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Joker Anthologie

Tout comme Batman, son plus célèbre ennemi a le droit à son recueil anthologique. Nettement plus intéressant et passionnant que celui du Chevalier Noir (qui, malgré son côté incontournable faisait fi, justement, de ses antagonistes emblématiques), cet ouvrage est essentiel pour comprendre et juger l’évolution du Joker. L’histoire L’Homme qui rit vaut à elle-seule l’achat de cette pépite.
Certaines images d’illustrations ont été mises bout à bout afin de garder une présentation homogène mais ne sont pas forcément « à la suite » dans le livre.
Pour en savoir (encore) plus sur le Joker, une étude de cas de huit pages, rédigée par l’auteur de ce site, est à découvrir dans un magazine. Plus d’informations sur cet article.

— Les plus grands méfaits du Clown Prince du Crime en 20 récits —

Joker Anthologie

PREMIÈRE PARTIE : DUEL D’ÉGOS

Batman contre le Joker & Le Retour du Joker — Batman #1 (1940)
Un nouveau criminel sévit dans Gotham City : le Joker. Il annonce à la radio la mort de certaines personnalités, pour une heure précise. Chacune se réalise. Batman et Robin enquêtent…

Batman contre le Joker

La première apparition du célèbre Clown du Crime ! À l’époque, l’éditeur et les auteurs cherchaient une nouvelle figure menaçante —qui devait mourir à la fin, comme la plupart des ennemis à ce moment là— et la création du Joker est à attribuer conjointement aux trois artistes (Finger, Kane et Robinson). L’emblématique fou furieux est alors caractérisé par son « look » (qui ne changera guère durant les 75 ans suivants) et sa cruauté (il tue sans remords). Dans un premier temps, il cherche juste à voler des bijoux (donc de l’argent), un but assez classique et sans réel envergure ; il n’y avait pas la dualité et le côté miroir déformé de Batman qui sied aujourd’hui à ravir au binôme iconique. Chacune de ses ruses est expliquée, il faut reconnaître une certaine originalité dans la plupart d’entre elles.
[Scénario : Bill Finger / Dessin : Bob Kane & Jerry Robinson]

La Doublure du Joker — Detective Comics #85 (1944)
Un homme se fait passer pour le Joker et signe ses méfaits sous son alias. Le vrai Joker, fou de rage, entreprend alors de « prouver son innocence » et sauvera même la vie de Batman lorsque celui-ci et Robin traqueront les deux Clowns dans une imprimerie !

La Doublure du Joker

Une histoire qui bénéficie à nouveau d’une certaine ingéniosité. La thématique de « l’innocence » du Joker sera par ailleurs reprise dans l’excellent L’Avocat du Diable des années plus tard ; dans lequel Batman enquête pour prouver la non-culpabilité de son pire ennemi ! (C’était d’ailleurs un comic-book suggéré au YouTubeur Lex Tutor pour sa vidéo de vulgarisation de Droit à laquelle j’ai participé en tant que conseiller.)
[Scénario : Bill Finger / Dessin : Dick Sprang]

Plagié par le Joker —Batman #37 (1946)
Afin de gagner davantage d’argent, le Joker propose ses services d’aide et de conseils à d’autres criminels. Il pousse même le vice en créant un « Joker Signal » et d’autres véhicules et gadgets copiés sur ceux de Batman pour parfaire ses interventions en urgence. Batman et Robin tentent évidemment de l’arrêter.

Plagie par le joker

Encore une fois, l’on prime sur l’originalité d’un petit scénario qui se lit encore très bien. La Joker est nommé « le Saltimbanque Sardonique du Crime », une appellation qui ne perdurera guère en revanche. L’ensemble est plaisant, avec cet éternel petit côté « old-school » des dessins.
[Scénario : non crédité / Dessin : Jerry Robinson]

L’Homme au Masque Rouge — Detective Comics #168 (1951)
Batman donne des cours à des étudiants (!), il leur explique les bases pour enquêter. Afin de les tester, il leur propose de découvrir l’identité de Red Hood, un ancien ennemi mystérieux disparu depuis plusieurs années. Celui-ci fera d’ailleurs sa réapparition sur le campus !

L'homme au masque rouge

Bill Finger apporte ici des origines au Joker (qui n’en avait jamais eu !) en expliquant la tombée dans la cuve d’acide, le costume, le masque, etc. Une idée qui sera reprise des années après dans Killing Joke (1989) et modernisé en 2014 par Scott Snyder dans Batman #0 puis L’An Zéro). À travers le fameux heaume rouge, brillant et lisse, le mythe de l’Homme au Masque de Fer n’est pas loin…
[Scénario : Bill Finger / Dessin : Lew Sayre Schwartz / Encrage : George Roussos]

La Ceinture à Gadgets du Joker — Batman #73 (1952)
Le Clown du Crime réalise qu’il échoue face à Batman à cause des nombreux gadgets de celui-ci. Le Joker décide alors de créer sa propre ceinture…

La ceinture à gadgets du joker

En pleine période de comics « censurés » (à cause du Comics Code Authority), les aventures de Batman et Robin se veulent plus légères et « amusantes ». C’est le cas ici, loin d’être inoubliable, cela montre surtout le reflet d’une époque révolue. Cette période contraindra une disparition du Joker (au lieu de le changer en un ennemi fade et aseptisé).
[Scénario : David Vern Reed / Dessin : Dick Sprang / Encrage : Charles Paris]

Les Exploits Burlesques du Joker — Detective Comics #341 (1965)
Le « virulent virtuose de la névrose, le sublime sadique sardonique, le maladrin aux mille mascarades, le féroce forcené facétieux » (le Joker donc) devient producteur de films comiques dans lequel il opère divers braquages en se faisant passer pour des comédiens muets ou burlesques. Certains de ses complices portent même les costumes de Batman et Robin ! Les deux vrais justiciers vont évidemment se mettre en travers de sa route.

exploits burlesques du joker

Dernier chapitre de l’époque révolue, dans laquelle les histoires étaient devenues bon enfant (à l’inverse des débuts où les morts sévissaient constamment) avec en petite évolution, un aspect graphique beaucoup plus réaliste (un choix du moment).
[Scénario : John Broome / Dessin : Carmine Infantino / Encrage : Joe Giella]

DEUXIÈME PARTIE : GUERRE DES NERFS

Les Cinq Vengeances du Joker — Batman #251 (1973)
Un cadavre est retrouvé, assassiné par le Joker. Batman rend visite à d’anciens complices du Clown, mais chacun d’entre eux meurt des mains du Joker… Le Chevalier Noir se retrouve même enfermé dans un bassin d’eau avec… un requin.

cinq vengeances du joker

Retour à un Joker « violent » qui n’hésite pas à tuer (comme à sa création). Le tandem O’Neil/Adams aspire de toute façon à un Batman résolument plus sombre et adulte, aussi bien dans son récit que dans son graphisme (un constat déjà présent dans l’Anthologie Batman, par les mêmes auteurs).
[Scénario : Dennis O’Neil / Dessin : Neal Adams / Encrage : Dick Giordano]

Le Poisson qui Rit — Detective Comics #475 (1978)
Des milliers de poissons arborent le sourire fatidique du Joker… Le Clown du Crime ordonne de recevoir une part sur les poissons vendus, puisqu’il est à l’origine de leur transformation. Il annonce en direct à la télévision de futurs morts s’il n’obtient pas son dû. Batman est sur ses traces mais il est perturbé par autre chose : il s’interroge sur sa relation avec Silver St. Cloud.

le poisson qui rit

Si le résumé prête à sourire (!), il n’en est rien, l’ensemble est très « sérieux » et l’amorce vers un Joker anarchiste et fou est définitivement entamé. Le machiavélique ira même à refuser de connaître l’identité réelle du Chevalier Noir, clamant qu’il n’y aurait plus aucun enjeu sinon. Cela « ôterait tout le sel, tout le piquant du duel avec le parfait adversaire […] le Joker a besoin de Batman ! […] Il mérite Batman […] Il serait indigne de moi que qui ce soit d’autre détruise Batman ! ». Place donc aux prémices de la dualité extrême entre les deux êtres, du miroir diabolique, de la représentation radicale de deux mêmes faces (idée qui sera prolongée notamment dans Killing Joke, et dans une moindre mesure dans Secrets).
Léger problème tout de même sur ce chapitre : même s’il fonctionne bien, il nécessite la connaissance d’histoires produites en amont et s’arrête sur une fin d’épisode et non définitive. Logique : c’est le même soucis rencontré sur le chapitre précédent de la même histoire (Detective Comics #474 donc) qui était publié dans Batman Anthologie ! C’est en effet le début des sagas à multiples épisodes qui se suivent. Heureusement pour les lecteurs (et comme annoncé dans l’introduction éditoriale), tout le run va être compilé dans un ouvrage. Celui-ci est publié depuis octobre 2014 (soit sept mois après la sortie de Joker Anthologie), il s’agit de Dark Detective. À noter également : ce chapitre ainsi que le précédent ont inspiré un épisode du dessin animé de la série de Bruce Timm.
[Scénario : Steve Englehart / Dessin : Marshall Rogers / Encrage : Terry Austin]

Odieux Anniversaire, Joker —Batman #321 (1980)
Le Joker se rend au commissariat de Gotham et kidnappe Gordon. Il propose ensuite une fête où plusieurs personnes sont ligotés, dont Robin. Batman va essayer de sauver tout le monde.

odieux anniversaire joker

Un chapitre qui peut paraître anecdotique mais qui livre une fois de plus le côté fou du Joker, notamment quand il tue un de ses hommes de main. À nouveau, cette histoire a été adapté dans le dessin animé de 1992.
[Scénario : Len Wein / Dessin : Walter Simonson / Encrage : Dick Giordano]

À mourir de rire — Batman #353 (1982)
Le Joker vole les explosifs destinés à détruire un immeuble ainsi que l’ordinateur qui le contrôle. Il parvient à kidnapper et attacher Batman à une falaise qu’il compte faire sauter et remodeler à son image.

a mourir de rire

Comme les précédents chapitres, celui-ci s’intercale clairement dans « un arc plus grand », en témoignent les personnages de Rupert Thorne, Vicki Vale, etc. Gordon était déchu de ses fonctions, cela rappelle un peu le début de Batman Eternal, d’autant plus que Jason Bard est mentionné et Batman plus ou moins déclaré hors-la-loi. Mais ça se lit bien, sans être très folichon non plus.
[Scénario : Gardner Fox / Dessin : Mike Sekowsky / Encrage : Bernard Sachs]

Mort de Rire — Detective Comics #570 (1987)
Le Joker inflige des tortures mentales à Catwoman qui faisait partie (à l’époque) du trio emblématique avec Batman et Robin (Jason Todd, second du nom). Le tandem cherche à la délivrer.

Mort de rire joker

Si le Clown du Crime est désormais redevenu « violent et fou » depuis quelques temps, il y a les prémices d’un Batman très cynique, qui prend même plaisir dans la violence et le chantage. A ses côtés, le nouveau venu Jason Todd/Robin, très jeune, qui enchaîne les jeux de mots pourris (il sera tué par le Joker moins de deux ans plus tard). Si les dessins prônent un côté plus réaliste et adulte, en adéquation avec les thèmes plus sociaux (SDF, drogues…), l’ensemble est paradoxalement très coloré et flashy, sans doute pour correspondre aux délires du Joker.
[Scénario : Mike W. Barr / Dessin : Alan Davis / Encrage : Paul Neary]

Le Choc des Symboles— Detective Comics #341 (1990)
Batman assomme un voleur qui était chez une voyante. Celle-ci lui propose ses services en échange. Le Dark Knight tire la carte d’un joker et se remémore une intrusion de sa Némésis dans un musée trois ans auparavant, où il était un simple visiteur en tant que Bruce Wayne.

le choc des symboles joker

À nouveau, on sent la veine plus réaliste et « marquante » du chapitre (Robin ayant été tué quelques mois avant) ; on assiste également à une narration non-stop de Batman, ses pensées sont clairement dévoilées au lecteur. Une habitude qui perdurera encore longtemps mais qui à l’époque était assez original. Rien d’extraordinaire dans cette histoire non plus.
[Scénario : Alan Grant / Dessin : Norm Breyfogle / Encrage : Steve Mitchell]

TROISIÈME PARTIE : RONDE MACABRE

Rires dans la Nuit — The Batman Adventures Annual #1 (1994)
Le Joker déambule dans Gotham, tuant des citoyens au hasard et arpentant les ruelles en faisant exploser sa folie notoire.

Rires dans la nuit

Les dessins calqués sur le dessin animé de l’époque, alors en pleine effervescence (par le même scénariste Paul Dini — qui a créé Harley Queen, faisant une brève apparition ici) permettent de connoter l’aspect graphique « simpliste et enfantin » avec des évènements violents et « dérangeants ». Clairement une réussite, au même titre que Mad Love.
[Scénario : Paul Dini / Dessin : John Byrne / Encrage : Rick Burchett]

Folle Trajectoire — Robin #85 (2001)
À l’asile d’Arkham, le Joker explique à ses docteurs son obsession pour Robin et comment il a compris qu’il y en avait plusieurs, dont celui qu’il a tué.

Folle trajectoire joker

À nouveau un style cartoony qui contraste avec les histoires violentes dont se rappelle le Clown, changeant au passage constamment ses propres souvenirs personnels (idée reprise dans Killing Joke et appliqué au cinéma dans The Dark Knight). La véritable folie du Joker se matérialise précisément dans les dernières planches. Un excellent court chapitre totalement concentré sur le Joker en guise de personnage principal.
[Scénario : Chuck Dixon / Dessin : Pete Woods / Encrage : Jesse Delperdang]

L’Homme qui Rit — Batman : The Man Who Laughs (2005)
Un mystérieux « bouffon » apparaît à la télévision et annonce les futures morts à venir de certaines personnes : toutes faisant partie de l’élite de Gotham. C’est la première fois que le Joker (son surnom donné par la presse) apparaît à Gotham, trois mois après la chute de Red Hood dans une cuve d’acide causée par Batman.

Joker l'homme qui rit

Sans aucun doute l’un des meilleurs récits de l’anthologie, si ce n’est LE meilleur. Calqué sur Année Un, à qui il rend hommage, en reprenant le même système de narration croisée entre Gordon (alors simple capitaine de police) et Batman (qui n’est encore qu’une rumeur urbaine). Le titre, quant à lui, s’inspire évidemment du film éponyme, lui-même adaptation d’un roman du Victor Hugo. C’est la photo de l’acteur interprétant un saltimbanque défiguré qui donnera la matière première à Bill Finger pour la conception du personnage (dont la paternité s’attribue également à Bob Kane et Jerry Robinson). Au scénario, l’on retrouve Greg Rucka (Gotham Central) et Doug Menhke aux dessins (L’énigme du Red Hood). Seule la colorisation sera le point noir de ce long chapitre. Soixante-trois pages le compose (plus que Killing Joke (!) et l’équivalent de deux tiers de Année Un). Entre les monologues alternés, le côté glauque de l’œuvre, les parties énigmatiques et clairement la réapparition moderne de l’excentrique et manipulateur Joker, on pourrait presque regretter une non publication en librairie de L’Homme qui Rit ! La dernière case, avec le Bat-Signal conclut à merveille cette histoire, qu’on pourrait légitimement appelée  » Joker : Année Un ».
[Scénario : Ed Brubaker / Dessin : Doug Mahnke]

Les Origines du Joker — Coutdown #31 (2007)
Le Joker narre ses (différentes) origines très succinctement (en deux pages !).

origine du joker

Brian Bolland évoque en deux pages les sources originelles récurrentes du Clown du Crime : le comique raté, le mafieux Napier (surtout évoqué dans le film de Tim Burton) et bien entendu Red Hood. Rien d’exceptionnel donc, si ce n’est un court rappel.
MàJ : Toutefois, cette mini-histoire sonne curieusement comme prémonitoire lorsque l’on découvre « un secret » entourant le Joker dans la fin des NEW52 et le Relaunch Rebirth…
[Scénario : Mark Waid / Dessin : Brian Bolland]

L’Heure des Singeries — Batman #23.1 (2013)
Le Joker adopte un bébé singe et l’élève comme son propre fils, tout en se rappelant son enfance, assez similaire où il se faisait battre par sa tante.

heures des singeries

Seuls les flash-backs (sont-ils « vrais » ?) sont intéressants et bien dessinés (avec un style un peu « indépendant ») mais l’ensemble sonne « faux », on a du mal à trouver cette histoire très crédible. Dommage, les auteurs avaient carte blanche pour ce one-shot consacré au Joker, qui intervenait dans le cadre du Vilain’s Month, où douze autres ennemis du Dark Knight avaient leur propre chapitre.
[Scénario : Andy Kubert / Dessin : Andy Clarke]

Conclusion & remarques

Faut-il acheter Joker Anthologie ? Indéniablement oui ! Surprise : le recueil s’avère beaucoup plus passionnant que celui sur Batman, qui était déjà très bon. Outre les nombreuses histoires proposées, la majorité de grande qualité (mais aussi de constats d’époques successives), le travail éditorial d’Urban Comics fourmille de détails et de notes louables.

On découvre un Joker tueur sans pitié, puis un bouffon tourné vers les farces et attrapes, et enfin un psychopathe véritable entité vouée à Batman, pendant maléfique du Chevalier Noir. Ces inspirations évolutives, témoins nécessaires de la portée du Joker au cinéma, dans des dessins animés ou des jeux vidéo, promettent d’agréables moments de lecture (et comprendre son essor populaire).

Avec du recul, et depuis un récent évènement chez DC Comics, l’on comprend d’ailleurs aisément (grâce à une parfaite coïncidence) la probable identité derrière le Clown du Crime. À nouveau, se référer à cet article pour mieux saisir ces trouvailles et enjeux (au risque de révélations attentions).

Image 02

(Novembre 1942 : une des rares couvertures mettant en scène le Joker, et une des rares le montrant avec des armes à feu.
Toute la portée menaçante, dangereuse et la puissance symbolique du personnage en somme.)

  Joker anthologie conclusion

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Mad Love

Batman Mad Love[Histoire]
Après un énième échec visant la capture (ou la mort) de Gordon (sauvé par Batman), le Joker rumine en cherchant dans ses plans la façon la plus magistrale de se débarrasser de son éternel rival. Fou de rage contre son acolyte féminin, Harley Quinn, le Clown du Crime la jette dehors, la jugeant responsable de ses déboires. La jeune femme se remémore alors sa rencontre et le début de son idylle avec monsieur J, à l’époque où elle n’était qu’une simple psychiatre fraîchement débarquée à l’Asile d’Arkham.

Mad Love

[Critique]
Les fans de Batman savent généralement que Harley Quinn a été créée dans la superbe série d’animation Batman de 1992 (également connue sous le nom de Batman : La Série Animée en France, ou encore Batman : The Animated Serie en anglais) par Paul Dini et Bruce Timm (les auteurs de ce comic justement). En revanche, les origines de la célèbre psychiatre ont d’abord été narrés dans ce Mad Love avant qu’il ne soit adapté dans un épisode très fidèle éponyme (simplement traduit par Amour Fou chez nous). Pour mieux comprendre ces différentes notions d’appellations du dessin animé, n’hésitez pas à vous référer à la note en bas de cet article.

Mad Love se focalise donc sur l’éternelle muse du Joker. À travers des flash-backs de pensées nostalgiques, Harleen Quinzel se rappelle son arrivée à l’asile d’Arkham, après avoir usé de ses charmes pour que sa note d’examen soit plus élevée (ce qui souligne que, dès le début, elle n’était pas forcément une psychiatre compétente — l’un des rares éléments qui a disparu dans la version animée) puis évidemment son coup de foudre pour le célèbre Clown du Crime. Cette étape peut paraître un peu trop rapide mais les textes sonnent justes et l’ensemble reste plausible. Très vite, la jeune et jolie femme devient l’assistante officielle de son Joker et c’est cette relation d’amour à sens unique (ou plutôt de Je t’aime moi non plus) qui est ici mise en avant (aussi bien en flash-backs que dans l’histoire se déroulant dans le « présent »). L’on ne découvre pas un Monsieur J particulièrement démonstratif en amour, au contraire, c’est quand il brille par son absence qu’il envoie discrètement des mots à sa douce, mais dans quel but ? La manipuler ou lui prouver son attachement ? On ne sait jamais vraiment ; si ce n’est que Poussin n’a pas l’air très sensible aux charmes corporelles d’Harley, qu’il n’hésite pas à la violenter, l’insulter, l’humilier et à s’énerver contre elle pour pas grand chose, surtout si elle prend des initiatives et/ou s’avère plus « compétente » que lui dans la capture de Batman. Impossible, là aussi, de saisir si le Joker est vraiment « fou » ou simplement « malin » et qu’il a conscience de ses actes.

Mad Love Batman Joker HarleyLe talent de Paul Dini (au scénario) et Bruce Timm (aux dessins) confère à Mad Love une forte empathie pour Harleen, qui est simplement victime « d’Amour Fou ». Grâce aux dessins très simplistes (qui reprennent ceux de la série animée, puisque c’est Bruce Timm qui en est également aux commandes) et à quelques dialogues ou pensées subjectives de la psychiatre, on ne peut qu’avoir de la pitié pour elle. Les traits et le style unique de Bruce Timm sont peut-être ce qui va décontenancer les lecteurs pas forcément habitués au dessin animé, qui les jugera très « enfantins », à juste titre. Mais c’est aussi la double force de Mad Love qui permet de replonger avec une délicieuse nostalgie dans l’enfance, ou l’adolescence, du lecteur qui, lui, aura grandi avec le dessin animé et qui va retrouver cet univers ; et qui offre désormais à un « adulte » un récit au double sens de lecture. On pense ici à certains jeux de mots (« faire un tour en Harley ») ou scènes sexuellement suggestives, qui sautent aux yeux désormais alors qu’enfant ce n’était pas le cas, évidemment — et heureusement ! De même, malgré tout ce côté « lisse » et « simpliste », Mad Love est relativement violent (surtout le Joker) et terriblement triste.

Mad Love Harleen Quinzel

Relativement courte (64 pages), la bande dessinée se suffit à elle-même, bien qu’on en redemande fortement, forcément ! L’ouvrage est donc agrémenté d’une tonne de bonus non négligeable (d’une bonne centaine de pages supplémentaires) qui permet d’atteindre le prix de 15€ ; un poil cher tout de même (même effet que sur Killing Joke, qui coûte 13€ pour une histoire de 46 pages seulement). Les suppléments se composent d’une préface de Paul Dini (à lire sur le site d’Urban Comics) et une postface de Bruce Timm, du storyboard complet en noir et blanc (permettant de constater quelques rares changements de dessins réclamés par l’éditeur à l’époque), de la mise en couleur originale (à nouveau sur l’ensemble du récit, avec les annotations de Bruce Timm au coloriste Rick Taylor), une galerie de couvertures et deux petites histoires, toujours signés par Dini et Timm : Petit Papa Noël (dix pages) et La Croisière s’embrase (six pages), respectivement sur Batgirl et Poison Ivy, mais qui sont clairement anecdotiques.

On ne peut donc que conseiller ce Mad Love, indispensable pour connaître les origines d’un personnage devenu rapidement culte et qui a intégré officiellement la mythologie du Dark Knight. Récompensée par un Eisner Awards (meilleure bande dessinée one-shot), l’œuvre commune de Paul Dini et Bruce Timm n’a absolument pas vieilli depuis sa première publication, en 1994 tout de même ! Une histoire à lire au moins une fois, qui ne demandera peut-être pas —et c’est la son seul défaut— une relecture multiple. À noter également la sublime couverture du tome qui ferait une très jolie affiche murale.

Mad Love Harley Quinn[À propos]
Publiée en France chez Urban Comics le 11 décembre 2015.
Titre original : Mad Love
Scénario : Paul Dini et Bruce W. Timm
Dessin et encrage : Bruce W. Timm
Encrage additionnel : Glen Murakami
Couleurs : Bruce W. Timm, Rick Taylor, Mark Chiarello
Lettrage : Christophe Semal et Laurence Hingray
Traduction : Ayn Rang

Première publication originale en février 1994.

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Mad Love Joker Harley

  À propos du dessin animé Batman

• Tout d’abord, il est important de préciser que la série d’animation est composée en France de quatre saisons comportant respectivement 28, 28, 29 et 24 épisodes. Pour rappel, Mad Love est le tout dernier épisode, celui qui clôt donc la série.
En version originale, c’est un peu plus compliqué : les trois premières saisons constituent en fait la première série de Batman (1992-1995) et comportent donc 85 épisodes (28+28+29). Ces épisodes sont scindés en deux saisons, la première de 65 épisodes (qui est donc la série Batman) et la seconde n’en comportant que 20 (et renommée The Adventures of Batman and Robin). La suite et fin de la série, c’est à dire l’équivalent de la troisième et dernière saison aux États-Unis (la quatrième en France) est appelée The New Batman Aventures (Les Nouvelles Aventures de Batman chez nous). Celle-ci ne comporte donc que 24 épisodes (1997-1999) qui ont quelques différences graphiques notoires (suite à un changement de chaîne de diffusion, sans doute pour se « démarquer » gentiment de la précédente), mais font toujours partie de l’univers de la série commencée en 1992, aussi bien en terme d’ambiance que d’histoire. Moins de complexité pour l’exportation hexagonale puisque désormais tous les épisodes (109 de vingt minutes) sont regroupés dans un très beau coffret DVD (voir ci-dessous).

Batman Dessin Animé Serie Coffret DVD IntegralBatman : la série animée
Coffret intégrale 4 saisons

• Pour les amoureux de la série d’animation, Urban Comics publie également, dans sa collection pour enfants, des histoires inspirées du dessin animé. Deux tomes sont disponibles. On y retrouvera donc le style graphique de Mad Love mais sans la légère noirceur de l’histoire qui parcourt le comic. À réserver aux plus jeunes, aux collectionneurs exigeants ou aux simples nostalgiques de la série.

Batman - Les Nouvelles AventuresBatman : Les Nouvelles Aventures
Tome 1 | Tome 2

• Enfin, Urban Comics prévoit un ouvrage sur Bruce Timm dans sa collection Les Grands Entretiens de la Bande Dessinée. 128 pages qui retraceront l’histoire du dessinateur mythique à travers des interviews et des illustrations. Sortie prévue le 11 mars 2016 !

Bruce Timm

Année Un : Batman / Ra’s al Ghul

En juin 2006, Panini Comics publie le cinquième hors-série de son magazine Batman consacré à l’emblématique Ra’s al Ghul. Cette mini-série se déroule peu après Les jeunes filles et la mort.

Batman Ras al Ghul Année Un[Histoire]
Dans Gotham, les personnes qui sont censées mourir (suites à des maladies, des impacts de balle, des accidents, etc.) semblent étrangement ne pas succomber définitivement à leurs blessures. Elles restent plus ou moins en vie dans un état végétatif. Batman enquête pour comprendre comment cela est possible.

Parallèlement il reçoit une lettre posthume de Ra’s al Ghul son ancien ennemi immortel (censé être mort à la fin de Les jeunes filles et la mort). Celui-ci scande par écrit son éternel envie de désigner le Détective son digne héritier ; il raconte aussi ses souvenirs des anciens siècles, sa découverte des premiers fruits conférant le pouvoir d’immortalité, sa crainte de sombrer (un peu) dans la folie après chaque plongeon dans un puits de Lazare, son amour pour la nature et son désir d’anéantir une bonne partie des humains qu’il juge responsable de la pollution et de la destruction de la Terre. L’éco-terroriste justifie ses actes et emmène Batman dans un jeu de piste mystérieux par la même occasion.

Batman Ras al Ghul Annee Un[Critique]
Découpée en deux chapitres, cette curieuse Année Un de Ra’s Al Ghul excelle dans le premier mais, hélas, perd en qualité, voire en intérêt dans la seconde. Le début annonce en effet une mystérieuse épidémie qui empêche les gens de mourir (qui sera poussé à l’excès avec la résurrection des morts par la suite, ce qui est dommage) et surtout montre le passé de l’emblématique « Tête de Démon ».

Un style visuel typiquement inspiré des estampes japonaises est dès lors utilisé pour les (nombreux) flash-backs. Le résultat, aux tons pastels colorés, est remarquable (pas toujours) mais dénote avec les scènes se déroulant dans le présent et leur côté sombre. Graphiquement il n’y a donc rien à redire.

Ras al Ghul Année UnCôté scénario, arrivé à la fin du récit, l’ensemble est confus : Ra’s Al Ghul n’est donc pas vivant mais il avait réussi à faire des morts de Gotham des zombies qui en avaient après Batman (sic)… Du propre aveu d’Alfred, qui s’adresse plus au lecteur qu’à son maître, dans les dernières cases : « Vous avez fait courir Ubu [un homme de main de Ghul] pour rien, cela je l’ai compris… la suite est moins claire. » La suite est donc une réponse de Bruce expliquant qu’une formule chimique permet de recréer un puits de Lazare, ce qu’il fait dans sa Bat-cave ; il assène que si Ra’s souhaite revenir, il l’attend de pied ferme.

Ra’s al Ghul : Année Un est donc inégal : de jolies planches, alternant deux styles très différents, servent une double histoire. L’une, très réussie, retraçant certains moments de la vie de l’éco-terroriste, l’autre, moins prenant, portant une intrigue sur des zombies et des explications assez floues et peu plausibles, dommage.

Batman Ras al Ghul Annee Un Zombies[À propos]
Publiée en France dans le magazines Batman Hors-Série #5 en juin 2006 par Panini Comics.

Titre original : Year One : Batman/Ra’s al Ghul
Scénario : Devin Grayson
Dessin : Paul Gulacy
Encrage : Jimmy Palmiotti
Couleur : Laurie Kronenberg

Première publication originale en juin et juillet 2005.

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Ra’s al Ghul : Année Un
Year One : Batman/Ra’s al Ghul [en anglais]

Ras al Ghul Year One