[Histoire]
Un vaisseau s’écrase dans un champs. Ce n’est pas Superman qui en sort mais… un Lex Luthor adulte, en armure, qui cherche des super-héros !
Ailleurs, la Justice League est appelée au secours d’un avion de ligne en détresse mais une fois sur place, ils constatent que tous les passagers sont morts. Curieusement, ceux-ci ont tous le cœur à droite !
La Ligue se rend peu après au bureau de Luthor justement, pour savoir s’il est impliqué, mais très vite, les membres se rendent compte qu’il ne s’agit pas de « leur » Lex Luthor car celui-ci est plutôt bon, gentil et altruiste. C’est en fait son « double », venu d’une planète jumelle de la Terre.
Dans cet endroit les choses sont inversées par rapport à l’univers que l’on connaît : Luthor est un héros tandis que les justiciers (le Syndicat du Crime) terrorisent la population et les autorités. Luthor s’est donc échappé de son monde pour venir demander de l’aide aux héros de notre planète, qu’il a surnommé Terre 2.
[Critique]
Une courte histoire indépendante (une centaine de pages seulement) écrite par Grant Morrison et dessinée par Frank Quitely, voilà qui donne envie ! Bien avant que le duo n’officie sur Batman (Incorporated notamment), il signe ce récit marginal en 2000, au thème classique : « l’inversion » du Bien et du Mal, dans lequel chaque super-héros se retrouve face à son double maléfique.
Si l’histoire se lit relativement bien, sa fin pourra dérouter par son côté trop « facile » (ou très malin et bien pensé, c’est selon). Une morale et des valeurs inversées ? Pas si simple. La réflexion se pose et finalement, la question du Bien et du Mal n’a pas vraiment de réponse. C’est cette absence de manichéisme et de jugement classique qui apportent les meilleurs atouts à L’Autre Terre, une œuvre par ailleurs très accessible et qui ne part pas dans tous les sens. Hélas, mais c’était sans doute une nécessité, pas le temps de s’attarder un peu plus sur ce Syndicat du Crime et la vie de cette planète jumelle.
Car au-delà du côté plus ou moins philosophique de l’œuvre, c’est son aspect cru et très cynique qui interpelle et il est dommage de ne pas explorer ses représentants : Ultraman, ultra violent et paranoïaque surtout (le Superman de cette autre Terre), Owlman, manipulateur blasé (Batman), SuperWoman, nymphomane perverse (Wonder Woman), Johnny Quick, drogué addict (Flash) et enfin Power Ring, simplet et pleutre (Green Lantern).
Petite mention pour Owlman, le pendant de l’homme chauve-souris, évidemment, qui a donc le hibou pour emblème (bien avant La Cour des Hiboux et dont le costume rappelle celui du personnage éponyme dans Watchmen et Before Watchmen). On découvre que Wayne est commissaire et doit faire face au caïd Gordon. Il s’agit de Thomas Wayne Senior. On comprend que sa femme est morte, ainsi que son fils Bruce frère de… son Thomas Junior (qui est donc le fameux Owlman). Une fois encore, cela rappelle la conclusion de La Nuit des Hiboux, Scott Snyder a peut-être puisé une de ses ressources là-dedans ? Ce côté alternatif évoque aussi celui de l’excellent Terre Un et de Flashpoint (dans lequel l’arc sur Batman était extrêmement réussi !).
On regrettera donc -un peu- qu’il n’y ait pas plus de planches pour découvrir plus en détails ces protagonistes, d’un côté comme de l’autre, c’est le trio Batman/Superman/Wonder Woman qui est mis en avant, au détriment des autres qui font plus de la figuration qu’autre chose (Aquaman et Le Limier Martien sont de la partie aussi). Paradoxalement, une œuvre plus dense et donc plus longue aurait certainement peu convaincu par rapport à sa fin.
Les dessins des visages de Quitely, les lèvres notamment, sont toujours ce qui peut le plus dérouter un lecteur. Le style de l’artiste est très particulier, à feuilleter donc avant l’achat. L’Autre Terre est un récit peut-être trop surestimé car à la fois accessible pour les novices (au niveau des personnages et de l’univers) mais beaucoup moins par son aspect scénaristique. Il est d’ailleurs conseillé de le lire deux voire trois fois pour être bien sûr de tout comprendre. En revanche, pas de scènes épiques et mémorables de la Justice League « classique », il faut se tourner vers d’autres comics pour cela (la collection Renaissance actuelle est idéale pour ça). Script original, story-board et divers croquis enrichissent l’édition (ce qui représente presque un tiers du livre !).
[À propos]
Publiée en France chez Urban Comics le 20 juin 2014.
Titre original : JLA Earth 2 [The Deluxe Edition]
Scénario : Grant Morrison
Dessin : Frank Quitely
Couleur : Laura Martin / Wildstorm FX
Lettrage : Stephan Boschat – Studio Makma
Traduction : Laurent Queyssi
Première publication originale en septembre 2000.
Publiée chez Soleil en novembre 2010, dans le premier tome (sur trois) de leur « collection » JLA (format très agrandi, proche de la BD franco-belge, pour les intéressés).
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