Revisitant les origines des super-héros DC, le label Terre-Un permet de redonner un nouveau souffle au passé de Bruce Wayne et aux personnages gravitant dans Gotham City. Ce premier tome peut se lire comme un one-shot, il n’y a pas de suite directe pour l’instant. Le second volet (sur trois prévus) est disponible depuis février 2016, lien vers la critique en bas de cet article.
[Histoire]
Martha et Thomas Wayne organisent une réception et accueillent pour l’occasion un ancien frère d’armes de Thomas : Alfred, qui lui avait sauvé la vie lors d’une opération militaire. Alfred est embauché pour assurer la sécurité de la famille Wayne, car Thomas est candidat à l’élection municipale face à Oswald Cobblebot (alias Le Pingouin). Excepté ce premier soir, ce soir où le petit Bruce et ses parents se rendent au cinéma. En sortant de la salle, suite à une coupure de courant, Thomas et Martha seront assassinés sous les yeux de leur fils.
Le jeune Bruce, furieux et criant à la vengeance (et non la justice) deviendra Batman quelques temps plus tard, fonçant dans le tas, à la recherche du policier corrompu susceptible d’avoir des informations sur l’homicide de ses parents. Un homme chauve-souris se déplaçant en voiture, ne pouvant se fier à ses gadgets, perdant son sang-froid rapidement, etc. Alfred a été désigné comme son tuteur légal (et non majordome), il épaule comme il le peut le fils de son ancien ami, allant même jusqu’à le combattre.
Du côté de la police, Gordon, dont l’épouse a été tuée, essaie tant bien que mal de garder un œil sur sa fille, Barbara, tout en étant corrompu et menacé par les malfrats. Il a pour nouvel assistant Harvey Bullock, fraîchement débarqué dans la ville, star d’une émission télévisée, sourire aux lèvres, plein d’espoir et d’audace.
Ces destins se bousculent dans la sombre ville de Gotham City et une légende naît peu à peu, au fil des nuits…
[Critique]
Audacieux, original et brillant ! Ce sont les premiers mots qui viennent à l’esprit une fois ce Batman : Terre-Un lu. Les origines du Dark Knight sont déjà connues, à travers Année Un de Frank Miller, notamment, et par les divers supports artistiques les ayant narrées. En quoi celles-ci sont-elles différentes ? Tout d’abord, elle se déroulent dans un univers alternatif (la fameuse Terre-Un), une facilité scénaristique permettant de remettre les compteurs à zéro et créer une nouvelle mythologie « illimitée ». Superman y a eu droit aussi (en trois tomes), Wonder Woman n’y échappera pas non plus (dès avril 2016, par Grant Morrison et Yannick Paquette).
De nombreuses différences sont notables, entre l’univers déjà connu et celui-ci, et sont de préférence à découvrir par soi-même plutôt que de les lire avant ; mais deux sortent vraiment du lot. Il s’agit des personnages d’Alfred et de Bullock, non seulement ils sont méconnaissables physiquement mais aussi « psychologiquement ». Même si Alfred a son côté protecteur/altruiste, c’est avant tout un ancien soldat, blessé par les ravages de la guerre. Il tient tête à un Bruce Wayne impulsif et lui conseille même d’utiliser une arme à feu pour sa croisade de vengeance (Alfred n’hésitera pas à tuer un adversaire d’ailleurs) ! Le cas de Bullock est sensiblement différent car le chemin qu’il parcourt durant le volume l’amènera à devenir celui qu’on connaît désormais : un névrosé alcoolique passablement obèse. Néanmoins l’histoire se focalise autant sur eux deux, si ce n’est plus, que sur Bruce Wayne. Et ce n’est pas plus mal.
Le milliardaire de Gotham est évidemment ici très jeune, peu entraîné et impulsif. Ce côté immature contraste donc avec le Batman très méthodique, détective, qu’il sera plus tard. Ce jeune Dark Knight rappelle cependant ce qui a été inauguré dans le chapitre zéro de la série Batman actuelle, scénarisée par Scott Snyder (La Cour des Hiboux…). On aurait presque pu prendre ce Terre-Un comme le nouveau point de départ du relaunch DC.
Geoff Johns réécrit donc un mythe à sa sauce, avec des personnages revisités (citons aussi Harvey Dent, qui est ici accompagnée de Jessica sa… sœur jumelle !), un pari risqué mais qu’il réussit haut la main. L’intrigue principale en elle-même est peu originale (vengeance, enquête et action, sans réelles surprises), mais le parcours effectué par tout le monde vaut le détour et pose de solides bases pour de futurs albums ! Ceux-ci (trois sont prévus, le second sort en France en mars 2016) évoqueront très certainement le Sphinx, Batgirl et Jessica Dent.
Graphiquement, Gary Frank maîtrise totalement son pinceau, ses planches sont très réalistes (tout est clairement « plausible et crédible » si cela se déroulait dans notre monde, personne n’est immortel, tout est faillible) et le découpage très efficace. Cette bande dessinée, à lire d’une traite, peut être lue par des non-connaisseurs de Batman, tout le monde y trouvera donc son compte. Attention toutefois, pour les puristes qui n’aiment pas les changements et bouleversements d’un univers qu’ils connaissent bien, cette Terre-Un risque de vous décontenancer. Pour les autres, c’est à se procurer les yeux fermés.
[À propos]
Publiée en France chez Urban Comics le 30 août 2013.
Titre original : Batman Earth-One
Scénario : Geoff Johns
Dessin : Gary Frank
Encrage : Jonathan Sibal
Couleur : Brad Anderson
Lettrage : Stephan Boschat — Studio Makma
Traduction : Alex Nikolavitch
Première publication originale le 10 juillet 2012.
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