Suicide Squad : Kill the Justice League (2024)


Après un projet avorté de jeu vidéo Suicide Squad vaguement similaire prévu en 2016 – tombé dans l’oubli l’année suivante, dans la lignée du premier film Suicide Squad et de cette fameuse équipe au sein de l’ArkhamVerse, donc via les fins de Arkham Origins, Arkham Origins Blackgate ainsi que le film d’animation Assaut sur Arkham), Suicide Squad : Kill the Justice League est annoncé en 2020 et s’inscrit, in fine, dans l’univers de la saga Arkham (Asylum, City et Knight). Hélas, cet opus change radicalement aussi bien l’ambiance, le gameplay et la direction artistique des chefs-d’œuvre de Rocksteady, au détriment d’une immersion et d’une efficacité indéniable et propre à la sage culte. Explications.

Scindons distinctement l’histoire du reste. C’est à la fois l’un des points forts du titre (elle est cohérente bien que convenue) et l’un des points faibles, ou en tout cas clivants : désacraliser tous les super-héros et littéralement tuer (comme le nom du jeu) la Justice League tout en étant absolument pas digne de l’héritage de l’ArkhamVerse est extrêmement agaçant, frustrant, triste et énervant. En effet, Brainiac a pris le contrôle de Superman, Batman, Green Lantern et Flash (Aquaman est curieusement totalement absent). Seule Wonder Woman conserve sa psyché intacte et continue de combattre Brainiac. Pour l’aider, indirectement puis directement, la Suicide Squad part à l’assaut des troupes de l’extra-terrestre, sous les ordres d’Amanda Waller (et Rick Flag).

Pour les connaisseurs de la célèbre escouade, celle-ci se compose d’une formation classique : Deadshot, Harley Quinn, Captain Boomerang et King Shark. La Task Force X évolue dans une Metropolis vidée de ses habitants où quelques soldats de Brainiac sont établis ou surgissent par quelques vagues. Le Hall de Justice sert de QG, alternant avec les bureaux de Luthor ; tout le reste n’est pas vraiment à explorer (à part pour récupérer quelques trophées de l’homme-mystère) mais sert surtout à se balader dans la quête principale qui, sans surprise, enchaîne recherches d’indices (et d’espoir) et affrontements envers chaque membre de la Justice League.

Parmi les bons moments (de l’histoire toujours), il y a, forcément, ce fameux musée Batman qui retrace toute la chronologie des jeux Arkham, d’abord dans une session de cache cache nocturne assez flippante face au Chevalier Noir puis ensuite comme un simple visiteur (et gameur nostalgique). Au demeurant on apprécie la limpidité du scénario, simple mais efficace même si… comme évoqué plus haut, on a du mal à dire adieu (ou au-revoir) à l’ArkhamVerse sur cette note terriblement violente et qui ne reflète pas la dimension épique de la saga.

Si le jeu n’est pas tourné vers le Chevalier Noir uniquement (et évidemment), on comprend qu’après les différents évènements de la saga, les autres super-héros sont apparus petit à petit, que tout le monde connai(ssai)t l’identité de Batman (cf. fin d’Arkham Knight) et que la Ligue de Justice s’est donc formée (sans Aquaman). Du reste, impossible de ne pas penser aussi à l’évolution un peu similaire (dans les grandes lignes) du jeu vidéo Injustice 2 (où Brainiac était également le grand méchant). On retrouve aussi le Pingouin de l’ArkhamVerse et et une version réincarnée enfantine de Poison Ivy…

Passé ce scénario surprenant (dans le mauvais sens du terme), que reste-il à saluer ? La beauté des cinématiques, inéluctablement, le doublage français remarquable et une certaine difficulté d’affrontements contre les boss (Flash et Batman en tête). Tout le reste est malheureusement affreusement pauvre ou sans réel intérêt. La prise en main est un peu laborieuse, pas aidée par son introduction/tutoriel décousue. À l’instar de Gotham Knights, l’on peut jongler entre les quatre anti-héros à tout moment mais sans que cela soit particulièrement pertinent – au contraire, une fois l’un des membres de l’escouade parfaitement configuré et maîtrisé, autant rester avec lui jusqu’à la fin du jeu. L’équipe (et donc le joueur) avance dans un monde ouvert presque désertique face à des ennemis à l’IA modérée et sans renouvellement. Le côté répétitif de l’ensemble nuit fortement à l’ensemble, déjà peu aidé par ses décisions scénaristiques radicales…

Pour limiter la casse, Rocksteady avait anticipé du contenu supplémentaire sous forme de saisons reprenant les mêmes typologies de missions (qui s’articulent toujours autour des mêmes choses et, de facto, à affronter ou repousser des ennemis – en gros) mais avec une légère poursuite narrative se déroulant après la fin du jeu. La première propose un nouveau Joker sorti de nulle part (merci le multivers) et la seconde une miss Freeze (Victoria Frias!). Si les troisièmes et quatrièmes saisons ne sont pas annulées, elles mettront en avant Black Manta et Deathstroke. Peut-être qu’une ultime retournement de situation pourrait limiter la casse (de l’héritage de l’ArkhamVerse) mais cela semble difficile et, dans tous les cas, trop tard.

Si l’on prend parfois un peu de plaisir à jouer, on a surtout envie de rusher l’histoire principale et passer à autre chose. C’est une déception terrible après la folie parfaite des opus précédents – pourquoi ne pas avoir décorrélé ce jeu des autres ?! Incompréhensible… Comme souvent, on serait tenter de le conseiller quand son prix sera autour d’une dizaine de jeux histoire d’au moins savourer les cinématique et le doublage mais bon. Une vidéo complète sur YouTube fera tout aussi bien l’affaire.

 

Après l’excellente saga Arkham sur Batman, au tour de la Suicide Squad d’être mise en avant par le célèbre studio rocksteady (à ne pas confondre avec un projet synonyme et similaire qui devait sortir en 2017 en surfant sur le film du même titre développé par Warner Bros Montréal ; in fine ce sera en 2021 pour le « second » long-métrage).