Archives de l’auteur : Comics Batman

La lutte pour la cape / Battle for the Cowl • Batman Universe #1-2

Battle for the Cowl est le titre (VO) d’un event se déroulant peu après la mort (supposée) de Batman à la fin de Final Crisis et (à peu près) pile entre la première et la deuxième intégrale de Grant Morrison présente Batman (cf. index). C’est aussi le nom de la série principale (en trois chapitres), écrite et dessinée par Tony Daniel, qui montre comment Dick Grayson endosse le costume (et donc la cape) de son ancien mentor pour le remplacer.

Aux États-Unis, il y a eu plusieurs épisodes gravitant autour (on en reparlera) et en France on a pu découvrir ces trois chapitres corrélés à un quatrième (de la série classique de la continuité Batman) – annoncé comme un épilogue – sous le titre La lutte pour la cape. Ils furent publiés dans les deux premiers numéros de Batman Universe, édités par Panini Comics à l’époque (juin et août 2010). Urban Comics ne les a pas reproposés jusqu’à présent.

 

En haut, les couvertures en français des deux numéros qui ont publié La lutte pour la cape
et la version librairie US qui compile la série. En bas, les trois numéros US en single issues.

[Début de l’histoire]
Gotham City est en plein chaos. Les criminels ont pris conscience que Batman avait disparu et sèment la destruction et la violence dans la ville. Le GCPD est dépassé et les alliés du Chevalier Noir peinent à s’en sortir.

Dick Grayson refuse de prendre la cape de son mentor. Tim Drake est hésitant. Alfred, dernière boussole morale, essaie de convaincre les fils de Bruce Wayne de la nécessité de perdurer la croisade du justicier…

Profitant de la catastrophe, Black Mask accroit sa mainmise sur Gotham City, tandis qu’un mystérieux personnage revêt un costume proche de celui de Batman mais aux méthodes bien plus radicales…

[Critique]
Voilà un récit très bien rythmé, avec un départ ultra efficace puis une suite (et conclusion) un peu en dessous mais qui reste globalement très satisfaisante, aussi bien graphiquement que scénaristiquement. Pour cause : Batman est donc mort (en réalité a été propulsé dans le passé, cf. Grant Morrison présente Batman – Intégrale 3) et Dick Grayson/Nightwing ne veut pas reprendre le rôle du justicier. Tim Drake hésite aussi et un usurpateur du Chevalier Noir aux méthodes bien plus violentes s’en accapare. Il s’agit bien sûr de Jason Todd (cela est vite révélé et, de toute façon, une évidence pour quiconque connaît un peu l’univers de Batman).

Il faut dire qu’on n’a pas le temps de se poser (ni le lecteur, ni le citoyen fictif de Gotham) : la ville est à feu et à sang, les criminels ont compris que Batman n’intervenait plus et s’en donnent à cœur joie. Black Mask en profite pour délivrer d’autres fous et les force à travailler pour lui façon Suicide Squad (implant mortel en eux qui explose s’ils désobéissent). Double-Face et le Pingouin augmentent aussi leur différents traffic. De cet état des lieux très « urbain » et, surtout, passionnant débute cette fameuse « lutte pour la cape » interne, au gré des combats et séquences d’action très bien emmenées.

Tony Daniel (la série Detective Comics période Renaissance/New 52, Justice League vs. Suicide Squad…), à l’écriture (et aussi au dessin) maîtrise parfaitement son sujet. Le titre n’est d’ailleurs pas pour les nouveaux venus, compte tenu du contexte et des nombreux protagonistes (incluant Damian). On apprécie le rôle non négligeable d’Alfred dans cette histoire où, effectivement, le quatrième chapitre sert véritablement d’épilogue (les trois principaux auraient laissé un goût d’inachevé). À noter que Judd Winick (Under the Red Hood…) s’occupe du dernier épisode sans dénaturer le style de Daniel.

Quelques défauts toutefois dans la seconde moitié où les malfrats de Gotham passent au second plan voire disparaissent (ils reviendront dans la suite directe, Des ombres envahissantes, au détriment d’enchaînements et combats entre Todd et les différents Robin. Une partie plus faible qui enlève la dimension chaotique globale (géographique) qui prédominait, un peu dommage.

Néanmoins, les fans des trois Robin y trouveront leur compte, Dick en premier mais aussi Tim et bien sûr Jason ; tous trois apparaissent plutôt équitablement avec des moments intéressants. Damian est également présent, ajoutant un peu d’humour dans un contexte assez austère. L’idylle naissante entre Drake et L’Écuyer est également une bonne chose prometteuse mais, malheureusement, vite esquivée par la suite. C’est le point faible de cette lutte pour la cape : les quatre chapitres auraient gagné à être étendus à six pour mieux développer les relations et la montée en puissance du Réseau (nom donné à tous les alliés de Batman) et bien sûr la relève par Dick.

Visuellement, tout est superbe, Tony Daniel livre des planches aérées, dynamiques et iconiques. On identifie sans mal les protagonistes (bien aidés par les costumes), les traits sont fins, élégants, les héroïnes parfois sexualisées mais sans tomber dans la vulgarité. Ed Benes gère le dernier chapitre dans un style proche de celui de Daniel, conservant ainsi une homogénéité bienvenu. Bref c’est un joli voyage graphique et très divertissant. On le conseille donc aisément si vous arrivez à le trouver d’occasion !

En France, La lutte pour la cape a été disponible dans les deux premiers opus du magazine Batman Universe (juin et août 2010).  Étonnamment, Urban Comics ne l’a jamais reproposé, soit en marge du run de Grant Morrison, soit en épilogue de Final Crisis, soit – tout simplement – en récit complet sur Nightwing ou sur « les Robin ». Aucun doute que cela fonctionnerait ! Peut-être que ce titre sera dans le (potentiel) Batman Chronicles 2009 (année de publication du chapitre #687 de la série Batman qui aurait peu d’intérêt sans les trois précédents connectés) ?

Aux États-Unis, Battle for the Cowl s’est poursuivi dans d’autres one-shots ou mini-séries créés pour l’occasion : Gotham Gazette (Batman Dead ? #1 et Batman Alive ? #1) – la version US contient d’ailleurs ces deux épisodes spéciaux –, Man-Bat, Arkham Asylum, Commissioner Gordon, The Network, Oracle : The Cure, Azrael : Death’s Dark Knight… Tous ces autres récits n’ont pas été publiés chez nous, mais celui qu’on a eu et chroniqué dans ici se suffit à lui-même (couplé à sa suite assez directe, à découvrir dans cet autre article).

[À propos]
Publié chez Panini Comics dans Batman Universe #1-2 en juin et août 2010.
Contient : Batman – Battle for the Cowl #1-3 + Batman #687

Scénario : Tony S. Daniel, Judd Winick
Dessin : Tony S. Daniel, Ed Benes
Encrage : Sandu Florea, Rob Hunter
Couleur : Ian Hannin, Jo Smith

Traduction : Khaled Tadil
Lettrage : Christophe Semal

Acheter sur amazon.fr :
Batman : Battle for the Cowl [anglais]
– Batman Universe #1
– Batman Universe #2


Batman – Les derniers jours du Chevalier Noir

Se déroulant à la fois après Final Crisis (dans lequel Batman trouve une supposée mort, tué par Darkseid) et en parallèle du run de Grant Morrison (juste après le premier opus de l’intégrale et au début de la deuxième), ce récit complet s’étale uniquement sur deux chapitres : Batman#686 et Detective Comics #853 – publiés en avril 2009. C’est le grand Neil Gaiman (Sandman, American Gods…) qui écrit cette étrange épopée onirique et Andy Kubert (à l’œuvre sur le début de la saga de Morrison justement) qui la dessine. C’est aussi de cette histoire qu’est tirée la superbe couverture variante d’Alex Ross avec Alfred et le costume de Batman dans ses mains.

Réédité en librairie en mai 2019 par Urban Comics, Les derniers jour du Chevalier Noir contient la version crayonnée pour gonfler le nombre de pages… Quelques années plus tôt, Panini Comics avait proposé ces deux chapitres dans le premier numéro kiosque de Batman Universe (juin 2010) puis dans une version librairie l’année suivante sous le titre Qu’est-il arrivé au Chevalier Noir ?, accompagné de quatre courts récits de Gaiman. Découverte.

 

[Résumé de l’éditeur]
Batman est mort. Darkseid l’a tué. Et pour sa veillée funèbre, amis comme ennemis sont invités. En sa mémoire, tous se prêtent au jeu et se remémorent l’immense Chevalier Noir. Mais Batman est-il vraiment mort ?

Inutile de détailler le début de l’histoire, le résumé officiel de l’éditeur suffit.

[Critique]
Attention, proposition clivante ! Le célèbre Neil Gaiman (Sandman, Good Omens, Coraline, American Gods, Stardust…) offre sa vision un peu spirituelle autour du Chevalier Noir en seulement deux chapitres (Batman #686 + Detective Comics #853), dessinés par Andy Kubert (Flashpoint, Grant Morrison présente Batman, Dark Knight III…) – on y reviendra. Sans aucune contextualisation (ni de l’auteur britannique, ni de l’éditeur), on apprend que Batman est mort et qu’une veillée funèbre a lieu en sa mémoire, ses anciens alliés et adversaires sont conviés…

Cette absence de conjoncture permet d’ancrer le récit dans une certaine dimension intemporelle, ce qui fonctionne plutôt bien, puisque les épisodes datent de 2009 et passent admirablement bien l’épreuve du temps. En réalité (éditoriale), Bruce/Batman a été tué par Darkseid dans Final Crisis, écrit par Grant Morrison qui ajoutait ce funeste sort à son run en parallèle : évidemment, le justicier n’est pas décédé mais a été propulsé dans le temps, amnésique. Ce qui explique (possiblement) cette situation de départ des Derniers jours du Chevalier Noir.

Gaiman déroule sa fiction onirique sur deux axes, l’un se déroulant devant le cercueil de Batman où se recueillent différents protagonistes phares de l’univers Batman, l’autre évoquant les souvenirs de certains d’entre eux (notamment Selina Kyle et Alfred – on en parle plus loin). C’est là où le récit s’affaiblit : les différents personnages (amis et vilains) sont relégués à de la figuration à de rares exceptions. C’est donc sympathique à voir mais on aurait aimé avec les témoignages davantage développés de plusieurs d’entre eux (chacun a droit a une ou deux cases néanmoins, connectés à l’historique patrimoine de DC sur Batman donc réservés aux fins connaisseurs pour une meilleure appréciation) plutôt que celui de Catwoman, un peu faible et convenu, et du célèbre majordome – remarquable au demeurant, très original et surprenant (mais pouvant offusquer des puristes malgré l’évidence onirique), on ne le dévoilera pas ici.

Si la bande dessinée s’était étalée sur cinq à six épisodes, entretenant un flou volontaire sur le passif de Batman et ses relations historiques, le titre aurait été bien plus marquant et, probablement, qualitatif. Ici, tout va très vite (forcément) et n’avoir mis en avant que deux personnages est dommage. Heureusement, la voix interne et les pensées de Bruce découvrant cette situation tel un narrateur omniscient un peu fantôme apporte un côté plus palpitant – promettant aussi une sorte de conclusion « épique » ou avec un retournement de situation qui… n’arrivera pas vraiment. Ne pas s’attendre d’ailleurs à un récit d’action, ou autre, c’est avant tout une sorte d’ambiance cotonneuse, sensible, une atmosphère atypique.

Difficile d’en dire davantage sans gâcher le plaisir de découverte et de lecture. Par ailleurs, Les derniers jours du Chevalier Noir peut se savourer ou se lire sans aucun plaisir ou bien… les deux. L’auteur de ces lignes le confesse : la première lecture en 2010 n’était pas terrible, la seconde en 2023 nettement meilleure. Cela n’est pas lié au bagage culturel Batman considérablement augmenté durant ces années mais peut-être une évolution ou maturité plus en adéquation avec le propos. Attention, cela ne veut pas dire que cette création de Neil Gaiman est un chef-d’œuvre ou même un coup de cœur, c’est une curiosité à découvrir (certes, c’est un peu « facile » de dire ça mais c’est très « vrai »). On peut aussi le voir comme le pendant de l’homme chauve-souris du traitement similaire instauré en 1986 par Alan Moore sur l’homme d’acier dans… Les derniers jours de Superman (à quand une édition qui rassemblerait les deux pour un prix plus abordable ?).

Problème justement : à quel prix découvrir Les derniers jours du Chevalier Noir ? 17 € (15,50 € en 2019 à sa sortie)… C’est beaucoup trop cher pour 64 pages d’une histoire aussi singulière, peu accessible (un nouveau venu risque d’être perdu et ne pas accrocher) et vite lue. On l’a déjà évoqué plusieurs fois sur ce site (récemment à propos de la collection One Bad Day ou des Batman/Spawn par exemple) : le nombre de pages n’a aucun impact sur le côté qualitatif d’une œuvre – et ce n’est pas Killing Joke qui viendra prouver le contraire (même si – déjà à l’époque – on critiquait le prix pour y accéder) MAIS quand on a un budget limité où l’on peut avoir à des titres de 200 pages vs. 60 pour un prix presque similaire, cela fait réfléchir.

Pour justifier cela, Urban Comics ajoute les crayonnés noir et blanc et, chose assez rare, avec la traduction en français. Une aubaine pour les fans des traits d’Andy Kubert, dont l’art perd un peu de sa superbe parfois en fonction de la colorisation. Il est vrai que cela ajoute un cachet non négligeable puisque la version en couleur (d’Alex Sinclair) est parfois inégale, conférant un aspect artificiel sur certains visages, gommant l’ambiance « film noir » (volontaire ou non) de la version en… noir et blanc. Autres compléments, une postface de Gaiman (où il clame son amour pour le super-héros et la conception du comic book), des couvertures alternatifs et un carnet de croquis de Kubert.

L’illustrateur se livre à un exercice habile et élégant (finement encré par Scott Williams) reprenant différents styles de Batman (Kane, Sprang, Mazzucchelli, Adams, Bolland…) et, donc, d’artistes qui ont traversé les âges et les pans mythiques du super-héros iconique (la planche qui ouvre le deuxième épisode avec Batman dans le cercueil qui est revêtu d’un costume mythique différent à chaque case est un régal). Néanmoins, pour 17 €, à part les aficionados de Gaiman ou de Kubert, on aurait tendance à déconseiller Les derniers jours du Chevalier Noir. Empruntez le plutôt en médiathèque ou feuilletez-le en librairies/grandes surfaces (possiblement entièrement vu la durée) afin de voir si ça vous branche.

On peut aussi se tourner vers le marché de l’occasion pour retrouver le premier numéro du magazine Batman Universe de Panini Comics, sorti en juin 2010, qui compilait, entre autres, les deux épisodes. Vendu à l’époque 4,60 €, ce format souple peut suffire… La version librairie de Panini Comics de 2011 coûtait 19 € (déjà hors de prix pour l’époque, comme souvent avec cet éditeur) mais incluait quatre récits de Neil Gaiman pour compenser : Pavane (Secret Origins #36, 14 pages), Péchés originels (8 pages) et Quand une porte (13 pages, ces deux segments proviennent de Secret Origins Special #1) – et ces trois épisodes datent 1989 – et Un monde en noir et blanc (Black and White #2, 7 pages) en 1996. Dommage qu’Urban n’ait pas repris cela (d’autant que Gaiman les cite tous dans sa postface).

Pavane se concentre sur les origines de Poison Ivy et a été republié dans le tome de Batman Arkham dédié à l’empoisonneuse. Presque pareil pour Quand une porte, centré sur le Sphinx et également proposé dans le Batman Arkham sur l’homme-mystère. Un monde en noir et blanc est évidemment dans Batman Black & White d’Urban Comics (dans le premier opus — pas encore chroniqué sur le site). Seul Péchés originels reste encore « inédit » en réédition, il s’agit simplement de l’introduction de Quand une porte, centrée sur l’équipe de journalistes qui va interviewer le Sphinx. Le segment en noir et blanc montre le Joker et Batman en tant qu’acteurs de cinéma jouer les rôles que l’on connaît de façon méta !

En somme, Les derniers jours du Chevalier Noir est une proposition élégante (dans son traitement, dans ses dialogues – la participation de Joe Chill en tenancier et ses quelques mots sont parfaits –, dans sa cohérence visuelle – un brin moins dans sa colorisation des visages et expressions faciales parfois), un peu inégale (la caractérisation de Selina Kyle semble bizarre), beaucoup trop courte mais qui redonne un souffle évidemment poétique, un hommage sur une légende « qui ne meurt jamais » (où chacun a sa propre vision et image de la mort de Batman mais aussi de son mythe).

Une écriture intelligente de Neil Gaiman et un exercice de style pour l’auteur britannique globalement réussi (frustrant par sa durée), qui livre un chant du cygne autour de Batman envoûtant et mélancolique. Pour tout cela, évidemment on aurait tendance à dire qu’il faut passer à l’achat MAIS, comme on l’a martelé, entre cette approche très singulière et, de facto, clivante, et le prix, il faut absolument connaître l’œuvre avant de passer à la caisse…

[À propos]
Publié chez Urban Comics le 31 mai 2019.
Contient : Batman #686 + Detective Comics #853 + version crayonnée tirée de Batman Unwrapped by Andy Kubert
Nombre de pages : 152

Scénario : Neil Gaiman
Dessin : Andy Kubert
Encrage : Scott Williams
Couleur : Alex Sinclair

Traduction : Alex Nikolavitch
Lettrage : Cyril Bousquet (studio MAKMA)

Acheter sur amazon.fr : Batman – Les derniers jours du Chevalier Noir (17€)






Harley Quinn & les Sirènes de Gotham

Harley Quinn & les Sirènes de Gotham compile les dix premiers épisodes de la série (VO) Gotham City Sirens (qui en compta 26 au total), créée en 2009 par le scénariste Paul Dini (Mad Love, Paul Dini présente Batman) et le dessinateur (et parfois auteur) Guillem March (Catwoman, Joker Infinite…). Ce récit (complet au demeurant) a été publié en janvier 2020 chez Urban Comics, puis est ressorti dans un format souple un brin raccourci (deux épisodes en moins, conservant malgré tout un côté complet) en été 2021, lors d’une opération estivale à petit prix de l’éditeur (4,90 € !). Il se déroule juste après Le cœur de Silence (alias Paul Dini présente Batman – Tome 2 – dont ces Sirènes de Gotham sont quasiment un opus « 2.5 »).

 

[Résumé de l’éditeur]
Splendides, envoûtantes et dangereuses. Catwoman, Poison Ivy et Harley Quinn en ont assez de suivre les ordres, et elles sont prêtes à s’emparer d’une Gotham qui leur tend les bras depuis la disparition du Chevalier Noir, perdu dans les méandres du temps. C’est l’occasion pour elle de faire cause commune… mais pour combien de temps ?

[Début de l’histoire]
Catwoman se bat avec un malfrat de troisième zone vaguement dangereux mais ses récents problèmes au cœur la rendent très vulnérables. Secourue par Poison Ivy, cette dernière propose de cohabiter chez elle, ou plutôt chez le Sphinx dont elle squatte la résidence avec Harley Quinn.

Les trois femmes décident d’aménager ensemble et former une alliance éphémère. Quinn disparaît rapidement, obligeant Ivy et Catwoman à enquêter…

[Critique]
Les six premiers épisodes de ces Sirènes de Gotham (le « vrai » titre VO de la série, y avoir accoler Harley Quinn en prime n’est qu’un argument commercial, elle n’est pas davantage mise en avant que Catwoman ou Ivy) forment un ensemble très sympathique, qui fait la part belle à ce trio féminin d’antagonistes. Paul Dini y poursuit complètement ce qu’il avait instauré dans ces deux premiers tomes de Paul Dini présente Batman (La mort en cette cité puis Le cœur de Silence). Ainsi, l’histoire débute avec une Selina Kyle encore à peine remise de son opération au cœur et un Bruce Wayne qui n’est autre que Tommy Eliott (Silence) !

On peut arriver à comprendre tout ça si on n’est pas coutumier des précédents travaux de Dini mais c’est un peu rude, d’autant qu’étonnamment Urban Comics ne propose pas un accompagnement éditorial en avant-propos pour contextualiser la situation (le vrai Bruce Wayne a disparu, Dick le remplace en tant que Batman, Silence se fait passer pour Wayne, Damian apparaît pour ses premiers pas en tant que Robin, le Sphinx est un détective privé et non un criminel, etc.) – c’est d’autant plus surprenant que les Paul Dini présente Batman avaient déjà été publiés depuis plusieurs années par l’éditeur.

Passons. Dini reprend donc quelques éléments de son précédent run : on y croise le courtier, la charpentière et deux autres femmes « fortes » comme Zatanna (sur laquelle l’auteur avait excellé) et même Talia al Ghul. De quoi avoir une bande dessinée qui met (enfin) en avant des figures féminines plus ou moins familières pour une association séduisante (dans les deux sens) et qui fonctionne à peu près. En vrac (dans les six premiers chapitres donc) : le trio aménage ensemble puis Ivy et Catwoman se lance à la poursuite du kidnappeur d’Harley. Les choses se compliquent quand le Joker, très jaloux de l’émancipation récente d’Harley (personnage créé par Paul Dini justement, dans la série animée de 1992 et qu’il avait repris, entre autres, dans le chouette Mad Love), se met aussi en quête pour retrouver son amante.

Si Batman (Dick Grayson) apparaît furtivement, l’autre personnage majeur de ce volume est Le Sphinx ! Edward Nigma s’est repenti et reconverti en privé et aide ses alliées, à commencer par Catwoman avec qui il a toujours eu une relation particulière (Catwoman à Rome, Batman/Catwoman…). En résulte un titre où ces quatre habituels « vilain/es » gravitent dans Gotham. On apprécie surtout l’écriture sur Quinn, attachante et un peu perdue et Poison Ivy, qui n’en oublie pas ses convictions et son alliance « pragmatique » (elle n’estime pas que Selina et Harley sont ses amies mais uniquement des collègues).

Graphiquement, Guillem March s’en donne à cœur joie, rendant sexy chacune des sirènes, sans être jamais réellement vulgaire mais parfois trop gratuitement sans réel intérêt (il s’empirera – ou s’améliorera, c’est selon – quand il reprendra la série Catwoman version New52/Renaissance quelques années plus tard) – cf. quelques illustrations de cette critique ou la toute dernière image en bas en VO, admirez le fessier de Selina, la pose suggestive de Pamela (on vous épargne une personnage très très secondaire en string apparent et bas résilles déchirés apparents sans raisons logiques). Il officie sur ces six premiers chapitres (les meilleurs, nommés Union, Conversation entre filles, L’énigme du siècle ! (écrit par Scott Lobdell), Rencard, Le monstre du passé et Le dernier gag) et contribue à la lecture agréable de l’ensemble qui devrait ravir les fans d’Harley Quinn, Poison Ivy, Catwoman et/ou Le Sphinx, sans trop de difficultés.

Jose Villarrubia colorise avec toute une gamme riche et variée propre aux productions du genre, accentuant un côté « mainstream » bienvenu avec parfois Tomeu Morey ou March lui-même en remplacement. Si le titre est globalement accessible (passé le statu quo de départ singulier) et la lecture sympathique, l’ensemble est/sera vite oublié et, de facto, ne vaut peut-être pas les vingt-quatre euros demandés… On conseille davantage la version en bon plan qui se trouve régulièrement en occasion au prix initial voire moins cher (donc entre trois et cinq euros).

Dans cette version (ainsi que la normale), on a droit aux chapitres #7 et #8, le premier (Histoire de fêtes) est centré sur Quinn qui retrouve sa famille (dessiné par David Lopez – dans un style visuel moins abouti que March), le second (Vengeance verte) sur Ivy à son tour kidnappée (écrit et dessiné par March). En revanche, l’édition souple à bas prix ne contient pas les épisodes #9-10 (Les pièces du puzzle et Choisir son camp – Andres Guinaldo au dessin), tous deux se suivent et remettent le Sphinx au premier plan pour aider les Sirènes de Gotham à découvrir et déjouer un ennemi de troisième zone. Vous l’aurez compris, ces autres parties sont moins passionnantes.

En somme, Harley Quinn & les Sirènes de Gotham est une aventure suffisante pour les aficionados des trois anti-héroïnes ou même du Sphinx. Ceux souhaitant voir la suite de Paul Dini présente Batman devraient aussi y trouver leur compte. Sans jamais être trop « girly » (dans le sens péjoratif du terme) ni trop tomber dans le « male gaze », la fiction est sympathique avec un ou deux retournements de situation peu prévisible mais rendant l’ensemble moins épique que prévu. Dommage qu’Urban ne propose pas la suite même si les dix épisodes s’auto-suffisent.

[À propos]
Publié chez Urban Comics le 17 janvier 2020.
Contient : Gotham City Sirens #1-10 (#1-8 pour la version souple)
Nombre de pages : 256

Scénario : Paul Dini, Scott Lobdell, Guillem March
Dessin : Guillem March, David Lopez, Raul Fernandez
Encrage : Guillem March, Alvaro Lopez, Raul Fernandez
Couleur : José Villarrubia, Guillem March, Tomeu Morey, Ian Hannin

Traduction : Thomas Davier
Lettrage : Moscow Eye

Acheter sur amazon.frHarley Quinn & les Sirènes de Gotham (24€)