Page récapitulative de la série Gotham.
Après une première saison en demi-teinte mais qui s’améliorait sur la fin, que vaut cette première partie de la saison 2 (soit 11 épisodes), intitulée Rise of the Villains (« La montée des méchants ») ? Globalement c’est nettement mieux, clairement ! Toujours de petits défauts inhérents au genre mais tout est déjà (largement) plus appréciable qu’auparavant. Explications
Quelle est la situation en début de saison deux ? Le show s’ouvre sur la suite de la scène finale de la précédente, à savoir la découverte d’une pièce souterraine sous le bureau de Thomas Wayne (prémices de la Batcave ?). Celle-ci fera l’objet d’investigation de la part de Bruce et d’Alfred, avec la complicité de Lucius Fox, brièvement introduit en fin de saison 1. Côté GCPD, Gordon et Bullock (qui a raccroché un bref temps) continuent leur combat. Le plus intéressant se situe du côté de Jim Gordon, qui a du « faire quelque chose de mal », donc mettre sa moralité de côté, pour réintégrer pleinement le service de police. Cet aspect est parfois relaté dans les comics et enlève la patte un peu manichéenne qui guide le futur commissaire. C’est une évolution importante à suivre de très près. L’arrivée d’un nouveau chef de police intègre, Nathaniel Barnes (impeccable roc Michael Chiklis), relance efficacement l’histoire de ces fameux protecteurs de Gotham. La petite équipe de jeunes recrues (toujours au GCPD) est, en revanche, assez anecdotique : pas le temps de s’attacher à eux et certains meurent rapidement.
Chez les « méchants », le Pingouin assouvit son règne avec la complicité de Victor Zsasz (qui était une des réussites de la saison 1). Pour rappel : Falcone s’est rangé, Maroni est mort, tuée par Mooney Fish et cette dernière disparue pour l’instant (Copplebot l’avait poussée d’une tour et Fish avait atterrie, blessée, dans l’eau) — nul doute qu’elle reviendra (et c’est dommage, le show gagne en qualité sans elle). Edward Nygma poursuit sa métamorphose en futur Sphinx lentement mais sûrement. L’homme, qui travaille pour le GCPD et est collègue de Gordon, est quasiment schizophrène (ou plutôt a un trouble de la personnalité multiple). Une approche assez étonnante (car éloignée des comics et plutôt orientée pour Double-Face normalement) mais qui fonctionne bien.
La nouveauté se situe dans deux nouveaux personnages inédits : Théo Galavan (très réussi) et sa sœur Tabitha (nettement moins). Tous deux libèrent six prisonniers d’Arkham et ont un plan pour faire régner la terreur dans Gotham avec un autre but caché. Parmi les criminels qui les rejoignent, le fameux Jérôme, aperçu le temps d’un épisode en première saison, qui est clairement un Joker en devenir. C’est l’électron libre qui insuffle une certaine originalité et fascine par sa folie (et ne fait pas semblant d’être « méchant »). Barbara Kean fait aussi partie de cette étrange équipe ! Une grosse surprise puisque l’ex-compagne de Gordon est soudainement devenue une folle meurtrière (à priori elle a tué ses parents mais on n’a jamais su si c’était vraiment elle) et s’en réjouit. C’est clairement le personnage le moins réussi pour l’instant et en terme de cohérence et plausibilité on repassera (pour elle et quelques autres scènes de la série parfois peu crédibles — un aspect à mettre volontairement de côté pour ne pas s’attarder sur les défauts de Gotham, cf. paragraphe plus loin).
Arrivé au onzième épisode (le dernier de Rise of the Villains), on a clairement vu un véritable feuilleton, c’est-à-dire des épisodes qui se suivent et se regardent d’une traite à la suite. Fini les épisodes stand-alone avec un ennemi un peu ridicule (il en demeure encore un ou deux), il y a désormais un véritable fil rouge narratif qui se situe principalement avec l’ascension du futur maire Galavan et ses connexions avec d’autres ennemis qui en découlent (avec, bien sûr, les à côté déjà listés : Nygma meurtrier, Wayne et Alfred…). Les fondations et origines de la ville de Gotham sont très souvent évoquées (rappelant brièvement, avec les notions de cinq familles puissantes et influentes, Les Portes de Gotham) et amèneront sans doute à la Cour des Hiboux (dont la création est relativement récente sur papier). Pour l’instant, contre toute attente, ce sont les moines de l’Ordre de Saint-Dumas (!) qui s’y collent. L’ombre d’Azrael n’est pas loin… Mais les rituels archaïques gravitant autour sont un peu « too much » et, hélas, le grand final autour d’un combat normalement épique est clairement raté. Dommage car l’équipe atypique de Gordon était excellente ! Dommage donc, mais pas grave (ça ne représente même pas 1% de la durée des 11 épisodes).
Parmi les petits rôles emblématiques, citons une version féminine de Firefly plutôt convaincante, quelques apparitions modestes de Harvey Dent, qui poursuit discrètement sa route en tant que procureur et allié de Gordon, une jeune Silver St. Cloud étonnamment rivale avec Bruce (et non amie comme dans les comics mais cela pourra arriver par la suite) et l’ennemi cannibale Flamingo (créé par Grant Morrisson mais un peu raté dans sa version télévisuelle). Cette première partie de saison montre aussi davantage de violence et scènes « gore », ce qui n’est pas plus mal. Non pas qu’il faille absolument en dévoiler pour être un gage de qualité (au contraire), mais un minimum pour cadrer le récit dans un contexte « sombre et violent » (et non plus ou moins « grand public » comme l’était la première saison qui avait du mal à trouver un équilibre adéquat et situer le genre de son récit de façon tranchée).
Les points négatifs sont nettement moins nombreux qu’en première saison. Il est dommage d’avoir sacrifier Jérôme, le « proto Joker » si rapidement (même si l’acteur, plutôt bon au demeurant, en faisait des tonnes) avec une mort étrange en terme de répercussions puisque son « rire » et son « aura maléfique » semblent se propager. Cette espèce d’attribut appartenant au registre fantastique (et non science-fiction) détonne un peu mais la série l’a déjà plus ou moins utilisé également en début de saison (avec un improbable « souffle violet magique » qui aboutissait sur la libération des prisonniers d’Arkham). Il serait bien que Gotham statut d’ailleurs définitivement si elle bascule dans le thriller voire un peu la science-fiction ou si elle embrase carrément le fantastique (donc la magie principalement). À l’instar des comics, c’est une voie extrêmement fragile à exploiter dans l’univers de Batman tout en essayant de rester plausible avec le côté très « réel, brut et urbain » de la série (encore plus dans sa version TV).
Au rayon des improbabilités, justement, mieux vaut fermer volontairement les yeux sur plusieurs autres séquences : l’attaque du commissariat, son « rétablissement » rapide, Nygma qui s’y ballade jour et nuit sans attirer les soupçons et en y découpant et posant des cadavres, la nomination du maire (Galavan) en deux jours… C’est un peu dommage mais ce sont réellement les « seuls défauts » importants de cette première moitié de saison. Les autres relèvent du casting et sont déjà connus depuis le début de la série. Les deux acteurs principaux, Ben McKenzie (Jim Gordon) et David Mazouz (Bruce Wayne), manquent toujours d’un certain charisme et restent très « clichés ». On ne croit pas une seule seconde au jeu d’Erin Richards (Barbara Kean), pas aidée avec l’évolution rocambolesque de son rôle. La nouvelle venue Jessica Lucas (Tabitha Galavan) peine aussi à convaincre (là aussi c’est moins évident tant son rôle étant assez réducteur et ridicule). Tout le reste de la distribution continue d’assurer : Robin Lord Taylor en Pingouin, Donal Logue en Bullock, Sean Pertwee en Alfred, Cory Michael Smith en Nygma (pour peu qu’on accepte la trajectoire donnée à ce personnage particulier), Morena Baccarin en Leslie Thompkins (la bonne trouvaille du show en plus de donner une vraie consistance sur ce docteur future alliée de Batman), Drew Powell en Butch, le second couteau du Pingouin, James Frain, le convaincant et charismatique Theo Galavan (grand atout de cette seconde saison), Chris Chalk en pragmatique Lucius Fox, Natalie Alyn Lind en jeune Silver St. Cloud, Anthony Carrigan en effrayant Victor Zsasz (bien qu’un peu différent aussi de sa version papier) et, enfin, Michael Chiklis, déjà cité, en nouveau chef de police Barnes. Seuls Nicholas D’Agosto (Harvey Dent) et Camren Bicondova (Selina Kyle) sont toujours en demi-teinte, parfois convaincants, parfois pas du tout. Jada Pinkett Smith (Fish Mooney) et Clare Foley (Ivy) sont absentes et ce n’est pas plus mal car elles étaient une des faiblesses de la saison précédente.
En conclusion, Rise of the Villains est une franche réussite — non dénuée de petits défauts certes mais le show trouve enfin sa (bonne) voie — qu’on prend plaisir à suivre (à l’inverse de la saison 1). On retient beaucoup de séquences marquantes : les trois premiers épisodes avec Jérôme, le plan de Galavan, la « chute » du Pingouin, le tournant radical de Nygma (et son couple éphémère très touchant), le GCPD moins corrompu, des associations excitantes entre protagonistes (Gordon et Le Pingouin, Gordon et Alfred, Firefly et Selina, Nygma et Le Pingouin, Lucius et Bullock…), etc. Techniquement parlant, quelques plans se détachent même du lot, un focus sur le visage Gordon lors d’une course-poursuite, une symétrie soignée dans la composition de l’image, le travail de lumière (verte pour Nygma par exemple) et ainsi de suite. On retrouve aussi un peu le côté « burlesque » (par sa musique et le rôle à l’écran) cher à Tim Burton dans ses deux films. Bref, les déçus de la première saison (dont l’auteur de ces lignes) doivent sans hésiter attaquer cette seconde salve pour « enfin » trouver une série plus passionnante et réussie !
La fin de l’épisode 11 annonce quelques éléments importants à venir : Hugo Strange qui œuvre dans l’ombre, Fish Mooney brièvement aperçue, l’arrivée de Mr. Freeze (déjà amenée avec le givre sur le logo de Gotham). La suite, Wrath of the Villains (« La colère des méchants »), est constituée des onze épisodes suivants (11 à 22) et est chroniquée sur cet article.