Un avant-propos informe que l’histoire se déroule peu après Le Règne du Mal. Les conséquences notables étaient l’ajout de Lex Luthor et Shazam à la Ligue de Justice et la divulgation de l’identité de Nightwing et son « exil » (en réalité devenu agent pour Spyral). La fin du tome précédent, avec Double-Face, est aussi rappelée.
[Histoire]
Batman, accompagné du chien Titus, retrouve trace des corps disparus de Talia et Damian dans l’océan. Ra’s Al Ghul avait en effet récupéré la dépouille de sa fille et son petit-fils pour les ramener à la vie. Aquaman vient en aide au Chevalier Noir mais Ra’s parvient à s’échapper. Le Chevalier Noir requiert alors l’aide de Wonder Woman car sur l’Île du Paradis (des Amazones) se trouve un puits de Lazare que l’immortel ennemi peut utiliser. Particularité : il redonne vie mais efface toute la mémoire de ceux qui y sont ranimés. Une occasion en or pour Ra’s Al Ghul qui pourrait ainsi remodeler à sa façon sa double descendance.
Dans sa croisade pour « retrouver » son fils, Batman fera à nouveau équipe avec Frankenstein (qui a quitté la Ligue des Ténèbres) sur le site de Nanda Parbat, une ville cachée au cœur des montagnes du Tibet. Il croisera également la Justice League, venue lui prêter main forte face à un ennemi arrivant d’Apokolips !
[Critique]
Poursuivant son concept de « Batman &… », la série force un peu le Chevalier Noir à enchaîner les alliances (avec Aquaman, Wonder Woman, Frankenstein puis contre et avec Ra’s Al Ghul), créant pour l’occasion deux mini-histoires (les deux premiers chapitres), presque indépendantes même si elles se suivent, ce qui est un peu dommage. En toute logique, Batman se serait directement rendu dans l’Himalaya. Peu importe, ce tome se scinde clairement en trois parties, interrompu par un agréable interlude. La première étant donc les chapitres d’ouvertures, clairement les plus faibles de l’ouvrage (et les moins bien dessinés). La deuxième étant ceux avec Frankenstein puis Ra’s Al Ghul, les plus réussis : à la fois touchant, drôle (le monstre et l’homme chauve-souris forment un bon duo), prenant et original. Survient ensuite un chapitre un peu particulier, officiant comme récapitulatif et relançant complètement la série avec un levier narratif maladroit et pas terrible, à savoir un ennemi venu d’Apokolips et l’intervention de la Ligue de Justice. Enfin la troisième partie, concluant ce sixième tome, voit Batman « contre » la Ligue de Justice mais poursuivre son plan avec ses alliés plus proches, c’est à dire la Bat-Family. Une fin extrêmement intéressante.
Batman à Ra’s Al Ghul :
— La fièvre de Lazare, les complications physiques et émotionnelles… Vous risquez de créer des monstres !
[…]
— Sans vouloir te vexer, Frankenstein.
— Ce n’est rien.
L’ensemble paraît donc inégal, à juste titre. Le début très moyen et la soudaine venue de Glorius Godfrey d’Apokolips (sic) gâche un peu la tension et le duel critique qui s’instauraient avec brio jusqu’ici (Batman était à deux doigts de tuer littéralement son immortel ennemi). Tout tombe un peu à plat, survenant de nul part. Cet aspect scénaristique digéré, force est de constater que la suite (et conclusion de l’ouvrage) rebondit efficacement dessus : Batman est face aux membres de la Justice League (se découvrant un allié en la personne de Lex Luthor) et les conflits internes de la Bat-Family (suite au Deuil de la Famille) refont légèrement surface, ce qui est plaisant. Les clones de Damian sont également de la partie avec, une fois de plus, une touche d’humanisme rare qui fait mouche.
Aux dessins on retrouve Patrick Gleason sur quatre chapitres avec, hélas, encore et toujours ce même style assez hideux sur les visages aux grosses mâchoires. C’est étonnant car le précédent volume, l’agréable La Brûlure, était prometteur quant à l’évolution de l’aspect graphique. La faute, très certainement, à deux chapitres dessiné par Doug Mahnke qui se rapproche plus ou moins de la patte de Gleason (en pire, c’est possible…) avec une étrange approche Millerienne, ou alors surfant sur les travaux de Chris Burnham (Grant Morrison présente Batman), déjà plus convaincant. Heureusement Andy Kubert revient le temps du cinquième chapitre plus long (en réalité le Robin Rises : Omega #1) et permet d’apprécier des traits nettement plus fins, détaillés et coloriés différemment. Le changement est radical et superbe. Les élégantes planches de Kubert sont un point fort de ce tome.
Batman à Wonder Woman :
— De qui était-ce la statue ?
— Ce n’est pas une statue. C’est ma mère. Elle a été transformée en pierre par la déesse Héra quand cette dernière a appris que ma mère avait couché avec Zeus, son mari, et m’avait engendrée.
— Zeus de l’Olympe ? Le père spirituel des Dieux et des héros de la mythologie grecque ?
— Oui.
— Hmm.
— L’univers est grand, étrange, et empli de merveilles, Bruce.
— Pffff… Plus étrange de jour en jour, même. Mais ça ne veut pas dire que ça doive me plaire.
La bande dessinée se réfère lors d’un bref passage à DC Saga présente #4 (et même du #2 à #4 lors des résumés dans les magazines avant cette version reliée), un moment qui intervenait alors juste à la fin de Forever Evil (publié à l’époque dans plusieurs mensuels en kiosque). Rien de bien méchant pour la compréhension. Autre mention : Grant Morrisson présente Batman – Tome 02 : Batman R.I.P.. En effet, lorsque le Chevalier Noir est à Nanda Parbat (sur le « toit du monde », là où il retrouve Frankenstein dans cette aventure), il explique y avoir passé sept semaines dans une grotte, pour subir une expérience de simulation de la mort et la renaissance (en détail : le stade Yangti du rituel de méditation Thôgal). On retrouve ensuite, dans le cinquième chapitre (Robin Rises : Omega #1), un excellent rappel de la « création de Damian » jusqu’à la situation actuelle (un rapide résumé de l’intégrale de Grant Morrison présente Batman en somme, puis de la série Batman & Robin en passant par l’évènement Le Deuil de la Famille).
La venue de Glorius Godfrey d’Apokolips se solde par un autre renvoi, aux quatre premiers numéros du magazine Superman Saga cette fois. Ceux-ci mettaient en scène des versions « jeunes » des justiciers via un une divinité démoniaque, Kaiyo, et le cristal de chaos, que recherche ledit Godfrey. À nouveau, cela n’est pas gênant à la compréhension globale, même si ça commence à faire beaucoup. Enfin, avec l’intervention de la Ligue de Justice, le rappel éditorial en ouverture prend sens : Luthor et Shazam sont de la partie (pour savoir pourquoi, il faut donc lire la série Justice League). Pas désagréable à la lecture, mais sans doute un peu bizarre pour le novice. Nulle autre mention de Double-Face et d’Erin, ce que laissait suggérer la fin de La Brûlure et le tout début du livre, en espérant qu’ils ne soient pas mis de côté définitivement (MàJ : ce sera finalement le cas). Autre étrangeté : Batman clame tout au long de son périple qu’il veut retrouver le corps de son fils pour l’enterrer et que celui-ci soit en paix ainsi que lui-même, puis il confirme ensuite vouloir le ressusciter…
À la recherche de Robin est donc un tome inégal mais globalement de qualité, on déplore son début, un changement soudain dans l’histoire, ses nombreuses connexions, même indirectes, à d’autres séries mais on apprécie grandement le scénario, les dialogues, le développement de Batman et l’humour (avec Frankenstein notamment). Attention à ce que la suite ne parte pas trop dans différentes directions trop ubuesques. Côté graphique, le style de Gleason est assez décevant mais celui de Kubert hisse le titre en qualité visuelle.
[À propos]
Publié en France chez Urban Comics le 21 octobre 2016.
Scénario : Peter J. Tomasi
Dessin : Patrick Gleason, Doug Mahnke (Batman & Wonder Woman / & Frankenstein), Andy Kubert (Robin Rises Omega #1)
Encrage : Mick Gray et collectif, Jonathan Glapion (Robin Rises Omega #1)
Couleur : John Kalisz, Brad Anderson (Robin Rises Omega #1)
Lettrage : Stephan Boschat — Studio Makma
Traduction : Alex Nikolavitch
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Batman & Robin – Tome 06 : À la recherche de Robin