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Batman – Shadow War

Si le titre est vendu comme récit complet, il poursuit en fait les deux premiers tomes de la série Robin Infinite (cf. critique 1 puis 2), l’équivalent du premier opus de Deathstroke Inc. – surtout son septième chapitre – (disponible dans Batman Infinite Bimestriel #2) et brièvement Batman Infinite Tome 4 (Abyss). Shadow War est-il malgré tout accessible ? Contextualisation, découverte et critique.

[Introduction par Urban Comics – issu du livre et disponible sur leur site]

Batman Shadow War est un crossover événement entre Batman, Robin, Deathstroke et Talia Al Ghul. C’est un récit chorale mettant en scène la suite des séries Batman Infinite, Robin Infinite et Deathtroke Inc. (publié dans la Batman Infinite Bimestriel #2).

Dans la série Robin Infinite, Damian Wayne décide de participer à un tournoi à mort sur l’île de Lazare, dotée de propriétés magiques semblant ramener à la vie à deux reprises quiconque y meurt, et où les meilleurs combattants du monde s’affrontent pour gagner l’immortalité. Sous l’œil de l’organisatrice, une certaine Mère Soul, Damian doit affronter des adversaires redoutables tels que Ravager, la fille de Deathstroke, le mystérieux Respawn et Flatline, la jeune pupille de Lord Death Man dont il tombe amoureux. En enquêtant sur l’île, Robin se rend compte que Mère Soul n’est autre que Rúh al Ghul, la mère de Ra’s et par conséquent sa propre arrière grand-mère. Il découvre alors qu’elle se sert du tournoi pour offrir des sacrifices à l’île, qui cache en son cœur un puits de Lazare. Une fois la victoire remportée par Hawke et le puits chargé, elle en libère un démon, avec pour objectif de purger la Terre des êtres humains afin que la nature reprenne ses droits. Ensemble, les participants du tournoi parviennent à le vaincre. C’est à ce moment que Ra’s arrive sur l’île au côté de Talia, décidé à contrecarrer les plans de sa mère et à la tuer une bonne fois pour toutes, avant d’être stoppé par Robin. C’est enfin l’occasion pour Damian et sa mère de se rapprocher, mais l’avenir de leur famille est incertain. Ra’s est en effet mourant, et ne peut plus utiliser les puits de Lazare…

De son côté, Deathstroke est lui aussi bien occupé. Sous les ordres du T.R.U.S.T. et de sa directrice, Juliette Ballantine, il doit faire équipe avec Black Canary pour affronter les « vilains » de ce monde. Pour Slade Wilson, il s’agit de savoir une bonne fois pour toutes s’il compte se ranger dans le camp des criminels ou dans celui des héros. Pour Dinah Lance, il s’agit d’une mission d’infiltration pour le compte d’Oracle afin de découvrir ce que le groupe manigance. En effet, il est découvert que le T.R.U.S.T. ne cherche pas à arrêter les vilains mais à les recruter, les neutralisant en cas de refus. Ce groupe n’est autre que la Société Secrète, dont l’objectif est de rallier héros et criminels pour lutter contre les plus grandes menaces et protéger le Multivers – ainsi que leurs propres intérêts. Deathstroke décide de tuer et de remplacer leur chef, fondant ainsi Deathstroke Inc., qui est à ses yeux un rempart contre le mal. Dinah, qui refuse de collaborer avec lui, n’est pas la seule à désapprouver sa conduite puisque Ravager et Respawn décident de le stopper. Deathstroke découvre alors que Respawn est en réalité une clone de lui-même et de Talia al Ghul, formé par Ra’s dans le but de servir de réserve d’organes pour le jeune Damian Wayne. L’acceptant comme son fils, Deathstroke le prend sous son aile et décide de l’entraîner afin qu’il prenne part à son grand projet.

Quant à Batman, il a réussi à mettre fin à l’État de Terreur de Gotham orchestré par l’Épouvantail via le programme sécuritaire Magistrat. Si la ville semble panser ses plaies, le crime ne dort jamais, et Batman non plus. Il apprend que d’anciens membre de Batman Incorporated ont été arrêtés suite à l’assassinat d’un criminel nommé Abyss. Le programme Batman Inc. avait pourtant été abandonné, mais il semblerait que Lex Luthor ait décidé de le financer dans le but de se servir de ses membres. Batman se rend rapidement compte qu’Abyss, qui a simulé sa mort, est un héros créé puis abandonné par Lex, ce dernier souhaitant former une légion de Batman à ses ordres. En réalité, les membres de Batman Inc. étaient en mission sous couverture et ont contribué à neutraliser Abyss et Luthor… serait-ce l’occasion de relancer le programme ? Gotham est déjà protégée par de nombreux alliés tels que Ghost Maker, qui s’occupe activement de former un jeune homme déterminé à se venger des sbires du Joker pour le compte de Batman, Clownhunter. Mais il est tout de même temps pour Batman de retourner à Gotham… ce que Deathstroke semble attendre de pied ferme.

En synthèse, il faut donc avoir lu idéalement Robin Infinite (Contre le monde ! puis Le démon intérieur), éventuellement Deathstroke Inc. (ou uniquement son septième chapitre, le seul réellement connecté à Shadow War) et facultativement Batman Infinite Tome 4 (Abyss). Le novice risque d’être perdu et seul l’extrême complétiste y trouvera son compte (et encore… d’autres récits sont reliés à Shadow War, comme on le verra en fin de critique). Malgré tout, même si on n’a pas tout lu en amont, on peut apprécier l’ensemble mais, évidemment, ça perdra de sa saveur !

[Résumé de l’éditeur]
Avec l’assassinat présumé de Ra’s Al Ghul par Deathstroke, c’est une véritable guerre que le mercenaire semble avoir déclenché. Talia, héritière du Démon, est bien décidée à venger son père et envoie aux trousses du meurtrier sa Ligue des Ombres pour l’éliminer. De leurs côtés, Batman et Damian Wayne, Robin et petit-fils du Démon, doivent s’associer pour amener Deathstroke devant la justice avant que Talia ne le tue. Et si l’assassinat de Ra’s Al Ghul n’était pas ce qu’il semblait… ?

Inutile de détailler le début de l’histoire, le résumé officiel de l’éditeur suffit.

[Critique]
Shadow War comporte de nombreux points forts qui permettent de conseiller le titre mais « malheureusement » son parti pris de crossover est aussi son point faible. On explique. Tout d’abord, les deux tiers du titre fonctionnent à merveille (et rien que pour cela on le conseille) : on s’interroge sur l’identité de l’usurpateur de Deathstroke, on suit avec engouement le fameux mercenaire et son « fils » dans une étrange fuite, couplée à la fois à la vengeance de Talia et ses Ligues mais aussi à la quête de justice (et de vérité) de Bruce/Batman accompagné de Damian.

Tout est très, très efficace : le rythme sans temps mort, la relation entre Bruce et Damian, celle entre Deathstroke et Unspawn, le terrain de jeu de l’ensemble, la dimension un brin « politique » (on insiste sur les guillemets), les connexions diverses et variées, plus ou moins facultatives, qui donnent corps au récit endiablé de Joshua Williamson, grand architecte de toute cette mini saga !

Ensuite, arrivé au dernier tiers, un épisode inédit revenant sur quelques têtes secondaires (Black Canary, Harley Quinn, Ghost-Maker, Clown Hunter…) vient complètement casser le rythme et apporter des informations sans grand intérêt. Dans son ultime ligne droite, Shadow War révèle qui tirait les ficelles dans l’ombre – son nom ne sera pas dévoilé ici, on peut d’ailleurs l’anticiper en début d’ouvrage en étant attentif. Mais… pour pleinement apprécier ce twist final, il faudrait avoir lu – Leviathan (disponible en deux tomes en France).

Bigre ! Comme si les séries mère ne suffisaient pas… Attention, Shadow War ne sera pas incompris ou « moins bon » si on n’a pas lu ces autres titres, mais, une fois de plus, il perd de sa saveur initial. C’est l’aboutissement agréable (et une sorte de récompense) pour le lecteur qui aurait tout suivi – avec une remarquable cohérence – mais ça perd en chemin les autres (probablement plus nombreux).

C’est donc ce point faible de la fiction – qui en aussi son point fort – qui le rend si paradoxal. Heureusement, entre l’écriture ciselée, les quelques émotions, l’investigation et les beaux dessins de l’ensemble (on y vient après), Shadow War demeure tout de même bien au-dessus de la moyenne de ce genre de productions (encore plus quand il s’agit d’une histoire entremêlée). Même si Batman est en retrait, le récit est (très) riche en action et devrait satisfaire les habitués du genre (on pense au plaisant Justice League vs Suicide Squad par exemple). C’est donc un « petit » évènement qui ne fera peut-être pas date dans la chronologie de Batman et/ou de DC Comics mais qui assure ce qu’il faut.

Il y a toutefois des questions en suspens. Si la mort d’un personnage secondaire ne fait pas trop de doute (révélée dans le paragraphe suivant pour les plus curieux), celle de Ra’s al Ghul semble elle aussi « définitive » (il a carrément été décapité !). Si cela est conservé à terme, alors Shadow War deviendra (peut-être) un peu plus « culte » et mémorable. C’était une réflexion abordée lors de la mort d’Alfred dans la fin de Batman Rebirthon n’y croyait pas vraiment tant les protagonistes de comics meurent et ressuscitent sans cesse – mais il semblerait bien qu’on se soit trompé car le célèbre majordome n’est toujours pas revenu presque quatre ans plus tard.  Ici, on parle d’un éco-terroriste-ninja quasiment immortel, ce serait étrange de ne jamais le revoir mais ce sera donc « à suivre » dans les prochaines publications DC.

De la même manière (cette fois-ci, attention aux spoilers) le retour à la vie de Deathstroke était très prévisible (à l’inverse de son fils/clone de Damian – lui bel et bien mort dans l’immédiat – avant d’être plongé dans un puits de Lazare ?). Sauf que… le célèbre mercenaire ne compte pas en rester là et pour découvrir ses futurs desseins, il ne faut pas se tourner vers sa série Deathstroke Inc. (les derniers épisodes de celle-ci sont un immense flash-back intitulé Year One – non prévu en France pour l’instant). Il faut livre… Dark Crisis on Infinite Earths, comme annoncé dans la dernière planche ! Quoi ? Encore un autre titre relié à tout ça ? Et oui… Shadow War s’en veut même être une sorte d’introduction luxueuse. Alors certes ce n’est pas essentiel « à ce stade » mais tout de même, on reste sur notre faim/fin et savoir qu’on doit découvrir cette « crise » (cf. index) peut également en laisser plus d’uns sur la touche (au-delà d’avoir un sentiment déceptif en fin d’ouvrage). Pire la suite de l’épopée de Robin trouvera une semi conclusion dans Robin Infinite – Tome 3 qui se poursuit « réellement » dans… Planète Lazarus ; quel enfer.

Shadow War a donc ce tort d’être connecté à des séries avant et après, des évidentes (Robin Infinite, Deathstroke Inc.…) et d’autres facultatives mais tout autant pertinentes pour un plaisir complet (Batman Infinite – avec une reprise de figures provenant de toute la saga Joker War même s’ils n’apportent pas grand chose de pertinent –, Leviathan…). Une fois tous ces éléments sus, à voir si on passe à la caisse : on le redit, sur ce site on trouve malgré tout que le récit est passionnant et « suffit » pour une lecture divertissante et, peut-être, « importante » vu les destins funestes engendrés. Inutile de rappeler que les fans de Damian Wayne, Deathstroke et de la famille Ghul y trouveront leur compte quoiqu’il arrive.

Visuellement, l’ensemble du titre est de bonne facture, croisant de nombreux artistes qui œuvraient sur les séries mères. On retrouve donc, pêle-mêle, Victor Bogdanovic, Howard Porter, Paolo Pantalena, Roger Cruz et six autres dessinateurs ! Un collectif impressionnant au total (dix dessinateurs donc mais aussi neuf coloristes et onze encreurs !) en plus de quatre scénaristes. Malgré tout, il en résulte une qualité graphique bien élaborée même si très hétérogène ; dans le genre « mainstream » on va dire que ça reste convenable.

Batman – Shadow War vient donc conclure une ère (Infinite) et presque trois séries (Batman Infinite, Deathstroke Inc. et Robin Infinite – ce dernier aura néanmoins un troisième tome qui sera davantage un épilogue (mais aussi un prologue – encore !) qu’autre chose). Sans être révolutionnaire (à date, à voir sur le long terme concernant Ra’s al Ghul), le crossover remplit efficacement sa notion de « divertissement » (la fameuse…) bien qu’il souffre d’être connecté à trop de séries. À lire (ou acheter) en toute connaissance de cause et en fonction de son exigence sur ce genre de proposition (qui – on le rappelle – fonctionne tout à fait pour une lecture limpide, rythmée et sans prise de tête).

[À propos]
Publié chez Urban Comics le 18 novembre 2022.
Contient : Batman #122-123 + Robin #13-14 + Deathstroke Inc. #8-9 + Shadow War Alpha #1 + Shadow War Omega #1 + Shadow War Zone #1
Nombre de pages : 280

Scénario : Joshua Williamson, Nadia Shammas, Ed Brisson, Stephanie Phillips
Dessin : Victor Bogdanovic, Howard Porter, Paolo Pantalena, Roger Cruz + collectif
Encrage : Collectif
Couleur : Collectif

Traduction : Jérôme Wicky
Lettrage : Moscow Eye

Acheter sur amazon.frBatman – Shadow War (24 €)






Robin Infinite – Tome 2 : Le démon intérieur

Après un premier tome sympathique (mais un brin expéditif), suite de Robin Infinite avec un volume deux inégal et dont la suite se déroule(ra) dans Shadow War avant le troisième et dernier opus !

[Résumé de l’éditeur]
Alors que victoires éclatantes et défaites mortelles s’enchaînent à un rythme effréné, le grand tournoi s’apprête à entrer dans sa phase finale. Entretemps, les secrets de l’île de Lazare se dévoilent un à un, laissant apparaître un plan à l’ampleur insoupçonnée… Damian saura-t-il utiliser tout ce qu’il a appris pendant le tournoi, ou mourra-t-il pour la dernière fois ?

Inutile de détailler le début de l’histoire, le résumé officiel de l’éditeur suffit.

[Critique]
Le premier volume était plutôt séduisant à défaut d’être introspectif ou réflectif (et ce n’est pas un défaut), ce second est malheureusement moins intéressant (même s’il propose une conclusion correcte). En effet, le premiers tiers s’attarde sur les nouveaux personnages introduits dans le tome précédent (à l’exception de Respawn dont on ignore toujours l’identité – elle sera révélée dans la série Deatshtroke Inc., cf. critique de Shadow War), c’est très bien mais arrive un peu tard. Il s’agit du chapitre annual de la série, qui aurait probablement été plus propice de proposer en fin de l’opus précédent. Le second tiers poursuit et termine le fameux tournoi en passant presque directement au duel final (entre Hawke et Damian) !

Le lecteur n’a donc pas pu « savourer » les affrontements ni voir l’évolution de l’ensemble. On n’a pas suivi tous les protagonistes, on n’a pas tremblé avec eux, on n’a pas pu avoir de surprises, c’est extrêmement dommage vu le champs des possibles initial. D’autant plus que lorsqu’un chapitre met quasiment un seul combat en scène, il le réussit avec brio. Le dernier tiers s’attarde sur le relationnel entre les Ghul avec un flash-back pertinent mais qui laisse le tournoi comme vague prétexte, in fine.

L’identité de Mère Soul est révélée dès les premières planches, sans surprise, elle est connectée à la famille Ghul. Attention aux révélations dans les prochaines lignes, passez au paragraphe suivant si besoin. Mère Soul est la mère de Ra’s al Ghul, donc l’arrière grand-mère de Damian. Son objectif est de nourrir l’île de Lazare de morts (grâce au tournoi) afin de réveiller un démon (et purger la Terre tout ça tout ça, comme d’habitude…). S’ensuit une union entre tous les jeunes participants et une conclusion assez convenue…

En deux volumes, Robin Infinite est quasiment terminée, sa suite est à découvrir dans Batman – Shadow War, lui même prolongeant le récit Deathstroke Inc. Infinite (inclus dans Batman Infinite Bimestriel #2). Le troisième et dernier opus de Robin Infinite se déroule après tout cela et ne contient que trois chapitres de la série et un bonus avec Superman. Difficile de blâmer le travail de l’éditeur de vouloir coller au plus près de la sortie aux États-Unis mais autant proposer une intégrale en un tome pour faire moins mal au portefeuille quand une série est si courte (durée que ne peut anticiper Urban) !

Le démon intérieur (titre qui dévoile un peu la réelle menace du volume donc) se lit d’une traite (le rythme reste le point fort de la fiction) avec un Damian un peu plus attachant qu’à l’accoutumée. La fin tend vers une situation un peu généralisée dans le milieu des comics depuis quelques temps : les ennemis se sont assagis avec le temps à de rares exceptions. Même si Ra’s al Ghul a souvent fait figure d’antagoniste à cheval entre deux mondes, il apparait un peu comme le papy pépère et a perdu de sa superbe…

Reste les graphismes efficaces de Gleb Melnikov (accompagné de Max Dunbar cette fois) pour la majorité du volume, à nouveau couplés à la colorisation de Guerrero livrant un travail visuel correct malgré des fonds de cases parfois pauvres. À noter, les chouettes couvertures des chapitres de Simone Di Meo et son style si épuré et atypique. Ce tome est donc une semi déception (ou semi réussite c’est selon), reste une aventure graphique sympathique avec des personnages charismatiques malgré le traitement superficiel de certains.

[À propos]
Publié chez Urban Comics le 17 juin 2022.
Contient : Robin (Infinite) #7-12 + Robin 2021 Annual #1
Nombre de pages : 200

Scénario : Joshua Williamson
Dessin & encrage : Gleb Melnikov, Roger Cruz, Max Dunbar
Encrage additionnel : Norm Rapmund, Victor Olazaba
Couleur : Luis Guerrero, Hi-Fi

Traduction : Julien Di Giacomo
Lettrage : MAKMA (Sabine Maddin & Gaël Legeard)

Acheter sur amazon.frRobin Infinite – Tome 2 : Le démon intérieur (19 €)




 

Robin Infinite – Tome 1 : Contre le monde !

C’est parti pour la courte série Robin Infinite (17 chapitres compilés en trois tomes – avec un épisode bonus dans le dernier) qui place Damian Wayne au premier plan après les évènements de la série Batman Rebirth (et vaguement Teen Titans Rebirth). Il n’est pas forcément pré-requis de tout connaître, juste savoir que Robin s’éloigne de Gotham et de son mentor Batman, en deuil (suite à la mort d’Alfred – dont il se sent responsable) et énervé (comme toujours).

[Résumé de l’éditeur]
Damian a disparu ! Malgré les recherches intensives lancées par sa famille, plus une trace du rejeton démoniaque de Bruce Wayne… Sur les traces de l’obscure Ligue de Lazare, une faction dissidente de la Ligue des Ombres de son grand-père Ra’s al Ghul, Damian accède à un tournoi d’arts martiaux établi sur une île secrète. En parallèle, Batman redoute ce que son fils prépare et se demande s’ils pourront un jour se réconcilier après leurs récents différends. Tandis que Damian s’enfonce dans les machinations de la Ligue de Lazare, le fils de la chauve-souris découvre qu’il a peut-être trouvé la seule épreuve qu’il ne pourra surmonter seul…

Inutile de détailler le début de l’histoire, le résumé officiel de l’éditeur suffit.

[Critique]
Impossible de ne pas penser au célèbre Mortal Kombat en lisant ce premier volet ! En effet, plusieurs combattants hors-pair sont rassemblés sur une île et doivent s’affronter (à la clef : l’immortalité). Les similitudes avec la célèbre franchise de jeux vidéo (déclinée en films, séries et – le saviez-vous ? – même en bande dessinée avec, entre autres, un tome centré sur Scorpion publié par… Urban Comics !) sont d’ailleurs complètement assumées (on voit un ersatz de Johnny Cage par exemple). Mais outre cela, que vaut en soi ce récit ? Comme toujours, les fans de Damian Wayne devraient être conquis, il est bel et bien au centre de toute la fiction, toujours aussi insupportable et arrogant. On apprécie d’ailleurs qu’il se fasse vite battre (d’une façon très… singulière !) et remis un peu en place par plus fort que lui.

Ce premier tome enrichit également un brin la mythologie de Batman au sens large puisqu’il est question d’une Ligue de Lazare, apparemment reliée aux fameuses Ligue des Ombres et Ligue des Assassins (elles-mêmes étant sensiblement différentes mais toutes avec Ra’s al Ghul à leur tête – ce dernier apparaît brièvement durant l’aventure). À ce stade, quelques détails demeurent obscurs (mais seront dévoilés dans le tome suivant) comme la mystérieuse mère Soul. L’enjeu du tournoi est important : la possibilité de devenir immortel (d’où le nom de la Ligue) et une sorte de puits de résurrection à disposition des joueurs (axant donc réellement le combat « à mort ») même si limité dans son utilisation à deux fois.

Avec tous ces éléments, le point fort du volume est son rythme effréné malgré des combats un peu expéditifs. C’est d’ailleurs une certaine frustration, le tournoi ne débute pas vraiment dans ce premier opus et l’on survole un peu les rares affrontements. Si Damian est au cœur du récit et demeure attachant (en fonction de son affinité avec le personnage bien entendu – dont l’ADN n’a pas vraiment évolué ces dernières années), d’autres protagonistes peuplent l’histoire.

Il y a tout d’abord la figure (plus ou moins fantomatique) d’Alfred qui intervient régulièrement pour recadrer ou conseiller Damian. Une approche assez classique du genre mais toujours efficace, observée chez Batman également de temps à autre durant l’ère Infinite, à défaut d’avoir un titre faisant réellement écho à la mort du célèbre majordome et l’immense vide qu’il laisse derrière lui. Ensuite, la Bat-Famille est présente le temps de quelques planches dont un échange savoureux avec Nightwing remarquablement bien écrit et plutôt « juste » côté émotion.

Enfin, les nouveaux acolytes de Robin vont et viennent durant les six épisodes (précédés de deux backs-ups formant une sorte de gros chapitre introductif) de la série : Ravager, aka Rose, la fille de Deathstroke et principale alliée de Damian, Flatline, une antagoniste puissante qui joue sur les deux tableaux, Hawke, le fils de Green Arrow et visiblement adversaire le plus coriace du tournoi, Respawn, mix entre Deathstroke (encore) et Deadpool (!) dont l’identité demeure mystérieuse et quelques autres (XXL, Black Swan…) – tous très jeunes et peu connus ou nouvellement conçus pour la série mais faiblement caractérisés, dommage.

Si Mortal Kombat résonne forcément dans la tête en lisant Contre le monde !, difficile de ne pas penser, aussi, au roman et au film Battle Royale ou sa variante légère de chez Marvel, Avengers Arena. Mais – on le répète – à ce stade il n’y a pas encore de combats à mort (et vu qu’il s’agit d’êtres pouvant revenir à la vie ou extrêmement tertiaires, l’impact de l’ensemble devrait être sans gravité mais il se murmure qu’on se trompe peut-être – Robin Infinite se poursuivant effectivement dans Deathstroke Inc Infinite (disponible dans Batman Infinite Bimestriel #3 puis dans Batman – Shadow War et, enfin, dans Planète Lazarus, tous juste en vente depuis juin 2023, eux-mêmes connectés à Batman / Superman World’s Finest – outch !).

Les amateurs de mangas (et particulièrement friand du genre shônen (parfois seinen) et de leurs tournois type Dragon Ball, Hunter X Hunter, Naruto, Gunnm Last Order…) y trouveront aussi leur compte – un manga en noir et blanc est carrément lu (et dessiné/visible) dans la BD ! Un aspect qui rappelle aussi les jeux vidéo (et donc… Mortal Kombat, on y revient).

L’auteur Joshua Williamson, habituellement sur les séries Flash (Rebirth et Infinite) mais prolifiques sur quelques segments où le Chevalier Noir cohabite avec le Bolide écarlate (Le Prix, Le Badge…), Superman (Le Batman Qui Rit – Les Infectés), la Justice League (Justice League vs. Suicide Squad) ou de façon indépendante (Batman Infinite – Tome 04 : Abyss, One Bad Day – Bane…) livre une aventure entraînante, globalement sympathique avec des fondations stimulantes. Williamson étant aussi à la tête du relaunch Infinite (DC Frontier), on espère qu’il sait où il va.

Graphiquement, Gleb Melnikov emmène ses (anti)héros dans un endroit semi paradisiaque plutôt plaisant. Il dessine, encre et colorie quasiment l’intégralité de l’ouvrage (à l’exception d’un chapitre signé Jorge Corona et de quelques uns colorisés par Luis Guerrero). Son découpage est hyper dynamique bien que l’action demeure étrangement statique dans les combats expéditifs (mais excelle dans les poursuites ou les affrontements plus longs), les traits oscillent entre les genres, incluent un aspect cartoony connotant avec la (fausse) cruauté visuelle.

Robin Infinite propose donc une excursion plutôt audacieuse (sur le papier), à voir si cela tient la route – cela rappelle aussi les bons débuts de Joker Infinite. Le titre interpelle aussi bien les fans de mangas que de comics (peut-être dans l’idée d’attirer un nouveau lectorat ?). Si la dimension symbolique du deuil est esquissée, l’ensemble garde un esprit assez « léger » (pas désagréable au demeurant), idem avec les « morts » du tournoi qui sont, in fine et pour l’instant anecdotiques. À défaut d’avoir un réel et cruel tournoi mortel, on a un divertissement qui fonctionne à peu près, c’est toujours ça de pris.

[À propos]
Publié chez Urban Comics le 25 mars 2022.
Contient : Back-ups Batman #106 + Detective Comics #1034 puis Robin (Infinite) #1-6
Nombre de pages : 176

Scénario : Joshua Williamson
Dessin et encrage : Gleb Melnikov, Jorge Corona
Couleur : Gleb Melnikov, Luis Guerrero

Traduction : Benjamin Rivière
Lettrage : Moscow Eye

Acheter sur amazon.frRobin Infinite – Tome 1 : Contre le monde ! (19 €)