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Batman Rebirth – Tome 10 : Cauchemars

Le (très long) récit écrit par Tom King se poursuit dans le dixième tome de Batman Rebirth, intitulé Cauchemars. La série avait retrouvé de sa superbe récemment (voir tomes 8 et 9). Est-ce toujours le cas ? Critique.

[Histoire]
Bruce Wayne revit la mort de ses parents, comme s’il était enfant. Mais étrangement Batman est bien présent pour enquêter sur le meurtrier… Normal : le jeune Bruce est en fait Matthew, qui calque sa folie sur le traumatisme du milliardaire (aperçu à la fin du tome 5). L’on confond donc l’imagination de l’un et la réalité de l’autre.

Par ailleurs, Batman se réveille (suite à la fin du volume précédent) kidnappé par le professeur Pyg. Il ne se souvient de rien et doit se sortir d’une situation complexe… John Constantine lui indique aussi que Catwoman va mourir d’ici peu. Le justicier se perd entre cauchemars et illusions…

[Critique]
Pour une fois, l’intégralité du tome ne repose pas sur une succession de plusieurs histoires mais sur un ensemble de sept chapitres qui se suivent. Malgré tout, chacun a son dessinateur propre (voir plus loin), son ambiance et identité graphique défini et semble déconnecté du reste. Certains de ces épisodes sont classiques dans leur structure, d’autres très singuliers : l’un est quasiment muet, un autre presque en monologue de Batman, un à l’inverse en dialogue entre deux protagonistes, un composé de danses et d’un découpage épousant la musique, et ainsi de suite. Pourtant ces chapitres sont comme des pièces de puzzle qui font sens en fin d’ouvrage.

L’ensemble est de prime abord confus. Il faut attendre l’arrivée de Constantine (peu avant la moitié du livre) pour comprendre un peu ce qu’il se passe (même si c’était prévisible vu le titre du comic et le résumé derrière) : Batman serait connecté à une machine et piégé dans des tourments cauchemardesques causés par l’Épouvantail. Le quatrième chapitre met le personnage La Question au premier plan, qui explique à Catwoman qu’il est la solution pour s’évader et que le Chevalier Noir doit le découvrir. Au fil de l’eau, l’évocation du mariage réussi entre Selina et Bruce met évidemment la puce à l’oreille sur cette fausse réalité. Bane semble encore responsable de cette situation.

Étrangement connecté et déconnecté de sa propre série, ce dixième tome pourrait presque se lire comme un one-shot. Presque. Difficile d’être séduit si on ne comprend pas les allusions à certains détails (Thomas Wayne dans Le Badge par exemple ou encore Matthew, cf. explications ci-après) et surtout aux deux grands fils rouges narratifs qui se croisent depuis le début. On parle bien sûr de la relation entre Bruce/Batman et Selina/Catwoman ainsi que du plan de Bane visant à briser une seconde fois (après sa première réussite dans Knightfall) le Chevalier Noir.

La bande dessinée mêle plus ou moins habilement ces deux pans de composition pour un résultat à la fois intéressant mais aussi frustrant. Intéressant car l’ensemble est plutôt original et illustré de façon presque innovante (chaque chapitre a vraiment un style différent et souvent agréable). Frustrant car assez prévisible (ça s’appelle Cauchemars après tout…) et malgré de jolis moment d’écriture (des échanges entre Batman et Catwoman notamment), il résulte une fois de plus un sentiment de surplace narratif (l’histoire principale n’a quasiment pas avancé et on navigue presque intégralement dans la psyché de Bruce/Batman tout le long du titre).

Comme évoqué plus haut, le récit sur Matthew (premier chapitre) avait été entamée 5 tomes plus tôt. Difficile de s’en souvenir si on lit la série au fil de sa parution (aussi bien en France qu’aux États-Unis)… À l’époque, ce micro-évènement inspirait avant tout un passage anecdotique sans conséquence. Force est de constater qu’il y a bien une « suite » à ce sujet (était-elle prévue de longue date ?), qui devra trouver une conclusion dans les deux prochaines tomes, qui seront les deux derniers. Il aurait fallu montrer Matthew de manière plus prononcé ou bien simplement évoquer ce jeune criminel plusieurs fois (après tout, c’est bien ce qui a été fait pour la fameuse guerre des rires et des énigmes avant ; et même après) pour mieux l’incorporer et s’en rappeler ici. Autre point détonnant : l’enterrement de vie de jeune fille de Selina, en compagnie de Lois dans la Forteresse de la Solitude de Superman. L’aspect (volontairement ?) cartoony et vivement coloré tranche radicalement avec le reste…

Une myriade de dessinateurs se suit (parfois à l’encrage et la couleur également) avec respectivement pour chaque épisode : Travis Moore, Mitch Gerads, le fidèle Mikel Janin, Jorge Fornes, Lee Weeks et même un quatuor pour le pénultième chapitre avec Amanda Conner, John Timms, Dan Panosian et à nouveau Janin. Yanick Paquette ferme le bal pour la septième et dernière salve. Impossible donc d’avoir un ensemble graphique homogène mais vu le contexte (en gros un chapitre couvre un cauchemar différent) ce n’est pas dérangeant même si, forcément, du bon et moins bon se côtoie. On retient surtout Mitch Gerads et son style psychédélique de toute beauté durant l’affrontement entre Batman et Pyg ainsi que la noirceur sobre et épurée des traits de Lee Weeks, spécialiste de merveilleux jeux d’ombre (déjà à l’œuvre pour le second segment d’À la vie, à la mort — il replace d’ailleurs ici son fameux bar avec les Looney Tunes dans son style réaliste atypique).

L’ouvrage navigue donc « entre deux eaux », ni déplaisant ni réellement passionnant. On a connu King plus inspiré mais aussi nettement moins. Un classement des tomes sera effectué une fois le dernier publié (d’ici mai 2020 au plus tard) ainsi qu’un article récapitulatif et une analyse de l’ensemble de la série Batman Rebirth.

« Être Superman, j’aime ça.
Mais je déteste que la vie m’y oblige.
Toi, Bruce… tu détestes être Batman.
Mais tu aimes que la vie t’y oblige. »
[Clark Kent à Bruce Wayne]

Les chapitres #64 et #65 sont volontairement absents du tome car connectés aux mêmes numéros de chapitres de la série Flash (Rebirth, évidemment). Ils forment The Price of Vengeance en v.o. et remettent en avant Gotham Girl. Ces quatre épisodes se déroulent avant Cauchemars et se passent en marge de Heroes in Crisis. On peut les découvrir dans Batman Bimestriel #5, en vente depuis le 6 mars et ils sont aussi inclus dans le huitième tome de la série Flash Rebirth, intitulé Le Prix, qui sortira le 24 avril prochain. Résumé et brève critique.

 

Une explosion se produit à Central City au musée Flash. Batman est sur place avant Barry Allen car il suspecte Gotham Girl — une jeune femme qui avait acheté des pouvoirs dans Batman Rebirth 1 — d’en être la cause. Le Chevalier Noir et le Bolide Écarlate s’associent pour enquêter (comme ce fut déjà le cas dans Le Badge). Gotham Girl veut ressusciter son frère Hank et bénéficie d’une substance qui pourrait y arriver : le venin.

S’il n’est pas nécessaire d’avoir lu les précédentes aventures de Flash ou Le Badge (même si celui-ci est mentionné), il apparaît indispensable de connaître Batman Rebirth/Gotham Girl mais aussi Heroes in Crisis pour mieux apprécier Le Prix (qui est presque un épilogue à Heroes in Crisis). La série aurait pu s’intercaler comme un tome annexe à Rebirth pour expliquer le retour de Gotham Girl. C’est plus bavard, coloré et dynamique que certains épisodes récents du Chevalier Noir ! Bref limite plus intéressant.

Écrit par Joshua Williamson et dessiné par Guillem March pour Batman #64 et #65 (il avait déjà signé des chapitres de la série Catwoman époque New 52/Renaissance) ainsi que Rafa Sandoval pour Flash #64 et #65, Le Prix s’avère un bon complément de Batman Rebirth !

[À propos]
Publié en France chez Urban Comics le 8 novembre 2019.

Contient : Batman Rebirth #61-63 et #66-69

Scénario : Tom King
Dessins, encrage et couleur : collectif (voir article)

Traduction : Jérôme Wicky
Lettrage : Stephan Boschat, Sabine Maddin (Studio MAKMA)

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