Archives de catégorie : La Galerie des Vilains

DCEASED – Unkillables

Après l’excellent one-shot DCEASED, l’histoire se poursuit dans cet Unkillables, spin-off qui met en avant le point de vue des antagonistes durant la propagation virus qui rendait cannibale le monde entier. Plus qu’une série dérivée, ces « increvables » sont clairement une suite, presque un tome « 1.5 » avant le second (cf. index), confirmé et dont les premiers chapitres devraient être publiés durant le second semestre 2020. Critique et explications.

[Histoire]
Durant les premiers jours de l’épidémie du virus d’Anti-vie, Red Hood (Jason Todd) part à la recherche (avec le chien Ace) des derniers membres de la Bat-Famille encore en vie à Gotham City : Gordon et Batgirl (Cassandra Cain). Alfred et Robin (Damian) étant à Metropolis.

Slade Wilson, alias Deathstroke rejoint sa fille Rose, alias Ravager. Le pouvoir auto-guérisseur de Deathstroke permet à ce dernier de ne pas se transformer en zombie. Le maître des miroirs (McCulloch) leur propose une alliance initiée par l’immortel Vandal Savage. Tous se retrouvent sur une île isolée. D’autres vilains survivants sont déjà sur place : Solomon Grundy, Creeper, Cheetah, Captain Cold, Lady Shiva (mère de Cassandra), Bane et Deadshot.

Combien de temps vont-ils tenir ?

[Critique]
En trois chapitres et environ 125 pages de bande dessinée, Unkillables propose une extension haletante et réussie de sa mini-série mère. Comme dit en introduction, on trouve ici bien plus qu’une série dérivée puisque après un premier épisode qui se déroule en parallèle de DCEASED, le second s’étend au-delà de la fin de DCEASED et propose donc une suite au titre initial. Une « autre suite » a depuis était confirmé : DCEASED 2 – Dead Planet (le premier chapitre est prévu pour juin 2020). Tom Taylor poursuit ici son univers alternatif séduisant en écrivant l’entièreté de l’ensemble.

L’intérêt d’Unkillables est double : retrouver ce côté « zombifié » de DC Comics et se concentrer sur des personnages secondaires (le tout avec une nouvelle approche graphique comme on le verra plus loin). Après les écrans, la menace se fait ici à travers les miroirs et fenêtres (difficile d’expliquer pourquoi sans divulgâcher) et de la Wonder Woman zombifiée, surpuissante (qui permet de voir ce qu’elle devient après la fin du volet précédent donc). On apprend aussi ce qu’il était advenu de Billy Batson (Shazam), tôt dans le récit d’une façon énigmatique avant d’être confirmé plus tard, peaufinant ainsi rétroactivement DCEASED.

Suivre les antagonistes est réjouissant car tout ce petit monde se retrouve bien vite coincé dans un orphelinat à Blüdhaven avec des enfants « innocents ». Seul Gordon garde une certaine autorité morale et paternelle, accompagné de… Slade Wilson ! On trouve un duo atypique et étonnant avec ces pères de famille âgés et endeuillés (James a perdu Barbara et Slade ses fils).

Quelques moments géniaux (drôles et décalés) parsèment le récit brillamment rythmé, comme Jason qui attache le cadavre du Joker sur la Batmobile pour le plaisir, l’arrivée de Wonder Woman zombie dans le repaire de Savage, Bane qui suggère à Gordon de l’arrêter (pour le mettre en prison), les cours de survie aux enfants (et leur délicieuse insolence) par des profs criminels, un running gag entre Cheetah et une gamine, les blagues plus ou moins inspirées des protagonistes et l’utilisation de Solomon Grundy, qui est déjà mort-vivant de toute façon.

Pour chipoter, on peut s’étonner que Bane soit associé au sous-titre « le muscle » alors qu’on aurait dû avoir « le muscle ET le cerveau ».

Graphiquement, Karl Mostert et son style particulier apportent une variante bienvenue, loin des dessins un peu plus « mainstream » de DCEASED. Proche de la patte de Franck Quitely (L’Autre Terre) et surtout de Juan Jose Ryp (le tome 7 de Batman & Robin entre autres), les traits de Mostert, en particulier les visages, peuvent ne pas convenir à tout le monde. Petits yeux, lèvres accentuées, grimaces parfois involontaires, on navigue entre des têtes à la limite de la caricature et des figurines de collection plus ou moins loupées.

Cela confère un aspect comique sans qu’on sache si c’est souhaité ou non. C’est le seul point noir de l’ouvrage car du reste, corps, costumes, décors, véhicules, scènes d’action… tout est très net, parfaitement lisible et enveloppé d’une colorisation peu criarde, presque aux tons pastel, habilement dosée en terme d’intensité en fonction des scènes — dont certaines particulièrement gores et violentes. Jouissif !

A l’instar « du tome précédent », tant celui-ci apparaît comme une suite donc, l’ensemble est un peu court et mériterait d’être (une fois de plus) enrichit longuement. L’impression de voir un épisode d’une série télé type The Walking Dead ou jouer à un jeu vidéo du même genre. En cela, Unkillables fonctionne parfaitement, son prix attractif (15,50€) permet de ne pas bouder son plaisir.

Par ailleurs, le titre réussit à surprendre, entre autres par un retournement de situation inattendu et bien fichu pour conclure l’histoire. Comme pour DCEASED, des couvertures alternatives ferment l’ouvrage, dont deux inspirées par des films (Ça, chapitre 2 et Full Metal Jacket). Aucun doute que le lecteur qui avait aimé DCEASED ne doit pas faire l’impasse sur Unkillables (à lire en deuxième, évidemment) !

[A propos]
Publié chez Urban Comics le 10 juillet 2020.

Scénario : Tom Taylor
Dessin : Karl Mostert
Encrage :
Couleur :
Traduction : Jérôme Wicky
Lettrage : Cromatik Ltée – Ile Maurice

Acheter sur amazon.fr : DCEASED – Unkillables

 

 

Joker Renaissance

Joker Renaissance est la compilation de deux volumes de la série Batman entamée en 2011 par le scénariste Scott Snyder et le dessinateur Greg Capullo. Cet épais ouvrage contient donc deux histoires : Le deuil de la famille (à ne pas confondre avec Un deuil dans la famille) et Mascarade. Dans la première, le Joker réussit à kidnapper tous les alliés de Batman et avance connaître l’identité de celui-ci. Dans la seconde, le Clown déverse une toxine dans Gotham City et voit le Chevalier Noir affronter la Justice League avant d’autres péripéties psychologiques et physiques.

 

[Résumé de l’éditeur]
Le Clown Prince du Crime s’apprête à porter les attaques les plus fortes jamais lancées à l’encontre du Chevalier Noir. Que ce soit en s’en prenant directement à Alfred et toute la Bat-Famille ou en prenant le contrôle des membres de la Ligue de Justice à l’aide d’un mystérieux gaz, le Joker est toujours là pour se rappeler au bon souvenir de Batman et le pousser dans ses derniers retranchements, son pire ennemi, le plus fou, le plus mauvais. Ni plus, ni moins.

Pour les critiques détaillées, voir celles respectives du Deuil de la Famille puis de Mascarade.

En relisant « à la suite » ces deux derniers (et donc en lisant Joker Renaissance), on reste globalement mitigé sur l’ensemble. La partie graphique remporte l’adhésion et est sans aucun doute le point fort du livre. Côté scénario, la première histoire raconte la fracture de la confiance au sein de la Bat-Family… Une idée séduisante mais maladroitement développée car n’apparaissant qu’à la fin du récit et donc n’ayant aucune conséquence dans la série en elle-même. Il fallait se tourner vers les séries annexes au même moment pour trouver un intérêt plus prononcé à l’ensemble du Deuil de la Famille. On apprécie tout de même l’affrontement plutôt « psychologique » entre l’homme chauve-souris et sa Némesis. Quant à Mascarade, si on accroche à son début et sa fin, l’histoire en elle-même reste paradoxalement confuse et convenue. Confuse car il y est question de biologie surréaliste et tirée par les cheveux, convenue car le déroulé de la narration reste assez basique, in fine. Néanmoins il y a quelques chouettes propositions : Batman contre la Justice League, le rôle de la Cour des Hiboux (encore une fois trop en retrait), l’évolution d’Alfred et sa fille, la conclusion de l’ensemble…

L’intérêt de Joker Renaissance réside donc (un peu) dans son prix (35€, un peu moins cher que l’achat des deux autres tomes séparément (38€)) et (surtout) la possibilité de tout lire « à la suite » au lieu d’avoir la coupure de L’An Zéro puis d’épisodes peu palpitants.

Néanmoins et comme explicité dans les critiques, on est loin d’avoir le meilleur du traitement du Joker et de Batman dans ce double récit malgré quelques bonnes idées et, évidemment, ses jolies planches signées Greg Capullo. En effet, si les planches sont un régal pour les yeux grâce à la finesse de ses traits et son style atypique, les histoires de Scott Snyder divisent. Cela démarre toujours très bien, avec un concept novateur et des idées intéressantes mais l’évolution et la conclusion de ses récits sont bancales, avec, comme déjà dit, un résultat final mitigé. Certains apprécient son audace, notamment de proposer une vision axée sur la confiance (brisée) entre Batman et sa « famille », d’autres déplorent une facilité narrative et des « non-évènements » sans impacts majeurs. À découvrir éventuellement pour la proposition graphique et le look du Joker post-2010’s, ainsi qu’un parti pris narratif déroutant ou passionnant.

Joker – L’homme qui rit

Joker – L’homme qui rit rassemble deux histoires déjà publiées dans d’autres ouvrages : le chapitre unique L’homme qui rit, disponible dans Joker Anthologie et les quatre chapitres centrés sur le Joker issus de Gotham Central. Cette petite compilation est surtout destiné au public amateur qui souhaiterait découvrir le Clown du Crime dans deux récits accessibles.

L’homme qui rit avait déjà bénéficié d’une petite critique qu’on remet ci-après. Gotham Central n’étant toujours pas chroniqué, cet article sera mis à jour quand ce sera fait.

L’Homme qui Rit Batman : The Man Who Laughs (2005)
Un mystérieux « bouffon » apparaît à la télévision et annonce les futures morts à venir de certaines personnes : toutes faisant partie de l’élite de Gotham. C’est la première fois que le Joker (son surnom donné par la presse) apparaît à Gotham, trois mois après la chute de Red Hood dans une cuve d’acide causée par Batman.

Joker l'homme qui rit

Sans aucun doute l’un des meilleurs récits de l’anthologie, si ce n’est LE meilleur. Calqué sur Année Un, à qui il rend hommage, en reprenant le même système de narration croisée entre Gordon (alors simple capitaine de police) et Batman (qui n’est encore qu’une rumeur urbaine). Le titre, quant à lui, s’inspire évidemment du film éponyme, lui-même adaptation d’un roman du Victor Hugo. C’est la photo de l’acteur interprétant un saltimbanque défiguré qui donnera la matière première à Bill Finger pour la conception du personnage (dont la paternité s’attribue également à Bob Kane et Jerry Robinson). Au scénario, l’on retrouve Greg Rucka (Gotham Central) et Doug Menhke aux dessins (L’énigme du Red Hood). Seule la colorisation sera le point noir de ce long chapitre. Soixante-trois pages le compose (plus que Killing Joke (!) et l’équivalent de deux tiers de Année Un). Entre les monologues alternés, le côté glauque de l’œuvre, les parties énigmatiques et clairement la réapparition moderne de l’excentrique et manipulateur Joker, on pourrait presque regretter une non publication en librairie de L’Homme qui Rit ! La dernière case, avec le Bat-Signal conclut à merveille cette histoire, qu’on pourrait légitimement appelée  » Joker : Année Un ».
[Scénario : Ed Brubaker / Dessin : Doug Mahnke]