Après un excellent premier opus (surtout scénaristiquement, moins graphiquement), Bruce Wayne accusé de meurtre et, désormais, fugitif poursuit ses aventures (et non son enquête – hélas) dans un deuxième tome dont la moitié s’avère décevante. Que s’est-il passé ? Explications et critique.
[Résumé de l’éditeur]
Inculpé pour le meurtre de sa petite amie Vesper Fairchild, Bruce Wayne est envoyé à la prison de Blackgate. Mais impossible pour Batman de rester derrière les barreaux avec un homicide non résolu sur les bras. Renonçant à son identité de play-boy millionnaire, le Chevalier Noir s’échappe et opère une nouvelle fois dans l’ombre… mais pour la bat-family, le doute est toujours là. Bruce aurait-il pu passer à l’acte et tuer de sang-froid ?
Pas besoin de détailler davantage le début de l’histoire, le résumé de l’éditeur suffit amplement.
[Critique]
À l’instar du premier volet, il convient de revenir sur chaque épisode avec son titre, sa série et son auteur pour contextualiser un petit peu ce qu’il se déroule. Dans Meurtrier ? Identification formelle (Gotham Knights #27), Devin Grayson ajoute Superman dans l’équation. L’Homme d’acier tente de raisonner son ami, en vain… Expéditif. Affaires classées (Birds of Prey #41), Chuck Dixon infiltre Black Canary dans une banque tandis qu’Oracle la guide et tentent de déjouer l’usurpateur de Ted Kord (la présence de Blue Beetle dans ce gros canevas demeure toujours mystérieuse). La conclusion lève un soupçon chez Nightwing et Barbara néanmoins.
Place ensuite à Peindre la ville en rouge, d’Ed Brubaker (Batman #601-602), qui voit l’affrontement entre Batman et un nouvel ennemi plus ou moins pyromane, un certain Nicodème. Sans intérêt et sans connexion avec ce qui anime théoriquement le scénario : qui a tué Vesper ? comment ? pourquoi ? Batman lui-même ne semble pas s’en préoccuper… Dans Pureté (Detective Comics #768-770), Greg Rucka s’aventure dans les triades asiatiques de Gotham (en gros), cherche une drogue inédite et fait face à un homme-oiseau (littéralement !). Barbant et toujours aussi éloigné du sujet primordial, dommage. La parenthèse Chat (Batgirl #27) de Kelley Puckett compose avec Cassandra et Spoiler qui font une découverte à la fois macabre mais qui innocenterait bien Bruce, de quoi requinquer la Bat-Famille et revenir enfin (pile à la moitié du livre !) sur le propos essentiel du titre (malheureusement desservi par les affreuses planches de Phil Noto et la colorisation de Jason Wright – on y reviendra).
Dans Temps et Mouvement (Nightwing #68), Chuck Dixon entremêle deux récits, l’un entre Nightwing et Alfred (puis Robin), l’autre entre des ennemis inconnus et sans intérêt (avec de nouvelles mochetés visuelles). On retrouve ensuite Batman dans Le Croque-mort (Gotham Knights#28-29), par Grayson, avec cette fois un Chevalier Noir qui s’en prend à des morts-vivants commandés par le fameux croque-mort du titre… Grisant (malgré les chouettes dessins de Leonardo Manco dans le second chapitre) et, une fois de plus, sans corrélation avec l’enquête-fleuve censée nous tenir en haleine. Il faut attendre Entrées & sorties (Nightwing #69) de Dixon pour renouer avec. En effet, Dick, Alfred et Robin travaillent de concert pour trouver comment l’éventuel coupable a pu se glisser dans la Bat-Cave par l’extérieur. Passionnant et presque anxiogène !
Le même auteur persiste avec Point aveugle (Birds of Prey #43), dont l’éditeur n’en publie que cinq planches, liées à l’histoire générale (les autres suivaient, entre autres, Deathstroke et Green Arrow, c’est donc une bonne chose d’en avoir fait abstraction). Ed Brubaker livre ensuite Point de bascule (Batman #603) où un ancien flic au seuil de la mort confie au Dark Detective le dossier du meurtre des… Wayne. Policier inconnu au bataillon mais qui est donc là « depuis le début » avec Gordon, mouais… L’auteur conclue avec Raisons (Batman #604) dans lequel le héros semble s’affirmer comme Batman ET comme Bruce, prêt à avancer. Pas trop tôt…
Sur les quatorze chapitres qui composent ce deuxième seulement deux (les Nightwing #68-69) nous apparaissent comme pertinents dans l’avancée globale de l’histoire (ainsi que les cinq planches tirées d’un épisode [le Birds of Prey #43 évidemment) et quelques dialogues ici et là – d’Allen et Montoya notamment et des alliés de Batman). En effet, tous les autres se contentent de narrer banalement des aventures du justicier dans Gotham City (Batman, Detective Comics et Gotham Knights).
Des poursuites sans intérêt avec le fil rouge narratif du crossover, un comble ! Pire : ces épisodes montrent le Caped Crusader face à trois nouveaux ennemis oubliables : l’énigmatique Nicotème/qui manipule le feu, l’homme-oiseau et le croque-mitaine… Des personnages propres au fantastique, à l’horreur voire à la légère science-fiction (ce qu’a toujours été Batman toutefois). Ce changement de registre dans un cadre qui était jusqu’à présent entièrement basé sur le polar et le thriller sort complètement le lecteur de l’ensemble, quel dommage !
La bande dessinée n’est d’ailleurs pas du tout aidée par ses dessins, globalement hideux tout du long à quelques cas rares exceptions (Manco cité plus haut, dernière image de cette chronique). Aucun nom « notable » (cf. bloc À propos – sauf Sean Phillips, première image) et aucune patte artistique agréable visuellement. On pourrait donc presque faire l’impasse sur cet opus tant il n’apporte pas grand chose si ce n’est deux ou trois chapitres tout de même « indispensables » par rapport à ce qu’on avait eu avant. Il est incroyable que les mêmes auteurs (Grayson, Dixon, Brubaker, Rucka et Puckett) n’arrivent pas à proposer un niveau d’écriture aussi élevé que précédemment. Faute à manque de coordination entre eux ? Ou des têtes pensantes éditoriales qui souhaitaient étirer au maximum l’ensemble ? Étrange…
La lecture du troisième tome devrait permettre de trancher si le choix éditorial était pertinent ou non. À date, on n’est pas plus avancé et on n’a même pas vu Sasha Bordeaux de tout l’ouvrage, elle qui était si présente (voire suspectée) jusqu’à présent. C’est donc la grosse douche froide mais l’espoir persiste (mise à jour : le troisième et dernier volet est complètement à la hauteur, vous pouvez donc économiser 31 € en sautant celui – ou en feuilletant rapidement chez votre libraire les deux chapitres sur Nightwing) !
[À propos]
Publié chez Urban Comics le 16 novembre 2018.
Contient : Gotham Knights #27-29 + Birds of Prey #41, 43 + Batman #601-604 + Detective Comics #768-770 + Batgirl #27 + Nightwing #68-69
Nombre de pages : 352
Scénario : Devin Grayson, Chuck Dixon, Ed Brubaker, Greg Rucka, Kelley Puckette
Dessin : Roger Robinson, Rick Leonardi, Scott McDaniel, Steve Lieber, Phil Noto, Trevor McCarthy, Leonardo Manco, William Rosado, Dave Ross, Sean Phillips
Encrage : John Floyd, Jesse, Delperdang, Andy Owens, Mick Gray, Mark McKenna, Robert Campanella, Rob Stull, Leonardo Manco, Marlo Alquiza, Andrew Pepoy, Sean Phillips
Couleur : Gloria Vasquez, Wildstorm Fx, Gregory Wright, Jason Wright
Traduction : Alex Nikolavitch
Lettrage : Moscow Eye
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