Après une première intégrale assez inégale et une deuxième plus passionnante, place à l’avant-dernière de la longue saga Grant Morrison présente Batman (cf. index dédié) ! Ce troisième opus est l’un des plus conséquents (600 pages !) et probablement le plus « fourre-tout » de la série. Il compile et s’ouvre sur le tome 5 de l’ancienne édition Le retour de Bruce Wayne (déjà publié en 2011 par Panini Comics dans deux fascicules kiosque hors-série de leur magazine Batman Universe – voir couvertures ci-dessous) et se conclut par le tome 0 (Gothique) qui s’était greffé rétroactivement à ce run (avec du contenu initialement et majoritairement publié en 1990 !).
Également au programme, deux épisodes conclusifs et de transition (un de la série Batman & Robin et un du one-shot Batman : The Return), qui étaient dans le tome 6 de la précédente édition (Batman contre Robin, couverture orange). Enfin, les deux deniers tiers du tome 4 (Le dossier noir) sont inclus au milieu de cette intégrale (son premier tiers étant dans la deuxième intégrale rééditée pour une lecture plus cohérente). Tout le monde suit ? Oui ? Alors c’est parfait. Non ? Alors pas de problème, on va prendre le temps d’expliciter tout cela et décrire ce qu’il se déroule dans des nouvelles montagnes russes d’aventures pour Bruce/Batman !
[Résumé de l’éditeur]
Bruce Wayne a été envoyé à l’aube de l’humanité par le tyran Darkseid. Amnésique, il va devoir user de toutes ses ressources pour retrouver son chemin dans le temps, se projetant à chaque fois plus en avant dans les époques, pourchassé par un monstre créé par Darkseid.
Inutile de détailler le début de l’histoire, le résumé officiel de l’éditeur suffit.
[Critique]
Une fois de plus, cette intégrale de Grant Morrison présente Batman enchaîne différents segments complètement inégaux. Le premier se compose donc des six épisodes de la mini-série Le retour de Bruce Wayne, le dernier épisode de Batman & Robin (#16) couplé au chapitre unique (one-shot) de Batman : The Return #1 – rassemblés sous les titres Que meurent Batman et Robin puis Batman : Le Retour. Dans un second temps, le conséquent Le Dossier Noir compile d’anciennes publications principalement des années 1950, mais aussi 1960 et 1990 et (re)vient sur quatre « sujets » (ils sont nommés ainsi) : Le club des héros, Zur-en-Arrh, Dr Hurt et Barbatos. Enfin, dans sa dernière ligne droite, cette avant-dernière intégrale propose Gothique, cinq épisodes de Legends of the Dark Knight plus de quinze ans avant que Grant Morrisson entame son run (et peu après sa première incursion chez l’homme chauve-souris avec son implacable Arkham Asylum).
Le retour de Bruce Wayne est malheureusement (et une fois de plus) un beau bordel. Le renvoi dans le temps causé par Darkseid (en conclusion de Final Crisis) est un prétexte simpliste qui permet de faire voyager Bruce à différentes époques mais ce dernier est amnésique et, pourtant, comprend qu’il n’est pas à sa place. Il enchaîne donc des sauts à différents moments fleuves : la préhistoire, l’époque des premiers colons, la piraterie, le Far West, l’ère de la mafia et évidemment le présent aux côtés de ses alliés de la Justice League. Ces derniers (dont Superman et quelques autres) se retrouvent « au point de fuite » géré par « l’autorité linéaire » (bon courage pour comprendre ce labyrinthe verbeux – un extrait en image tout en bas de cette critique).
Ce qui aurait pu être particulièrement passionnant est une succession de brèves histoires guère passionnantes, à l’exception du segment s’orientant du côté des films noirs et un peu des gangsters (pas sans rappeler le chouette Gotham City – Année Un). On reconnaît à peine Bruce Wayne (visuellement parlant), chaque épisode met en scène des personnages éphémères auxquels on ne s’intéresse pas. C’est dommage car le précédent opus sous-entendait quelques traces du passé et indices laissés par Bruce pour alarmer sa Bat-Famille coincée « dans le futur » afin qu’elle vienne l’aider. C’est plus ou moins le cas mais on a du mal à savoir si c’est volontaire ou non… Comme toujours avec Morrison, on ne sait pas très bien si la narration et les dialogues – globalement confus – sont maîtrisés pour mieux surprendre plus tard. De même, il semble que Bruce créé sans le savoir son propre héritage et influe sur ses ancêtres mais c’est mal narré et peu intelligible…
L’évolution de Bruce s’accompagne heureusement de quelques éléments familiers. Ainsi, la figure déifique de Barbatos, Dieu chauve-souris adulé par des peuples, le Dr. Hurt et le chasseur de primes Jonah Hex croisent donc le milliardaire paumé qui rend service ou combat quelques injustices à l’occasion. L’ensemble du titre aurait pu être tiré vers le haut grâce à une jolie proposition graphique (on parle quand même d’un proto-Batman à la préhistoire ou face à Barbe Noire !) mais chaque épisode bénéficie d’un dessinateur différent. Là aussi, ça pourrait être cohérent (une époque correspondrait à un voyage visuel) mais, hélas, chaque artiste a un style peu marquant, ni foncièrement mauvais, ni drastiquement joli, à quelques séquences près. Faute aussi à une colorisation toujours lisse et sans réel éclat.
Se succèdent ainsi aux pinceaux quelques noms plus ou moins prestigieux : Chris Sprouse (Tom Strong, Ocean, Midnighter…), Frazer Irving (image juste au-dessus, artiste déjà sur trois épisodes – les plus hideux – de l’intégrale précédente), Yanick Paquette (Swamp Thing période New 52/Renaissance, Wonder Woman – Terre Un et il assurera les deux séries Batman Incorporated au cœur de la quatrième et dernière intégrale), Georges Jeanty (Buffy contre les vampires…), Ryan Sook (Arkham Asylum : Living Hell, Hawkman…) et Lee Garbett (Midnighter, Dreamwar…) – tous deux accompagnés de Pere Pérez (Harbinger, Action Comics, Batgirl…)
On retient les planches de Paquette et celles de Sook qui sauvent un peu la fiction. En synthèse, les six épisodes du retour de Bruce Wayne se lisent sans réel plaisir. Ce n’est pas désagréable, on comprend l’ensemble mais fort de ce concept, on pouvait légitimement s’attendre à quelque chose d’encore plus original et mieux écrit ; un traitement plus épique et palpitant était visiblement trop simpliste pour Morrison qui préfère perdre son lectorat sous couvert de discours complexe et pénible.
La titre s’offre une sorte d’interlude avec Que meurent Batman et Robin puis Batman : Le Retour narrant tous deux, évidemment, le retour de Batman. Le premier chapitre est dessiné par Frazer Irving, Cameron Stewart et Chris Burnham, rien que ça ! Si, graphiquement, la fiction n’est pas très marquante, on apprécie la confrontation entre Batman et Hurt qui reprend et, surtout, les retrouvailles entre Bruce/Batman avec Dick/Batman et Damian/Robin. Puis, surtout, on apprécie (et retient) carrément le second épisode, magnifiquement croqué par David Finch (Justice League…) et montrant un Wayne requinqué, plein d’assurance (cf. les deux premières illustrations après la section À propos).
Révolution dans l’univers de Batman : le philanthrope Bruce Wayne confesse devant les médias et le public qu’il finance la croisade de Batman depuis des années ! Une évidence vu les moyens technologiques usités par le justicier dont le combat a touché Wayne. L’entrepreneur annonce même la création de « Batman Incorporated », promettant une armée de Batmen dans différents pays ! Un concept fort alléchant qui se déploiera principalement dans la quatrième et dernière intégrale puisque toute la suite de cette troisième se concentre (à nouveau) sur le passé de Batman (par Morrison et d’autres). Léger spoiler : Batman Inc. sera – comme pas mal de choses du run de Morrison – une proposition intéressante mais tellement mal exploitée… On y reviendra dans la dernière critique.
Au programme également, une (nouvelle) organisation mystérieuse, Léviathan, un ennemi énigmatique (un de plus) et de belles promesses narratives (qui seront globalement tenues – comprendre trouveront une résolution, plus ou moins satisfaisantes en fonction des exigences de chacun). Ce retour au présent, à la modernité et à un Batman plus classique est paradoxalement une vraie bouffée d’air frais tant ce qui l’a précédé était peu passionnant.
Le Dossier Noir est le nom donné au fameux dossier qui renferme les aventures les plus étranges de Batman, qu’il consigne lui-même dans… un dossier noir donc. En réalité, c’est une appellation éditoriale prétexte à publier de vieux épisodes datant d’il y a plusieurs décennies qui permettent de se rafraîchir la mémoire mais surtout découvrir des éléments de patrimoine qu’a réutilisé évidement Morrison dans son travail (il contextualise d’ailleurs cette compilation en avant-propos). Cette plongée nostalgique est évidemment plutôt kitch et a parfois mal vieilli. Néanmoins elle permet de (re)découvrir, pour la première fois en français, d’étranges pépites à l’intérêt variable, peut-être davantage historique. Une curiosité pour aficionados et complétistes peut-être, une lecture « forcée » pour les autres, probablement.
C’est toujours difficile de critiquer ce genre de (très) vieilles aventures, qui montrent plutôt les obligations de DC Comics de l’époque : des récits légers, complets en dix pages, volubiles et avec une narration omniprésente. Chaque épisode est introduit par Morrison lui-même et sont classés par « sujet ». Le premier est Le club des héros. On découvre ainsi la première apparition du club des héros dans Les Batmen de tous les pays (Detective Comics #215, janvier 1955) puis Le club des héros (World’s Finest Comics #89, juillet-août 1957), tous deux écrits (et donc créés) par Ed Hamilton. Le premier est dessiné par Sheldon Moldoff (ancien assistant de Bob Kane), le second par Dick Sprang, deux artistes prolifiques de cette période.
Le premier épisode montre les différents Batman se rassemblent à Gotham City, tous heureux de rencontre leur modèle et héros, et s’unissent pour combattre un criminel. Le second les regroupe à nouveau avec un certain John Mahew et Superman. L’homme d’acier et l’homme chauve-souris se disputent le titre de président du fameux club d’une étrange façon, chacun étant trop modeste pour l’occuper. En parallèle, un nouveau justicier débarque, Le Fulgurant. Ces deux récits apportent rétroactivement un complément non négligeable au récit du premier tome (et de la première intégrale), également appelé Le club des héros. C’est donc très bien de le proposer mais ça arrive un peu tard, rendant moins complexe la compréhension de la version modernisée, ou plutôt la rendant plus cohérente.
Deuxième sujet : Zur-en-Arrh. Deux récits vont mettre en scène le fameux Batman Zur-en-Arrh puis le…Bat-Mite ! Dans Batman, surhomme de la planète X (Batman #113, février 1958), France Ed Herron créé ce Chevalier Noir plus coloré et étrange que l’original, fruit d’une vision ou d’une planète extraterrestre, on ne sait pas trop ; sous les traits de Dick Sprang (encore). L’aventure est loufoque à souhait, complètement psychédélique et tournée dans de la science-fiction un peu cheap. MAIS… une fois encore, cela permet de mieux comprendre d’où venait le Zur-en-Arrh qu’a repris Morrison ensuite (puis Zdarsky dans son Batman – Dark City). On aurait donc aimé lire cela bien plus tôt…
Dans Le baroud du Bat-Mite (Detective Comics #267, mai 1959), le célèbre Bill Finger (véritable créateur de Batman), conçoit une version Batmanesque de M. Myxyzptlk, mythique ennemi de Superman assez populaire. Cette transposition d’un farfadet magique, facétieux et dévastateur dénote totalement avec l’univers habituel du Chevalier Noir mais rencontre un certain succès chez les plus jeunes lecteurs. C’est Sheldon Moldoff (encore) qui croque donc pour la première fois le Bat-Mite, un peu ridicule mais déboulant donc dans la galerie des nombreux protagonistes de la mythologie de Batman.
Troisième sujet : Dr Hurt ! Cela devient (enfin) un peu plus passionnant. On a droit à deux récits de Bill Finger, toujours dessinés par Sheldon Moldoff et publiés à sept ans d’intervalle ! Le premier Batman (Detective Comics #235, septembre 1956) est d’une importance capitale : on y apprend que Joe Chill, l’assassin des parents de Bruce, n’était pas un banal voleur mais un tueur à gages engagé par un autre criminel, Moxon. Pourquoi ? Parce que Thomas Wayne, vêtu d’un costume de chauve-souris pour un bal masqué thématique, s’était fait kidnapper par les hommes de Moxon afin de soigner ce dernier, blessé par balles. Le père de Bruce put s’échapper et les livrer à la police mais Moxon, dix ans plus tard à sa sortie de prison, décida de se venger.
Le premier Batman change rétroactivement un pan culte des origines de Batman ! Cela pourrait être mal accueilli mais comme c’est sous la plume de Bill Finger lui-même, c’est tout à fait acceptable voire cohérent pour « boucler la boucle » de la thématique chauve-souris. En revanche, cela remet en question le meurtre des Wayne, qui n’était donc plus lié « au hasard » (ils se sont trouvés au mauvais endroit au mauvais moment) car cela sous-entend que tout était prémédité… À chacun d’y voir sa version favorite. Le Dr. Hurt n’apparaît pas ici mais Morrison reprendra ce souvenir par la suite – comme on a pu le lire plus tôt dans son run.
Robin meurt à l’aube (Batman #156, juin 1963) démarre comme une énième aventure kitch et psychédélique – Batman et Robin sur une planète face à des créatures et un robot rose géant – avant de révéler une illusion féroce réalisée par le Dr. Hurt mais sans méchanceté derrière. Au contraire, cette première mouture d’Hurt est d’ailleurs innocente, l’itération Morissonesque sera bien plus machiavélique (même si – a posteriori –, l’ennemi ne rentrera pas dans le prestigieux panthéon des vilains charismatiques de l’univers de Batman ; faute à une écriture étrange et des ambitions confuses).
Quatrième et dernier sujet de ce dossier noir : Barbatos. L’œuvre est plus récente cette fois (août-septembre 1990), écrite par Peter Milligan, scénariste proche de Morrison. Dans Chevalier Noir, ville ténébreuse (Batman #452-454 – donc trois chapitres de 20 pages, soit le récit le plus long de cette session), l’on suit deux arcs narratifs. L’un se déroule en 1764, Jacob Stockman s’apprête à exercer un sacrifice humain pour convoquer Barbatos, lors d’un rituel avec d’autres membres d’une sorte de secte. L’autre se déroule « dans le présent » (et occupe la majorité de l’ensemble) où le Sphinx enchaîne des épreuves délicates pour le Chevalier Noir. Les énigmes ne sont pas très compliquées mais le Sphinx a carrément mis quatre bébés en danger pour arriver à ses fins !
De quoi être en adéquation avec le Chevalier Noir durant sa lecture : tout comme lui on ne comprend pas (dans un premier temps) la finalité de tout ceci, aussi bien la corrélation entre les deux époques que l’objectif de Nygma, bien plus virulent qu’à l’accoutumée. Les épisodes sont dessinés par Kieron Dwyer dans une veine délicieusement rétro de la fin des années 1980, un style brut, une atmosphère lugubre, des scènes sanglantes, etc. Pas de doute, on surfe toujours sur la période post The Dark Knight Returns (1986). Impossible de ne pas penser à Le Culte (publié peu avant, en 1989) également ! Le titre est plus abordable (que ceux d’avant et, paradoxalement, que ceux d’après de Morrison) et se connecte au Retour de Bruce Wayne à nouveau puisqu’il était question de Barbatos dedans (mais, une énième fois, ça aurait été bien de lire ça avant pour mieux capter le puzzle narratif et bordélique de Morrison).
Ce « Dossier Noir » est donc inégal mais pas déplaisant pour autant, suffit de fermer les yeux sur le ridicule de quelques segments propres à leur époque. On le martèle : on se demande surtout pourquoi elle n’a pas été proposée plus tôt ! Comme Morrison a pioché dans tout cela et l’a injecté directement dès le début de son run, on aurait préférer connaître ces vieilles aventures à ce moment-là… Néanmoins, ça a le mérite de rendre les précédentes aventures signées Morrison moins obscures et plus accessibles (compréhensibles ?) pour le commun des mortels.
On ne peut pas reprocher à l’auteur de puiser dans l’énorme galerie de personnages qui ont existé dans l’univers dantesque et hétérogène du Chevalier Noir. Toutefois, reprendre des protagonistes aussi peu captivants pour leur apporter un traitement un brin superficiel reste dommage (déjà observé avec le club des héros dans la première intégrale et se confirmera, hélas, par la suite avec la plupart d’entre eux au sein de Batman Inc.). On apprécie en revanche la matière des pages, davantage granuleuses et solides de ces pastilles nostalgiques, qui tranchent avec le papier glacé moins épais des autres aventures, plus contemporaines, également au sein de l’opus. Fermeture des sujets du dossier noir, place à la suite !
Quatrième et dernier ajout à cette intégrale : Gothique, une histoire en cinq chapitres (Legends of the Dark Knight #6-10) publié en 1990 ! Il s’agit du troisième travail de Grant Morrison sur Batman après une nouvelle (très anecdotique) de trois pages sur Catwoman qui s’introduit dans la Batcave (inclut après Gothique), intitulée La traque (The Stalking) et datant de 1986, initialement parue dans les pages du magazine anglais Batman Annual. Son deuxième jet sur l’homme chauve-souris est nettement plus célèbre et réussi : le récit complet incontournable Arkham Asylum (L’Asile d’Arkham), de 1989. Il y a ensuite eu ce Gothique puis, presque quinze plus tard, son début de run en 2006 qui dura pile sept années !
Si Gothique est proposé rétroactivement dans son run, c’est parce qu’il met en avant un ennemi inédit, M. Murmure, dans une fiction qui flirte avec l’occultisme et les malédictions, les sacrifices, etc. Sans oublier qu’on retrouve (un peu) chez Murmure un peu du futur Dr Hurt. En somme, un titre totalement en phase avec qu’a injecté plus tard Morrison dans sa fresque, principalement ce qu’on retrouve justement dans cette troisième intégrale avec le segment sur Le retour de Bruce Wayne puis Que meurent Batman et Robin puis Batman : Le Retour. On ressent aussi une sorte de prolongation (autant visuelle que narrative) des trois épisodes de Chevalier Noir, ville ténébreuse qu’on vient de découvrir (mais écrits par Peter Milligan attention).
Bien évidemment, Gothique peut se lire indépendamment de tout le reste – il est d’ailleurs dommage qu’Urban ne le propose plus en tome simple unique même s’il sera, en toute logique, présent dans le probablement troisième opus de l’année 1990 de Batman Chronicles. La force de Gothique réside dans ses planches incroyablement dynamiques de la ville de Gotham auquel rend hommage le dessinateur Klaus Janson (encreur mémorable de The Dark Knight Returns et artiste accompli, prolifique et multitâche chez Marvel puis DC Comics) et le coloriste Steve Buccellato (en moyenne forme – surtout dans les flash-backs).
Du terme « gothique » résulte évidemment l’architecture globale qu’on perçoit dans l’urbanité de l’ensemble (principalement au début et à la fin) mais aussi différents éléments de la fiction qui montrent la croisade d’un Batman confiant, voire prenant un malin plaisir à en découdre avec des ennemis. Dans sa quête, l’homme chauve-souris cherche un mystérieux homme normalement mort des années plus tôt et tuant des mafieux. Ces derniers réclament même l’aide du justicier ! En parallèle, Bruce Wayne se remémore des pans de son passé, mélangés à d’étranges rêves et perd parfois pied… Un polar teinté d’un peu de surnaturel donc.
Une fois de plus, ou plutôt « déjà à l’époque », Grant Morrison ne cesse de jouer sur les faux semblants avec des passages abscons. C’est plus limpide que ce qu’il présentera plus tard mais cela reste un peu étrange et pas réellement passionnant non plus. Heureusement, la force graphique impulsé tout le long hisse la fiction vers le haut (la couverture initiale du tome est simplement la reprise d’une pleine page par exemple). Il est cohérent d’avoir ajouté ce titre à cet endroit précis des intégrales mais il n’est pas non plus « réellement » relié au reste… Cela ne change pas le prix de l’intégrale et permet d’avoir l’ensemble des travaux de Morrison au même endroit alors pas de quoi se plaindre. Néanmoins, Gothique n’est pas incontournable, au contraire… Au moins il se lit rapidement, contrairement au reste du pavé, c’est déjà ça.
Cette troisième intégrale est donc sans aucun doute la plus faible, on peut même la dire dispensable, malgré le milieu du titre sympathique (le retour de Bruce/Batman à Gotham dans le présent et l’annonce de l’organisation Batman Inc. – soit deux chapitres au total seulement) et quelques curiosités « vintages » (celui de Bill Finger sur Le Premier Batman et celui sur le Sphinx de Peter Milligan). Grant Morrison se vautre (encore) dans une écriture inintelligible. Ce n’est pas « complexe », dans le sens où ce serait exigeant, intellectuellement stimulant et force de réflexion, d’analyse poussée, c’est juste « compliqué » car pas limpide, peu compréhensible, parfois prétentieux, trop verbeux, inutilement bavard, etc. On l’avait déjà constaté dans la seconde moitié de la première intégrale et un tout petit peu à la fin de la deuxième. Ici, c’est tout le segment du Retour de Bruce Wayne qui l’est puis, un petit peu à nouveau, Gothique.
Malgré tous ces défauts (surtout en rédigeant une critique tant d’années après la mise en vente), force est de constater la puissance populaire du run de Morrison mais elle est à nuancer : c’est avant-tout le personnage de Damian qui marque les esprits et continue de vivre dans la chronologie du Chevalier Noir. Comme on le soulignait plus haut, le Dr Hurt (dont c’est la fin de son arc dans ce troisième opus) n’est pas resté au panthéon des ennemis inoubliables . Tout le voyage dans le temps et le passé n’aura pas d’incidences par la suite, un véritable coup manqué après cette aubaine. Enfin, il en sera de même pour l’organisation Batman Inc. (pourtant une excellente idée) mais c’est à découvrir dans la suite et fin avec la quatrième intégrale !
[À propos]
Publié chez Urban Comics le 26 octobre 2018.
Contient : The Return of Bruce Wayne #1-6, Batman and Robin #16, Batman: The Return #1, Legends of the Dark Knight #6-10, Batman: The Black Casebook, Dark Knight, Dark City (Batman #452-454)
Nombre de pages : 592
Scénario : Grant Morrison (sauf les « dossiers noirs »)
Dessin : Collectif (voir article)
Encrage : Collectif
Couleur : Collectif (voir article)
Traduction : Alex Nikolavitch
Lettrage : Christophe Semal et Laurence Hingray
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