Archives de catégorie : Batman

Batman Nocturne – Tome 4 : Intermezzo

Intermezzo aurait pu prétendre au titre de meilleur tome de la série très très moyenne Batman Nocturne – ou en tant cas du moins pire volume – si son étrange découpage ne venait pas ternir à la fois le rythme et la lisibilité de l’ensemble. C’est dommage, même si tout n’est pas à jeter. Explications.

[Résumé de l’éditeur]
Batman, désormais sous le contrôle d’un démon Azmer, est retenu captif en attendant son exécution publique par pendaison. Gotham est devenue une terre de non-droit sous l’emprise de l’impitoyable famille Orgham, dont le pouvoir est dorénavant incontesté depuis que la Bat-Famille a été mise en déroute. Seule une alliance contre-nature des plus grands alliés et ennemis de Batman pourrait sauver le justicier de la potence… mais peut-être est-ce déjà trop tard.

Pas besoin de détailler davantage le début de l’histoire, le résumé de l’éditeur suffit amplement.

[Critique]
Ce quatrième opus est composée de cinq chapitres (Detective Comics #1076-1080), constituant l’histoire Hors-la-loi et si on les mettait bout à bout à la suite sans interruption (par des backs-up – on y reviendra), nul doute que la compréhension et appréciation de la bande dessinée aurait été meilleure. Au cœur de ces cinq épisodes : le sauvetage de Batman (très en retrait tout au long de la fiction) opéré par Catwoman et une poignée d’alliés et d’antagonistes habituels de l’univers de l’homme chauve-souris (Azraël, Freeze et Cheshire en tête). On est donc plutôt éloigné des ennemis récents et risibles propres à cette série (la famille Orgham donc) qui apparaissent ici mais au second plan également. L’enchaînement de cette mission dans une Gotham ravagée est particulièrement plaisante, bien loin de ce que à quoi nous avait habitué l’auteur Ram V jusqu’à présent.

Hélas et comme mentionné, la fiction est sans cesse interrompue et parsemée de back-ups moins passionnants (la plupart titré Interlude, comme cet opus donc). On a d’abord juste après le premier chapitre, Le Cri sur « Montoya » (les guillemets sont de mises, les lecteurs comprendront pourquoi), Interlude – L’épée de Batman sur Azraël et Interlude – Le complainte de l’invocateur (une seule double page certes mais ajoutant un troisième élément segmentant en si peu de temps). Après le deuxième épisode, Interlude – Amour toxique met en scène Cheshire et sa fille Lian et Solomon Grundy (!). Le troisième chapitre est lui aussi suivi par un interlude, Camouflée (sur Catwoman), et le quatrième n’échappe pas à la même règle avec Interlude – Voyage vers la lumière. Enfin, idem après la conclusion du tome puisque Interlude – Aleasa renoue avec une autre figure familière (qu’on ne dévoilera pas mais devrait être mis en avant dans le cinquième tome).

Au total, ce sont donc sept courtes histoires (très inégales au demeurant) qui viennent casser le rythme et la sublime cohérence graphique originelles (d’Alexander – voir paragraphe suivant) et gâcher l’immersion. Bien sûr, ces courts segments apportent un complément narratif (dispensable) à la compréhension de ce qu’on a lu juste avant ou qu’on s’apprête à découvrir juste après mais il aurait sans doute été préférable de tous les rassembler au tout début, au milieu ou à la toute fin du titre pour conserver une meilleure narration. C’est Dan Watters qui écrit ces backs-up, secondé par une myriade de dessinateurs différents (voir crédits de cette critique), proposant tous une jolie patte très singulière mais clivante, complètement éloignée des productions mainstreams (aucune image de cette chronique n’en provient).

Toujours côté graphisme, Jason Shawn Alexander s’en sort admirablement bien sur l’histoire principale avec ses planches résolument gothiques et séduisantes à souhait (voir les illustrations de toute cette page), plutôt proches d’une bande dessinée indépendante (alternant parfois avec Mike Perkins). C’est le point fort d’Intermezzo, indéniablement : lire les cinq épisodes principaux à la suite avec les traits élégants d’Alexander, son ambiance feutrée et son esthétisme unique et intemporelle permet une expérience très appréciable – rappelant certains pans mythiques de la stature de Batman à la fin des années 1980 et début des 1990. Malheureusement, le découpage narratif n’aide en ce sens, alors si vous lisez cette critique avant cet opus de Batman Nocturne, il est peut-être plus judicieux de suivre ce conseil de lecture ! Du reste, on est toujours un curieux de voir où on veut en venir Ram V mais on a surtout hâte que ça se termine car l’entièreté du run est affolant d’être si peu intéressant et palpitant…

[À propos]
Publié chez Urban Comics le 24 mai 2024.
Contient : Detective Comics #1076-1080
Nombre de pages : 192

Scénario : Ram V, Dan Watters
Dessin & encrage : Jason Shawn Alexander, Liam Sharp, Mike Perkins, Ram V, Caspar Wijngaard, Juan Ferreyra, Christopher Mitten
Couleur : Dave Stewart, Triona Farrell, Ram V, Liam Sharp, Caspa Wijngaard, Juan Ferreyra

Traduction : Thomas Davier
Lettrage : MAKMA (Gaël Legeard)

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Dark Knights of Steel – Tome 2 : La guerre des trois royaumes

Deuxième et dernier tome de la variante moyenâgeuse de DC Comics, chapeauté par Tom Injustice & DCEASED Taylor (cf. critique du premier volet), que vaut ce segment heroïc-fantasy si inhabituel ? Critique.

[Résumé de l’éditeur]
Aux portes de la mort, Batman se cache pour essayer de se remettre de ses blessures et de la trahison de son frère d’armes, Kal-El. Loin de là, la bataille pour les Trois Royaumes s’enveniment et prend vite une tournure dramatique, alors que les ennemis se révèlent et que de sombres secrets se répandent comme le sang sur le champ de bataille… Les héros parviendront-ils à éviter à cette guerre l’issue la plus funeste ?

Pas besoin de détailler davantage le début de l’histoire, le résumé de l’éditeur suffit amplement.

[Critique]
On ne change pas une formule qui gagne, si le premier opus (très sympathique et original) vous a plu, aucun doute que cette seconde et dernière salve devrait aussi vous réjouir ! Comme dans quasiment toutes les œuvres de Tom Taylor, la narration est limpide, rapide, bien rythmé (le point fort de cet auteur). On retrouve les personnages majeurs du précédent volet, Batman, Superman et Wonder Woman en tête auxquels quelques figures secondaires s’ajoutent, certaines déjà vues, d’autres inédites (dont les Titans, teasés en conclusion du premier volet et, beaucoup d’autres qu’on ne dévoilera pas pour ne rien gâcher).

Après un chemin un peu conventionnel, La guerre des trois royaumes prend une tournure un brin inattendue – un brin « cosmique » – qui relance aussi bien l’intrigue que ce qu’on avait lu auparavant ! En six épisodes, Tom Taylor continue de s’amuser (embarquant son lecteur avec lui) et propose une itération toujours aussi agréable, on a même droit à un dragon ! Seule ombre (récurrente chez l’auteur, une fois de plus) : tout va parfois un peu vite et on aurait aimé que le scénariste s’attarde sur des protagonistes et les voir évoluer dans cet univers si séduisant.

D’un côté la lecture est sympathique, d’un autre le vaste nouveau monde médiéval frustre par sa faible expansion. Il n’y a à date (été 2024) par de séries dérivées ou suites prévues, c’est bien frustrant tant il y a à raconter, dévoiler, présenter et faire évoluer cette itération inédite (surtout vu la conclusion). C’est le paradoxe propre aux comics quand il y a un « coup de maître » (ce n’était pas le cas ici, un bel éclat séduisant tout au mieux), lui apporter de nouveaux segments est toujours risqué, au point de tomber dans la suite médiocre (The Dark Knight Strikes Again ou Batman – Damned par exemple) ou dans un trop plein indigeste (Injustice justement), difficile de trouver le bon équilibre et, peut-être, que Dark Knights of Steel devrait rester ainsi !?

Visuellement, on retrouve Yasmine Petri pour conserver l’homogénéité graphique du premier tome et toujours ses qualités et quelques défauts (fonds de cases vides, décors un peu pauvres…) mais avec de belles mises en scène parfois et une fluidité dans l’action. Il y avait l’opportunité d’iconiser d’incroyables choses (Batman sur un Dragon !) mais c’est partiellement atteint malheureusement. La gestion de « temps de présence » de l’ensemble des protagonistes est plutôt bien géré même si, encore et toujours, certains arrivent et repartent aussitôt, c’est un peu dommage… Néanmoins, pour le prix (aussi bien de la version normale – 17 € – que la variante – 19 €), inutile de faire l’impasse si le premier volume avait séduit. Pour les hermétiques à cette proposition, inutile de se l’infliger évidemment.

[À propos]
Publié chez Urban Comics le 17 mai 2024.
Contient : Dark Knight of Steel #7-12
Nombre de pages : 160

Scénario : Tom Taylor
Dessin & encrage : Yasmine Putri, Nathan Gooden
Couleur : Arif Prianto

Traduction : Julien Di Giacomo
Lettrage : MAKMA (Gaël Legeard, Lorine Roy, Sarah Grassart et Stephan Boschat)

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Batman Dark City – Tome 4 : Bombe Mentale

Après trois tomes très très moyens, la série Dark City se poursuit dans un volume de prime abord accessible (quasiment un récit indépendant !) qui compile deux récits : Bombe Mentale et (le semi célèbre) Joker, année un. Si ce dernier a fait un peu de bruit aux États-Unis et qu’il sort de façon discrète chez nous, il s’avère plutôt médiocre. Critique.

[Résumé de l’éditeur]
Après les désastreux événements qui se sont déroulés lors de la Gotham War, Batman se retrouve parfaitement isolé, séparé de sa famille. Dans ces conditions cataclysmiques, la rage de Zur-en-Arrh n’attend qu’une étincelle avant de se consumer. Batman contrôle cette colère, mais combien de temps encore y parviendra-t-il ? D’autant qu’une menace ancienne refait surface. Il rampe dans la ville, nargue le Chevalier Noir. C’est bien le Joker en personne qui signe son grand retour. Un seul maître mot pour Batman résonne : arrêter le Clown Prince du Crime une bonne fois pour toutes.

Pas besoin de détailler davantage le début de l’histoire, le résumé de l’éditeur suffit amplement – par ailleurs, un parfait texte revenant sur les trois volets précédents en avant-propos permet de se remémorer efficacement tous les évènements survenus.

[Critique]
Un début agréablement plaisant, une exécution correcte (mais sans éclat) puis une seconde moitié particulièrement décevante. Dans le récit (au titre du comic book) Bombe Mentale, Chip Zdarsky propose en trois épisodes (ainsi qu’un back-up connecté, dessiné par Dustin Nguyen, Tous sur le même bateau) un morceau d’aventure étonnamment abordable sans avoir lu les précédents tomes et paradoxalement qui le relie à plusieurs titres. Ainsi, Bruce Wayne s’est (à nouveau) isolé entièrement, coupant tous liens avec la Bat-Famille (en conséquence de l’opus précédent), ramène Failsafe (du premier volet éponyme) et convoque Zur-en-Arrh de nouveau ainsi que les Batman du multivers – en version Zur également (cf. le deuxième volume) et même… Batman – The Knight ! Dans ce récit complet publié peu avant Dark City, l’auteur proposait sa version des premiers pas de Batman à travers le monde. Une œuvre imparfaite mais plaisante, qui était assez originale et s’intercalait bon gré mal gré dans une chronologie semi officielle.

En proposant plusieurs rappels à The Knight, Zdarsky l’inscrit donc dans la continuité canonique. Le scénariste réussit donc le tour de force de comprendre sans problème ce quatrième Dark City sans forcément avoir lu The Knight. Car si le récit Bombe Mentale y est connecté, l’autre récit, Joker, année un, l’est davantage mais, cette fois, c’est une catastrophe ! Dans les trois chapitres qui compose ces vagues origines du Joker, on ne comprend absolument pas ce qu’on lit. Il y est question à la fois de suite de Killing Joke (à peine), de confirmation des Trois Jokers (à plusieurs reprises mais sans que ce soit correctement expliqué) et de mentor (venant de The Knight justement) qui aurait coaché le Joker quand ce dernier était en phase de transition, parfois apeuré par sa nouvelle apparence et psyché !

Non seulement Joker, année un, n’apporte pas grand chose de pertinent mais, surtout, le peu qu’il propose est particulièrement mal écrit, confus et potentiellement crispant pour les attachés à la sacro sainte continuité (à raison). Il y aurait donc un ancien guide (le fameux mentor) de Bruce/Batman qui aurait effectué le même travail sur le Joker peu après… Voilà. Bon… Le pire est que tout ceci est très mal narré et montré, balayé en quelques cases dans un labyrinthe qui navigue entre passé et présent, réalité et imagination (à l’instar de Bombe Mentale – la première histoire). On navigue parfois dans le palais mental de Bruce (puis du Joker), rappelant quelques séquences de la série Sherlock dans ses heures les plus improbables, comme ici. C’est dommage car le début de ce quatrième tome n’était pas trop mal et relevait un peu le niveau.

Notons aussi deux autres back-ups centrés sur Vandal Savage, dans la lignée du volet précédent, Gotham War (où il était le grand ennemi), placé dans les débuts du livre, sauf que c’est complètement déconnecté des deux autres récits ! Et vu la conclusion de ce mini segment (toujours écrit par Zdarsky, dessiné par Jorge Corona et Mike Hawthorne – assez moyen), il aurait sans doute été plus pertinent de le proposer en ouverture du cinquième tome (qui compilera probablement les chapitres #145-150 — contenant au minimum l’arc Dark Prisons et The Joker : Revelations (en back-ups) ; avec les retours de différents alliés et ennemis). Heureusement, il reste la partie graphique de l’entièreté du tome globalement qualitative mais à nuancer grandement pour plusieurs raisons.

Tout d’abord, les trois premiers chapitres sont signés Jorge Jimenez, retrouvant l’efficacité graphique et le style mémorable, ultra léché et brillamment mis en couleur par le prolifique Tomeu Morey. En cela, le duo propose une aventure visuelle d’envergure. Quant aux trois épisodes suivants, on retrouve un classicisme assez moyen de Giuseppe Camuncoli et l’excellence habituelle de Andrea Sorrentino (Batman Imposter, Joker – Killer Smile…). Problème : dans certaines cases, les personnages et les décors semblent être produites par une Intelligence Artificielle ou en tout cas partiellement générées par celle-ci puis retravaillées ensuite par l’artiste. Comme ce Joker christique et ses étranges doigts ou ce Batfleck (inspiré par Ben Affleck dans Batman v Superman) à cheval – cf. image ci-dessous ainsi que les dernières illustrations proposées à la fin de cette critique. En mars 2024, l’entourage de Sorrentino démentait fermement ses accusations, restées sans suite depuis (l’occasion de relire l’excellent papier de ComicsBlog.fr sur ce sujet). Comme toujours, au lecteur en son âme et conscience d’arbitrer sur la question morale sur ce débat auquel un peu de transparence serait bienvenu au minimum…

En somme, ce quatrième Dark City continue l’agonie imposée au Chevalier Noir, une volonté de « l’isoler, l’affaiblir et le déconstruire » comme stipule l’éditeur en quatrième de couverture. Problème : cela fait des années que c’est le mantra appliqué à Batman avec peu de succès (critique ou public). Chip Zdarsky est l’un des plus mauvais auteurs de run sur le détective (décevant de sa part après son travail salué sur Daredevil). Hélas, l’autre série de la continuité, Detective ComicsNocturne chez nous –, chapeauté par Ram V, est elle-aussi très faible. Il ne fait pas bon être fan de comics Batman depuis quelques temps, espérons un renouvellement qualitatif prochainement ou un changement radical (sans doute fin 2024 aux US et début 2025 chez nous avec la nouvelle ère Absolute qui remplace Infinite).

[À propos]
Publié chez Urban Comics le 7 juin 2024.
Contient : Batman #139-144
Nombre de pages : 201

Scénario : Chip Zdarsky
Dessin : Jorge Jiménez, Giuseppe Camuncoli, Andrea Sorrentino, Jorge Corona, Mike Hawthorne, Dustin Nguyen,
Encrage : Stefano Nesi, Andrea Sorrentino
Couleur : Tomeu Morey, Alejandro Sanchez, Dave Stewart, Ivan Plascencia, John Kalisz,

Traduction : Jérôme Wicky
Lettrage : MAKMA (Gaël Legeard)

Acheter sur amazon.frBatman Dark City – Tome 4 : Bombe Mentale (21 €)