes chromatiques semblent peu variées, c’est pour mieux alterner ses ambiances chaudes et froides – simple, efficace. Entre le soin apporté aux visages (très anguleux), principalement quand ils sont en gros plans, et les nombreuses ombres qui les composent, on trouve un style graphique assez éloigné des productions mainstreams, à l’image de son scénario, in fine. Une succession de cases plutôt élégante et agréable à regarder, à défaut de suivre correctement l’intrigue. Oubliez la femme fatale en combinaison sexy et en posture sexuée des précédents tomes, ici l’approche se veut « réaliste » et civile mais pêche par le côté presque « brouillon » d’une silhouette ou un faciès dès qu’il est un chouilla éloigné.

Faut-il acheter et lire Catwoman Eternal ? Avec ce seul tome dans l’immédiat, on conseillerait la prudence, à savoir : attendre la suite et fin pour voir si le voyage vaut le cou(t)p d’être achever sereinement (MàJ : oui c’est plutôt réussi au final). Pour l’instant, malgré la proposition graphique alléchante (et très clivante – cf. les illustrations de cette critique), le scénario ne convient pas totalement : peu accessible, moins passionnant qu’il n’y paraît, défauts de caractérisation (de personnages) et d’expositions (de contextes), etc. Ce n’est ni une porte d’entrée pour découvrir Catwoman, ni une série « élitiste/prestigieuse » – ce qui n’est jamais un défaut – comme pouvait le prétendre à la fois le concept, les dessins et les superbes illustrations de couverture de Jae Lee (qui n’officie pas ailleurs attention – donc la couverture n’est pas représentative de son contenu). La direction empruntée est meilleure, sombre et lente, mais encore trop fortement déséquilibrée pour être incontournable ou simplement « plaisante ».

[À propos]
Publié chez Urban Comics le 18 septembre 2015
Contient : Catwoman #35-40 + Annual #2

Scénario : Genevieve Valentine
Dessin : Garry Brown
Couleur : Lee Loughridge
Illustration des couvertures de la série : Jae Lee

Traduction : Thomas Davier
Lettrage : Moscow Eye

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