(A gauche : la nouvelle couverture du Black Label sortie en février 2020,
à droite la première édition d’Urban Comics remontant à 2012.)
[Histoire]
4 janvier : Bruce Wayne, milliardaire de vingt-cinq ans, revient à Gotham City après treize années d’absence. Le même jour, c’est le lieutenant Gordon qui débarque dans cette ville austère. Durant une année, les deux hommes vont combattre, à leur façon, l’injustice et la criminalité qui gangrènent les ruelles, ainsi que la corruption au sein même de la police et de la mairie.
Pour Gordon, ce sera avant tout en restant droit et honnête face à ses « collègues » et en n’hésitant pas à intimider les plus dangereux d’entre eux. L’homme n’a peur de rien mais sa vie personnelle en pâti : sa relation avec sa femme, Barbara, enceinte du petit James Jr. devient compliquée.
Pour Bruce Wayne, ce sera l’occasion de tester son entraînement intensif et de voir s’il est apte à affronter quelques malfrats, uniquement en se battant à mains nus. Mais il commet de nombreuses erreurs et comprend qu’il devra inspirer la peur à ses ennemis pour mieux les surprendre et les combattre. Le nom de Batman commence alors à se répandre chez les criminels et la police.
Le duo sera indirectement épauler par le procureur Harvey Dent, qui souhaite aussi la chute du maire, mais aussi du commissaire Loeb et de Carmine « Le Romain » Falcone. Ce dernier recevra la visite d’une certaine Selina Kyle, secondée par Holly Robinson, toutes deux prostituées.
[Critique]
Connu sous le titre de Year One mais aussi Vengeance Oblige (curieuse appelation puisqu’il n’est nullement question de vengeance mais de justice), le récit culte de Frank Miller et David Mazzucchelli n’a pas perdu de sa superbe presque trente ans après sa première publication. C’est un œuvre fondatrice dont s’inspireront la plupart des auteurs qui se relaieront dans les aventures de l’homme chauve-souris mais aussi certains cinéastes, comme Christopher Nolan pour Batman Begins. S’il y a un comic par lequel il faut commencer pour découvrir l’univers du Dark Knight c’est celui-ci !
Frank Miller ne change pas les origines, déjà connues, de Batman mais il les enrichit avec davantage de noirceur : Gotham City est dangereuse « partout », la ville est crasseuse, la corruption règne en maître, Selina Kyle est une prostituée dominatrice, sa protégée Holly Robinson est très certainement mineure et prostituée également, pas une place pour l’humour ou la légèreté. Véritable polar relativement court (un de ses rares « défauts »), Année Un s’étale sur quatre chapitres (les #404 à #407 de la série originelle, publiée en 1986). L’histoire s’attarde autant sur Gordon que sur Wayne/Batman. Le lieutenant occupe quasiment la première place du récit tant l’on suit sa vie professionnelle et personnelle. Du côté du milliardaire, on trouve un homme hésitant, et c’est bien normal, essayant de faire du mieux qu’il peut sous son nouvel alter-ego. Gordon et Wayne sont les narrateurs ; on lit et découvre leur point de vue tour à tour, avec un habile jonglage montrant les différences notoires entre les deux êtres (l’arrivée en train pour l’un, en avion pour l’autre) ou bien les points communs. Ce style offre presque un dialogue, d’une curiosité et efficacité sans faille.
La force de l’œuvre réside dans plusieurs éléments, à commencer par son scénario donc, extrêmement sombre, soigné, crédible et riche en personnages : en plus du duo cité, les prémices de Catwoman sont à découvrir, la présence indirecte d’Harvey Dent (et même de Vicky Vale et Superman !) confère une volonté de proposer plusieurs protagonistes « connus » de la mythologie de Batman ; on peut y ajouter Holly Robinson, le commissaire Loeb et, surtout, Carmine Falcone.
L’autre fragment essentiel d’Année Un est évidemment son aspect graphique : les planches de David Mazzucchelli, sublimées par la coloriste Richmond Lewis (sa femme), sont particulièrement travaillées. La mise en scène joue constamment avec le noir, au sens littéral du terme, en proposant des segments où l’ombre a un grand rôle ; la plupart de l’ouvrage se déroulant la nuit, cette sensation d’univers sombre se décuple. Les traits en eux-mêmes tendent vers un réalisme proche de la BD Franco-Belge, rien d’extravagant ou de situations pouvant être estampillées dans un cliché « comic-book ». Les teintes, tour à tour froides ou chaudes, ne sont jamais clinquantes ou criardes. Les pages étaient à l’époque, de toute façon, imprimées sur du papier journal qui avait une gamme limitée à soixante couleurs, dont a brillamment tiré profit Lewis. Elle a ensuite peint à la main toutes les planches pour l’édition en un seul volume. Ce petit côté « old-school » est un délice visuel ; mais attention, si le scénario n’a pas pris une ride, cet aspect visuel peut tout de même ne pas convenir à tous.
Avec le recul (et pour titiller) les rares défauts d’Année Un sont peut-être à trouver dans la quasi-absence d’Alfred, pourtant d’un grand secours pour Bruce/Batman, ainsi que l’étrange évolution de ce dernier : il parle sans cesse d’une caverne sous le manoir, d’un costume à porter, de nouveaux gadgets, quid de leur création ? Mais ceci n’est vraiment pas bien grave.
L’édition d’Urban Comics (dont le choix de couverture est loin d’être le meilleur, à la fois artistiquement et commercialement parlant) propose une préface de Dennis O’Neil, signée en 1988 pour la première édition reliée. On y apprend que Frank Miller, qui avait auparavant écrit et dessiné un futur hypothétique du Chevalier Noir avec The Dark Knight Returns, n’a pas cherché à modifier les origines, les trouvant parfaites, il a juste préféré les exploiter en profondeur et, pour l’occasion, ne pas dessiner Année Un. On trouvera aussi une postface de Mazzucchelli, de 2005, sous forme de bande dessinée et très agréable à lire. Enfin, une autre postface, rédigée par Frank Miller en 1988, clôt le livre. Il explique pourquoi, selon lui, Batman n’a jamais été quelque-chose de drôle mais bel et bien de ténébreux.
Deux suites ont été publiées, Year Two : L’Héritage du faucheur, en 1987 aussi, puis La boucle est bouclée (Year Three : Full Circle), en 1991. Ces deux séries furent disponibles en France, chez Semic, il y a quelques années. Urban Comics n’a pas communiqué une éventuelle réédition. Il faudra attendre 2014 pour que Scott Snyder tente, lui aussi, d’écrire de nouvelles origines pour l’homme chauve-souris, avec L’An Zéro. Ne voulant pas trahir l’œuvre de Miller, qu’il adore, il avait promis de rester dans la continuité d’Année Un avant de se raviser, face à la complexité de la tâche. Le scénariste garda donc le fameux meurtre des Wayne et la création « classique » de Batman (impossible de modifier cela de toute façon) mais dans une ville beaucoup plus moderne et actuelle. Il proposera aussi une triple confrontation à des ennemis (dont le futur Joker et le Sphinx/Riddler) ainsi qu’une Gotham City sauvage dans laquelle le Dark Knigt s’alliera avec Gordon. Tous ces évènements et cette situation, exceptionnelle, seront conservéd dans la mémoire collective des citoyens sous l’appellation de L’An Zéro.
[À propos]
Publiée en France chez Urban Comics le 6 juillet 2012.
Titre original : Year One
Scénario : Frank Miller
Dessin : David Mazzucchelli
Encrage : Todd Klein
Couleur : Richmond Lewis
Lettrage : Christophe Semal et Laurence Hingray
Traduction : Doug Headline
Titres des chapitres :
01 – Qui je suis, comment je suis né
02 – La guerre est déclarée
03 – L’aube noire
04 – Un ami dans le besoin
Première publication originale dans Batman #404 à #407, de février à juin 1987.
Également publié en France en 1988 sous le titre Vengeance Oblige (en deux tomes) chez Comics USA puis chez France Loisirs l’année suivante (un tome). En 2000 chez Delcourt sous le titre Année 1 (avec très certainement la plus belle des couverture toutes éditions confondues). Enfin, Panini Comics republie l’ouvrage en 2010 en l’intitulant Year One.
Urban Comics a sorti une première édition, Année Un donc, contenant le DVD et Blu-Ray du film éponyme, une seconde sans ces supports et une troisième en noir et blanc, agrandie et en limitée (4.000 exemplaires) pour les 75 ans de Batman en 2014.
De g. à d. : la couverture anglaise originale, que reprendra Panini Comics,
celle de Comics USA (tome 1) et France Loisirs puis celle de Delcourt.
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Batman – Vengeance Oblige 1 – L’Aube Noire (édition Comics USA)
Batman – Vengeance Oblige 2 – Nuit Blanche (édition Comics USA)
Batman – Year One en DVD / en Blu-Ray
2 ème album que je découvre en suivant le guide de comicsbatman.
En effet, après lecture on peut vraiment le considérer comme le premier opus à découvrir.
Au-delà du scénario qui est absolument superbe, cet album apporte vraiment la dimension humaine des principaux protagonistes :
Bruce Wayne/Batman,
Gordon et Barbara
Selina/Catwoman,
Harvey Dent,
Et tout ce qui fait l’univers d’un Gotham corrompu jusqu’à la moelle.
De par mes souvenirs d’enfance j’avais l’image d’un Batman sans faille, sans doute etc… Et là on suit la pérégrination de ce brave Bruce Wayne (avec toutes les fragilités humaines qui nous permettent à nous lecteurs de s‘identifier) au héros que l’on connaît tous.
Graphiquement, il est beau mais en dessous d’un « Killing joke ». Les bonus à la fin du livre montrent les crayonnés impeccables et d’une grande précision de David Mazzucchelli par contre je trouve l’encrage un peu moins précis. Néanmoins le dessin reste très dynamique et les choix chromatiques sont judicieux et nous absorbent pleinement dans l’univers sombre de Batman.
L’auteur de « comicsbatman » à donc raison de nous inciter à commencer par celui-ci, certes comme il me l’a affirmé en off, le seul reproche que l’on peut lui faire : c’est qu’il est un poil trop court, mais pour ma part j’enchaîne déjà sur l’album « un long Halloween. »
L’aventure continue…