Suite et fin de la chouette série Batman Detective Comics (ère Rebirth). Le dénouement est-il réussi ? Critique.
[Résumé de l’éditeur]
Batwoman a commis l’impensable en prenant la tête de la Colonie. En réponse, le Chevalier Noir organise une réunion de crise avec les membres de la Bat-Famille pour la juger et décider quelles mesures prendre suite à sa sédition. Mais le temps est compté, car Ulysses Armstrong a un plan que Batwoman elle-même ignore et ce dernier pourrait bien causer la perte de Gotham toute entière !
[Histoire]
(Pas besoin de détails supplémentaire, le résumé d’Urban évoque pile ce qu’il faut et amorce le début du comic.)
[Critique]
Une conclusion tournée vers le registre de… la science-fiction (pour l’aspect robotique notamment). Effectivement, les chapitres mettent en avant le logiciel surpuissant « l’œil » et des Batmen robotiques contrôlés par Ulysses et son projet OMAC. Pour les fans de DC Comics, on ne peut que déchanter car cette idée a déjà été exploitée plusieurs fois (Infinite Crisis et Convergence par exemple, toutes s’inspirant déjà de la création du super soldat du futur de Jack Kirby, cf. le récit complet O.M.A.C., déjà dépoussiéré dans OMAC : L’arme ultime). Une certaine déception est de mise, surtout après avoir parcouru les aventures de l’équipe hyper attachante autour de Batman, qui brassait déjà à sa manière plusieurs registres, alternant thriller, magie, SF et presque voyages dans le temps, etc.
Si on met de côté ce principal reproche ou, mieux, si on ne connaissait pas OMAC, la bande dessinée reste globalement divertissante et apporte une fin plus ou moins satisfaisante – en fonction de son degré d’exigence, comme souvent. Les protagonistes trouvent ici une « conclusion » plutôt cohérente, Red Robin étant le plus mis en avant afin de réparer ses erreurs, ou plutôt ses obsessions maladives depuis la vision de son avenir. À ce titre, le fameux Ulysses Armstrong officie comme nouvel ennemi, sans que ce soit réellement surprenant après avoir suivi son parcours dans les titres précédents. Malheureusement, le discours est très convenu, assez oubliable… Dommage aussi que le « procès » de Batwoman soit vite balayé dès la fin du premier épisode pour se concentrer sur la suite (les errements de Red Robin, son affrontement avec Ulysses puis les conséquences globales de tout ça et ce qui gravite autour).
On apprécie en revanche l’approche de Batwoman et sa relation avec Batman, tous deux s’étant dirigés vers des chemins différents, la « nouvelle » alliance entre eux fonctionne plutôt bien, permettant de « boucler la boucle » avec ce qui était entamé dans le premier tome. La série pourra d’ailleurs être relue sous un nouveau prisme plus ou moins inédit. La présence de la Bat-Famille plus classique (Nightwing, Batgirl, Red Hood et Robin), en début d’histoire notamment, fait sens et renoue avec une autre forme de complicité bienvenue.
Au rayon des frustrations, James Tynion IV ne nous offre pas la suite de l’arc narratif entre Ra’s al Ghul et le père de Jean-Paul Valley, qui fermait le quatrième tome et promettait un « mystérieux commanditaire ». On a pourtant revu aucun des trois… Si le lectorat suivait Batman Detective Comics au rythme de ses publications mensuelles, il a probablement oublié ce « détail ». Mais quand on lit les sept tomes à la suite, impossible de ne pas y penser ! On imaginait un plan d’envergure, fomenté par Ghul et Azrael Sr., au final il n’en est rien… Sauf si la personne au-dessus d’eux était le Drake du futur mais ça paraît improbable. C’est peut-être pas grand chose pour certains fans, pour d’autres (le cas de l’auteur de ces lignes) c’est LE point noir de ce dernier volume qui générait des attentes légitimes…
Les dessins restent de bonne facture sans faire d’éclats, faute à des visages souvent peu naturels et une flopée d’artistes différents aux pinceaux comme toujours. Ici, Avaro Martinez, Javier Fernandez, Eddie Barrows, Eber Ferreira, Philippe Briones et Scot Eaton se succèdent, soit six dessinateurs aux styles assez similaires (les Batmen robotiques restent les meilleures illustrations de l’ensemble) bénéficiant d’une colorisation toujours aussi riche en tons variées, permettant l’appellation très « comic book » de l’ensemble. Comme dans les volets précédents, ce sont les visages – notamment en gros plan – qui gâchent parfois les planches, la cause à des traits faciaux grossiers. Néanmoins, la plupart des héros œuvrant sous un masque, on n’en croise pas beaucoup donc ça reste globalement de bonne facture, à l’image de l’entièreté de la série.
En somme, ce dernier tome est mi-figue, mi-raisin. La plupart des dénouements (d’arcs narratifs et d’évolutions de protagonistes) sont tenus et corrects, certains sont en revanche décevants ou inexistants. C’est d’autant plus dommage que l’ensemble de la série, à un ou deux tomes près sans compter celui-ci était vraiment une réussite, très originale, profondément attachée à sa dimension humaine et relativement inédite dans l’univers très austère et souvent calibrée du Chevalier Noir. Ne soyons pas trop sévère tout de même, rien que pour sa proposition originale, elle mérite le détour, bien plus que des sagas confuses et indigestes comme Batman Metal, ou des runs trop longs comme Batman Rebirth (malgré ses coups d’éclats bien sûr). Batman Detective Comics apporte aussi une extension alléchante à Batman Eternal mais aurait gagné en qualité si elle avait été amputée d’un ou deux volumes et suivi une direction plus passionnante dans sa dernière ligne droite.
[À propos]
Publié chez Urban Comics le 18 octobre 2019.
Précédemment publié dans Batman Rerbirth #21 à #24, de février à mai 2019.
Contient Detective Comics #975-981
Scénario : James Tynion IV
Dessin : Avaro Martinez, Javier Fernandez, Eddie Barrows, Eber Ferreira, Philippe Briones, Scot Eaton
Encrage : Raul Fernandez, Javier Fernandez, Eddie Barrows, Eber Ferreira, Philippe Briones, Wayne Faucher
Couleur : Brad Anderson, John Kalisz, Adriano Lucas, Allen Passalaqua
Traduction : Thomas Davier
Lettrage : Stephan Boschat (studio MAKMA)
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(Pas une illustration de la bande dessinée mais une couverture d’un numéro – Detective Comics #969 par Guillem March –
qui représente bien l’entièreté de l’équipe, pour le plaisir des yeux…)