Publié en France chez Semic en juillet 2004 (jamais réédité depuis), Heure Zéro – Crise temporelle, alias Zero Hour : Crisis in Time est initialement en vente en 1994 et se veut marquant, renouant avec le grand crossover Crisis on Infinite Earths (1985-86) – et cherchant maladroitement à s’inscrire dans les crises DC Comics (cf. guide). Écrit et dessiné par Dan Jurgens, cette crise temporelle est incompréhensible et peu passionnante. Critique.
[Résumé de l’éditeur]
Hank Hall était un terrien normal jusqu’au jour où il devint Hawk, le faucon, un héros courageux et aimé de tous qui combattait le crime au sein du duo Hawk & Dove. Fragilisé et déséquilibré depuis la mort du premier Dove lors de la « Crise [en] terres multiples », Hank Hall a basculé du mauvais côté lorsqu’il a découvert que son double venu du futur, Monarch, était l’assassin de la seconde Dove. Fou de rage, il n’abattit Monarch… que pour prendre sa place et devenir un despote temporel dont les exactions menaçaient le continuum espace-temps. Arrêté par les Linear Men et enfermé au « Point de fuite », Monarch parvient à s’évader et à damer le pion de Rip Hunter et Waverider. Nourri des énergies de ce dernier, Monarch devient Extant, et se met en tête de reconstruire le temps, de réécrire l’histoire…
Quand le Time Trapper est abattu et que Darkseid, seigneur d’Apokolips, découvre que la trame de l’espace et du temps eux-mêmes est manipulée, les héros savent qu’il est temps de se liguer pour protéger l’univers. Mais rapidement, une question se pose… Qui est derrière Extant ? Qui manipule le manipulateur ? Qui veut réécrire l’histoire ?
[Critique]
Quelqu’un a compris le résumé de l’éditeur ? Il s’agit pourtant du seul extrait à peu près clair de cet immense foutraque que représente cette Heure Zéro – Crise temporelle… La première partie du résumé est d’ailleurs celle’une autre histoire, Armageddon 2001 (on y reviendra), afin d’avoir un peu de contexte dans cette nouvelle crise. Son concept était pourtant alléchant aussi bien sur la forme que le fond. Cinq épisodes publiés « à l’envers », comprendre du numéro #4 pour se conclure dans le #0 (la fameuse Zero Hour) et une intrigue dotée d’un compte à rebours. Ainsi, l’aventure commence « 32 heures plus tôt » puis « 27 heures plus tôt » et ainsi de suite. Confinant ainsi un resserrage temporelle et un horizon (que se passera-t-il arrivé à zéro ?).
Hélas, tout ce qui est proposé est incompréhensible et veut singer Crisis on Infinite Earths à bien des égards. Entre le charabia complexe (il est question « d’entropie » – dégradation de la matière – rappelant donc les vagues « d’anti-matières »), les multiples personnages (dont la moitié pas très connue) et parfois la même version de certains, les agissement de chacun et le manque flagrant de fluidité dans l’écriture et les dialogues, il est impossible de saisir pleinement les enjeux, de s’attacher aux protagonistes et d’être emmené par la narration (bavarde, lourdingue au possible). Comme dit, Heure Zéro évolue dans l’ombre de Crisis on Infinite Earths, elle-même compliquée et verbeuse, mais ici c’est un autre niveau : absolument rien ne permet de passer un agréable moment. Seul l’ultime chapitre apporte un peu de cohérence et relance plus ou moins bien le tout mais ça s’arrête là.
La plume de Dan Jurgens est donc catastrophique (bien aidé pourtant dans cette édition Semic par une introduction de Gérard Morvan, vulgarisant la continuité DC Comics). On aurait pu penser qu’après une décennie d’évolution de la bande dessinée super-héroïque états-unienne, l’artiste se serait adapté plus efficacement à un travail de lisibilité mais non… Heureusement que ses dessins sauvent un peu l’ensemble, proposant de jolis tableaux remplis de personnages emblématiques, richement colorés. Jerry Ordway est à l’encrage, ajoutant à nouveau cette sensation de « copie mal décalquée » de Crisis on Infinite Earths (que l’artiste avait déjà partiellement encrée).
À noter que Jurgens avait déjà dessiné un event quelques années plus tôt, en 1991 : Armageddon 2001 (cf. le résumé en quatrième de couverture). Ce dernier était écrit par Dennis O’Neil et Archie Goodwin et explorait déjà les crossovers et voyages dans le temps à la recherche de l’identité de Monarch, avec aussi Waverider à l’époque. Monarch étant donc Hank (au lieu de Captain Atom comme initialement prévu mais une fuite avait dévoilé cette identité mystérieuse). On peut imaginer que Zero Hour en est une sorte de suite spirituelle ou réinterprétation du titre avec, cette fois… Hal Jordan en Parallax. S’inscrivant après La mort de Superman et Green Lantern – Emerald Twilight (disponible chez Urban Comics dans leur collection DC Confidential), Zero Hour se « poursuit » (ou plutôt le parcours d’Hal) dans Final Night (trouvable en occasion, chez Semic à nouveau, dans JLA – Extinction) ; le tout formant donc une sorte d’arc autour d’Hal (même s’il est peu présent dans Zero Hour). Notons qu’on retrouve les « gardiens du temps » (Waveryder, Rip Hunter et Matthew Ryder), que Flash meurt à nouveau (dans les mêmes conditions que Crisis on Infinite Earths – quelle originalité !), mais qu’il s’agit cette fois de Wally West. De la même manière, Spectre apparaît dans une séquence assez semblable à celle de l’autre crisis. Metron joue, lui, plutôt le rôle de Monitor.
L’objectif de Time in crisis (renommé par la suite (A) Time in crisis afin de coller aux nomenclatures des crises DC) était une fois de plus de relancer de nombreuses séries (avec un impact aussi bien dans leur continuité et… une remise à zéro – beaucoup de titres ont bénéficié d’un #0, celui sur Green Lantern, Secondes Chances, est dans le tome cité plus haut) mais aussi d’unifier modestement l’univers, toujours bien encombré de plusieurs versions de justiciers (Hawkman en est le parfait exemple – cf. image ci-dessus) ou de leur passé plus ou moins chamboulé depuis Crisis in Infinite Earths.
De quoi modifier quelques éléments des fictions : Catwoman n’est plus une prostituée (à l’inverse de ce qui était montré dans Année Un – même si, paradoxalement, ce titre devient canonique dans la chronologie de Batman), le Chevalier Noir n’a jamais capturé le tueur de ses parents, Dick Grayson est adopté par Bruce Wayne, etc. Malgré tout, ce « nouveau départ » (des autres séries DC) ne rencontra pas le succès escompté et mis de côté une petite décennie l’idée d’un (autre) redémarrage complet – jusqu’à Infinite Crisis bien entendu.
À posteriori, l’intérêt se situe finalement pour les fans de Green Lantern qui auraient besoin d’une petite compréhension sur les desseins d’Hal Jordan, éventuellement ceux de la JSA (et notamment Starman), de Green Arrow (uniquement pour les dernières planches) ou pour les complétistes hardcore qui ont aimé Crisis on Infinite Earths (Heure Zéro doit se lire « juste après » idéalement pour conserver une certaine « cohérence » on va dire, avec l’enchaînement Armageddon 2001 entre les deux si possible…).
In fine, le meilleur résumé se trouve sur DC Fandom : « Hal Hordan, devenu Parallax, tente de restructurer l’univers et de corriger ses erreurs passées. Il est parasité par Extant qui veut profiter de cette situation pour recréer un monde à son image. Tout l’univers redémarre à zéro et le passé de Batman et de ses alliés est aussi remodelé ». Même si ça dévoile l’ensemble, c’est ce qu’il faut retenir.
On comprend mieux pourquoi Urban Comics n’a pas republié ce titre, tant il est rebutant… La faute à une traduction limitée ? Pas forcément, c’est un « tout » qui cause ce rejet (visiblement unanime), néanmoins il semblerait qu’accompagner de quelques chapitres tie-ins, ce soit plus limpide. Une fois de plus : c’est dommage car le pitch de départ était prometteur, l’idée générale pas mauvaise (repartir à zéro en refaçonnant un nouvel univers) et la conclusion un peu épique et surprenante ; pas trop mal.
Hélas, tout ce qui constitue ensuite cette crise temporelle est indigeste à un degré rarement atteint. Même les amoureux des personnages de DC Comics ne devraient pas profiter pleinement du titre tant tout s’enchaîne de façon étrange et peu claire… Si Urban décide à publier l’histoire, il faudrait une sorte d’intégrale Armageddon 2001, Crisis in Time et quelques épisodes annexes apparemment indispensables pour mieux comprendre l’ensemble.
Comme évoqué, aux États-Unis, l’évènement a impacté plusieurs séries dont certaines sur Batman (Detective Comics, Batman, Shadow of the Bat…) et Superman (Man of Steel, Action Comics, Adventures of Superman…), compilées quelques années plus tard dans Batman Zero Hour et Superman Zero Hour. À noter que les épisodes du Chevalier Noir de cette période devraient apparaître dans la collection Batman Chronicles quand elle aura atteint l’année 1994. Côté Superman, on retient un chapitre où l’homme d’acier rencontrait de multiples version de l’homme chauve-souris, incluant celle de la série télé des années 1960, du Detective Comics #27 de Finger et Kane de 1939 ou du Dark Knight Returns de Miller ! Le titre (Zero Hour) a également été repris à l’occasion de Convergence, en 2015. En France, Convergence est dans le dernier volume de la série Earth 2 – cf. index – mais ne contient pas les quelques séries disponible en VO dans Convergence : Zero Hour (Green Arrow, Catwoman, Justice League International…).
En synthèse (vous l’aurez compris), on déconseille fortement Heure Zéro – Crise temporelle, en attendant une éventuelle réédition mieux fournie et plus lisible…
[À propos]
Publié chez Semic le 5 juillet 2004.
Contient : Zero Hour : Crisis in time (#4-3-2-1-0)
Scénario et dessins : Dan Jurgens
Encrage : Jerry Ordway
Couleur : Grégory Wright
Traduction : Dan Fernandes • Edmond Tourriol / MAKMA
Lettrage : Studio Pascale Buffaut
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