Dernier volume de l’intégrale par année d’Injustice (cf. index). Un tome comportant plus de chapitres que d’habitude, remettant au premier plan l’univers de Batman et servant de conclusion un peu… frustrante ! Explications.
[Résumé de l’éditeur]
Les années passent, et bien que les insurgés maintiennent avec ténacité leurs positions face à l’oppresseur, il faut bien admettre que leur nombre se réduit comme peau de chagrin. Catwoman a récemment choisi de reprendre ses larcins nocturnes, suivie de près par sa nouvelle amie Harley Quinn. Pour ne rien arranger, Damian, déjà adversaire de son père dans cette guerre des titans, vient d’endosser le costume du défunt Nightwing. Qu’arrivera-t-il lorsque Batman et son fils de sang se retrouveront face à face sur le champ de bataille ?
[Début de l’histoire]
Du côté des insurgés, Batman trouve de nouveaux alliés chez les Lascars (ennemis habituels de Flash).
Bane s’ajoute aux soutiens du régime de son côté. Un atout puissant efficace, surtout face à Doomsday qui donne du fil à retordre à Superman.
Mais les tensions sont de plus en plus fortes dans chaque camp et l’Homme d’Acier franchit une nouvelle la ligne…
[Critique]
Quelle tension ! Quel suspense ! Quelle merveille ! Décidément, la série Injustice aura été quasiment un sans-faute de bout en bout (en terme d’écriture bien sûr, graphiquement ça n’a jamais été très brillant mais ce n’était pas très grave). Pour cette cinquième et dernière année (avant le jeu vidéo), on renoue avec les personnages principaux et particulièrement ceux de l’univers Batman. Terminé le cosmique (Année deux), la magie (Année trois) et les Dieux (de l’Olympe – Année quatre), place aux « simples » figures héroïques ou anti-héroïques de DC Comics.
Comprendre que c’est la poignée d’insurgés et les soutiens au régime qui sont au cœur de l’ouvrage avec une place assez prononcée pour Bizarro (on y reviendra) et, surtout, Batman et ses alliés. Après cinq années de résistance, l’homme chauve-souris ne flanche toujours pas. La libération des anciens prisonniers d’Arkham (par Plastic Man à la fin du volet précédent) accentue les problèmes. De quoi ajouter quelques célèbres ennemis du Chevalier Noir dans l’équation : Bane, le Pingouin, Victor Zsasz, Killer Croc…
En plus de cela, toujours lié au BatVerse, Alfred est également assez présent, lui qui avait frappé Superman dans le premier volet ! L’étau se resserre aussi pour Batgirl et Batwoman, les deux ultimes alliées de Batman (il a manqué un épisode entier consacré aux deux, surtout Batwoman, souvent effleurée, mais tant pis). Harley Quinn a elle aussi droit à son segment, quant à Catwoman, elle adopte une posture intéressante : une sorte de démission, voyant que la résistance est futile (et surtout à cause d’autres évènements que nous ne dévoilerons pas). Damian Wayne a droit aussi à une évolution intéressante (on notera d’ailleurs qu’il n’y a que dans Injustice où l’enfant a une véritable croissance, il est passé à adolescent voire jeune adulte).
C’est aussi l’apparition ou le retour (plus ou moins éphémère) de quelques figures DC emblématiques : Hawkman (grand absent de la saga jusqu’à ce dernier tome), Black Adam (juste vu en première année rapidement), Deathstroke et quelques autres (on aurait aimé revoir les Teen Titans, dommage), dont Bizarro (jamais nommé ainsi dans le récit). La création de Lex Luthor, longtemps teasée dans la fiction, est enfin vivante et violente, adversaire de choix pour Superman. Rappelons qu’à ce stade, Luthor joue sur les deux tableaux et que l’espoir réside dans la kryptonite ou… le multivers (le voyage dans le temps est abordé mais vite balayé). Ce n’est pas une surprise pour quiconque connaît ou a joué au jeu vidéo. Vaguement évoqué lors du tome précédent, on passe à la vitesse supérieure dans la dernière ligne droite du comic book sur ce sujet.
De quoi en ressortir… frustré ! En effet, la fin est terriblement ouverte et pour connaître la suite, il n’y a que deux options : lire Injustice – Ground Zero, qui en est la suite directe et poursuit l’intrigue mais du point de vue d’Harley Quinn, ou bien jouer au jeu vidéo qui débute juste après la dernière planche d’Injustice (ou alors regarder les vidéos cinématiques sur YouTube pour ceux qui ne pourraient pas y jouer ou avoir le temps nécessaire à terminer son mode histoire).
Cette semi-conclusion est donc à la fois réussie (elle se connecte brillamment au début du jeu vidéo) et décevante (pour les lecteurs de comics uniquement, il n’y a pas de véritable fin). Cette critique sera d’ailleurs actualisée une fois Injustice – Ground Zero chroniqué afin de voir si l’on doit être sévère ou non sur ce point mais il est étrange que tout ce qu’il se déroule dans le jeu vidéo n’ait pas fait l’objet d’une adaptation en bande dessinée pour achever brillamment la saga Injustice. Légère mise à jour : les évènements d’Injustice (le jeu) sont bien relatés dans Ground Zero mais de façon un peu secondaire, c’est l’évolution d’Harley Quinn qui occupe la place principale du comic book. En revanche, il faut attendre Injustice 2 (en bandes dessinées) pour enfin voir des personnages cruciaux de DC non exploités jusqu’ici : la Suicide Squad, Blue Beetle, Booster Gold, Animal Mal, Ra’s al Ghul, etc. D’ailleurs, l’adaptation en film d’animation éponyme (cf. index) pioche dans les deux séries (Injustice et Injustice 2) pour produire une fiction (assez moyenne) qui synthétiserait et vulgariserait tout ceci (en mettant de côté les parties mystiques et les Dieux de l’Olympe entre autres).
Si l’on met de côté la fin de cette cinquième et « dernière » intégrale/année (allongée de huit épisodes pour l’occasion), on a quand même droit à un titre de qualité. Impossible d’arrêter de lire tant l’enchaînement des situations, les rebondissements et la folie grandissante de Superman sont prenantes. Le rythme souvent haletant depuis le début de la série est encore plus prononcé ici (malgré la parenthèse sur Bizarro, qui permet aussi de souffler un peu). Surtout : l’entourage de l’Homme d’Acier est désormais contre tous ses principes et sa façon de faire. Mais peu osent le dire ou se risqueraient à partir… L’occasion d’avoir (enfin !) un épisode sur Flash (comme c’était souhaité lors de la critique de l’Année quatre) même si son choix final semble aller à l’encontre de ce qu’il traverse avant.
La lecture est dans tous les cas plaisante, originale et passionnante. En cela, Brian Buccellato a bien étendu le travail de Tom Taylor. Certes Taylor était peut-être un peu plus dans la finesse mais Buccellato n’a pas à rougir non plus de son écriture (il suffit de lire quelques critiques en ligne pour constater une certaine « hostilité » envers Buccellato, qui nous semble un peu disproportionnée – peut-être lié au rythme de lecture initiale, moins soutenu et plus étalé dans le temps). Il manque juste (dans l’entièreté de la saga) un point de vue citoyen ou journaliste pour constater l’évolution du nouveau régime mais tant pis.
Si Superman avait franchit des limites plus que de raisons ces derniers temps, il passe encore un cap au-dessus. Il est prêt à tuer pour arriver à ses fins et n’hésite pas à assassiner de simples civils s’opposant à son régime ! Une ligne inimaginable il y a encore peu. Même s’il clame la paix durable comme mantra, au fond de lui-même il se sait dictateur. Une paix basée sur la peur et la démonstration de force et peu importe si cette façon de faire gêne quelqu’un. C’est tout le propos de ce volume où l’on sait que le retour en arrière n’est absolument plus possible.
Difficile d’en dire plus sans gâcher le plaisir de lecture qui, on le rappelle, pourra déboucher sur une frustration/déception si on ne connaît pas le jeu vidéo. Quoiqu’il en soit, on conseille toute l’entièreté de la série Injustice, s’il fallait faire l’impasse (pour des raisons économiques) sur un ou deux tomes alors il suffit de voir ce qui nous passionne le moins : si c’est le cosmique et les Green Lantern, Année deux est facultatif, si c’est la magie et Constantine, Année trois n’est pas recommandé et évidemment si c’est la mythologique grecque et Wonder Woman, Année quatre est l’opus à éviter. Oui il est possible de ne lire que le premier (Année un) et ce dernier mais ce serait dommage. D’autant plus pour les fans de Batman tant cette Année cinq convoque une belle galerie de l’univers du Chevalier Noir.
Côté dessins, on retrouve l’habituelle brochette d’artistes plus ou moins inspirés : Mike S. Miller, Iban Coello, Tom Derenick, Bruno Redondo, Xermanico et Marco Santucci. Cela a été répété, c’est le gros défaut de l’œuvre : une succession de dessinateurs aux styles variables (sans casser une certaine homogénéité visuelle – grâce aux costumes et à la colorisation) et croquant des visages parfois hideux. Un point noir désolant mais quasiment inévitable… On rappelle aussi que la publication initiale au format digital empêche les dessins pleines planches, privant ainsi la fiction de scènes potentiellement plus épiques ou émouvantes.
Injustice est (rapidement) devenue un titre culte, bien aidé par l’engouement et les ventes du jeu vidéo bien sûr, mais aussi pour les amoureux de DC Comics qui ne s’y retrouvaient peut-être pas (à l’époque) dans les titres DC autour de la Justice League (donc la période Renaissance/New 52, assez clivante). Coup de maître : la saga de Tom Taylor est paradoxalement particulièrement accessible ! Les non-initiés peuvent donc se prendre de passion pour ce récit si singulier, sans avoir trop de connaissances en amont. La série était déjà dans les coups de cœur du site, il serait dommage de s’en priver, surtout vu la qualité des rééditions intégrales !
La suite est à découvrir dans le jeu vidéo, qui bénéficie aussi d’un résumé très complet dans cet article. À noter que cette dernière intégrale regroupe donc les tomes simples 7 et 8 de la précédente édition (quelques couvertures alternatives ne sont pas reprises dans l’intégrale). Retrouvez l’index de toute la saga Injustice sur cette page.
[À propos]
Publié chez Urban Comics le 12 novembre 2021.
Contient : Injustice : Gods Among Us Year Five #1-20 + Annual #1
Nombre de pages : 488
Scénario : Brian Buccellato
Dessin et encrage : Mike S. Miller, Iban Coello, Tom Derenick, Bruno Redondo, Xermanico, Marco Santucci
Encrage additionnel : Juan Albarran
Couleur : J. Nanjan, Rex Lokus
Traduction : Thomas Davier
Lettrage : Kromatik
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