Archives de catégorie : La Galerie des Vilains

Batman Arkham – Le Sphinx

Ce cinquième volume (sur six) de la collection Batman Arkham se concentre sur Le Sphinx, alias The Riddler en VO, ou encore L’homme-mystère en français ou E. Nigma (de son vrai nom Edward Nigma). Comme les précédents tomes, celui-ci reprend une partie du contenu de son homologue US. Découverte et critique des neuf histoires qui composent le titre, depuis l’apparition du Sphinx en 1948 à son évolution moderne des dernières années, de Bill Finger à Scott Snyder, en passant, entre autres, par Neil Gaiman et Chuck Dixon.

 

Le SphinxDetective Comics #140 (1948)
Scénario : Bill Finger | Dessin : Dick Sprang

Un nouvel ennemi fait son apparition dans Gotham : le Sphinx ! Féru de devinettes, il n’hésite pas à provoquer Batman et Robin pour annoncer ses crimes. Mais Edward Nigma triche pour réussir ses défis et s’assurant la victoire.

La toute première apparition du Riddler ! Forcément, il y a un petit aspect vintage qui prête à sourire en lisant les échanges entre Batman et Robin, entre les protagonistes qui expliquent bien ce qu’ils sont en train de faire pour ne pas dérouter le lecteur. Le charme nostalgique des comics de l’époque… Du reste, au-delà d’être un récit important qui a façonné un ennemi entré au panthéon de la galerie de vilains de Gotham, le chapitre réussit à tenir en haleine et proposer une certaine originalité (surtout au moment de sa publication) avec moins de violence, pas d’armes à feux mais simplement de la ruse. Indispensable pour découvrir les origines du Sphinx !

Le concours de casse-tête criminels !Detective Comics #142 (1948)
Scénario : Bill Finger | Dessin : Dick Sprang

Le Sphinx promet des récompenses pour ceux qui résoudraient ses énigmes. Citoyens, malfrats et policiers se ruent donc dès qu’ils réussissent à trouver la solution des énigmes (peu compliquées) du criminel. En réalité, Nigma profite de ses mouvements de foule pour commettre des vols et faciliter sa fuite grâce aux attroupements !

Suite quasi directe de l’épisode précédent, on reste dans la même veine sur la forme et le fond (avec un travail de traduction à souligner, cf. conclusion générale). En deux épisodes, le (pas encore) célèbre ennemi est croqué et incarné. Mais à ce stade de publication, il pourrait être un énième vilain aléatoire ou interchangeable. C’est d’ailleurs presque ce qu’il se produit car le Sphinx disparaît du parcours éditorial de Batman chez DC Comics pendant presque dix-sept ans puisqu’il réapparaîtra uniquement en 1965, juste à temps pour gagner en popularité et être choisi pour faire partie de la distribution de la série TV des années 1960.

La mort de Batman !The Brave and the Bold #183 (1982)
Scénario : Don Karr | Dessin : Carmine Infantino

Le Sphinx reçoit une mystérieuse aide pour s’évader du pénitencier de Gotham. En parallèle, un vieil auteur de romans est kidnappé, un jeu de cartes est laissé pour Batman qui va devoir suivre un jeu de pistes, aidé par… le Sphinx ! L’improbable alliance va devoir se serrer les coudes pour savoir qui se cache derrière cette mise en scène rappelant, forcément, celle du Riddler…

Après deux chapitres de l’Âge d’Or des comics, place à (la fin) de l’Âge de Bronze et son tournant « moderne », déjà un peu sombre et avec une approche « réaliste ». Ici, le Chevalier Noir s’allie avec le Sphinx, dans un récit hautement bavard, parfois compliqué en terme de logique mais, in fine, plutôt habile et original avec une vraie relation inédite entre le héros et son ennemi. Nigma conserve toujours son justaucorps vert moulant pourvu de points d’interrogations mais a troqué ses éléments vestimentaires violets pour du noir. Un épisode efficace, qui tranche avec les deux précédents, inaugurant un tournant dans ce recueil.

« Quand » est une porte ? – Les origines secrètes du SphinxSecret Origins Special #183 (1989)
Scénario : Neil Gaiman | Dessin : Bernie Mireault

Une équipe de télévision est conviée dans un entrepôt où se situent tous les accessoires et ustensiles géants qu’a utilisé le Sphinx durant sa carrière. Le célèbre Riddler les accueille même pour répondre à leur question et narrer ses origines.

À l’époque de la publication de ce chapitre (octobre 89), la veine « Grim and gritty » est entamée dans le parcours éditorial du Chevalier Noir qui a enchainé les succès critiques et commerciaux, les désillusions mythiques et les virages radicaux : The Dark Knight Returns (1986), Année Un (1987), Killing Joke (1988), Un Deuil dans la Famille (1988-89) – Arkham Asylum (1989) arrivera quelques semaines après « Quand » est une porte ? écrit par le célèbre Neil Gaiman. Pourtant ici, pas d’approche sombre, pas de Batman violent ; il est même absent de l’épisode. Nigma revisite ses origines en les contant lui-même, mentionnant quelques anecdotes lues juste avant dans l’ouvrage. Jouant aussi bien avec les mots et les fausses énigmes que l’approche graphique, très « arty/indépendante » et extrêmement colorée, ce chapitre sonne à la fois comme une conclusion à une longue ère du Sphinx dans les comics et un nouveau départ. In fine, on ne comprend pas trop où veut en venir l’auteur… Pétard mouillé ? Plus ou moins, le chapitre a le mérite de proposer un parti pris singulier mais clivant. On note aussi l’utilisation du nom Nashton, parfois emprunté ou échangé à Nigma. En synthèse, l’épisode le plus étrange de la bande dessinée, à la fois frustrant (on y apprend rien et il ne débouche sur rien) mais hypnotisant.

Questions à choix multiples !Detective Comics Annual #8 (1995)
Scénario : Chuck Dixon | Dessin : Kieron Dwyer

Enfermé à Arkham, Nigma raconte à ses interlocuteurs (derrières un miroir sans tain) son histoire. Son passé, ses envies, son désir vital d’être respecté…

On revisite (encore) les origines du Sphinx – en VO le surtitre du chapitre se nomme Year One – mais cette fois à travers un peu plus d’une cinquantaine de pages et sous le prisme un plus « dark » pré-annoncé et collant davantage à l’époque. Ici, Nigma convoque son enfance banale, brimée par d’autres écoliers d’un côté, assoiffé de connaissances d’un autre, cherchant «simplement » à être respecté à défaut d’être (re)connu. Il martèle qu’il n’a aucun talent, si ce n’est sa fascination et facilité à résoudre des devinettes et, quand il n’y arrive pas, à tricher pour gagner. En somme, rien de très nouveau (surtout après avoir lu les histoires précédentes) mais clairement la meilleure origin story qui n’a pas vieilli. Cet épisode est publié en juillet 1995, soit quelques jours après la sortie du film Batman Forever où le Riddler était incarné par Jim Carrey, dans une veine nettement plus proche de la série TV des années 1960 (et, de facto, des premiers comics sur le célèbre vilain). D’autres comics surferont sur ce regain de popularité, comme le chapitre ci-après, mis en vente également en juillet 1995 pour accompagner le long-métrage.

La boîte aux devinettesBatman : Riddler #1 (1995)
Scénario : Matt Wagner | Dessin : Dave Taylor

Le Sphinx est extrêmement populaire : il anime chaque semaine une émission clandestine qu’il diffuse à la télévision. Dans celle-ci, il soumet son public à des devinettes et jeux trash afin de colporter des rumeurs sur une personnalité de Gotham. Les risques sont extrêmes : Nigma dévoile des secrets morbides, changeant radicalement la réputation de ses cibles. La prochaine ? Bruce Wayne… En parallèle, Batman et Gordon enquêtent pour trouver le lieu d’enregistrement de l’émission et arrêter une bonne fois pour toute le maître des devinettes, toujours assoiffé de reconnaissance.

Voilà un nouvel épisode long (une cinquantaine de pages à nouveau) particulièrement palpitant. Le récit tient aisément en haleine son lecteur tout en proposant des énigmes qu’on peut découvrir soi-même (à l’inverse de certaines autres précédentes, pas toujours compréhensibles). Si les dessins sont parfois sommaires (faute à une colorisation criarde), l’alternance entre les séquences sombres de Batman/Gordon et celles, très vives et colorées, de Nigma et ses sbires forme un ensemble plutôt agréable. On tient le premier titre du livre (pile à sa moitié) qui propose enfin une véritable enquête moderne sans flash-backs ou narrant les origines du Sphinx. L’ennemi ne semble pas très dangereux (de prime abord) mais c’est, une fois de plus, son ego – et son pathos – qui servent le titre. Le célèbre ennemi alterne ses deux costumes principaux : un élégant smoking vert et pourpre ou son historique justaucorps moulant pourvu de points d’interrogations.

L’énigme première !Batman : Legends of the Dark Knight #109-111 (1998)
Scénario : Steve Englehart | Dessin : Dusty Abell

Batman chute après un affrontement avec le Sphinx et s’électrocute. Sous le choc, il s’en sort péniblement mais semble différent. Pendant ce temps, Nigma continue d’annoncer ses méfaits à travers des énigmes…

Composée de trois chapitres (… dangereuse, animale et brève, … sans doute la seule énigme qui nous diminue quand on s’avoue vaincu et … comme une âme en peine), L’énigme première ! est le récit le moins réussi jusqu’à présent (et de l’œuvre complète). En tombant dans le vide après un combat contre le Sphinx, Batman se fait électrocuter et y perd une partie de « son âme ». On ne comprend pas très bien si c’était volontairement souhaité par Nigma ou un heureux hasard pour lui. Quoiqu’il en soit il se retrouve plus ou moins en possession de l’esprit du Chevalier Noir (!). Wayne, quant à lui, est profondément perturbé par son expérience de mort imminente et dans un état presque léthargique. Ajoutez un gamin sans intérêt dans l’histoire, des femmes avides de relations charnels avec Bruce Wayne et/ou son alter ego en cape et vous aurez les pires ingrédients pour servir un récit globalement mal dessiné (l’impression de voir du cell-shading loupé)… Confus mais pas totalement raté, le titre gagne en intérêt dans sa seconde moitié, Batman y est piégé comme dans la saga Saw (voir planche tout en bas de l’article). Un des rares passages passionnants mais qui ne sauve pas l’ensemble. Dommage de ne pas avoir pioché dans le contenu VO sacrifié en VF avec soit un autre chapitre un peu vintage, comme When Riddled by the Riddler de Doug Moench publié en 1983 (Batman #362), ou les plus récents E. Nigma, Consulting Detective et Honor Among Thieves, tous deux signés Paul Dini (Detective Comics #822 et #837, en 2006 et 2007) – déjà proposé en VF dans Paul Dini présente Batman. Certes cela aurait « doublonné » deux épisodes, mais ils auraient également pu être remplacés (ou complémentés) par deux autres, toujours issus de la version US : The House the Cards Built (Joker’s Asylum II : The Riddler #1 de 2010) et Riddler in the Dark (Legends of the Dark Knight 100-page super spectacular #2 de 2014).

Une nouvelle aubeBatman Confidential #26-28 (2009)
Scénario : Nunzio DeFillipis et Christina Weir | Dessin : José Luis Garcia-Lopez

Un nouvel ennemi sévit dans Gotham : Tut. L’homme caché derrière se dit être la réincarnation d’un pharaon et tue certaines personnalités en clamant des… énigmes ! Impossible que le Sphinx soit derrière ce nouveau criminel puisqu’il est enfermé. Gordon et Batman décident de le libérer pour requérir son aide. Le Chevalier Noir s’allie donc avec Edward Nigma pour comprendre qui est derrière Tut et comment anticiper ses crimes.

Nettement plus réussi que le récit précédent, Une nouvelle aube (également en trois parties/chapitres), apporte une certaine originalité entre l’antagoniste pharaonique (malheureusement peu mémorable) et l’alchimie du binôme Batman/Sphinx qui fonctionne particulièrement bien – on en veut encore ! La propreté des dessins et l’efficacité du découpage des planches confèrent un rythme qui tient en haleine, bien équilibré entre action et réflexion. Probablement un des meilleurs titres du comic.

SolitaireBatman #23.2 (2013)
Scénario : Scott Snyder et Ray Fawkes | Dessin : Jeremy Haun

Le Sphinx s’introduit en plein jour durant des manifestations violentes au siège des Entreprises Wayne. Un lieu familier qu’il arpente sagement, entouré de certains de ses complices ou apte à affronter les gardes…

Déjà publié dans Batman Saga – Hors-Série #05 (Forever Evil) en mai 2014, ce chapitre fait écho à L’An Zéro, segment important également signé Scott Snyder qui modernisait les origines de Batman et proposait le Sphinx en l’un des trois ennemis principaux du double titre (tome 4 et tome 5 de la série Batman). Ici, c’est peut-être le récit qui a le moins d’intérêt de façon intrinsèque mais entre les planches hyper soignées et les énigmes efficaces, on apprécie cet ultime épisode en guise de conclusion.

Conclusion générale :

Sans surprise, les fans du Sphinx doivent absolument se procurer ce volume. Un seul loupé dans la sélection (qui s’étale sur trois chapitres, aisément remplaçables par d’autres – cf. critique et paragraphe suivant). Si les segments sur l’homme-mystères sont, forcément, inégaux, on balaye efficacement son évolution « burlesque » à « dangereuse » avec des récits majoritairement inédits en France et plus ou moins originaux. Malgré quelques redites (sur ses origines entre autres), on se plaît à suivre un criminel souvent relegué au second plan. Bien sûr on aimerait en lire davantage, dans une fiction plus connectée, pour cela il y a d’autres titres à conseiller (voir plus loin).

En texte d’introduction, Urban Comics rappelle le parcours éditorial du cher Edward. Étonnamment, après ses deux apparitions en 1948 (toutes deux sous la plume de Bill Finger), le Sphinx ne réapparaît dans les comics qu’en 1965 ! Juste à temps pour regagner un peu de popularité et être choisi pour accompagner la galerie d’ennemis de Batman dans la célèbre série TV de 1966-68. Nigma bénéficie de la solide interprétation excentrique de Frank Gorshin (un temps remplacé par John Astin, moins convaincant). Urban Comics fait l’impasse sur cette période des bandes dessinées en sautant directement à 1982. Curieux choix par rapport au contenu US/VO qui incorporait quelques épisodes de 1965 (Remarkable Ruse of the Riddler !Batman #171), 1966 (The Riddle-less Robberiesof the RiddlerBatman #179), 1968 (The Riddler’s Prison-Puzzle Problem !Detective Comics #377), 1977 (The Testimony of the Riddler !Batman #292) et 1979 (The 1.001 Clue Caper or Why Did the Riddler Cross The Roas ?Batman #317). Cinq chapitres « manquants » (et quelques autres) remplacés plus ou moins au pied levé par des segments plus modernes (mais pas forcément plus accessibles).


Il faut souligner la qualité de la traduction, pas toujours aisée avec les jeux de mots en anglais. Le traducteur doit parfois préciser avec un astérisque le mot à mot « littéral » pour faire comprendre l’enjeu d’une devinette. Ou annonce carrément qu’un rébus est « en anglais » afin de faciliter sa logique – parfois un peu tirée par les cheveux (coucou le Gotham Museum) mais pas des masses de choix en français. Outre des notes en bas de page, il y en a aussi une après un chapitre pour expliquer les références à son titre et sa traduction (When is a door / Quand est une porte) ; c’est peut-être le plus frustrant dans l’ouvrage, on perçoit qu’on passe peut-être à côté de références plus subtiles et intelligibles en ne le lisant pas dans sa version initiale. Du reste, l’ensemble reste globalement palpitant et divertissant, zoomant sur une figure iconique en mal de reconnaissance : un type, in fine, pathétique malgré sa grande intelligence et rapidité de réflexion. Un ennemi sous-estimé car imaginé comme peu nocif (ce qui était vrai fut un temps), attaché à une certaine forme d’élégance et d’honneur (sauf quand il triche pour arriver à ses fins). On aurait le voir manipuler le Chevalier Noir dans une longue enquête fleuve mais ce n’est pas le but de la collection, et cela existe déjà ailleurs.

En effet, pour les amoureux du Sphinx, on ne peut que conseiller l’excellent Batman – Silence et Paul Dini présente Batman. On est moins dithyrambique sur la version du spin-off d’Amère Victoire : Catwoman à Rome (où il tient le deuxième rôle) – disponible dans le recueil Des ombres dans la nuit et bientôt réédité en one-shot – et sur son passif avec le Joker dans le médiocre quatrième tome de Batman Rebirth : La Guerre des Rires et des Énigmes. On l’apprécie davantage dans L’An Zéro où il campe un des premiers ennemis de Batman dans cette revisitation des origines de Batman (il est d’ailleurs étonnant qu’Urban Comics ne propose pas en fin d’ouvrage une sélection de comics pour suivre l’homme-mystère dans d’autres comics).  Enfin, après le loufoque Jim Carrey dans Batman Forever, le Sphinx a retrouvé un peu ses lettres de noblesse dans la série Gotham, brillamment incarné par Cory Michael Smith, un des rares points forts de la fiction. L’acteur Paul Dano lui prête ses traits dans le film The Batman, prévu en mars 2022, où il sera une dangereuse menace face à un Chevalier Noir débutant et impulsif (Robert Pattinson).

[À propos]
Publié chez Urban Comics le 3 décembre 2021.

Scénarios et dessins : collectif (voir critique)
Traduction : Xavier Hanart et Jérôme Wicky
Lettrage : Moscow Eye et Makma

Acheter sur amazon.fr : Batman Arkham – Le Sphinx (29€)

Page de la collection Batman Arkham sur le site.

 

Enfin, une petite vidéo sur le Sphinx par la très bonne chaîne Captain Maks qu’on recommande 🙂

Batman – White Knight • Harley Quinn

Nouvelle incursion dans le MurphyVerse, c’est-à-dire l’univers de Batman en marge de la continuité classique et débuté dans l’excellent titre White Knight. Après la suite moins réussie, Curse of the White Knight, et avant le prochain volet intitulé Beyond the White Knight, découverte du volume sobrement nommé Harley Quinn qui, comme son nom l’indique, propose un segment sur l’ancienne compagne du Joker. Que vaut ce troisième jalon dans l’univers White Knight ?
MàJ : deux mois après la sortie, donc en décembre 2021, une version noir et blanc est publiée par Urban Comics, limitée à 3.000 exemplaires.

[Résumé de l’éditeur]
Bruce Wayne est toujours enfermé en prison, payant pour ses exactions envers la ville de Gotham et tentant de se racheter aux yeux de ses anciens alliés. Mais il a à présent noué une relation de plus en plus forte avec son ancienne ennemie, l’ex-compagne de Jack Napier, Harleen Quinzel. Jeune maman, celle-ci est contactée par le GCPD pour l’épauler sur une affaire qui va faire remonter à la surface les souvenirs encore vivaces de son passé de criminelle.

[Histoire]
Harleen Quinzel raconte à ses deux jeunes jumeaux comment elle a rencontré et aimé leur père, Jack Napier. Les deux se sont trouvés bien avant d’être Harley Queen et le Joker…

Dans Gotham City, un tueur en série s’en prend à d’anciennes vedettes de cinéma et peint leur cadavre en noir et blanc. Duke Thomas et le GCPD/GTO (dirigé par Renee Montoya) ont besoin d’Harleen en tant que consultante afin de comprendre qui se cacher derrière ses crimes. Le Joker étant mort depuis deux ans, la piste de Neo-Joker (la rivale d’Harley) semble prometteuse.

Pendant ce temps, Bruce Wayne, toujours en prison, soutient son amie Harleen comme il le peut et leur relation prend un nouveau tournant…

[Critique]
Batman – White Knigt • Harley Queen
(BWKHQ) se déroule deux ans après Curse of the White Knight et en est clairement la suite, même si elle est centrée sur Harleen. Tous les évènements des deux précédents volumes sont à connaître avant d’entamer la lecture de celui-ci. En synthèse : difficile de s’attaquer au comic-book indépendamment sans connaître l’univers White Knight, qu’a créé dans le titre éponyme Sean Murphy (qu’il a écrit et dessiné). Il participe à l’écriture de « l’histoire » (comprendre la trame narrative globale) avec sa femme, l’auteure Katana Collins, qui signe intégralement le scénario. Murphy dessine uniquement les couvertures des chapitres et délaisse à Matteo Scalera l’entièreté des six épisodes que forme ce BWKHQ. Cette « nouvelle » équipe artistique assure brillamment cette relève temporaire, ajoutant même certaines qualités graphiques absentes de la série-mère (on y reviendra).

Ce tome « 2.5 » est incontestablement une réussite (non sans défauts, comme souvent, mais clairement on retient volontiers davantage le positif que le négatif). Tout d’abord il y a le plaisir de renouer avec le MurphyVerse et découvrir cette extension inédite qui fait avancer les choses et se concentre sur plusieurs personnages secondaires en plus d’Harleen. C’est une excellente chose. Ainsi, on revoit la Neo-Joker, curieusement absente dans le tome précédent, et on s’attarde enfin davantage sur la relation entre Bruce et Harleen (un des points forts du volume précédent également qu’on aurait aimé plus fouillé, c’est chose faite – toute en délicatesse).

Impossible de ne pas s’attacher à cette itération de Quinn, davantage apaisée que l’image iconique qu’on se fait d’elle. La jeune femme est dépassée par son rôle de mère, levant quelques tabous et assumant même la difficulté du quotidien voire du bonheur d’avoir des enfants ! Entre le deuil de Jack (qu’elle a tué à la fin de Curse…), la romance platonique avec Bruce (aka « Oncle Bruce » pour ses jumeaux) en prison et sa curieuse rédemption dans le GCPD, l’écriture d’Harleen est extrêmement soignée et réussie. Ses fidèles hyènes servent le récit à plusieurs reprises et, de facto, sont également attachantes.

Entre un certain humanisme qui se dégage de l’ensemble (le discours de Bruce – dans les flashs-back ou au présent – n’a jamais été aussi enthousiaste pour tirer les gens vers le haut, ça fait du bien !) et deux thématiques universelles, le deuil et l’amour, délicatement travaillées sans tomber dans le pathos ou le cliché, BWKHQ gagne à être lu tant il propose un voyage élégant et parfois surprenant. Le lecteur revisite en effet quelques morceaux de la mythologie de Batman, comme Robin/Jason Todd battu par le Joker (on ignore si dans cet univers le Clown est allé jusqu’à tuer le second Robin – à priori non). Todd devenu Red Hood puis… directeur de prison ! Le personnage est malheureusement survolé, on le voit à peine. Tout comme Ivy (et l’anecdotique figuration du Chapelier Fou), parmi les célébrités de la galerie d’alliés ou d’ennemis du Chevalier Noir qui n’avaient pas encore eu droit à leur traitement dans White Knight.

Néanmoins, on se régale de voir  Simon Trent « en chair et en os en bande dessinée ». Qui ça ? Simon Trent, le fameux acteur qui joue « le Fantôme Gris » (The Gray Ghost), introduit dans le formidable épisode Le Plastiqueur fou dans Batman, la série animée (S01E18). Trent avait brièvement l’honneur de rejoindre les comics comme professeur à la Gotham Academy (dans la série du même nom) mais cette fois l’hommage est plus puissant. Quelle belle idée ! Elle fait complètement sens dans le déroulé de l’enquête – des meurtres de l’Age d’or du cinéma à Gotham – et permet de séduire aussi bien les fans de Batman que les nouveaux venus. Pour l’anecdote, c’est Adam West (incarnant Batman à la télé dans les années 1960) qui doublait Trent dans l’unique épisode de la série d’animation, c’était l’obligation souhaitée par la production. Bref, la mise en abîme et l’hommage se répercutent enfin élégamment en comics !

Comme évoqué, il y a pourtant quelques éléments un peu moyens dans le récit. Des nouveaux personnages pas vraiment mémorables, un peu cliché… Incluant Hector Quimby, très présent et volontairement suspect. La motivation des « méchants » et leurs identités sont elles-aussi passables (on les découvre assez tôt). Dommage de ne pas avoir pioché dans des têtes connues pour dynamiser une fois de plus les versions « différentes » de la continuité classique de Batman. On retombe donc dans un travers classique d’ennemis interchangeables et vite oubliables ; malheureusement… Cela ne marquera donc pas le titre mais ce n’est pas grave cette fois car on retient ce qu’il y a autour. Ainsi, on peut dresser un parrallèle intéressant avec un autre comic-book récent : Joker/Harley : crime sanity. Dans ce dernier, la proposition graphique prenait le pas sur l’écriture et l’enquête en elle-même avec Harleen profileuse. Ici, l’ex compagne du Clown est dans un rôle assez similaire mais c’est son évolution qui prend le dessus, son attachement, l’empathie grâce au talent de Katana Collins (couplé au travail du dessinateur Matteo Scalera et la colorisation de Dave Stewart, évidemment), romancière qui signe sa première BD ici. Pour chipoter, on peut pointer du doigt l’étrange « facilité » avec laquelle Harleen est acceptée et intégrée au GCPD, comme si elle n’avait jamais été réellement une criminelle plus tôt (c’est « un peu » le cas)…

C’est ce qu’explique Katana Collins en avant-propos pour justifier l’orientation polar psychologique et un mystère basé sur les relations humaines. « A l’époque on regardait la série Mindhunter, et c’est un peu comme ça qu’est née Harley la détective. […] Harely n’a jamais su qui elle était, elle oscille toujours entre de nombreuses personnalités, entre être une docteurs ou un arlequin. Maintenant c’est une mère. Elle peur s’adapter à tout. » Il était important qu’elle et Jack « ne se rencontreraient pas à Arkham. Ils ne se sont pas rencontrés en tant que le Joker et Harley, mais comme Jack et Harleen. » « Le cœur de l’histoire, ce sont les gens. C’est un mélange d’interactions humaines et d’émotions » ajoute Matteo Scalera, grand fan de Sean Murphy et ami proche du dessinateur. Scalera a essayé d’utiliser les angles de vue de Sean Murphy, combinés à son propre style.

Une formule gagnante tant les planches et les traits globaux rappellent en effet ceux de Murphy – gardant ainsi une certaine cohérence graphique dans l’univers – tout en proposant une touche plus « douce », moins rugueuse et « carrée/virile » de son maître. Cela ajoute indéniablement cette humanité évoquée plusieurs fois. Difficile de la retranscrire, c’est à la fois du ressenti (donc de la subjectivité) et du factuel (objectivité), observée entre autres par davantage de scènes « du quotidien » mixée à des émotions sur des visages peut-être plus expressifs que dans WK et CotWK. Scalera est le dessinateur de l’excellente série Black Science (disponible aussi chez Urban Comics), si le style vous a séduit, foncez dessus (ou, à l’inverse, si vous le connaissez et appréciez déjà, vous apprécierez son incursion batmanesque) !

On retrouve des allusions/hommages au film Batman de Burton (entre autres lors de la « création » de Napier en Joker) et des découpages pleine page qui sont un régal pour les yeux. La même équipe artistique avait signé un chapitre inédit dans Harley Quinn Black + White + Red (presque entièrement en noir et blanc, avec des touches écarlates). Cet épisode est inclus en fin d’ouvrage, se déroulant un peu plus tard que l’histoire principale, c’est donc un complément pertinent. Croquis, couvertures alternatives… sont au programme (habituel) des bonus de l’édition. L’ouvrage sort aussi en noir et blanc, à l’instar de ses deux prédécesseurs, en édition limitée.

Batman – White Knight • Harley Quinn poursuit la revisitation visionnaire du Chevalier Noir sous le prisme d’une Harley Quinn complètement différente de son image habituelle et c’est un vrai plaisir à lire ! Le livre rejoint même les coups de cœur du site et devient un indispensable pour tous les fans de la muse du Joker.

[A propos]
Publié en France chez Urban Comics le 29 octobre 2021.

Contient Batman: White Knight presents Harley Quinn #1-6 + Harley Quinn : Black + White + Red #6

Histoire : Katana Collins, Sean Murphy
Scénario : Katana Collins
Dessin : Matteo Scalera
Couleur : Dave Stewart

Traduction : Benjamin Rivière et Julien Di Giacomo
Lettrage : MAKMA (Sabine Maddin et Stephan Boschat), Moscow Eye

Acheter sur amazon.fr :
Batman – White Knight • Harley Queen (édition classique – 18€)
Batman – White Knight • Harley Queen (édition noir et blanc limitée – 20€)

 

Joker/Harley : criminal sanity

[Résumé de l’éditeur]
Profiler de renom, Harleen Quinzel est embauchée par le GCPD pour enquêter sur une vague de crimes particulièrement sordides. Mais elle est elle-même hantée par une affaire passée lorsque sa colocataire a été sauvagement assassinée par le tueur en série surnommé le Joker.

[Histoire]
Cinq ans après le meurtre de sa colocataire par le Joker (qui a disparu ensuite), la docteure Harleen Quinzel (qui préfère être appelée Harley) aide régulièrement James Gordon et la la police de Gotham en tant que consultante (psychiatre judiciaire & analyste comportementale – selon sa carte de visite). Maddox, à la tête du GCPD ne supporte pas Harleen malgré les résultats brillants de la jeune femme, qui donne des cours en complément à l’université.

Quand un nouveau tueur en série sévit dans la ville, laissant des mises en scène macabres avec des bouts de corps recousus entre eux, Quinzel est persuadé que le Joker est de retour…

« Après le meurtre d’Edie, le Joker s’est évaporé.
Il est devenu le croque-mitaine de Gotham,
un monstre que chacun redoutait sans jamais l’avoir vu
mais il n’a rien d’une légende. Moi, je le trouverai.
»
Harleen Quinzel

[Critique]
Voici une œuvre (issue du Black Label) plutôt alléchante, singulière mais que partiellement réussie. « Partiellement » à cause de plusieurs raisons, autant sur la forme que le fond. Explications.

Avant d’analyser le scénario, il convient de parler en premier lieu des dessins. Ainsi, l’histoire « au présent » est presque exclusivement en noir et blanc, croquée sous un trait réaliste par Mico Suayan (voir plus loin pour le détail des crédits de l’équipe artistique) ; on est assez proche de la patte de Lee Bermejo (impossible de ne pas penser à son Joker, surtout dans sa version inédite en noir et blanc). L’ensemble est donc superbe, indéniablement, et une touche de couleur est parfois ajoutée sur des éléments importants (les cheveux et le sourire du Joker par exemple, donc un peu de vert et de rouge). Les flash-backs sont, quant à eux, entièrement en couleur et dans un style assez différent car on a carrément l’impression de voir… un roman photo ! Notamment dans les deux premiers chapitres (sur neuf), dessinés par Mike Mayhew, avant qu’il cède (heureusement) sa place à Jason Badower (qui restera dans un style réaliste mais moins prononcé, heureusement).

En résulte donc au début un étonnant style hybride, mi-ridicule, mi-troublant. C’est l’un des points clivants de l’œuvre, si cette approche graphique inédite (cf. illustrations de cette critique) vous rebute, inutile d’aller plus loin, même si ce serait dommage car, comme expliqué, elle s’atténue au fil des épisodes après le départ (sans explications) de Mayhew au profit de Badower. Si vous y êtes réceptifs vous serez évidemment conquis. Dès le troisième chapitre les deux pattes graphiques s’entremêlent, perdant volontairement le lecteur pour savoir s’il lit des séquences se déroulant « actuellement » ou si elles datent d’il y a plusieurs années, notamment autour du Joker. On devine d’ailleurs aisément, grâce/à cause de certains flash-backs qui il est et les clichés s’empilent sur son enfance (maltraitée, évidemment…) : père alcoolique et violent, mère biologique décédée, etc. On flirte avec la caricature ou la série télévisée policière ad nauseam – également dans les dialogues au GCPD.

Néanmoins, cette itération du Joker est très éloignée de ce qu’on a l’habitude de lire/voir : ici l’homme est intelligent, froid, malin, manipulateur. Moins charismatique qu’à l’accoutumée, il sourit rarement et ne rit jamais. Une approche austère qui sied mal au personnage iconique, rappelant parfois la débandade du quatrième tome de Batman Rebirth (La Guerre des Rires et des Énigmes) dans lequel le Clown faisait littéralement la gueule tout le temps. On pense aussi au côté moins fou furieux et (en apparence) plus calme du Joker du titre éponyme déjà cité (écrit par Brian Azzarello) voire, pourquoi pas, celui du film The Dark Knight. L’angle choisi pour ce one-shot (profilage réaliste) rappelle également le très mauvais Joker – Killer Smile, où l’on peut reprendre mot pour mot cet extrait de la critique qui fonctionne aussi : « difficile de « reconnaître » le Joker. Il pourrait être Double-Face, le Sphinx ou un tueur en série « quelconque » que ça ne changerait pas des masses l’histoire ».

Mais ici, ce n’est pas le Clown qui fait la part belle à Joker/Harley : criminal sanity, c’est évidemment Harleen Quinzel. C’est elle que le lecteur suit assidument et qui ne ressemble pas à la célèbre psychiatre que l’on connaît déjà. Et cette fois, en revanche, c’est très appréciable ! Le personnage est plutôt bien écrit, son travail de spécialiste des comportements criminels sonne « juste » (grâce aux nombreuses recherches effectuées durant deux ans par l’autrice Kami Garcia et l’aide de son consultant le Dr Edward Kurz – on y reviendra).

Contrairement à ce qu’on peut penser de prime abord, nous ne sommes pas dans une origin-story qui montrerait l’évolution d’Harleen en Harley, séduite par le Joker puis complice amoureuse (pour cela, il y a le très bon Harleen, lui aussi publié sous le « prestigieux » Black Label). Cela diffère, une fois de plus, de ce qu’on a l’habitude de voir et ce n’est pas plus mal. Leur relation reste plus ou moins intéressante mais manque d’un soupçon d’âme ou d’authenticité (à défaut de proposer des choses plus épiques à côté). Au-delà, demeure une longue enquête passionnante mais un brin convenue et sans grandes surprises ou retournements de situations… C’est hélas l’autre point faible du titre, auquel on peut ajouter sa fin abrupte, mi-figue mi-raisin. Pour peu que vous soyez déjà connaisseur du côté profilage ou des tueurs en série, on n’apprend pas grand chose.

Ne vous attendez pas non plus à croiser Batman, il est mentionné deux fois, on sait juste qu’il a disparu il y a plusieurs années (de quoi alimenter toutes sortes de théories méritant d’enrichir ce « nouvel univers » de la mythologie du Chevalier Noir). Seul Gordon est une figure familière de l’ensemble en complément d’Harley et du Joker, avec quelques figurations anecdotiques de temps à autre (Victor Zsasz, Crane en directeur d’Arkham, etc.). En somme, y avait-il besoin d’apposer le filtre « Gotham » à une histoire policière qui, in fine, pouvait s’en passer et interchanger ses noms de protagonistes ? Clairement pas mais c’est une jolie proposition néanmoins, principalement grâce aux somptueuses planches, leurs compositions et découpages appréciables, et à Harleen, plutôt attachante.

Le récit s’étale sur un peu plus de 280 pages, répartis en neuf chapitres (les huit de Joker/Harley : Criminal Sanity entrecoupés à la moitié par Joker/Harley : Criminal Sanity Secret Files #1, qu’on détaille dans le paragraphe suivant). Kami Garcia signe l’entièreté du scénario, qu’elle considère comme « un thriller psychologique avec du suspense » (ce qui est assez vrai). Elle est accompagnée du Dr Edward Kurz comme consultant, de quoi ajouter une caution « expert médical » à l’ensemble (lui-même est profileur et psychiatre judiciaire, à l’instar d’Harleen dans la fiction ; « il travaille dans un établissement pour les criminels malades mentaux », nous explique un entretien en début du livre –  à lire après la BD plutôt). Kami Garcia est principalement connue pour ses romans young adult et notamment sa saga Sublimes Créatures. Chez DC Comics, on lui doit aussi les deux titres Teen Titans publiés chez Urban Link (comics à nouveau à tendance jeunes adultes et au format plus petit) : Raven et Beast Boy – tous deux favorablement accueillis par la critique.

Aux dessins, on retrouve majoritairement deux artistes : Mico Suayan pour les passages en noir et blanc (un habitué des anti et super-héros auxquels il confère son style froid, réaliste et détaillé ; il a bossé, entre autres, sur différentes séries dont Batman, le Chevalier Noir, Superman, Arrow, Bloodshot Reborn, Punisher, Moon Knight…) et Jason Badower pour ceux en couleur (il est absent uniquement sur le premier chapitre, avant qu’il remplace définitivement Mike Mayhew ; Badower travaille principalement sur des couvertures chez DC et sur des concept-arts pour le cinéma et la télévision). Mike Mayhew est, comme on le soulignait plus haut, présent le temps des deux premiers épisodes. C’est lui qui signe les séquences du passé proche du roman-photo (qui sont donc différentes par la suite après son départ et sonnent davantage comics, tant mieux) ; sa maîtrise du photoréalisme peut être observée chez Marvel (Mystique, She-Hulk, The Pulse, Fear Itself), DC Comics (différents titres de Justice League) et Star Wars.

Côté couleur, Annette Kwok est crédité à partir du troisième chapitre (Mahyew s’en occupant sur les deux précédents apparemment). Le « dossier secret » au milieu du comic-book (en réalité Joker/Harley : Criminal Sanity Secret Files #1) est à nouveau écrit par Kami Garcia mais aussi par le Dr Edward Kurz. On retrouve les trois dessinateurs précités ainsi que la coloriste mais aussi deux nouveaux artistes : David Mack et Cat Staggs. Cet interlude est composé des notes de Quinzel, des rapports de police, de coupures de journaux, de mails, etc. pour un résultat doublement passionnant : les textes bien sûr, mais aussi les différentes formes graphiques qui la composent incluant cette fois des aquarelles aux couleurs vives agrémentées de poésie (probablement signées par les deux derniers dessinateurs précités).

Quelques références au monde du Chevalier Noir parsèment l’ouvrage, un figurant se nomme Paul Timm, hommage à peine déguisé à Paul Dini et Bruce Timm (les créateurs de Harley Quinn, à qui on doit donc l’excellente Batman, la série animée), le Joker de Lee Bermejo et Brian Azarello, déjà évoqué, etc. Le beau livre (format luxueux du Black Label oblige) se termine par la galerie de couvertures, classiques et variantes. Un entretien avec la scénariste Kami Garcia ouvre aussi le comic, comme souvent on suggère de le lire après la bande dessinée pour éviter des révélations.

Joker/Harley : criminal sanity est inégale par bien des aspects évoqués plus haut mais reste à découvrir principalement pour sa proposition graphique hors-norme (digéré et passé ses deux premiers épisodes surtout) et son propos plus ou moins inédit. Si les styles de dessins vous séduisent assez et que vous n’êtes pas à cheval sur la personnalité du Joker, alors le comic-book devrait vous plaire, extrêmement proche d’un polar à la forme soignée et au fond sale, violent et réaliste. Si ce n’est pas votre tasse de thé ou que vous attendez que le récit vous surprenne « réellement », faîtes l’impasse sans problèmes, ce n’est ni révolutionnaire, ni incontournable dans la mythologie de Batman, ou plutôt du Joker et d’Harley.

« Cinq choses permettent de transcender la médiocrité du quotidien :
une intelligence supérieure,
des livres pour l’alimenter,
des outils pour les suppléer lorsque c’est nécessaire,
beaucoup de préparation et une résolution sans faille.
Anéantir son adversaire sans combattre
est l’aboutissement ultime de l’art de la guerre.
Rien de tel que les réseaux sociaux pour y parvenir. »

[À propos]
Publié chez Urban Comics le 20 août 2021.

Scénario : Kami Garcia
Dessin : Mico Suayan et Jason Badower (et Mike Mayhew, voir article)
Couleurs : Annette Kwok

Traduction : Julien Di Giacomo
Lettrage : Moscow Eye

Acheter sur amazon.fr : Joker/Harley : criminal sanity (29€)